Václav Havel
1936
  1. Ce qui compte dans la vie, c'est l'idée qu'on s'en fait ! Crois-tu que quelqu'un puisse s'en faire une à ta place ?
    (La fête en plein air [M. Pludek, Acte 1], trad. François Kérel , p.12, Gallimard/nrf 1969)
     
  2. Je ne suis pas passionnément d'accord !
    (La fête en plein air [La Secrétaire, Acte II], trad. François Kérel , p.29, Gallimard/nrf 1969)
     
  3. Personnellement, je crois que non, bien que je ne crois pas que oui.
    (La fête en plein air [Hugo, Acte II], trad. François Kérel , p.35, Gallimard/nrf 1969)
     
  4. Moi, qui je suis ? Sérieusement, c'est une question un peu trop directe pour mon goût ! Une façon bien simpliste d'interroger les gens ! Que voulez-vous qu'on réponde à ces questions-là ? De toute façon, notre réponse ne pourra pas révéler la vérité tout entière, mais seulement une infime parcelle de la vérité. L'homme est quelque chose de si riche, de si complexe, de si divers et changeant, qu'il n'existe pas de mot, de phrase, de livre, rien qui puisse le décrire et l'englober dans toute son étendue. Dans l'homme il n'est rien de durable, d'éternel, d'absolu, l'homme est un perpétuel changement, un changement qui sonne fier, nous le savons ! Et aujourd'hui nous ne sommes plus à l'époque des catégories statiques et immuables où A n'était que A et où B n'était jamais que B. Aujourd'hui, nous le savons bien, A peut être souvent à la fois A et B, et B peut être B mais aussi A et C, de même que C peut être, non seulement C, mais aussi A, B et D ; et dans certaines circonstances il peut même arriver que F soit O, Q, Y et parfois même R ! Vous sentez certainement vous-même que ce que vous éprouvez aujourd'hui vous ne le sentiez pas hier et que ce que vous ressentiez hier, vous ne l'éprouvez pas aujourd'hui, mais que vous le sentirez peut-être de nouveau demain, tandis que ce que vous éprouverez après-demain vous ne l'avez peut-être encore jamais ressenti ! Le sentez-vous? Et il n'est pas difficile de comprendre que ceux qui, aujourd'hui, ne comprennent qu'aujourd'hui, ne sont qu'une autre version de ceux qui hier ne comprenaient qu'hier, alors qu'il faut aussi comprendre aujourd'hui, comme chacun sait, ce qu'a été hier, car personne ne sait si hier ne risque pas de recommencer demain. La vérité n'est pas moins complexe et diverse que toute chose au monde - l'aimant, le téléphone, les poèmes de Frantisek Branislav, l'aimant - et nous sommes tous un peu ce que nous étions hier et un peu ce que nous sommes aujourd'hui. Nous sommes dans une certaine mesure et dans une certaine mesure nous ne sommes pas ; nous sommes plus ou moins nous et nous sommes plus ou moins pas nous ; nous sommes seulement nous ; nous sommes nous seulement et nous ne sommes pas seulement nous ; il s'ensuit qu'aucun de nous ne peut être totalement et totalement ne pas être, et le tout c'est de savoir quand il faut être davantage et davantage ne pas être ; qui est trop aujourd'hui risque bientôt de ne pas être et celui qui dans certaines circonstances sait dans une certaine mesure ne pas être peut en d'autres circonstances être bien davantage ; j'ignore si vous voulez être davantage et davantage ne pas être et quand vous voulez être et quand vous voulez ne pas être, mais en ce qui me concerne je ne veux jamais cesser d'être de sorte que je ne dois jamais cesser dans une certaine mesure de ne pas être - ce n'est pas parce qu'on se rapetisse qu'on se fait plus petit. Et si à l'heure qu'il est, je ne suis vraiment pas grand-chose, je vous garantis que je serai bientôt beaucoup plus que je n'ai jamais été, et à ce moment-là, on pourra reparler de tout ça, mais sur une plate-forme quelque peu différente ! Mat.
    (La fête en plein air [Hugo, Acte IV], trad. François Kérel , p.70, Gallimard/nrf 1969)