Augusta Amiel-Lapeyre
18??-19??
  1. Chaque âme rend un son particulier. C'est la rencontre de ces sons qui produit l'harmonie.... ou le désaccord.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  2. Les heures qui peuvent contenir les plus grandes choses sont les plus courtes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  3. Le confessionnal c'est la boîte aux lettres de la conscience.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  4. Ne cherche pas à abriter tes maux près des grandes joies... ni des grandes peines.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  5. Le psychologue est un bactériologue.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  6. Au déclin de la vie, les gradins qui invitent l'homme à descendre ne sont pas d'égale hauteur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.7, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  7. La solitude atteint l'homme à l'âge où il la subit avec le plus de difficulté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  8. Ceux-là qui sont aux deux extrêmes de l'échelle sociale peuvent avoir de la désinvolture dans leurs gestes et leurs attitudes ; on excuse les uns parce qu'ils sont « les grands », les autres parce qu'ils sont « les petits ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  9. C'est quand le corps est entre quatre murs que l'esprit fait ses plus lointains voyages.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  10. Entre femmes il est de ces petites amitiés qui prennent comme la poudre et s'éteignent avec la même rapidité : ce sont les fusées du coeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  11. À la campagne, les jours de pluie et de bourrasque, si notre oisiveté le permet, nous abritons notre ennui au fond de notre « Moi »... où d'ailleurs nous trouvons parfois d'autres rafales.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  12. Le sens chrétien est l'oxygène de l'âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.8, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  13. À la rencontre des douleurs morales, nos souffrances physiques recherchent l'appui des vieux murs familiers.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  14. Les « nouveaux riches » de la pensée puisent sans discernement dans les trésors littéraires du passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  15. Triturer la pâte des potins sans y incorporer des antiseptiques c'est intoxiquer la société.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  16. L'amitié mal cultivée est envahie par les broussailles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  17. Les animaux choyés ne font que bénéficier des désillusions de l'homme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  18. Auprès de grandes secousses morales le corps reprend sa marche, mais l'âme ne suit pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  19. La superstition s'attache aux natures simples à la façon de ces plantes sauvages qui s'enroulent autour d'un arbuste.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.9, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  20. Certains n'ont pas de défaillances ; ils n'ont que des lacunes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  21. L'enfance bercée par nous, berce parfois aussi notre peine.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  22. Le malheureux médecin « Tant pis » était un provincial, mais son confrère « Tant mieux » était né à Paris.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  23. Examiner - quand on le peut - les circonstances qui entourent les fautes des autres c'est presque les excuser.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  24. Il y a des larmes qui sont le dilettantisme de la douleur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  25. Le soupir est le prolongement attristé de la parole... ou du silence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  26. Le talent est le produit d'une intelligence supérieure appliquée à un labeur. Le génie est une sorte d'étincelle divine.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.10, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  27. À une heure de notre existence, nous croyons avoir des ailes. La vie les brise : et nous montre qu'elles sont destinées seulement à un monde prochain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  28. Les prophètes de malheur commencent parfois ainsi leur prédiction : « Un beau jour... »
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  29. Dans l'océan des vulgarités les pensées nobles apparaissent comme des îles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  30. La souffrance de ceux qui vieillissent est le résultat du désaccord qui s'établit entre le corps et l'âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  31. Nous tendons dans le vide de multiples fils d'araignée pour former la toile qui pourrait retenir le bonheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  32. Nos joies ne sont pas cette gerbe de fleurs serrées que voudraient enlacer nos bras douloureux. Elles sont les rares fils d'or que nous arrachons à la trame sombre de nos jours.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.11, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  33. La serviabilité est la contrefaçon de la bonté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  34. On endort les maux de l'enfant avec des chants. L'homme soulage les siens par de cris.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  35. Les pensées qui ont le plus de force sont encloses dans l'inexprimé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  36. L'homme éveillé choisit ses rêves. Celui qui dort les subit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  37. Alignées le long des rues, dans la petite ville, les maisons se connaissent et de leurs yeux vitrés s'entreregardent. Maisons de Paris, vous ignorez ces petites intimités et n'êtes que des isolées dans vos entassements.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  38. L'homme - je n'ai pas dit la femme - exerce sa malignité sur l'infériorité intellectuelle de son semblable ; mais il accorde un pardon inavoué à ses fautes morales.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.12, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  39. Quand notre esprit peut se mouvoir dans la phrase avec souplesse et élégance, soyons satisfaits de la cage que nous lui construisons et ne demandons pas à la rime de venir y ajouter d'autres barreaux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  40. L'on ne rachète par les méfaits de l'égoïsme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  41. Nous vivons, nous agissons comme si notre vie terrestre devait durer toujours. Cette impression d'éternité est donnée par notre âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  42. Ceux qui peuvent dématérialiser toutes leurs ambitions tiennent la clef du bonheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  43. Savoir donner nous confère un privilège exquis, puisqu'il force les coeurs à nous dire : « Entrez. »
