Miguel de Unamuno
1864-1936
  1. Ce n'est pas nos idées qui nous font optimistes ou pessimistes, c'est notre optimisme ou notre pessimisme d'origine physiologique ou au besoin pathologique, l'un autant que l'autre, qui fait nos idées.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.13, Idées/Gallimard n°68)
     
  2. On vit dans le souvenir et par le souvenir, et notre vie spirituelle n'est, au fond, que l'effort de notre souvenir pour persévérer, pour se faire espérance, l'effort de notre passé pour se faire avenir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.20, Idées/Gallimard n°68)
     
  3. [...] en parcourant le monde, on rencontre des hommes qui semblent ne pas se sentir eux-mêmes.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.20, Idées/Gallimard n°68)
     
  4. Si la conscience n'est comme l'a dit un penseur inhumain, qu'un éclair entre deux éternités de ténèbres, alors il n'y a rien de plus exécrable que la conscience.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.25, Idées/Gallimard n°68)
     
  5. [...] la vie est une tragédie, et la tragédie une lutte perpétuelle sans victoire ni espoir de victoire ; c'est une contradiction.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.25, Idées/Gallimard n°68)
     
  6. [...] les raisons ne sont que des raisons, c'est-à-dire que ce ne sont peut-être pas des vérités.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.26, Idées/Gallimard n°68)
     
  7. Il y a des personnes, en effet, qui ne semblent penser qu'avec le cerveau, ou avec n'importe quel organe qui serait l'organe spécifique de la pensée ; tandis que d'autres pensent avec tout le corps et toute l'âme, avec la moelle des os, avec le cœur, avec les poumons, avec le ventre, avec la vie. Et le gens qui ne pensent qu'avec le cerveau donne des définitions, ils se font professionnel de la pensée.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.26, Idées/Gallimard n°68)
     
  8. Il ne suffit pas de penser notre destinée, il faut la sentir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.28, Idées/Gallimard n°68)
     
  9. [...] à nous tous il nous manque quelque chose ; la seule différence est que les uns le sentent, les autres non. Ou bien ils font comme s'ils ne le sentaient pas, et alors ce sont des hypocrites.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.29, Idées/Gallimard n°68)
     
  10. Un Miserere, chanté en choeur par une multitude fouettée du destin, vaut autant qu'une philosophie. Il ne suffit pas de guérir la peste, il faut savoir la déplorer. Oui, il faut savoir pleurer ! Et peut-être est-ce là la sagesse suprême.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.30, Idées/Gallimard n°68)
     
  11. La conscience est une maladie.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.30, Idées/Gallimard n°68)
     
  12. La raison, ce que nous appelons ainsi, la connaissance réflexe et réfléchie qui distingue l'homme, est un produit social.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.39, Idées/Gallimard n°68)
     
  13. Penser, c'est parler avec soi-même.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.39, Idées/Gallimard n°68)
     
  14. La bonté est la meilleure source de clairvoyance spirituelle.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.41, Idées/Gallimard n°68)
     
  15. Savoir pour savoir ! La vérité pour la vérité ! C'est inhumain.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.43, Idées/Gallimard n°68)
     
  16. [...] la philosophie se convertit volontiers et souvent en une sorte de proxénétisme, spirituel si l'on veut. D'autres fois, en opium pour endormir les chagrins.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.44, Idées/Gallimard n°68)
     
  17. [...] vivre est une chose, connaître en est une autre, [...] nous pouvons dire que tout le vital est antirationnel et non pas seulement irrationnel, et tout le rationnel, antivital. Et c'est là la base du sentiment tragique de la vie.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.49, Idées/Gallimard n°68)
     
  18. N'être pas tout et pour toujours, c'est comme si je n'étais pas ; ou au moins être tout moi, et l'être pour jamais. Et être tout moi, c'est être tous les autres. Tout ou rien !
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.54, Idées/Gallimard n°68)
     
  19. Éternité ! Éternité ! Voilà l'aspiration par excellence ; la soif d'éternité est ce qui s'appelle amour parmi les hommes ; qui aime autrui veut s'éterniser en lui. Ce qui n'est pas éternel n'est pas non plus réel.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.54, Idées/Gallimard n°68)
     
  20. La vanité du monde qui passe, et l'amour, sont les deux notes fondamentales et intimes de la vraie poésie.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.55, Idées/Gallimard n°68)
     
  21. Il n'y a rien de plus universel que l'individuel, puisque ce qui est à l'un est à tous les autres.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.61, Idées/Gallimard n°68)
     
  22. La jalousie est mille fois plus terrible que la faim, parce que c'est une faim spirituelle.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.72, Idées/Gallimard n°68)
     
  23. La Trinité fut un pacte entre le monothéisme et le polythéisme ; l'humanité et la divinité pactisèrent dans le Christ ; de même la nature et la grâce, la grâce et le libre arbitre, le libre arbitre et la prescience divine, etc.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.97, Idées/Gallimard n°68)
     
  24. La pensée n'est pas une, mais variée : de même l'âme n'est pour la raison que la succession d'états de conscience coordonnés entre eux.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.104, Idées/Gallimard n°68)
     
  25. Penser que l'on pense, et rien de plus, n'est pas penser.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.107, Idées/Gallimard n°68)
     
  26. L'idée de moi-même, c'est moi.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.107, Idées/Gallimard n°68)
     
  27. C'est une chose terrible, l'intelligence. Elle tend à la mort comme la mémoire à la stabilité. Le vivant, ce qui est absolument instable, l'individuel, est, en toute rigueur, inintelligible. La logique tend à tout réduire en identités et en espèces, à ce que chaque représentation n'ait qu'un seul et même contenu, n'importe où, n'importe quand, et dans n'importe quelles conditions de relation. Et il n'y a rien qui soit le même en deux moments successifs de son être.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.111, Idées/Gallimard n°68)
     
  28. Pour comprendre quelque chose, il faut le tuer et le raidir dans l'esprit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.112, Idées/Gallimard n°68)
     
  29. Le rationnel, en effet, n'est que le relatif ; la raison se borne à mettre en relation des éléments irrationnels. Les mathématiques sont la seule science parfaite en tant qu'elles additionnent, retranchent, multiplient et divisent des nombres, mais non des choses réelles et massives ; c'est-à-dire, en tant que c'est la plus formelle des sciences. Qui est capable d'extraire la racine cubique d'un arbre, de ce frêne ?
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.112, Idées/Gallimard n°68)
     
  30. " La théologie occidentale - écrit Arthur Penrhyn Stanley, Lectures on the history of the Eastern Church - est essentiellement logique dans sa forme et se base sur la loi ; la théologie orientale est rhétorique dans sa forme et se base sur la philosophie. Le théologien latin est le successeur de l'avocat romain ; le théologien oriental du sophiste grec . "
    Et toutes les élucubrations prétendues rationnelles ou logiques à l'appui de notre soif d'immortalité, ne sont qu'avocasserie et sophistique.

