Christian Godin
1949
  1. [Platon comparait l'âme] à un attelage, avec un cocher (la raison), un cheval blanc, bon et docile (la force) et un cheval noir, rétif et mauvais (les désirs). La sagesse tient à la bonne conduite, donc à la maîtrise de l'attelage ; mais il arrive que le cheval noir tire de son côté.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.9, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  2. [...] le mot « méchant » a, si nous entendons bien les paroles qui se disent autour de nous, presque disparu de notre vocabulaire. Seuls les enfants se demandent encore si ce héros de film qu'ils voient ou cet animal du livre qu'ils lisent est « gentil » ou « méchant ». Fondamentalement, nous ne croyons pas, nous ne croyons plus à la méchanceté. Notre perte de foi dans le diable est allée jusque-là.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.10, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  3. [...] l'homme ne croit plus aux enfers depuis qu'il est capable d'en construire lui-même [...]
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.17, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  4. Un assassinat est un suicide qui a manqué son but, et c'est parce que le suicide est manqué que l'assassinat doit recommencer.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.19, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  5. Il existe une banalité quotidienne du mal que les journaux et la télévision, toujours portés à ce qu'il y a de plus spectaculaire, nous font oublier ou ignorer. Le cas, exceptionnel à tous égards, de l'assassin, ne doit nous cacher le fait que l'outil principal du mal n'est pas le couteau mais la parole.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.20, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  6. Or, de même que la cruauté du fauve est aussi dans l'attente et pas seulement dans l'agression, la méchanceté est dans le silence, et pas seulement dans l'explosion.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.22, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  7. Mais qui aurait le mauvais esprit de calculer tout le mal social que peut occasionner une décision de licenciement ? Tellement il est entendu de nos jours qu'une entreprise ne fait que du bien puisqu'elle existe et fait des profits... Les dirigeants ne veulent aucun mal à ceux dont ils font le désespoir, de même que les cambrioleurs ne veulent aucun mal à ceux dont ils font la détresse. Mais justement, n'est-ce pas cela aussi, la méchanceté, cette terrible incapacité à sortir du cercle de son moi (ou de celui de son petit nous, ce qui revient au même), l'incapacité a comprendre l'autre dans la totalité de l'existence et de l'ordre symbolique qui fait de la personne humaine bien autre chose qu'un individu ? Le cambrioleur et le dirigeant d'entreprise ne veulent briser aucune existence, ils ne veulent que renforcer la leur. On comprend à présent la pertinence de cette idée de Platon, que le premier mal, c'est l'ignorance.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.24, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  8. [...] la vie moderne offre à l'individu, même à celui qui ne dispose ni d'un grand pouvoir ni de grandes richesses, une capacité de nuisance inconnue dans le passé.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.28, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)
     
  9. Il n'y a pas d'action inexplicable, il n'y a que des actions inexpliquées, il n'y a pas de mystères, mais seulement, si l'on peut dire, des problèmes et des énigmes.
    (Nul n'est méchant volontairement (Platon), p.33, Pleins Feux, coll. Variations, 2001)