Citations ajoutées le 06 juillet 2008

Maurice Chapelan

  1. Joli, de voir neiger sur le village ! Tout n'est pas si mal en ce monde : la neige aurait pu être noire.
    (Amours amour, p.21, Grasset, 1967)
     
  2. La coccinelle est un loup pour les pucerons.
    (Amours amour, p.27, Grasset, 1967)
     
  3. Entre deux toits, sur la portée des fils électriques, une étoile descend la gamme de l'espace.
    (Amours amour, p.28, Grasset, 1967)
     
  4. Les mimosas blancs du givre.
    (Amours amour, p.32, Grasset, 1967)
     
  5. [...] mon j'm'enfichisme [...]
    (Amours amour, p.57, Grasset, 1967)
     
  6. Casanier, et de plus en plus. Parce que j'aime à voyager en moi-même et que pour ce genre de voyage on est mieux assis chez soi.
    (Amours amour, p.57, Grasset, 1967)
     
  7. Me voir confirmé par autrui dans la bonne opinion que j'ai de moi est un sentiment agréable. J'y puise des forces neuves, sans me départir d'un scepticisme raisonnable sur les opinions des hommes - y compris la mienne.
    (Amours amour, p.62, Grasset, 1967)
     
  8. Bonnes gens, qui voudriez que je m'intéresse aux autres, donnez-moi l'exemple en vous intéressant à moi.
    (Amours amour, p.62, Grasset, 1967)
     
  9. Dès que nos enfants ont des enfants, ils se mettent à nous comprendre, nous qui ne les comprîmes pas mieux qu'ils ne comprennent les leurs - que les grands-parents comprennent... Il n'y aurait que demi-mal, si l'on pouvait concevoir, ou engendrer, ses petits-enfants soi-même.
    (Amours amour, p.69, Grasset, 1967)
     
  10. J'ai trop de respect pour Dieu - tel qu'il doit être, s'il est - pour croire ce que les prêtres en disent.
    (Amours amour, p.71, Grasset, 1967)
     
  11. Je préfère l'incompréhensible à l'incroyable.
    (Amours amour, p.71, Grasset, 1967)
     
  12. Je ne voudrais pas faire à mes amis le chagrin qu'ils m'enterrent.
    (Amours amour, p.73, Grasset, 1967)
     
  13. Je ne sais presque rien prendre au sérieux, parce que je suis profondément sérieux.
    (Amours amour, p.74, Grasset, 1967)
     
  14. Dans sa préface aux oeuvres de Chamfort, Albert Camus dit avec justesse :« Nos vrais moralistes n'ont pas fait de phrases, ils ont regardé et se sont regardés. Ils n'ont pas légiféré, ils ont peint. »
    (Amours amour, p.77, Grasset, 1967)
     
  15. Les pensées, même abstraites, doivent rappeler que le cerveau est irrigué par le coeur.
    (Amours amour, p.79, Grasset, 1967)
     
  16. Qui vous loue à côté vous cloue.
    (Amours amour, p.83, Grasset, 1967)
     
  17. Chacun ne voit d'une oeuvre que ce, et qu'il en aime ou déteste, qui peut ne pas être l'essentiel. Politique, religion, philosophie, sentiments, déclenchent des réactions passionnelles qui vont de l'aveuglement au mirage, et l'écrivain, lisant ses critiques, ne doit pas s'étonner d'y découvrir des choses qu'il n'avait pas mises dans son livre, ni parfois d'y chercher en vain ce qu'il croyait y avoir mis. Chaque lecteur est un critique, mais plus serein, qui n'a pas le souci d'un article avec l'obligation d'y briller.Enfin, comme l'a écrit Lichtenberg : « Un livre est un miroir : si un singe s'y regarde, ce n'est évidemment pas l'image d'un apôtre qui apparaît. » Avis aux auteurs, surtout qui parlent d'eux-mêmes.
    (Amours amour, p.84, Grasset, 1967)
     
  18. Les gens qui lisent tout, voient tout, entendent tout, assistent à tout et savent tout, sont pleins de tout et vidés d'eux-mêmes.
    (Amours amour, p.84, Grasset, 1967)
     
  19. Le romantisme est un état d'âme ; le classicisme, un état d'esprit.
    (Amours amour, p.84, Grasset, 1967)
     
  20. Les écrivains doivent connaître la grammaire comme les escrocs le code.
    (Amours amour, p.88, Grasset, 1967)
     
  21. Il y a des oeuvres pour lesquelles le silence des contemporains est annonciateur de la gloire posthume. Cette pensée console les génies et les imbéciles.
    (Amours amour, p.96, Grasset, 1967)
     