    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.113, Idées/Gallimard n°68)
     
  31. La vraie science enseigne, avant tout, à douter et à ignorer, l'avocasserie ne doute ni ne croit qu'elle ignore. Il lui faut une solution.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.115, Idées/Gallimard n°68)
     
  32. Quand on dit d'une chose qu'elle n'est même pas digne de réfutation, tenez pour assuré, ou que c'est une insigne stupidité, auquel cas il n'y a rien à en dire, ou que c'est quelque chose de formidable, la clé même du problème.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.122, Idées/Gallimard n°68)
     
  33. [...] le bonheur [...] est une chose qui se vit et se sent, et non qui se raisonne et se définit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.123, Idées/Gallimard n°68)
     
  34. C'est très commode de dire à quelqu'un qui a une maladie mortelle le condamnant, lui le sachant, à une courte vie, de n'y pas penser.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.125, Idées/Gallimard n°68)
     
  35. Nous nommons vrai un concept qui concorde avec le système général de tous nos concepts, vraie une perception qui ne contredit pas le système de nos perceptions ; la vérité est cohérence.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.128, Idées/Gallimard n°68)
     
  36. Le scepticisme, l'incertitude, ultime position où aboutit la raison exerçant son analyse sur elle-même, sur sa propre validité, est la base sur quoi le désespoir du sentiment vital va fonder son espérance.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.130, Idées/Gallimard n°68)
     
  37. [...] la raison vit de formules ; la vie, qui vit et veut vivre toujours, n'accepte pas de formules. Sa seule formule est : tout ou rien. Le sentiment ne transige pas avec des moyens termes.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.131, Idées/Gallimard n°68)
     
  38. Raison et foi sont deux ennemies qui ne peuvent se maintenir l'une sans l'autre. L'irrationnel réclame d'être rationalisé, et seule la raison peut agir sur l'irrationnel. Il faut qu'ils s'appuient et s'associent. Mais s'associer dans la lutte, car la lutte est un mode d'association.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.136, Idées/Gallimard n°68)
     
  39. La guerre a toujours été le plus complet facteur de progrès, plus encore que le commerce. C'est par la guerre qu'apprennent à se connaître, et par conséquent à s'aimer, vainqueurs et vaincus.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.136, Idées/Gallimard n°68)
     
  40. [...] croire est en première instance vouloir croire.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.138, Idées/Gallimard n°68)
     
  41. Connaître quelque chose, c'est faire de moi ce quelque chose que je connais ; mais pour m'en servir, pour le dominer, il faut qu'il reste distinct de moi.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.139, Idées/Gallimard n°68)
     
  42. [...] croire en Dieu, c'est avant tout et par-dessus tout vouloir qu'il existe.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.140, Idées/Gallimard n°68)
     
  43. Je ne comprends pas les hommes qui me disent n'avoir jamais été tourmentés par la perspective d'outre-tombe, ni inquiétés par leur propre anéantissement ; et pour ma part je ne cherche pas à mettre la paix entre mon cœur et ma raison ; j'aime bien mieux qu'ils se battent entre eux.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.145, Idées/Gallimard n°68)
     
  44. Par désespoir on affirme, par désespoir on nie, par désespoir on s'abstient d'affirmer et de nier.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.148, Idées/Gallimard n°68)
     
  45. [...] il vaut mieux manquer de raison que d'en avoir trop.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.155, Idées/Gallimard n°68)
     
  46. [...] si les pièces du jeu d'échecs étaient douées de conscience, elles admettraient volontiers le libre arbitre de leurs mouvements, c'est-à-dire leur rationalité finaliste.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.157, Idées/Gallimard n°68)
     
  47. [...] que ce soit avec la raison, sans la raison ou contre elle, je n'ai pas envie de mourir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.157, Idées/Gallimard n°68)
     
  48. L'amour recherche avec fureur, à travers l'objet aimé, quelque chose au-delà ; et comme il ne le trouve pas, il désespère.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.161, Idées/Gallimard n°68)
     
  49. Grâce à l'amour nous sentons tout ce qu'a de chair l'esprit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.161, Idées/Gallimard n°68)
     
  50. Vivre, c'est se donner, se perpétuer ; se perpétuer et se donner, c'est mourir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.161, Idées/Gallimard n°68)
     
  51. Et l'amour charnel prenant pour fin la jouissance, qui n'est qu'un moyen, et non la perpétuation, qui est la vraie fin, qu'est-ce sinon de l'avarice ? Et il est possible qu'il y en ait qui pour mieux se perpétuer gardent leur virginité. Et pour perpétuer quelque chose de plus humain que la chair.
    Car ce que perpétuent les amants sur la terre, c'est la chair de douleur, c'est la douleur, c'est la mort. L'amour est frère, fils et père de la mort, qui est sa sœur, sa mère et sa fille. Et c'est ainsi qu'il y a au plus profond de l'amour un abîme d'éternel désespoir, d'où jaillissent l'espoir et la consolation.