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  44. Comme les croix, les ailes sont à la mesure de chacun.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.13, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  45. L'amour est la nostalgie inconsciente du ciel.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  46. Ceux chez qui règnent la mesure et l'harmonie, ne savent pas quel voisinage leur serait le plus incommode : celui des avares, ou celui des prodigues.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  47. Dans notre Midi, le vin est souvent une lie dans laquelle on s'enlise.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  48. Quand les ailes ont poussé aux petits oiseaux, le nid se désagrège.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  49. Celui qui plante un clou dans l'appartement où il s'installe croit toujours plus ou moins y fixer le bonheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  50. C'est déjà aimer Dieu que d'aimer ceux qui l'aiment.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  51. Il n'appartient pas aux seuls aviateurs de regarder la terre de très haut.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.14, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  52. Aux abords d'une gare, j'entends dans la nuit profonde le cri strident d'une locomotive en partance. Ce cri est lugubre et ressemble à l'appel désespéré d'un être en détresse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.15, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  53. Quand les mots affectueux de nos amis nous sont transmis par des indifférents ou des hostiles, ils nous paraissent déformés.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.15, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  54. Ne trouvez-vous pas souvent lassante la compagnie perpétuelle de cet être que chacun de nous appelle « Moi » ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.15, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  55. On voit souvent, depuis la guerre, des yeux de femme contenir tant de douleur que leurs paupières paraissent envelopper un reliquaire.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.15, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  56. Nous ne pouvons nous confier pleinement qu'à Dieu seul.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.15, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  57. Ne dédaigne pas les phrases, les pensées qui semblent usées par le temps. Fouille-les : Elles te montreront la vérité en un relief puissant.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  58. La poésie, c'est souvent « le mal du pays ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  59. Pour l'étude d'une âme, il n'est pas de petit détail.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  60. L'homme dit du bien de son sexe par amour-propre, du mal de l'autre... par amour tout court.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  61. Les voyages, la maladie, mettent nos défauts à nu.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  62. Nous demandons à nos amis la franchise absolue et nous donnons un sens péjoratif à leurs paroles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  63. L'ennui c'est la vie revêtue d'un costume gris.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  64. Un encrier est un univers : il contient en puissance tous les modes de la pensée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  65. Veux-tu m'entendre et recevoir le trop-plein de mon âme ?... Mais la tienne pourra-t-elle le contenir ?...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.16, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  66. Avec des « Si » on voudrait construire, avec des « Mais » on démolit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  67. Les portes des vieilles maisons, comme celles des vieux coeurs, sont les plus accueillantes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  68. L'aveugle doit substituer aux horizons de la terre ceux de l'âme, et créer en lui un être dématérialisé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  69. Bien des aveugles sont des clairvoyants, mais combien plus de clairvoyants sont des aveugles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  70. La bonté est remplacée chez l'avare par la serviabilité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  71. Seigneur, où placez-vous ces étoiles éteintes qui voulurent briller loin de votre soleil ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.17, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  72. Ceux qui ont la prétention de tout savoir n'ont pas souvent le talent de tout comprendre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  73. C'est si bon de donner aux bons que, cet acte n'étant guère accompagné de mérite, Dieu nous oblige aussi à donner aux méchants.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  74. Jadis, la femme ne se croyait vraiment chez elle que devant son armoire ouverte. Aujourd'hui, son armoire c'est le monde entier.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  75. Comme d'un vêtement démodé dont ils rougiraient, ceux qui ne sont plus jeunes ne parlent de leur passé qu'avec réserve.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  76. Est-ce un vice de conformation ? certaines bouches n'articulent « Merci » qu'avec difficulté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  77. Celui qui se noie, ne trouvant pas de branche à saisir, chercherait à s'accrocher à une toile d'araignée !