  22. La soif de notoriété altère la gloire.
    (Amours amour, p.97, Grasset, 1967)
     
  23. L'extension donnée par notre temps à la notion du beau a fini par y annexer l'ennui et la laideur.
    (Amours amour, p.97, Grasset, 1967)
     
  24. Si je n'écrivais pas, je n'aurais rien à dire.
    (Amours amour, p.107, Grasset, 1967)
     
  25. Distillons, n'alambiquons pas.
    (Amours amour, p.110, Grasset, 1967)
     
  26. Plaisir de déshabiller sa pensée, de lui arracher les mots qui la masquent, quelle que soit la séduction de leur parure, pour en connaître nue la chair.
    (Amours amour, p.110, Grasset, 1967)
     
  27. Peu d'écrivains que je préfère, plutôt des livres : là, des pages ; ici, des phrases, ou parfois des mots.
    (Amours amour, p.114, Grasset, 1967)
     
  28. Je lis et j'écris avec mes oreilles.
    (Amours amour, p.116, Grasset, 1967)
     
  29. J'ai toujours été dévoré d'une ambition terrible : me plaire.
    (Amours amour, p.127, Grasset, 1967)
     
  30. Je suis un fantaisiste, un dilettante, un amateur et n'accepterais pas d'être autre chose.
    (Amours amour, p.127, Grasset, 1967)
     
  31. Bien dire et laisser faire.
    (Amours amour, p.127, Grasset, 1967)
     
  32. Quand on a compris que les gens ont besoin de ne rien comprendre pour croire, il reste à choisir ses dupes selon sa spécialité.
    (Amours amour, p.130, Grasset, 1967)
     
  33. Pendant que je lis au fond d'un jardin, une petite fille m'apporte triomphalement, sur une feuille de platane, une libellule morte.
    - Que vas-tu en faire, lui dis-je ?
    - La garder, me répond-elle. J'ai une boîte.
    Elle la met en effet dans une boîte, qu'elle abandonne bientôt sur le sable.
    Désirs, plaisirs, goûts, passions sont souvent pour nous la libellule morte de la petite fille.

    (Amours amour, p.130, Grasset, 1967)
     
  34. Nous nous ressemblons par la bête, nous différons par le dompteur.
    (Amours amour, p.131, Grasset, 1967)
     
  35. La terre est devenue trop petite pour la méchanceté des hommes.
    (Amours amour, p.132, Grasset, 1967)
     
  36. Savoir vieillir est facile : on n'a plus l'embarras du choix.
    (Amours amour, p.135, Grasset, 1967)
     
  37. Ce mot de Suarès, dans ses Ignorées du destinataire : « Le néant, c'est l'univers sans moi. »
    (Amours amour, p., Grasset, 1967)
     
  38. La mort pouvant nous surprendre à tout âge, il n'est jamais trop tôt pour éviter d'y penser.
    (Amours amour, p.137, Grasset, 1967)
     
  39. La religion est la fausse monnaie du désespoir.
    (Amours amour, p.137, Grasset, 1967)
     
  40. « Je remarque que les gens les plus distingués et les meilleurs ne professent, en général, aucune religion, mais qu'ils sont prêts à donner leur amitié aux meilleurs individus de toutes les religions. » (Samuel Butler, Carnets).
    (Amours amour, p.139, Grasset, 1967)
     
  41. Les religions n'ont jamais fait que se haïr, se torturer, s'exterminer les hommes, de l'une à l'autre ou à l'intérieur de chacune. Comment ne pas en conclure que, si elles n'existaient plus, l'une des causes les plus furieuses de notre malheur disparaîtrait avec elles ?
    (Amours amour, p.140, Grasset, 1967)
     
  42. Je suis prêt à voir Dieu partout où il n'y a pas un prêtre qui me le cache.
    (Amours amour, p.141, Grasset, 1967)
     
  43. Je me contenterais de connaître Dieu de vue.
    (Amours amour, p.141, Grasset, 1967)
     
  44. Il faut sortir de l'église pour voir le ciel.
    (Amours amour, p.141, Grasset, 1967)
     
  45. L'évidence est une illusion irréfutable.
    (Amours amour, p.143, Grasset, 1967)
     
  46. La religion répond aux questions insolubles, la philosophie les rumine, la sagesse les oublie.
    (Amours amour, p.144, Grasset, 1967)
     