    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.163, Idées/Gallimard n°68)
     
  52. [...] rien ne nous pénètre mieux de l'espoir et de la foi en un autre monde que l'impossibilité pour notre amour de fructifier véritablement dans ce monde de chair et d'apparences.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.165, Idées/Gallimard n°68)
     
  53. L'homme aspire à être aimé, ou, ce qui revient au même, aspire à inspirer la compassion.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.165, Idées/Gallimard n°68)
     
  54. La femme se donne à l'amant parce qu'elle le sent souffrir de son désir. [...] La femme semble dire : " Viens, pauvre petit, et ne souffre pas tant à cause de moi ! " Et c'est pourquoi son amour est plus amoureux et plus pur que celui de l'homme, et plus vaillant et plus durable.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.166, Idées/Gallimard n°68)
     
  55. Et s'il est douloureux de cesser un jour d'être, il serait peut-être plus douloureux de continuer toujours d'être le même, sans plus, sans pouvoir en même temps être autre, sans pouvoir être à la fois tout le reste, sans pouvoir être tout.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.167, Idées/Gallimard n°68)
     
  56. Pour aimer tout, pour avoir pitié de tout, de l'humain et de l'extra-humain, du vivant et de l'inanimé, il faut que tu sentes tout en dedans de toi-même, que tu personnifies tout. Car l'amour personnifie ce qu'il aime, ce à quoi il compatit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.168, Idées/Gallimard n°68)
     
  57. [...] toute conscience est une conscience de mort et de douleur.
    Conscience, conscientia, c'est connaissance partagée, con-sentiment ; et con-sentir, c'est com-patir.

    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.168, Idées/Gallimard n°68)
     
  58. [...] l'évolution des êtres organisés n'est qu'une lutte pour la plénitude de la conscience à travers la douleur, une constante aspiration à être autrui sans cesser d'être soi, à rompre ses bornes en se limitant.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.171, Idées/Gallimard n°68)
     
  59. Quoi qu'en pense la raison, il faut penser avec la vie, et quoi qu'en pense la vie, il faut rationaliser la pensée.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.175, Idées/Gallimard n°68)
     
  60. La volonté est une force qui se sent, c'est-à-dire qui souffre.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.177, Idées/Gallimard n°68)
     
  61. Car croire en Dieu c'est en une certaine façon le créer, bien qu'il nous ait auparavant créés. C'est Lui qui se crée lui-même en nous constamment.
    Nous avons créé Dieu pour sauver l'Univers du néant, car ce qui n'est pas conscience et conscience éternelle, conscience de son éternité et éternellement consciente, n'est rien de plus qu'apparences. Il n'y a de véritablement réel que ce qui sent, souffre, compatit, aime et désire, autrement dit la conscience ; il n'y a de substantiel que la conscience ; non pour penser l'existence, mais pour la vivre ; non pour savoir pourquoi et comment elle est, mais dans quel but. L'amour est un contresens s'il n'y a pas de Dieu.

    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.186, Idées/Gallimard n°68)
     
  62. Vouloir définir Dieu, c'est prétendre à le limiter en notre esprit, c'est-à-dire le tuer. Dès que nous essayons de le définir, c'est le néant qui surgit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.200, Idées/Gallimard n°68)
     
  63. Et Dieu n'existe pas, mais plutôt sur-existe, et soutient notre existence en " nous existant ".
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.201, Idées/Gallimard n°68)
     
  64. Et Dieu est la plus riche et la plus personnelle conception humaine.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.202, Idées/Gallimard n°68)
     
  65. [...] plus on a de personnalité, de richesse intérieure, de société en soi-même, moins brutalement on se sépare des autres.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.203, Idées/Gallimard n°68)
     
  66. La raison répète : vanité des vanités, et tout est vanité ! Et l'imagination réplique : plénitude des plénitudes , et tout est plénitude ! Et nous vivons ainsi la vanité de la plénitude, ou la plénitude de la vanité.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.212, Idées/Gallimard n°68)
     
  67. Croire en un Dieu vivant et personnel, en une conscience éternelle et universelle qui nous connaît et nous aime, c'est croire que l'Univers existe pour l'homme. Pour l'homme ou pour une conscience de l'ordre de la conscience humaine, de même nature quoique sublimée ; une conscience qui nous connaisse, et dans le sein de laquelle vive pour toujours notre souvenir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.216, Idées/Gallimard n°68)
     
  68. Que serait un univers sans conscience aucune qui le réfléchisse et le connaisse ? Que serait la raison objectivée, sans volonté ni sentiment ? Pour nous, la même chose que le néant ; mille fois plus épouvantable que lui.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.218, Idées/Gallimard n°68)
     
  69. Ne pas croire qu'il y ait un Dieu ou croire qu'il n'y en a pas, est une chose ; se résigner à ce qu'il n'y en ait pas, en est une autre, inhumaine et horrible ; mais ne vouloir pas qu'il y en ait, excède toute autre monstruosité morale. Bien qu'en fait, ceux qui renient Dieu le fassent par désespoir de ne pas le trouver.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.218, Idées/Gallimard n°68)
     
  70. Croire en Dieu, c'est désirer qu'il existe, et c'est en outre se conduire comme s'il existait ; c'est vivre de ce désir et faire de lui notre ressort intime d'action.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.219, Idées/Gallimard n°68)
     
  71. [...] nous n'espérons pas parce que nous croyons, mais bien plutôt nous croyons parce que nous espérons.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.221, Idées/Gallimard n°68)
     
  72. Croire est une manière de connaître, ne fût-ce que connaître notre désir vital jusqu'à le formuler.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.221, Idées/Gallimard n°68)
     
  73. Exister, c'est être situé en dehors de nous au point d'avoir précédé notre perception et de pouvoir subsister après notre disparition.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.231, Idées/Gallimard n°68)
     
  74. [...] exister c'est agir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.232, Idées/Gallimard n°68)
     
  75. Le mystère de l'amour, qui est celui de la douleur, a une forme mystérieuse, qui est le temps. Nous attachons l'hier au lendemain avec des chaînes d'angoisse, et l'aujourd'hui n'est à dire vrai que l'effort du passé pour deviner l'avenir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.234, Idées/Gallimard n°68)
     
  76. [...] nous croyons ce que nous espérons.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.236, Idées/Gallimard n°68)
     