    (Pensées sauvages - 2e série, p.18, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  78. Le poète a sans doute du divin dans les yeux, puisqu'il voit de la beauté à tout, même à l'homme déchu.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  79. La souffrance aiguë disperse nos possibilités et réduit en parcelles tout notre être moral.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  80. La vieillesse frappe longtemps à la porte des retardataires avant qu'on lui dise : « Entrez » ; mais une fois introduite, elle est maîtresse de la place.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  81. L'activité qui en ce moment agite le monde est alimentée en partie par les besoins factices que l'homme et surtout la femme se sont créés.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  82. Les croix dorées sont généralement en plomb.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  83. Bien des femmes écrivains ont l'orgueil des parvenus.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.19, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  84. Le bienfait de la solitude contrebalance-t-il le mal qu'elle engendre ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  85. Même lorsqu'elle n'est vêtue que de haillons, la femme considère ses haillons.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  86. Des maladies microbiennes de l'âme, la médisance est la plus contagieuse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  87. Silence, science, fraternisent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  88. Le poète semble avoir frôlé la divinité et gardé son image.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  89. La femme moderne a ouvert si bas son corsage que son coeur s'est échappé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  90. Se recueillir profondément dans la solitude c'est donner une âme à cette solitude.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  91. Le « nouveau parisien » est un voyageur qui a laissé au fond de sa malle ce qu'il avait apporté de plus beau... Un jour il se décide à l'exhumer. Paris admire alors ce qu'il reçoit et n'aurait pu donner.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.20, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  92. Ceux qui sentent leur vulgarité cherchent à la voiler par la préciosité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.21, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  93. Il y a des âmes fermées à double tour qui ne donnent jamais la clef de leur serrure. Pourtant elles ne renferment rien de précieux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.21, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  94. Vieillesse étrange, mystérieuse, on voudrait te fuir... on voudrait t'atteindre...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.21, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  95. La société qui monte, donne à celle qui stationne des marques de politesse plus grandes que jadis, mais bien moins de déférence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.21, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  96. Notre précipitation semble souvent nous faire hâter la fuite des heures douces ; comme si nous étions sûrs de les retrouver le lendemain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.21, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  97. Nos jours se superposent comme les feuilles d'un missel ; le texte change, mais ce qui l'inspire demeure.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  98. Bien des hommes ne perdent que très tard leur amour-propre de potache.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  99. La main qui édifie peut aussi détruire.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  100. La peine emprisonnée en nous trouve souvent en nous-mêmes un gardien trop vigilant.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  101. Le coeur de l'homme ?... Une étincelle du coeur de Dieu participant de son éternité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  102. C'est dans le bois dur que se produisent les fentes profondes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  103. La méchanceté la plus terrible est celle qui est triturée dans la bêtise.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.22, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  104. L'âme de l'homme ne s'enrichit que tard de toute la tendresse et la constance de la femme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  105. Pareille à un chien de chasse racé, la femme mauvaise est douée d'un flair particulier pour découvrir un bonheur caché et le détruire.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  106. L'approbation de certains nous attriste ; la désapprobation de certains autres... nous ravit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  107. En médecine, la doctoresse ne peut se défendre, dans son étude psychologique de la femme, de l'étudier en femme, de fouiller curieusement dans son moi intime.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  108. Beaucoup lisent pour dire : « J'ai lu ». Et d'autres pour dire « J'ai pensé ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  109. Les saints ont aimé Dieu et compris l'homme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  110. La connaissance de Dieu échappe à notre âme enfermée dans la matière, mais ce qui s'exhale de son essence, nous le sentons parfois et nous disons « C'est Dieu ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.23, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  111. La banalité, c'est le vêtement de sortie des timides.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  112. La femme qui ne peut se passionner pour un être s'exalte pour une idée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  113. Nous ne confions volontiers le trop-plein de notre âme qu'à ceux que nous connaissons bien... ou à des inconnus.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  114. D'où est ton âme ? du Nord ou du Midi ? de la montagne ou de la plaine ?... À certaines heures tu as dû le savoir. Habite le pays de ton âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  115. Quand il s'agit d'eux-mêmes, de leur valeur, de leur talent, plusieurs croient à la génération spontanée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  116. Dans les assemblées orageuses, l'être impartial possède en lui un régulateur puissant dont l'influence peut gagner de proche en proche.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.24, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  117. Ceux qui t'entourent, s'ils chantent leur chanson, chante-la avec eux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  118. Il y a des femmes qui se penchent sur leurs malheurs avec grâce et séduction. Telles leurs Arrière-Grand'Mères enlaçant leur guitare.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  119. La femme dit « Je t'aime ». L'homme dit « Aime-moi ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  120. Les coeurs comprimés sont toujours grands.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  121. Les oiseaux migrateurs emplissent leurs yeux d'images diverses et oublient vite l'horizon qu'ils ont fui.