  47. Le normal est un mythe : il y a le rare et le répandu.
    (Amours amour, p.192, Grasset, 1967)
     
  48. Être aimé, c'est être beau.
    (Amours amour, p.192, Grasset, 1967)
     
  49. La naissance ou le mort d'un amour met en cause la création tout entière.
    (Amours amour, p.192, Grasset, 1967)
     
  50. La plus grande preuve qu'on puisse donner, et se donner, de son amour, est de faire passer son amour-propre après lui.
    (Amours amour, p.193, Grasset, 1967)
     
  51. Plus de gens meurent ou tuent par amour-propre que par amour.
    (Amours amour, p.193, Grasset, 1967)
     
  52. L'amour vole aux amants les heures qu'ils ne passent pas ensemble : séparés, on ne vit plus, on attend de vivre.
    (Amours amour, p.193, Grasset, 1967)
     
  53. L'absence est un arsenic : un peu fortifie l'amour, beaucoup le tue.
    (Amours amour, p.193, Grasset, 1967)
     
  54. Il faut beaucoup d'amour pour aller jusqu'au bout d'un peu.
    (Amours amour, p.194, Grasset, 1967)
     
  55. Quand la fièvre de ses commencements est tombée, il arrive que l'amour meurt. Ce n'était pas l'amour.
    (Amours amour, p.194, Grasset, 1967)
     
  56. La chair et l'esprit ne sont conciliables que par le coeur.
    (Amours amour, p.195, Grasset, 1967)
     
  57. Chaque être nous marque par ce qu'il nous a révélé de nous-même en se révélant à nous.
    (Amours amour, p.196, Grasset, 1967)
     
  58. La vieillesse nous prend par la peau du cou.
    (Amours amour, p.203, Grasset, 1967)
     
  59. Nos souvenirs sont le revers de nos espoirs.
    (Amours amour, p.203, Grasset, 1967)
     
  60. Variété dans l'unité : nul besoin de changer de femme à qui sait changer la sienne.
    (Amours amour, p.209, Grasset, 1967)
     
  61. [En propos des femmes]
    Qu'on soit jaloux les agace ; qu'on ne le soit pas les vexe. Ne l'être pas et faire semblant de l'être à propos.

    (Amours amour, p.210, Grasset, 1967)
     
  62. S'étendre est plus facile que s'entendre, et s'étreindre que s'atteindre.
    (Amours amour, p.218, Grasset, 1967)
     
  63. Je t'aime, tu t'aimes, on sème.
    (Amours amour, p.218, Grasset, 1967)
     
  64. Entre amants, le tact est de savoir en manquer.
    (Amours amour, p.221, Grasset, 1967)
     
  65. Séduction des hommes mûrs : savent enfin, peuvent encore.
    (Amours amour, p.221, Grasset, 1967)
     
  66. Je pense que toute vérité est bonne à dire, à la condition d'être bien dite, et qu'on n'en saura jamais trop sur notre nature. Je m'appréhende moi-même comme un tout, où le meilleur et le pire cohabitent, étayés l'un par l'autre, et ne puis accepter ici de l'imiter mon choix qu'aux mots qu'il faut pour les peindre.
    (Amours amour, p.228, Grasset, 1967)
     
  67. Que le bonheur qu'on prend ne soit pas du malheur qu'on donne : je n'ai pas d'autre morale.
    (Amours amour, p.228, Grasset, 1967)
     

  
Louis-Philippe de Ségur

  1. La plus frivole industrie nous venge du luxe, de la mollesse et de l'oisiveté, en les forçant de payer des impôts aux hommes laborieux.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXI), p.42, Alexis Eymery,1823)
     
  2. Une belle vieillesse fait encore mieux quelquefois que de couronner une belle vie; souvent elle en a expié et réparé une mauvaise: comme on voit des monuments devenir plus vulnérables dans leur vieillesse, tandis que d'autres se dégradent par le temps.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXII), p.42, Alexis Eymery,1823)
     
  3. La vieillesse chagrine est le résultat d'une jeunesse mal cultivée; la saine vieillesse, qui termine une sage existence, est le bon fruit dans sa maturité.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXIII), p.42, Alexis Eymery,1823)
     
  4. La vieillesse, si hideuse aux regards de beaucoup de gens qui l'ont atteinte sans s'en douter, n'est pour le sage qu'un port tranquille où, se trouvant à l'abri des orages et des périls, il aime à se rappeler ceux du voyage.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXIV), p.43, Alexis Eymery,1823)
     