  77. De même que la vérité est la fin de la connaissance rationnelle, de même la beauté est la fin de l'espérance, même si elle est irrationnelle dans sa base.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.237, Idées/Gallimard n°68)
     
  78. Qu'est-ce que la beauté d'une chose sinon son fond éternel, ce qui unit son passé à son avenir, ce qui d'elle repose et demeure dans les entrailles de l'éternité ? Ou encore, qu'est-ce, sinon la révélation de sa divinité ?
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.238, Idées/Gallimard n°68)
     
  79. Angoissés de sentir que tout passe, que nous passons, que ce qui est nôtre passe, que tout ce qui nous entoure passe, l'angoisse même nous révèle la consolation de ce qui ne passe pas, de l'éternel, du beau.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.239, Idées/Gallimard n°68)
     
  80. L'espoir dans l'action est la charité, de même que la beauté en action est le bien.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.239, Idées/Gallimard n°68)
     
  81. [...] il n'y a rien de divin que ce qui souffre.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.240, Idées/Gallimard n°68)
     
  82. [...] l'amour est le désespoir résigné.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.243, Idées/Gallimard n°68)
     
  83. [...] seule la détresse, la passion de ne jamais mourir, fait l'esprit humain maître de soi.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.250, Idées/Gallimard n°68)
     
  84. [...] la suprême paresse consiste à ne pas désirer follement l'immortalité.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.250, Idées/Gallimard n°68)
     
  85. Cherche-toi donc toi-même ! Mais en se rencontrant, est-ce qu'on ne rencontre pas son propre néant ?
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.269, Idées/Gallimard n°68)
     
  86. Celui qui se tue se tue pour ne pas attendre de mourir.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.272, Idées/Gallimard n°68)
     
  87. [...] comprendre est quelque chose d'actif et d'amoureux, et la vision béatifique est la vision de la vérité totale. N'y a-t-il pas au fond de toute passion la curiosité ?
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.274, Idées/Gallimard n°68)
     
  88. Il n'y a pas en effet de plus parfaite domination que la connaissance ; qui connaît quelque chose, le possède. La connaissance unit le connaisseur au connu. [...] Celui qui connaît Dieu est déjà Dieu.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.275, Idées/Gallimard n°68)
     
  89. L'homme qui ne sait pas exactement pourquoi il fait ce qu'il fait et non autre chose, sent la nécessité de se rendre compte de sa raison d'agir, et la forge ensuite. Ce que nous croyons être des mobiles de notre conduite, ce ne sont que des prétextes. La même raison par quoi un homme croit être poussé à faire attention de prolonger sa vie est la même par quoi un autre se croit amené à se tirer un coup de revolver.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.302, Idées/Gallimard n°68)
     
  90. Celui qui base ou croit baser sa conduite - interne ou externe, de sentiment ou d'action - sur un dogme ou un principe théorique qu'il estime indiscutable, court le risque de devenir un fanatique.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.303, Idées/Gallimard n°68)
     
  91. [...] c'est le martyr qui fait la foi bien plus que la foi le martyr.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.304, Idées/Gallimard n°68)
     
  92. Quelle est notre vérité de cœur, et antirationnelle ? Celle de l'immortalité de l'âme humaine, de la persistance sans fin de notre conscience, celle de la finalité humaine de l'Univers. Et quelle est sa preuve morale ? Nous pouvons la formuler ainsi : agir de façon à mériter à tes propres yeux et à ceux d'autrui l'éternité, à te faire irremplaçable, à ne pas mériter de mourir. Ce qu'on peut encore exprimer ainsi : agir comme si tu devais mourir demain, mais mourir pour survivre et t'éterniser. La fin de la morale est de conférer une finalité humaine, personnelle, à l'Univers ; découvrir celle qu'il a - s'il en a une - et la découvrir en agissant.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.305, Idées/Gallimard n°68)
     
  93. [...] chacun de nous - notre âme, et non notre vie - vaut pour tout l'Univers.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.311, Idées/Gallimard n°68)
     
  94. Il n'y a rien de pire qu'un pistolet chargé dans un coin, et dont on ne se sert pas ; passe un enfant, qui se met à jouer avec et tue son père.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.315, Idées/Gallimard n°68)
     
  95. [...] seul le travail peut pratiquement nous consoler d'être nés.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.319, Idées/Gallimard n°68)
     
  96. Celui qui ne perd pas sa vie ne la trouvera pas. Livre-toi donc aux autres, mais pour te livrer, domine-les d'abord. Car on ne peut dominer sans être dominé. Chacun se nourrit de la chair de celui qu'il dévore. Pour dominer le prochain, il faut le connaître et l'aimer. C'est en essayant de lui imposer mes idées que je reçois les siennes. Aimer son prochain, c'est vouloir qu'il soit comme moi, qu'il soit un autre moi, c'est-à-dire vouloir être lui ; c'est vouloir effacer la frontière entre lui et moi, supprimer le mal. Mon effort pour m'imposer à autrui, pour être et vivre en lui et de lui, pour le faire mien - c'est la même chose que de me faire sien - est ce qui donne un sens religieux à la collectivité, à la solidarité humaine.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.321, Idées/Gallimard n°68)
     
  97. La guerre est, au sens le plus strict, la sanctification de l'homicide.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.322, Idées/Gallimard n°68)
     
  98. Le précepte suprême qui jaillit de l'amour envers Dieu, la base de toute morale est là : livre-toi entièrement, donne ton esprit pour le sauver, pour l'éterniser. Tel est le sacrifice de la vie.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.323, Idées/Gallimard n°68)
     
  99. [...] la paresse [...] engendre les deux vices, l'avarice et l'envie, qui sont à leur tour la source de tous les autres. La paresse est le poids en nous de la matière, inerte en soi, et cette paresse, tandis qu'elle nous dit qu'elle tâche de nous conserver par l'économie, tend en réalité à nous diminuer, à nous réduire à rien.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.324, Idées/Gallimard n°68)
     
  100. La charité, ce n'est pas de bercer et d'endormir nos frères dans l'inertie et l'assoupissement de la matière, mais de les réveiller à l'agitation et au tourment de l'esprit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.325, Idées/Gallimard n°68)
     