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  122. L'écart produit entre deux époux par la différence de leur milieu social est rendu bien plus sensible encore par la visite du malheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.25, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  123. Bizarrerie de l'espèce humaine : les petits aiment « jouer » aux « grands » ; les grands trouvent parfois amusant de jouer aux « petits ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  124. La même mesure qui a servi à donner sert souvent à ôter.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  125. La femme a la mémoire du coeur : l'homme plutôt celle des yeux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  126. Dans certains cas, la paresse est une nostalgie du vide.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  127. Le fort déverse sa colère sur celui qui la fait naître. Le faible la répand sur plus faible que lui.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  128. De son pied lourd, le chasseur foule avec fracas les feuilles mortes qui en automne renflent le terrain. Le tyran qui sommeille en lui trouve une sorte de jouissance à briser cette fragilité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  129. L'esprit de l'homme est parfois si orienté vers le mal qu'il donne un sens péjoratif à tout acte qu'il ne comprend pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.26, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  130. Écoute cette conversation intime. Ce sont tes deux « Moi » qui discutent. Crois-tu que celui qui est fils de ta raison convaincra l'autre ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  131. « Lui » - peux-tu dire, femme ! qu'à un moment de ton existence, ce mot n'a pas été ton univers ?...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  132. Dans bien des cas, nier c'est ne pas comprendre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  133. Que manque-t-il à tel bon poète qui n'a pas créé des oeuvres immortelles ?... tout simplement la vie aux champs dans son enfance.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  134. Des qualités identiques chez les parents peuvent se muer chez l'enfant en de sérieux défauts.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  135. La chanson de l'air, lorsque nous l'écoutons, assis le soir près du foyer, pourquoi a-t-elle ce timbre désolé ?... Parce que les soupirs, les plaintes de la terre planent dans le ciel.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.27, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  136. Beaucoup n'aiment pas les amis de ceux qu'ils détestent et souvent, moins encore les amis de ceux qu'ils aiment fortement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  137. Ceux qui diminuent le plus les autres veulent les mesurer à leur propre taille.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  138. Une amitié ralentie fait pressentir la panne.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  139. L'homme a tellement besoin d'un maître qu'il accepte parfois un tyran.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  140. Le parisien ne vit que dans le présent, le provincial vit surtout dans l'avenir et souvent avec ferveur dans le passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  141. Les méchants, heureux de dire ce qui est, les sont bien plus encore de raconter ce qui n'est pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.28, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  142. Plus une étoile est placée haut dans le ciel de notre âme, plus nous sommes heureux de l'admiration que l'on a pour elle.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  143. Ceux qui ne se connaissent pas eux-mêmes ne peuvent apprécier la somme de bonheur qui résulte pour eux de cette sereine ignorance.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  144. Si quelques mots lumineux n'ont pas suffi à convaincre ton interlocuteur, dis-toi bien que des flots de paroles t'auraient servi moins encore.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  145. Ce qui a les siècles ou l'éternité en germe s'opère lentement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  146. Avant d'entrer dans la vieillesse, souvent aussi dans la vie chrétienne, l'homme traverse une sorte de tunnel mystérieux plein de dangers.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  147. Quand le corps clame son mal, l'âme lui répond. Cette réponse est tout.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.29, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  148. Chrysalide en hiver dans ses fourrures, la femme actuelle devient en été tout à fait papillon.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  149. L'homme ne connaît pas l'homme ; et souvent ne veut même pas le connaître : d'où les conflits qui déchirent le monde.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  150. L'échelle sur laquelle monte notre âme est toujours dressée par la souffrance.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  151. Les caprices non réprimés de l'enfant deviendront l'obstination du vieillard.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  152. Dans l'oeuvre d'un littérateur, faut-il souhaiter que sa plume élégante se transforme en scalpel de chirurgien ?...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  153. Comme les feuillets d'un livre abandonné au vent, mon âme frisonne sous le souffle des paroles divines transmises par l'Évangile.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  154. À certaines heures, mon âme se perd dans un dédale : « Ariane, où es-tu ? Non, pas Ariane - qui du reste ne viendrait pas. - Mais nommons celui qui a dit : « Je suis la voie ». Mon DIeu, guidez-moi !
    (Pensées sauvages - 2e série, p.30, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  155. Le besoin de nier Dieu précède toujours cette négation.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  156. La noblesse du maître ennoblit le valet.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  157. Je vous assure que les fleurs ont, elles aussi, leur tempérament moral.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  158. Celui que grandit la douleur trouve son fond de douceur dans son mal : c'est la souffrance dorée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  159. Les impressions sont l'aliment des sensibles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  160. Même en musique où tout est harmonie, il y a des pauses, des silences. Acceptons donc aussi ces arrêts du coeur dont nous souffrons parfois de la part de ceux qui nous aiment.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.31, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  161. C'est quand arrive l'âge de demander à la vie de s'arrêter qu'elle reprend plus rapidement sa marche.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  162. On manque souvent de simplicité avec ceux que l'on n'a pas atteints depuis longtemps. La mise au point est lente.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  163. Quand on dit à une femme qu'elle ne vieillit pas, ses étés se transforment en printemps.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  164. Ceux qui élargissent l'horizon de la pensée sont des précurseurs. Mais bien souvent, comme Jean-Baptiste, ils prêchent dans le désert.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  165. La sympathie, où va-t-elle ?... où ne va-t-elle pas ?... Les uns s'aiment sans se connaître, les autres se connaissent sans s'aimer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  166. Mieux que la plume, le crayon se penche, s'épanche, se confie pleinement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.32, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  167. Détenteurs de l'intelligence, donnez la main aux petits ; mais pour les faire monter.