  5. Une belle vieillesse, loin d'inspirer de l'effroi et d'exciter le dégoût, attire si bien l'amour et commande tellement le respect, que l'imagination religieuse des hommes l'a prise pour modèle, lorsqu'elle a voulu représenter l'Éternel.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXV), p.43, Alexis Eymery,1823)
     
  6. La vieillesse de l'homme qui a mal vécu est l'état le plus déplorable; le présent le tourmente, le passé l'importune, l'avenir l'effraie: cette vieillesse est pire que la boîte de Pandore, car elle renferme tous les maux et ne conserve pas l'espérance.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXVI), p.43, Alexis Eymery,1823)
     
  7. Une heureuse vieillesse est le fruit d'une sage jeunesse: l'une a préparé à l'autre de nobles voluptés.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXVII), p.44, Alexis Eymery,1823)
     
  8. La vieillesse qui termine une vie obscure n'inspire que de la pitié; celle qui couronne une vie utile, vertueuse, illustre, commande la vénération.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXVIII), p.44, Alexis Eymery,1823)
     
  9. Le vieillard frivole et vicieux est celui qui ressemble le plus à l'enfant: mais c'est un enfant disgracieux; son babil bégaie, sa légèreté radote, son sourire grimace; ne pouvant refaire les folies et les étourderies de sa jeunesse, il les remâche et les raconte pesamment. Sur ses rides on devrait voir avec respect les leçons de l'expérience gravées, on ne reconnaît que la sottise et le vice qui ont pris leur pli; ses cheveux blancs promettaient la sagesse, ses paroles et ses actions ne montrent que la folie. Beaucoup d'hommes sont de vieux enfants.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXXXIX), p.44, Alexis Eymery,1823)
     
  10. Les vieillards chagrins sont ceux que leur mémoire tourmente, et qui regrettent une vie mal dépensée.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXL), p.45, Alexis Eymery,1823)
     
  11. Lorsque vous voyez un vieillard aimable, doux, égal, content et même joyeux, soyez certain qu'il a été dans sa jeunesse juste, bon, généreux et tolérant; sa fin ne lui donne ni regret du passé ni crainte de l'avenir, et son couchant est le soir d'un beau jour.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLI), p.45, Alexis Eymery,1823)
     
  12. Par la force on ne fait que vaincre; c'est par la générosité qu'on soumet.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLII), p.46, Alexis Eymery,1823)
     
  13. Le génie seul peut triompher de toutes les erreurs, mais non de l'envie; en l'éclairant, il l'enflamme.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLIII), p.46, Alexis Eymery,1823)
     
  14. Il existe deux genres de gaîté: l'une est vive, légère, étourdie, bruyante, emportée, c'est celle de la jeunesse; elle fatigue par ses éclats, et, comme un feu d'artifice, elle laisse après elle dans l'âme quelque chose de silencieux et de triste. L'autre est plus calme, plus douce, plus constante; c'est une illumination qui chasse les ombres de la nuit, et qui nous réjouit en nous éclairant. Cette gaîté est un charme particulier aux vieillards bons, aimables, instruits, vertueux, indulgents: on croit voir en elle le sourire d'une bienveillante expérience et d'une conscience satisfaite.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLIV), p.46, Alexis Eymery,1823)
     
  15. La justice est si nécessaire aux hommes qu'ils se croient obligés d'emprunter son voile révéré pour couvrir leurs actions les plus injustes; et les gouvernements prennent tous son langage dans leurs manifestes au moment même où l'ambition seule dirige leurs entreprises.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLV), p.47, Alexis Eymery,1823)
     
  16. Le grand défaut qui paraît inhérent à la nature humaine, c'est d'aimer ce qui est tranchant, de donner dans les extrêmes, de se plaire dans les excès, et de fuir cette modération et ce juste milieu où se trouvent cependant la vérité, la justice et la sagesse.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLVI), p.47, Alexis Eymery,1823)
     
  17. Aucun éloge ne doit paraître mieux mérité que celui qui sort de la bouche d'un ennemi.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLVII), p.48, Alexis Eymery,1823)
     
  18. Sans les moeurs les institutions ne sont rien; les plus libérales ne font, dans un temps de corruption, que légaliser la tyrannie.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLVIII), p.48, Alexis Eymery,1823)
     