  101. Celui qui aime son prochain lui brûle le cœur ; et le cœur comme le bois vert, quant il brûle, gémit et distille des larmes.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.326, Idées/Gallimard n°68)
     
  102. La plupart de nos misères procèdent d'avarice spirituelle.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.326, Idées/Gallimard n°68)
     
  103. Les hommes doivent tâcher de s'imposer les uns aux autres, de se donner mutuellement leurs esprits, de se sceller mutuellement leurs âmes.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.327, Idées/Gallimard n°68)
     
  104. Être vaincu, ou tout au moins apparaître vaincu, c'est bien des fois vaincre ; prendre ce qui est à un autre, c'est une façon de vivre en lui.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.327, Idées/Gallimard n°68)
     
  105. Car plus je suis moi-même et à moi-même, plus je suis aux autres ; de la plénitude de moi-même je me tourne vers mes frères, et ils entrent en moi.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.328, Idées/Gallimard n°68)
     
  106. [...] celui qui n'a pas de passion, il ne lui sert de rien d'avoir de la science.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.329, Idées/Gallimard n°68)
     
  107. " Que Dieu se charge de tout faire ! " - dira-t-on ; - mais c'est que si l'homme se croise les bras, Dieu s'endort.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.330, Idées/Gallimard n°68)
     
  108. Car la vraie liberté n'est pas de secouer la loi extérieure ; la liberté est la conscience de la loi. Est libre non celui qui secoue la loi, mais celui qui s'en rend maître.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.338, Idées/Gallimard n°68)
     
  109. Il en est de la passion comme de la douleur : elle crée son objet. Il est plus facile au feu de trouver le combustible, qu'au combustible de trouver le feu.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.336, Idées/Gallimard n°68)
     
  110. [...] Notre Seigneur Don Quichotte, le Christ espagnol [...]
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.340, Idées/Gallimard n°68)
     
  111. Il y a un ridicule plus terrible que les autres, à savoir le ridicule qu'on trouve en soi-même et qu'on garde pour soi.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.347, Idées/Gallimard n°68)
     
  112. Les progrès viennent souvent des barbares et rien n'est plus barré que la philosophie des philosophes et la théologie des théologiens.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.347, Idées/Gallimard n°68)
     
  113. L'individu est à la fin de l'Univers.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.357, Idées/Gallimard n°68)
     
  114. Le plus haut héroïsme, pour un individu comme pour un peuple, est de savoir affronter le ridicule ; mieux encore, c'est de savoir se poser en ridicule et de ne rien craindre de lui.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.360, Idées/Gallimard n°68)
     
  115. Ce que l'homme cherche dans la religion, dans la foi religieuse, c'est de sauver sa propre individualité, de l'éterniser, ce qu'on n'obtient ni avec la science, ni avec l'art, ni avec la morale.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.364, Idées/Gallimard n°68)
     
  116. Pour quoi se battit Don Quichotte ? Pour Dulcinée, pour la gloire, pour vivre, pour survivre. Non pour Yseult, qui est la chair éternelle ; non pour Béatrice, qui est théologie ; non pour Marguerite, qui est le peuple ; non pour Hélène, qui est la culture. Il se battit pour Dulcinée, et il la conquit, puisqu'elle vit.
    (Le sentiment tragique de la vie, trad. Marcel Faure-Beaulieu, p.371, Idées/Gallimard n°68)
     
  117. [...] l'homme le plus bête est celui qui meurt sans avoir dit ni fait la moindre bêtise.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.14, Éd. du Rocher)
     
  118. Je suis devenu l'ami d'un vieux chêne. [...] Il est en partie mort. Tu te rends compte : mort en partie, mais pas tout entier !
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.17, Éd. du Rocher)
     
  119. [...] les journaux, il me faut les laisser tomber au plus vite. Ils sont plus stupides que les hommes qui écrivent dedans.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.20, Éd. du Rocher)
     
  120. Le jeu d'échecs :
    [...] ce vice solitaire à deux, en compagnie.

    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.23, Éd. du Rocher)
     
  121. Cet homme m'attire autant que le plus bel arbre du bois ; c'est un autre arbre, un arbre humain, silencieux, végétatif. Car il joue aux échecs comme les arbres donnent des feuilles.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.26, Éd. du Rocher)
     
  122. Il joue [aux échecs] comme on accomplit un service religieux. Mais non, mieux : comme on crée une silencieuse musique religieuse. Son jeu est musical. Il saisit les pièces comme s'il jouait d'une harpe. Et j'ai l'impression d'entendre son cavalier, non pas hennir - ça jamais ! -, mais respirer musicalement lorsqu'il va faire échec.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.31, Éd. du Rocher)
     
  123. Car il est des bonheurs tragiques.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.35, Éd. du Rocher)
     
  124. [...] il n'est guère d'histoires que les romans.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.41, Éd. du Rocher)
     
  125. [...] la bêtise, quand elle se met à rire sur soi, cesse d'être de la bêtise.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.70, Éd. du Rocher)
     
  126. Et s'il est terrible de faire profession de fabricant de romans, bien plus terrible est de faire profession de lecteur de romans.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.87, Éd. du Rocher)
     
  127. Les plus grands historiens sont les romanciers, ceux qui mettent le plus d'eux-mêmes dans leurs histoires, les histoires qu'ils inventent.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.90, Éd. du Rocher)
     
  128. [...] il n'y a de vérité vraie que la vérité poétique, et de véritable histoire que le roman.
    (Le Roman de Don Sandalio, joueur d'échecs, trad. Yves Roullière, p.91, Éd. du Rocher)
     
  129. Être séduit est plus flatteur qu'être séducteur.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.26, Éd. L' ge d'Homme)
     
  130. [...] le pire n'est pas de ne pas être aimé, de ne pas pouvoir être aimé ; le pire est de ne pas pouvoir aimer.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.38, Éd. L' ge d'Homme)
     
  131. Ceux qui se croient justes sont le plus souvent des arrogants qui humilient les autres par l'ostentation de leur justice.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.55, Éd. L' ge d'Homme)
     