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  168. Les mots doux ou violents nous les empruntons au vocabulaire éternel, persuadés que personne avant nous ne leur donna cette douceur ou cette force.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  169. Éprouver le besoin de ressembler à quelqu'un, c'est déjà lui ressembler.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  170. Le désordre matériel remplit tout ; et ce tout c'est le vide.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  171. L'angoissé timide constelle les parois de son coeur de points d'interrogation. Et nul ne le voit, nul ne lui répond.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  172. Tout l'encens que Paris reçoit, l'enveloppe au point de lui cacher la province.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  173. Les artistes sont souvent les lutins de la pensée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.33, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  174. Les gouvernements peuvent ne plus avoir de roi ; mais la société en aura toujours.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  175. Un retard forcé dans notre correspondance avec nos amis, c'est une façon impérieuse de les avoir toujours présents à notre souvenir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  176. La femme, plus que l'homme, souffre dans un milieu social qui n'est pas le sien.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  177. En principe dédaignons ces « petites chapelles » où l'on encense toujours les mêmes dieux, puisque ces dieux ne sont souvent que de pauvres hommes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  178. Souvent les morts aimés vous relient avec plus de force à certains vivants.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  179. L'horloge de la vie, tout en marquant les mêmes heures pour l'homme et la femme, semblait jadis être en avance chez celle-ci. Les choses ont changé... La cause ?...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.34, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  180. Malheur au vaincu. - Oui, au vaincu de la résistance morale.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  181. La définition d'un héros pourrait être : « Un coeur grand contenu dans une cuirasse ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  182. Les mots dédaigneux, railleurs, peut-être méchants, que la bouche retient, sont dessinés dans un sourire. - Ah ! ce sourire !...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  183. La terre est toujours belle ; mais en cultiver sans cesse le même coin borne singulièrement les horizons de la pensée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  184. Ceux qui s'aiment vraiment ont, en se quittant, l'impression que le meilleur de leur causerie est resté dans l'inexprimé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  185. Dans les recherches de l'âme, la seule lumière qui éclaire pleinement le penseur vient d'en haut.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  186. La femme privée subitement de l'amour total d'une créature, et ne pouvant plus donner son grand coeur qu'à des animaux, fait songer à ces enfants séparés brusquement de leur mère et qui, au milieu de leurs cris, pressent contre leur coeur une poupée, un mouton en carton.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.35, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  187. Le mari et la femme sont le réflexe l'un de l'autre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  188. Le sentiment de ses lacunes morales doit éloigner un être intelligent du despotisme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  189. Puisque Dieu est bon, puisque la mort est une loi inéluctable, pourquoi les êtres « de bonne volonté » l'enveloppent-ils de tant de crainte.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  190. Quelle troublante chose que l'angoisse, quand elle est emprisonnée par le silence et que mille obstacles s'opposent à sa délivrance.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  191. Dans la vie des familles unies, les faits importants ont toujours de l'actualité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.37, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  192. « Un grand coeur ! » Est-ce parce qu'il ne contient souvent qu'une seule affection que nous le désignons ainsi ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  193. Les âmes qui ont monté marchent vers la lumière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  194. Les coeurs de grande capacité dédaignent les demi-mesures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  195. Dans la montée de l'être moral, c'est le coeur qui le délivre du poids des bagages.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  196. Après le rêve qui n'appartient pas au sommeil, le réveil nous montre la terre peu belle.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  197. Les hommes renonçant à se comprendre, après l'insuccès de la tour de Babel, construisirent chacun la leur et y vécurent. Tous leurs descendants ont fait comme eux. Et chacun de nous ignore donc, au fond, le langage de ses semblables.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.38, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  198. Deux phases fréquentes dans la vie d'une femme : elle aime et sourit ; puis elle est jalouse et pleure.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  199. Écoute avec une incrédulité apparente les plaintes de ceux qui souffrent dans leur orgueil. Cette feinte leur rendra la joie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  200. C'est surtout la pensée qu'ils ne parleront plus tout à fait la même langue qui angoisse les parents dont les enfants entrent dans la vie religieuse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  201. Il y a deux jeunesses : la vraie et celle qui est désignée ainsi par les vieux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  202. Comme un être impotent à la démarche lourde, le corps suit l'esprit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  203. C'est parce que l'être humain est infiniment multiple et divers qu'il y a toujours en lui un petit coin où son semblable peut l'atteindre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.39, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  204. Pour les peuples, plus encore que pour les individus, le prix du bonheur varie avec les époques.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  205. Les cataclysmes du globe ouvrent des sources, en referment. Chez l'être moral d'autres phénomènes peuvent ouvrir son coeur ou le refermer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  206. Ne cherche pas à être soutenu par l'orgueilleux. Il n'est lui-même appuyé que sur des bases factices.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  207. La mer qui transporte au loin les espoirs énergiques ou les grandes détresses est aussi le véhicule de la vigueur physique.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  208. Le présent dédaigne le passé, et celui-ci lui rend avec usure ses marques d'indifférence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  209. Les païens illustres, tel Diogène, cherchaient un homme. Les grands chrétiens cherchent une âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  210. Les mots aussi enivrent : dans les assemblées populaires, les hommes ne voient pas qu'ils sont surtout des buveurs de mots.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.40, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  211. Phénomène des Vases communiquants : facilement l'amitié égalise les âges.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  212. Ne ferme pas ton coeur aux créatures imparfaites ; tu risquerais alors de le fermer à tous... et aussi à toi-même.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  213. « Peux-tu m'atteindre ? » - « Non. » - « Et moi, puis-je t'atteindre ? » - « Hélas ! »
