Fernand Vandérem
1864-1939
  1. L'amour des lettres est le seul amour où l'on puisse aimer passionnément, sans perdre, envers l'objet aimé, ni liberté d'esprit, ni clairvoyance.
    (La Littérature, p.9, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  2. La littérature est une industrie de luxe, ayant pour objet d'extraire et de façonner les éléments de poésie, d'émotion ou de comique que recèle l'univers.
    (La Littérature, p.10, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  3. [...] bien des obscurités ne sont que les filles du moindre effort.
    (La Littérature, p.11, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  4. La misère n'est pas la mère du génie. Elle n'en est que la marâtre. La gêne n'est par l'éperon du talent. Elle n'en est que la banderille.
    (La Littérature, p.13, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  5. La faim fait sortir le loup du bois et l'écrivain de l'art.
    (La Littérature, p.13, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  6. Le génie littéraire se traduit sous deux formes : la poésie et l'esprit.
    L'observation, la réflexion, la finesse, la logique ne relèvent que du talent.

    (La Littérature, p.17, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  7. La poésie est le plus périlleux des arts, car le poète n'y a le choix qu'entre le sublime et le ridicule. S'il ne transporte pas, il fait rire, et s'il fait rire, il est perdu.
    (La Littérature, p.17, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  8. Comme la musique, la poésie couvre de son grand nom toutes sortes d'artistes. Il convient donc, comme en musique, d'y distinguer les compositeurs, les virtuoses et les simples exécutants. Les premiers créent les nouveaux thèmes, les nouveaux rythmes et montrent une sensibilité nouvelle. Les seconds se livrent à des variations sur l'oeuvre des premiers. Les derniers répètent les autres.
    (La Littérature, p.18, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  9. La poésie ressemble à un arbre immense où, depuis des siècles, des milliers d'oiseaux se dépenseraient au même éternel concert. Mais, tous ces oiseaux varient de qualité ou d'espèce, et si l'on y rencontre des aigles et des rossignols, combien, aussi, de serins et de perroquets !
    (La Littérature, p.18, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  10. On juge souvent une femme sur l'homme à qui elle se livre. On la jugerait peut-être mieux sur l'auteur qui la fait rire.
    (La Littérature, p.21, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  11. N'oublions jamais que si le rire est le propre de l'homme, la gravité est celui des bêtes.
    (La Littérature, p.22, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  12. Lus et relus, chaque jour, pendant des années, dans la presse, sur des titres de volumes, certains noms, avec l'âge, finissent par prendre un semblant de lustre. Mais ce lustre rappelle celui des étoffes usées. Les grands noms brillent. Les noms âgés ne font que reluire.
    (La Littérature, p.43, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  13. Avec tant d'écrivains notoires, pourquoi l'éclat de la gloire littéraire nous semble-t-il aujourd'hui en décroissance ? En raison de cette loi qui veut que toute lumière trop divisée s'achemine lentement aux ténèbres.
    (La Littérature, p.43, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  14. La critique, écrit Brunetière, a été la première forme de l'envie. Il serait plus exact de dire : la première forme du toupet.
    (La Littérature, p.44, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  15. Qui a dit que la critique était nécessaire ? La critique.
    Qui a dit que la critique était une création ? La critique.

    (La Littérature, p.44, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  16. Sans être absolument indispensable, la critique répond, dans une certaine mesure, aux besoins de trois classes de citoyens : les lecteurs, auxquels elle fournit des informations ; les auteurs, auxquels elle fournit de la réclame ; les critiques, auxquels elle fournit de la copie.
    (La Littérature, p.45, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  17. La plupart des critiques n'en croient pas moins au caractère sacré de leurs oracles. Et, quand deux augures ne pouvaient se regarder sans rire, deux critiques, en se contemplant, peuvent conserver tout leur sérieux.
    (La Littérature, p.46, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  18. La métaphysique se targue de connaître et de dire le mot de toutes les énigmes qui nous entourent ou nous dépassent. Inutile d'ajouter que, depuis des siècles, de tous ces mots, il n'y en a pas un de vrai, puisque, sur les divers problèmes qu'il prétend résoudre, le métaphysicien n'en sait pas plus que vous et moi.
    (La Littérature, p.49, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  19. J'appelle pensée pure celle qui ne doit rien qu'à elle-même. Malheureusement, on ne la rencontre que chez des gens peu estimés des philosophes : les poètes et les moralistes.
    J'appelle repensée la pensée qui doit tout aux autres. Or, la plupart des penseurs ne sont, hélas ! que des repenseurs.

    (La Littérature, p.51, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  20. Des faits, le sociologue tire des lois, l'historien des leçons. À quoi sert le penseur ? À fournir de pensée ceux qui ne pensent pas. Autant dire alors que l'industrie de la pensée sera toujours prospère.
    (La Littérature, p.51, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  21. Pourquoi admirez-vous ce penseur ?
    - Parce que j'y trouve exprimées des choses que vaguement je pensais.
    - Et cela ne vous inquiète pas ?

    (La Littérature, p.51, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  22. Sauf les cas de génie, ce qu'on nomme les jeunes, c'est, tous les dix ans, une cinquantaine de débutants nouveaux sur lesquels, dix ans plus tard, une quinzaine surnagera peut-être et trois ou quatre peut-être se seront détachés.
    (La Littérature, p.53, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  23. Mais, dès qu'un rite dispose de certaines ressources, les marchands envahissent le temple, la publicité les suit et la foi nouvelle tourne à l'affaire.
    (La Littérature, p.54, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  24. Souvenons-nous, en outre, que, dans les lettres, beaucoup de vieux imbéciles ont commencé par être de jeunes nigauds.
    (La Littérature, p.55, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  25. Pourquoi supposer que demain aura plus de jugement qu'aujourd'hui et que les siècles usent la sottise ?
    (La Littérature, p.59, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  26. La même postérité qui réhabilite certains méconnus est peut-être en train d'en faire d'autres.
    (La Littérature, p.59, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  27. Ce qu'on appelle parfois la postérité, ce n'est qu'un critique en quête d'un sujet d'article ou un professeur en quête d'un sujet de thèse, qui selon leur humeur ou leur intérêt, tantôt vous porteront aux nues, tantôt vous traîneront dans la boue.
    (La Littérature, p.59, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)
     
  28. Combien comptent peu auprès de la postérité les antécédents moraux, sociaux ou honorifiques de ses justiciables !
    Dans les jugements qu'elle prononce, que lui chaut que Villon ait été un tire-laine, Verlaine un inverti, Flaubert un épileptique, Musset un alcoolique ? Et que lui importent les galons, les croix, les uniformes, portés par tant d'autres ?
    Qui sait maintenant, de Pascal, La Fontaine, La Rochefoucauld, Molière, ou de Voltaire, Lesage, Marivaux, Diderot, lesquels furent de l'Académie et lesquels restèrent à sa porte ? Et qui même songe à le vérifier ?

    (La Littérature, p.60, Librairie Hachette (Notes et maximes), 1927)