  132. Être libre, c'est croire qu'on l'est !
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.71, Éd. L' ge d'Homme)
     
  133. Les esprits vulgaires, grossiers, ne parviennent pas à se distinguer et, ne pouvant supporter que les autres réussissent à le faire, ils veulent leur imposer l'uniforme du dogme, ce vêtement rudimentaire qui s'oppose à toute distinction. À l'origine de toutes les orthodoxies, religieuses ou artistiques, il y a l'envie, c'est certain.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.73, Éd. L' ge d'Homme)
     
  134. C'est une canaillerie que de se servir des faiblesses de son prochain pour s'exercer à la vertu.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.80, Éd. L' ge d'Homme)
     
  135. Le voleur voit des voleurs partout.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.84, Éd. L' ge d'Homme)
     
  136. Toute opinion philosophique, tout axiome, toute proposition générale et solennelle, énoncée sous forme d'aphorisme, est une bêtise.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.92, Éd. L' ge d'Homme)
     
  137. [L'envie] ne peut pas naître entre des personnes qui se connaissent à peine. On n'envie pas celui qui vit sur d'autres terres ou qui vivait en d'autres temps. On n'envie pas l'étranger, on envie ceux du même village ; pas celui qui est plus vieux, qui appartient à une autre génération, mais le contemporain, le camarade. Et, plus que tous les autres, le frère.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.127, Éd. L' ge d'Homme)
     
  138. La vieillesse égoïste n'est qu'une enfance consciente de la mort. Le vieux est un enfant qui sait qu'il doit mourir.
    (Abel Sanchez, trad. Maurice Gabail, p.145, Éd. L' ge d'Homme)
     
  139. Il faut chercher la vérité, non la raison des choses ; et la vérité se cherche avec l'humilité.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.23, Éd. du Cerf)
     
  140. Triste chose que se laisser endormir par des voix qui se feront muettes à nos oreilles quand celles-ci deviendront sourdes pour toujours !
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.26, Éd. du Cerf)
     
  141. Pourquoi tant d'hommes croient-ils ? Comment la raison n'est-elle pas plus forte ? La vérité de la foi se prouve par son existence, et seulement par elle.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.31, Éd. du Cerf)
     
  142. Dans la religion, s'unifient la science, la poésie et l'action.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.34, Éd. du Cerf)
     
  143. Nous sortons du néant. Habituons-nous à nous considérer dignes seulement du néant, et l'espérance donnera ses fruits en nous.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.36, Éd. du Cerf)
     
  144. Il n'est pas de musique plus grande ni plus sublime que le silence, mais nous sommes trop faibles pour la comprendre et la sentir. Ceux d'entre nous qui ne peuvent se plonger dans le silence et recevoir la grâce ont la musique, qui est comme la parole du silence, parce que la musique révèle la grandeur du silence et ne nous offre pas de vain bavardage.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.38, Éd. du Cerf)
     
  145. Souvent j'ai observé cette triste particularité de toutes les conversations mondaines, à savoir qu'elles sont, plutôt que des dialogues, des monologues entremêlés. Ceux qui conversent demeurent étrangers entre eux : chacun suit sa ligne de pensée. On n'écoute pas avec attention bienveillante, impatient qu'on est de placer son propos, que l'on croit toujours plus important que celui des autres. Presque jamais on n'arrive à une fusion des sentiments, à l'union d'intention, à la communion d'esprit sur ce dont on parle. Il y a matière à méditation sérieuse dans le fait que soient si fréquentes les interruptions dans les conversations mondaines : c'est le symptôme d'une maladie très douloureuse.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.39, Éd. du Cerf)
     
  146. Ne réfute jamais les opinions d'autrui, parce que ce serait vouloir paraître plus fort que ton prochain et le dominer. Expose ton sentiment avec sincérité et simplicité et laisse la vérité agir de soi sur l'esprit de ton frère. Qu'elle le conquière, elle, et que toi tu ne le mettes pas sous ton joug. La vérité que tu proféreras n'est pas à toi ; elle est au-dessus de toi, et elle se suffit à elle-même.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.40, Éd. du Cerf)
     
  147. La foi est la preuve de la vérité de ce que l'on croit. Seule la vérité peut s'imposer avec une telle évidence.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.42, Éd. du Cerf)
     
  148. Chacun de nous est le confluent d'une éternité et d'une immensité.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.43, Éd. du Cerf)
     
  149. Le libre arbitre n'est pas une raison, mais une vérité. Vouloir en rendre raison, c'est le détruire.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.44, Éd. du Cerf)
     
  150. Par la foi nous recevons la substance de la vérité, par la raison sa forme.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.45, Éd. du Cerf)
     
  151. Il est très fréquent (mais c'est un fait auquel on pense peu) qu'un homme vive en se fuyant. Où ira-t-il, pour qu'il ne se rencontre pas soi-même ? Il court, il court encore, il fuit, désespéré, et il essaie toujours de ne pas se trouver. Il se répand dans le monde et dans le rêve de l'illusion pour se libérer de soi et, sans conscience de soi-même, rêver sa vie. Parmi ceux qui se suicident, combien ne le font-ils pas pour se libérer d'eux-mêmes et non d'une vie qui leur pèse !
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.48, Éd. du Cerf)
     
  152. Il est beaucoup plus difficile qu'on ne croit de s'aimer soi-même : c'est le principe de la vraie charité.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.48, Éd. du Cerf)
     
  153. On ne meurt qu'une fois. Et ne vaudrait-il pas la peine de vivre pour cet acte unique ? Vivre pour mourir ?
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.65, Éd. du Cerf)
     
  154. On ne doit pas penser à [la mort], dit-on : si on se mettait à réfléchir sur la mort, la vie deviendrait impossible. Eh bien, il faut y penser car, si le principe du remède est de connaître la maladie (et la mort est la maladie de l'homme), connaître la mort est le principe pour y remédier.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.65, Éd. du Cerf)
     
  155. Le panthéisme est le signe d'une vigoureuse aspiration vers Dieu ; c'est le désir corrompu de la gloire.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.67, Éd. du Cerf)
     
  156. Seul est humble en vérité celui qui humilie sa raison.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.68, Éd. du Cerf)
     
  157. Quelle personne éclairée et nourrie de science a la foi ?
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.69, Éd. du Cerf)
     
  158. [...] vivre consiste à se retirer de manière continue en mourant.
    Ton passé, tout entier, qu'est-il ? Où est-il en dehors de ta mémoire ? Et si ta mémoire défaille, qu'en sera-t-il de lui ?
    Convient-il de parler de " souvenir de la mort " ? Quand nous nous souvenons de la mort, nous nous en réveillons.
    Nous vivons en mourant ; à chaque instant, nous mourons et nous renaissons ; le présent fugitif coule entre la mort et le passé et la naissance de l'avenir. Et cette naissance est, comme la nôtre, un danger de mort.