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, D1esclée de Brouwer, 1930)
     
  214. Plus vite que les morts les absents disparaissent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  215. L'amitié connaît le pardon... Et l'amour ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  216. Chaque génération veut monopoliser la beauté et la science du passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  217. Les Christophe Colomb d'un « monde nouveau » sont légion.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.41, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  218. La tyrannie a bien des esclaves, mais l'amour reste un affranchi.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  219. Le microbe qui enfièvre et ravage le monde moderne, s'appelle : la peur du vide.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  220. La simplicité a plus de pudeur que la vérité : Elle n'est pas nue ; mais elle supprime tout ornement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  221. La volonté éclairée et la liberté devraient être unies indissolublement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  222. Chaque maison avec ses vieux meubles, ses papiers jaunis, est une arche du passé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  223. Quand notre esprit cherche à se mouvoir dans des milieux heureux, il est rare qu'il ne songe pas à des projets irréalisables.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  224. Dans les heures de calme, l'ennui peut être un bienfaiteur : Il devient le régulateur de la pensée et souvent sa lumière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.42, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  225. Nous affectionnons les déplacements, les voyages souvent sans charme ; afin de nous bien assurer, au retour, que notre coin habituel est le meilleur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  226. En amour la brusque indifférence de l'homme le conduit rapidement à la cruauté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  227. Les larmes qui tombent au dedans ne s'évaporent pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  228. Que pourrait-on trouver dans les coeurs trop repliés ? - Souvent une pincée de cendres.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  229. C'est l'égoïsme qui souvent influence le jugement et le fait rarement impartial.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  230. Chez les êtres primitifs, la bêtise s'additionne de ruse.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  231. L'égoïsme est une sorte d'instinct de défense qui, dans un grand malheur, empêche de mourir de chagrin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.43, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  232. Quand tes nerfs sont tendus comme des fils télégraphiques, saisis-les lentement, et, les enroulant autour de ton âme, donne leur ainsi le contact de sa douceur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  233. Là où elle s'assied, l'usine n'embellit ni la terre ni l'homme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  234. La vie à la campagne cimente mieux le coeur des amis qui s'y retrouvent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  235. Comme un vent violent décuplé par la distance, les mots contenus dans les lettres au long parcours ont cette force et ce sens profond qui donne l'éloignement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  236. Il arrive que des personnes dont on ne convoitera jamais le coeur, le tiennent comprimé, comme si elles redoutaient un larcin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  237. Pour des services rendus, l'être bon demandera une sourdine. Mais à celui qui n'est que serviable il faut la grosse caisse ou le trombone de la publicité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.44, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  238. Qu'est-ce qui tarit le plus en nous les sources de la vie intellectuelle et morale ? - La vie actuelle.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  239. La vie groupe les êtres ; mais si Dieu est absent, la suite des jours les sépare.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  240. Pourquoi le Verbe de ceux qui veulent nous montrer l'Absolu et sa lumière manque-t-il quelquefois de cette simplicité qui éclaire tout ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  241. Un peuple qui veut vivre sait mourir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  242. Ensevelis sous les siècles, nous découvrons de temps à autre des prénoms anciens et les dépouillons de leur vétusté. Ainsi transformés nos petits enfants les reçoivent. Et nos demeures retentissent de « noms nouveaux ».
    (Pensées sauvages - 2e série, p.45, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  243. Chaque vingt-quatre heures, au réveil, l'esprit muni de ses ailes part à la conquête du jour. Mais ces ailes vont bientôt frôler un peu de glu qui les attachera aux réalités de la vie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  244. La teinte bronzée que la femme moderne recherche pour sa peau est un symbole... Car elle s'efforce, hélas ! de bronzer aussi son âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  245. Les cris de douleur morale étouffée dans un éclat de rire sont les plus déchirants.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  246. Le prisme qui est dans les yeux du poète donne à toutes choses une beauté supraterrestre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  247. Quand une pensée l'agite, notre esprit est fermé aux autres impressions : Elles passent devant lui comme, sous nos yeux, la fumée de la locomotive qui s'estompe rapidement dans le lointain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  248. Trop chercher à briller, n'est-ce pas vouloir coiffer les autres d'un éteignoir ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.46, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  249. Quand pour nous le jour baisse, nous devons allumer la lampe qui va montrer le passé aux jeunes qui nous entourent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  250. L'attente d'une joie n'est-elle pas meilleure que le souvenir ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  251. Lorsque l'homme mûr se rencontre avec l'enfant, il retrouve soudain des impressions de sincérité exquise qu'il ne connaissait plus.