Emmanuèle Bernheim
1955
  1. Claire trouva un message de Thomas sur le répondeur de sa ligne personnelle.
    Il était désolé, il avait un empêchement, il ne pourrait pas venir ce soir.
    Claire sourit. C'était le premier message de Thomas.
    Il ne l'appelait jamais.
    Elle monta le son de l'appareil et réécouta. La voix de Thomas était douce. Il murmurait presque.
    Elle rembobina la bande de façon à ce qu'aucun nouveau message ne vînt effacer celui de Thomas.

    À midi, elle acheta plusieurs cassettes vierges. Elle remplaça ainsi celle du répondeur. Et elle la rangea dans le tiroir de son bureau.
    Désormais, elle conserverait chaque enregistement de la voix de Thomas.

    (Sa femme, p.55, Éd. Gallimard nrf, 1993)
     
  2. Personne ne l'attendait. Personne ne savait où elle se trouvait.
    Ce soir, elle aussi, elle était seule.
    Elle était libre.

    (Vendredi soir, p.43, Éd. Gallimard nrf, 1998)
     
  3. Il l'appela à son bureau. Elle n'était pas libre à déjeuner avant le milieu de la semaine suivante mais, s'il le voulait, elle pourrait dîner avec lui le lendemain soir. Il hésita. Pendu contre le mur, le manteau formait une longue tache grise. Loïc se décida. Il lui fallait son blouson. Il accepta. Hélène l'attendrait chez elle vers huit heures et demie. Sous la paume et les doigts de Loïc, le récepteur était trempé. Il le reposa et essuya sa main contre son pantalon.
    (Un couple, p.47, Éd. Gallimard nrf, 1987)
     
  4. Elle vida les cendres et rangea le couteau en haut de son placard. Elle détruirait tout ce qui lui rappelait ce sang. Il appartenait à un temps révolu. Elle n'était plus une criminelle. Il n'y aurait plus de vêtements informes et plus de couteau, plus de blessures et plus de crasse. Elle retournerait à Londres et elle verrait l'homme. Le sang n'aurait plus jamais de prise sur elle.
    (Le cran d'arrêt, p.70, Folio n°2614)
     
  5. Il ne restait plus qu'à faire part de toutes ces décisions à Michel.
    Il comprendrait sûrement.
    Il ne comprit ni qu'elle s'installât dans un studio minable plutôt que de venir vivre avec lui, ni qu'elle renonçât à leurs vacances d'été pour rester travailler.
    Et puis pourquoi entreprendre d'aussi longues études ? C'était absurde. Il connaissait Lucie, elle n'aurait jamais la patience d'aller jusqu'au bout, il le savait.
    Elle le quitta.

    (Stallone, p.22, Gallimard/nrf, 2002)