    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.74, Éd. du Cerf)
     
  159. Il faut essayer, de temps à autre, de se concevoir et de se sentir comme n'étant pas. De cette horreur, on retire la crainte de Dieu et l'espérance.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.75, Éd. du Cerf)
     
  160. Il faut user les genoux davantage que les coudes.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.77, Éd. du Cerf)
     
  161. Il faut vivre dans la réalité de soi-même et non dans l'apparence que les autres se font de nous ; dans notre propre esprit, et non pas dans le concept d'autrui.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.79, Éd. du Cerf)
     
  162. Que les hommes s'occupent peu d'eux-mêmes ! Et comme ils sont inventifs pour perdre le temps si bref qui leur est accordé !
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p., Éd. du Cerf)
     
  163. Mieux vaut être bon, dût-on mal agir, qu'être mauvais et agir bien, " bien " en apparence.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.84, Éd. du Cerf)
     
  164. C'est une chose terrible que de vivre en esclave du moi que le monde nous a donné ; que d'être fidèle à son rôle, sans voir, en dehors du théâtre, l'immense splendeur du ciel et la terrible réalité de la mort ; que de devoir être logique à l'intérieur du monde !
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.87, Éd. du Cerf)
     
  165. Plus la vie est agréable et douce et enchanteresse, plus horrible est l'idée de la perdre. Et c'est ainsi que se corrompent les cultures et que viennent les décadences.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.90, Éd. du Cerf)
     
  166. La fin de l'homme est de devenir heureux, véritablement heureux, et non pas cultivé, ni raffiné. Et si le bonheur du monde conduit au désespoir, c'est qu'il n'est pas le bonheur vrai.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.90, Éd. du Cerf)
     
  167. Il faut vivre avec toute son âme ; et vivre avec toute son âme, c'est vivre avec la foi qui jaillit de la connaissance, avec l'espérance qui jaillit du sentiment, avec la charité qui jaillit de la volonté.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.91, Éd. du Cerf)
     
  168. Demander un signe, n'est-ce pas un signe ? Qui te pousse à demander un signe ?
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.95, Éd. du Cerf)
     
  169. Qui suis-je pour vouloir qu'on me parle ?
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.102, Éd. du Cerf)
     
  170. La paix est dans la contemplation ; dans l'action, la guerre. Mais il s'agit de trouver une contemplation active ou une action contemplative.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.103, Éd. du Cerf)
     
  171. Cette enveloppante obsession de l'autre vie, de l'au-delà, d'où me vient-elle ? Quoi ? Nous ne serions qu'un phénomène transitoire en ce monde ? Et pourquoi le monde ne serait-il pas, après tout, qu'un phénomène transitoire en nous ?
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.111, Éd. du Cerf)
     
  172. La haine du criminel est un des plus tristes sentiments humains.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.116, Éd. du Cerf)
     
  173. Agis comme si tu croyais, et tu finiras par croire pour agir.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.135, Éd. du Cerf)
     
  174. Il faut tenir compte du fait que ce qui nous répugne dans les mystères, c'est qu'ils doivent s'accommoder à notre imagination ; et nous ne tenons pas compte du fait qu'ils sont vérité d'une manière plus haute que celle que nous imaginons sous une représentation grossière. Une formule chimique est-elle une représentation adéquate du phénomène vivant ? Eh bien, la formule d'un mystère est une représentation beaucoup moins adéquate du mystère lui-même.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.139, Éd. du Cerf)
     
  175. " Connais-toi toi-même ! " disait l'inscription, et Carlyle dit : " Non, tu es inconnaissable ; connais ton oeuvre et réalise-là ! »
    Et quelle est mon oeuvre ? Il est quelque chose de plus que de se connaître, que de se faire (ou de réaliser son oeuvre) et que de s'aimer : c'est être soi (serse). Sois à toi-même, sois toi-même, et comme tu es néant, sois néant, et laisse-toi perdre entre les mains du Seigneur.

    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.160, Éd. du Cerf)
     
  176. Et si ta mort t'épouvante, pourquoi ne considères-tu pas avec effroi ta " dé-mort " (ta naissance) ? Combien peu nous pensons à notre naissance, à notre original personnel ! Je suis moi et non un autre, c'est-à-dire que je suis.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.164, Éd. du Cerf)
     
  177. Les sentiments dépourvus de concepts qui les soutiennent, sans ossature, sont pulpeux et flasques, et ils engendrent le sentimentalisme.
    (Journal intime, trad. Paul Drochon, p.166, Éd. du Cerf)
     
  178. [...] les mots soulignés ou écrits en italique m'agacent et me mettent de mauvaise humeur. C'est une insulte au lecteur, c'est le prendre pour un imbécile que lui dire :« Fais attention, mon ami, fais attention, ici il y a une intention ! » C'est pour cela que j'ai un jour conseillé à quelqu'un d'écrire ses articles entièrement en italique afin que le public se rendît bien compte que tout était intentionnel, du commencement jusqu'à la fin. En somme, c'est la pantomime des choses écrites ; on veut ainsi suppléer par un geste à la ressource de l'accent et de l'intonation.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.11, Terre de Brume, 2003)
     
  179. Un peuple qui prend plaisir aux courses de taureaux, qui trouve de la variété et de la finesse dans ce spectacle ultra simple, est vite jugé au point de vue de sa mentalité.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.13, Terre de Brume, 2003)
     