  19. On pourrait, en se servant adroitement de nos craintes et de notre vanité, nous gouverner par les moeurs plus facilement que par les lois.
    (Pensées, maximes, réflexions (CXLIX), p.48, Alexis Eymery,1823)
     
  20. Les coutumes survivent longtemps à la chute des États et à la destruction des gouvernements.
    (Pensées, maximes, réflexions (CL), p.49, Alexis Eymery,1823)
     
  21. Les coutumes les plus absurdes sont celles qui résistent le plus longtemps à la raison.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLI), p.49, Alexis Eymery,1823)
     
  22. La mode est une souveraine dont les ordres les plus gênants n'éprouvent jamais d'opposition; nul ne réclame contre ses décrets. Ses fantaisies sont des lois révérées, ses caprices sont des oracles; elle change à son gré les moeurs; elle se moque des convenances, et fait ployer la sévère raison sous la marotte de la folie. Elle règle le bien et le mal, fait et défait les réputations, donne de la beauté aux laides, de l'esprit aux sots, de la science aux charlatans, et résiste impunément aux remontrances de la justice, aux conseils de la sagesse, et aux préceptes mêmes de la religion. Son unique but est de plaire; son essence est le changement; elle récompense par des applaudissements et punit par le ridicule: voilà son unique force et ses seules armes.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLII), p.49, Alexis Eymery,1823)
     
  23. On ne peut résister à la mode : c'est un torrent qui entraîne tout ; il faut le laisser courir et s'épuiser. Opposer la raison à la mode, c'est folie.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLIII), p.50, Alexis Eymery,1823)
     
  24. Ce qui paraît le plus choquer l'orgueil, c'est l'égalité : c'est précisément ce qui le rend à la fois si ridicule et si haïssable ; il révolte, par ses superbes et injustes dédains, les vanités de tous les hommes, et soulève d'innombrables légions d'ennemis contre lui.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLIV), p.50, Alexis Eymery,1823)
     
  25. Le redoutable poison de l'orgueil est toujours caché dans la coupe de la gloire.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLV), p.51, Alexis Eymery,1823)
     
  26. Rien ne s'abaisse si bas que l'orgueil qui veut s'élever.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLVI), p.51, Alexis Eymery,1823)
     
  27. La vanité, toujours imprévoyante dans le repos, présomptueuse dans la prospérité, est toujours faible dans le péril.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLVII), p.51, Alexis Eymery,1823)
     
  28. La modestie est la qualité que nous aimons le mieux dans notre prochain : nous la lui abandonnons avec plaisir, et nous la louons franchement. Nous l'admirons sans l'imiter ; et bien que nous l'aimions généralement, peu de gens se soucient de prendre ce moyen pour se faire aimer.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLVIII), p.52, Alexis Eymery,1823)
     
  29. La fausse modestie ajoute toujours aux éloges qu'elle donne aux autres et aux aveux qu'elle fait de ses défauts un certain mais qui la caractérise. La vraie modestie a, au contraire, un naturel et une bonhomie inimitables.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLIX), p.52, Alexis Eymery,1823)
     
  30. La modestie n'est pas incompatible avec la fierté.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLX), p.52, Alexis Eymery,1823)
     
  31. Dans la plupart des places lucratives pour les fripons, l'honnête homme se ruine.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXI), p.53, Alexis Eymery,1823)
     
  32. La science allonge la vie ; elle y ajoute les siècles passés, et nous y fait vivre avec les hommes qui les ont illustrés, et dont les entretiens et les secours ne lui manqueront jamais : le temps n'a détruit que leur corps, leur esprit vit toujours.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXII), p.53, Alexis Eymery,1823)
     
  33. Pour les États, comme pour les hommes, la soif des richesses s'irrite en se satisfaisant.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXIII), p.53, Alexis Eymery,1823)
     
  34. L'extrême pauvreté éteint l'amour de patrie, et dispose également à la servitude et à la sédition.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXIV), p.53, Alexis Eymery,1823)
     
  35. Une heure n'est pas la même pour l'homme qui dort, pour l'homme qui veille, pour l'homme oisif, pour l'homme occupé, pour celui qui jouit, pour celui qui souffre: si l'on est ainsi presque maître de changer la durée du temps par son emploi, on l'est encore plus de fixer son utilité.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXV), p.54, Alexis Eymery,1823)
     
  36. Le temps ordinairement explique tout.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXVI), p.54, Alexis Eymery,1823)
     