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  252. Bien que souvent assez dures, les années paraissent courtes à ceux qui s'approchent du terme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  253. La lune de miel, c'est la période pendant laquelle deux êtres ne se connaissant pas épuisent jusqu'à la dernière syllabe le vocabulaire du « Tendre »... Puis, ils se connaissent... et le vocabulaire est transformé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  254. Les esprits supérieurs ont bien des demeures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.47, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  255. Ici-bas la perfection n'a pas d'élus. Elle n'a que des candidats.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  256. Comme un vêtement trop étroit, l'âge mûr rejette le snobisme et ses formules dans lesquels sa jeunesse se rengorgeait fièrement.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  257. Quand deux êtres qui s'aiment se retrouvent après une longue séparation, il ne leur vient d'abord aux lèvres que banalités.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  258. La terre riche en principes de vie qui aideront à l'éclosion d'une moisson abondante, reste longtemps solitaire et tassée. Le penseur obéit à cette loi.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  259. La conversation de quelques femmes du monde n'est qu'un gargarisme élégant.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  260. Parmi ceux qui usent de leur fortune avec largesse et ostentation, on rencontre parfois de véritables dilettanti de l'économie.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.48, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  261. On appelle « Amour » une chose qui peut être un jouet, une ornière, une étincelle divine.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  262. Seule l'économie peut permettre les libéralités.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  263. Les vertigeux déplacements modernes résultent de l'instinct qui porte le corps, coûte que coûte, à rejoindre l'Esprit.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  264. Si Dieu n'avait pas fait pour l'homme la loi du pardon, il lui eût ôté la manière la plus noble de se grandir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  265. Le lyrisme latent doit conduire l'homme à la plus haute expression de sa nature.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  266. Sa jeunesse étant toujours un peu éloignée, l'homme la présente à l'enfant comme un période de perfection. Celui-ci ébahi et quelque peu découragé, l'écoute, se tait et cache ainsi sa foi ou son incrédulité.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.49, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  267. Dans une causerie, « épuiser son sujet » c'est épuiser aussi... la patience de son interlocuteur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  268. Devant la porte du grand malade, se tient la mésintelligence prête à assaillir ses gardiens les plus dévoués.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  269. Lorsque les souffrances physiques et morales cheminent ensemble, l'âme a une allure de traînard.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  270. Les hautes pensées produisent en nous les mêmes résultats que l'air et le soleil dans une chambre de malade : elles chassent les miasmes délétères.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  271. Nous appliquons plus notre intelligence à connaître les choses qu'à comprendre l'être humain.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  272. La pauvreté à la fin de sa vie est l'ultime richesse du chef d'État intègre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  273. Les constants sont les forts.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.50, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  274. Il y a de ces sourires qui entravent une discussion, comme ces haies légères et verdoyantes qui voilent un précipice.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  275. Nos maux sont peu de chose, si nous pouvons les taire à ceux qui nous accuseraient d'en être les auteurs.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  276. Dans les causeries alanguies, on entend quelquefois de ces mots vagues qui rompent le silence afin de l'embellir ; à la façon de ces lanternes vénitiennes qui rompent l'obscurité... sans pourtant l'éclairer.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  277. Le revoir rapide et inattendu, aussitôt après des adieux très durs, c'est presque le retour après une longue absence.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  278. La véritable intelligence vient du coeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  279. Dans certains cas, l'aveu sincère de nos défauts permet aux autres de ne pas y croire.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.51, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  280. Écoute le verbe de l'être méditatif. Entends aussi les pensées qu'il n'exprime pas.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  281. Chez les sensibles, l'inattendu rend les joies plus vives, les peines plus amères.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  282. Une femme qui ne dit plus à son fils « Mon petit » quand il est devenu vieux, n'est pas une vraie mère.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  283. Certaines découvertes modernes amènent l'homme à délaisser la matière.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  284. Les écrins fermés sont ceux qui excitent le plus la curiosité des voleurs.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  285. Actuellement l'homme n'absorbe plus la nourriture dans le calme et la sécurité. C'est la préoccupation de sa nourriture qui le ronge dans l'agitation et l'inquiétude.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.52, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  286. Les clairvoyants ont pour ennemis naturels les imbéciles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  287. La clairvoyance, c'est une lumière vive que l'esprit promène sur des végétations souterraines et souvent malsaines.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  288. Nos chers mots français, quand ils sont devenus vieux, la Fortune les écrase de sa roue impitoyable ; et ils vont mourir au fond d'une bibliothèque dans les plis d'un bouquin délaissé.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  289. À l'inverse des professeurs, ce n'est pas aux jeunes que la vie donne ses leçons.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  290. Comme la beauté, la bonté des femmes n'est souvent qu'un maquillage.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  291. Seule, la vraie beauté ne perd pas de son charme en adoptant l'attitude marmoréenne.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.53, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  292. Chez les forts, le silence est le refuge de ceux qui savent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  293. De même que les archéologues reconstituent un monument avec quelques pierres, notre esprit peut revivre une époque avec un seul débris de souvenir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  294. Un sourire qui invariablement ne traduit rien cache de la bêtise ou de l'astuce.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  295. Les yeux de la mère retardent : quand l'enfant est déjà grand, longtemps encore elle cherche de la main les boucles soyeuses qui faisaient son orgueil.