  180. Il y a [...] des opinions qui ne méritent qu'un sourire.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.17, Terre de Brume, 2003)
     
  181. Les gens affairés sont ceux qui disent qu'ils travaillent, et qui ne font que s'étourdir et étouffer la pensée.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.20, Terre de Brume, 2003)
     
  182. La manie de voyager vient de la topophobie, et non pas de la philotopie ; celui qui voyage beaucoup ne cherche pas le lieu où il arrive, il fuit plutôt celui qu'il laisse.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.20, Terre de Brume, 2003)
     
  183. Le meilleur art mnémotechnique, c'est encore d'avoir un calepin dans sa poche.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.21, Terre de Brume, 2003)
     
  184. Le hasard est le rythme profond du monde, le hasard est l'âme de la poésie !
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.26, Terre de Brume, 2003)
     
  185. La vie, c'est justement cela, le brouillard. La vie est une nébuleuse.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.26, Terre de Brume, 2003)
     
  186. Les femmes savent toujours quand on les regarde, même sans les voir, et quand on les voit, sans les regarder.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.28, Terre de Brume, 2003)
     
  187. Le monde est un kaléidoscope. C'est l'homme qui met de la logique. L'art suprême, c'est celui du hasard.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.39, Terre de Brume, 2003)
     
  188. Qu'est-ce qu'être amoureux, si ce n'est croire qu'on l'est ?
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.71, Terre de Brume, 2003)
     
  189. Il n'y a pas de propriété plus sûre que celle qui est sans mur ni clôture, à la portée de tout le monde.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.76, Terre de Brume, 2003)
     
  190. Qu'est-ce que le monde réel, sinon le sommeil que nous rêvons tous, le rêve commun ?
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.83, Terre de Brume, 2003)
     
  191. Marie-toi avec la femme qui t'aimera, quand bien même ne l'aimerais-tu pas. Il vaut mieux se marier pour que l'on conquière votre amour que pour conquérir celui de l'autre.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.89, Terre de Brume, 2003)
     
  192. L'âme est une source qui ne se manifeste que par les larmes. Tant qu'on n'a pas pleuré vraiment, on ne sait pas si l'on a une âme.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.97, Terre de Brume, 2003)
     
  193. L'amour, c'est une histoire de livres, quelque chose qu'on a inventé pour en parler et écrire dessus. Billeversées de poètes. Ce qui est positif, c'est le mariage. Le code civil ne parle pas de l'amour, mais du mariage. L'amour... tout ça c'est de la musique.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.100, Terre de Brume, 2003)
     
  194. Nous ne faisons rien d'autre que mentir et nous donner de l'importance. La parole a été faite pour exagérer toutes nos sensations et impression... peut-être même pour les croire.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.120, Terre de Brume, 2003)
     
  195. L'amour probablement naît en même temps que la jalousie, c'est la jalousie qui nous révèle l'amour. Pour autant qu'une femme soit éprise d'un homme, ou qu'un homme soit épris qu'une femme, ils ne s'en rendent bien compte, ils ne s'avouent à eux-mêmes qu'ils le sont, ils ne s'éprennent réellement l'un de l'autre, si ce n'est lorsque lui voit qu'elle regarde un autre homme ou lorsqu'elle le voit regarder une autre femme. S'il n'y avait au monde qu'un seul homme et qu'une seule femme, sans autre société, il serait impossible qu'ils s'éprissent l'un de l'autre.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.120, Terre de Brume, 2003)
     
  196. La meilleure diplomatie est de n'en pas avoir [...]
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.124, Terre de Brume, 2003)
     
  197. Il y a des occasions où les pires injures sont celles qui s'infligent sans le vouloir.[...] Les pires grossièretés sont celles que l'on dit involontairement et la grossièreté par excellence est d'être distrait en présence de quelqu'un. C'est [...] ce que l'on nomme sottement les oublis involontaires, comme s'il était possible d'oublier volontairement quelque chose. Ordinairement, l'oubli volontaire est une grossièreté.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.124, Terre de Brume, 2003)
     
  198. Allez à Paris avec une femme, c'est emporter une morue en allant en Islande !
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.127, Terre de Brume, 2003)
     
  199. Les hommes de parole disent d'abord une chose, puis la pensent, enfin la font, que le résultat soit bon ou mauvais.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.129, Terre de Brume, 2003)
     
  200. L'oeuvre humaine est collective... Rien qui ne soit collectif ne sera solide et durable.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.153, Terre de Brume, 2003)
     
  201. Nous autres érudits, nous surveillons les moindres trouvailles des uns et des autres afin d'empêcher qu'un autre nous devance...
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.154, Terre de Brume, 2003)
     
  202. - [...] il revient au même d'étudier une ou plusieurs femmes. L'important, c'est d'approfondir celle dont vous entreprenez l'étude.
    - Ne vaudrait-il pas mieux en prendre deux ou même plus, pour en faire une étude comparative ? Vous savez combien les comparaisons sont à la mode...
    - En effet, la science est comparaison : mais en ce qui touche les femmes, il n'est pas besoin de comparer. Celui qui en connaît une, une seulement, il les connaît toutes... il connaît la Femme.

    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.155, Terre de Brume, 2003)
     
  203. [Les femmes] répondent rarement à ce qu'on leur demande, mais plutôt à ce qu'elles croyaient qu'on allait leur demander.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.158, Terre de Brume, 2003)
     
  204. Le seul laboratoire de psychologie féminine ou de « gynépsychologie » est le mariage.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.165, Terre de Brume, 2003)
     
  205. Oui, douter, c'est penser.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.165, Terre de Brume, 2003)
     
  206. Ainsi quand on cherche des raisons pour se justifier, on ne fait autre chose que de justifier Dieu.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.166, Terre de Brume, 2003)
     
  207. [...] ce qui libère le plus dans l'art, c'est qu'il vous fait douter de votre propre existence.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.189, Terre de Brume, 2003)
     
  208. Celui qui crée, se crée et celui qui se crée, meurt.
    (Brouillard, trad. Noémie Larthe, p.198, Terre de Brume, 2003)