  37. Le présent est la seule partie du temps qui nous appartienne; le passé n'est plus rien pour nous, et l'avenir ne nous sera peut-être pas donné: à quoi peut nous servir au bord de la tombe de regretter notre berceau?
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXVII), p.54, Alexis Eymery,1823)
     
  38. Quand la vérité ne choque pas, elle excite l'admiration et la porte jusqu'à l'enthousiasme.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXVIII), p.55, Alexis Eymery,1823)
     
  39. L'homme qui sait dire la vérité aux rois est un phénomène rare; sa mort est une perte irréparable.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXIX), p.55, Alexis Eymery,1823)
     
  40. Il y a bien peu de gens pour qui la vérité ne soit pas une sorte d'injure.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXX), p.55, Alexis Eymery,1823)
     
  41. Tout écrivain moral doit se résoudre, s'il veut être lui, à déguiser ou du moins à parer la vérité : quand on se borne à la faire respecter, on lui rend un faible service ; l'essentiel est de la faire aimer, c'est le vrai moyen d'étendre son empire.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXXI), p.55, Alexis Eymery,1823)
     
  42. La vérité, sur les ailes du temps, marche, s'avance ; et son flambeau, qui chasse les ombres de l'erreur, brûle tous les imprudents qui repoussent la lumière, et qui osent s'en approcher pour l'éteindre.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXXII), p.56, Alexis Eymery,1823)
     
  43. Soutenir la vérité par la violence, c'est lui prêter les armes du mensonge et de l'erreur.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXXIII), p.56, Alexis Eymery,1823)
     
  44. Tout sur la terre change, s'accroît, mûrit, se perfectionne, vieillit, tombe et se renouvelle sous d'autres formes.
    (Pensées, maximes, réflexions (CLXXIV), p.56, Alexis Eymery,1823)
     

Joseph Bialot

  1. La bicyclette, la natation, l'adhésion à un Parti et l'amour ont ça de commun avec la religion... Une fois maîtrisé ça ne s'oublie jamais ! On prie sans croire, on pédale sans grâce, on nage sans force, on adhère sans passion, on baise sans plaisir... Des automates, voilà ce que nous sommes.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.12, Métailié, 2008)
     
  2. [En parlant de la solitude.]
    Ce vide intégral, celui que ressent l'homme devenu le centre du monde parce qu'il n'existe plus pour les autres. Être le pivot de rien, c'est ça la solitude.

    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.15, Métailié, 2008)
     
  3. Le terrible n'est pas la disparition de l'âme, ce pseudo-leurre de l'immortalité inventé par les clercs, encore moins la dissolution du corps dévoré par les vers, faut bien que chacun vive, n'est-ce pas, ce qui est terrible c'est la fonte de la mémoire, le flux qui emporte un million de souvenirs, l'expérience perso noyée dans le néant. Les idées, la foi, le talent, l'amour ne sont plus que des grains de sable que la mer emporte. Vieillir... c'est devenir indifférent.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.25, Métailié, 2008)
     
  4. La communication... le sas entre le vide et le rien. Paraît que ça s'enseigne à l'université.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.27, Métailié, 2008)
     
  5. Je me suis toujours dit qu'il y a trois types de malfaisants sur la planète : le juriste, le psy et le con. Si je veux commettre une saloperie, je trouverai toujours un juriste pour justifier mon acte, un psy pour l'excuser et un con pour me pardonner.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.28, Métailié, 2008)
     
  6. C'est un truc pire que la haine, l'indifférence, pire. En haïssant quelqu'un, tu lui laisses un sentiment d'existence.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.39, Métailié, 2008)
     
  7. Heureusement qu'en vieillissant tu deviens sourd, ça t'évite au moins d'entendre des conneries, pas de les dire, hélas !
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.89, Métailié, 2008)
     
  8. Un chorégraphe ne fait pas autre chose que de récupérer l'élégance du mouvement, son charme, pour le transmuter en rythme.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.93, Métailié, 2008)
     
  9. Chaque amant possède deux visions de sa compagne, la vraie, celle qu'il touche, caresse, embrasse, et l'autre, celle qui n'existe que dans un coin de son imagination. Sans cette double image, aucun amour n'existerait.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.168, Métailié, 2008)
     
  10. C'est quand même un sacré remontant, le tabac ; si la communication existe, c'est dans ce geste simple, tirer une bouffée d'une clope et la repasser à son voisin.
    (Le jour où Albert Einstein s'est échappé, p.170, Métailié, 2008)