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  296. Est-ce le silence ou le sourire qui sait mieux garder son mystère ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  297. Nos objets anciens et familiers que tant de chers morts ont frôlés sont-ils encore matière ?... À nos yeux des esprits les environnent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  298. Les « nouvellement lustrés » de l'étalage social se placent d'eux-mêmes bien en vue au bord de la devanture.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  299. Parce qu'on dira : « C'est un grand coeur » croyez-vous que l'accès de ce coeur soit plus facile ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  300. Le lait c'est le sang chaste et inviolable que la maternité fait jaillir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  301. Malgré les apparences contraires, la femme, moins que l'homme, fait participer la chimère à son rêve.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  302. La province crée le talent : Paris la renommée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  303. En tricotant ses vêtements, la femme songe aux jours qui vont suivre et tisse ainsi la trame des heures futures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  304. Puisque l'hérédité a une part si grande dans nos qualités, sachons nous défendre de l'orgueil.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  305. Dans le domaine de la sensibilité, l'indifférence est une paralysie du coeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  306. Un coeur fragmenté a perdu toute sa valeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  307. Dans le partage des objets d'un être disparu, c'est aux plus beaux que s'attache la « sensibilité » des héritiers.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  308. L'enfance est impatiente. C'est logique : elle n'attend de la vie que des joies.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  309. Le saint qui vit sur terre est une créature qui n'est déjà plus la créature.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  310. C'est à la jeunesse que la mode demande les conseils de l'expérience.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  311. Ce sont les cartons des éditeurs - ces limbes de la littérature - qui parfois retiennent les chefs-d'oeuvre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  312. L'homme qui la cultive et la possède se dit éternellement déçu par les infidélités de son amie : la terre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  313. Dieu a donné à l'homme la souffrance pour se purifier dans la vie et l'amour pour la supporter.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  314. Chaque génération est le réactif de la précédente.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  315. La main qui ne presse plus avec joie une main amie laisse tomber l'amitié qu'elle contenait.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  316. Être riche est un art. Ceux qui ne le sont plus, sont à peu près les seuls à le comprendre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  317. Un esprit tourmenté n'apprécie que les joies auxquelles il sait ne pouvoir atteindre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  318. L'être physique n'est pas immortel ; mais ses paroles peuvent le devenir, si elles partent de l'âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  319. L'orgueil est la folie d'une beauté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  320. L'absence de civilisation et son excès sont également éloignés de la pudeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  321. La main calculatrice et la main prodigue servent souvent le même corps.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  322. Des lettres nous arrivent dont l'enveloppe - nous le sentons - contient des choses exquises. Telles des boîtes de bonbons.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  323. L'adverbe ?... C'est le fond toujours gris d'une causerie épistolaire dépourvue d'intérêt.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  324. Dans ses heures d'insomnie, la nuit est à l'intellectuel ce qu'est à l'arbre la terre obscure dans laquelle il plonge ses racines, et va chercher, avec le suc-aliment, la fraîcheur des eaux profondes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  325. Par la civilisation, nos chemins riants sont semés de poussière et arrosés de sang.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  326. Quand nous la demandons à Dieu ou à nos semblables, la pitié est la dernière et la plus haute limite de nos supplications.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  327. Devant la montée de la médiocrité le génie s'assied et attend les siècles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  328. Actuellement la vraie distinction est bien voisine d'un anachronisme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  329. Nous vivons perpétuellement avec un être qui nous enthousiasme ou nous décourage, qui nous ravit ou nous irrite : Nous-même.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  330. Les yeux qui ne savent pas voir l'être moral chez autrui n'enregistrent que peu d'images.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  331. L'égoïste est vite lassé par la vue des mêmes maux chez autrui, et préfère des misères nouvelles et inattendues.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  332. Les qualités sont un don de la nature perfectionné par l'éducation. Les vertus relevant de la beauté de l'âme sont développées par la Religion.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  333. Nos bonnes résolutions sont mues par des rouages défectueux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  334. Dans le voisinage des torrents bruissent de petites cascades que leurs eaux ont fait surgir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  335. Bien que les années soient courtes, elles nous mettent vite à une longue distance de notre passé même le plus voisin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  336. Paris est aussi le refuge discret des familles déchues ou amoindries par le malheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  337. Les grands écrivains à la recherche des vérités éternelles sont des ouvriers se livrant à des travaux de sondage pour découvrir la source d'eau vive.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  338. La bourse récemment gonflée ressemble bien à la grenouille devant le boeuf.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  339. Si le goût de l'indépendance a germé chez l'enfant de nos jours, c'est qu'il lui manque la tendresse sans faiblesse des parents de jadis.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  340. Dans nos causeries intimes, voiler notre voix c'est dévoiler notre âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  341. Pénélope ! si tu brodais tu ne pleurais pas. Les larmes brûlent les yeux, rouillent les aiguilles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  342. Gardez-vous, lecteur, le souvenir de vos belles randonnées en montagne, dans un véhicule paisible ?... Aux abords d'une station thermale, de petits enfants vous lançaient des poignées de fleurs sauvages cueillies le long des sentiers. - Ma cueillette et mon geste sont les leurs. Et si, dans votre montée morale, vous découvrez à ma gerbe un parfum du pays, de ce pays supraterrestre auquel nous aspirons, mon voeu le plus cher sera réalité...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)