Jean Domat
1625-1696
  1. Fins différentes de l'éloquence : plaire, instruire, persuader, exhorter, louer : toutes doivent avoir pour règle la vérité.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.160,1843.)
     
  2. Le geste est un effort de l'âme pour se communiquer à travers le corps, et faire passer dans l'âme de celui qui entend ce qu'elle sent et ce qu'elle voit.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.160,1843.)
     
  3. Il y a une infinité de lois qui ne subsistent que parce qu'on n'a pas le temps de les réformer.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.160,1843.)
     
  4. Les passions sont des lois que les juges suivent.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.160,1843.)
     
  5. Le superflu des riches devrait servir pour le nécessaire des pauvres; mais, tout au contraire, le nécessaire des pauvres sert pour le superflu des riches.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  6. Cinq ou six pendards partagent la meilleure partie du monde et la plus riche. C'en est assez pour nous faire juger quel bien c'est devant Dieu que les richesses.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  7. On doit plus craindre d'avoir trop à l'heure de la mort que trop peu pendant la vie.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  8. On se sert du prétexte de ce que l'on mendie pour ne pas donner à l'hôpital, et de l'hôpital pour ne pas donner aux mendiants.»
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  9. Comme le corps s'anéantit et s'appesantit par l'âge et la durée de la vie, le cœur s'appesantit et s'affaiblit par la durée des mauvaises habitudes.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  10. Les événements sont hors de nous; notre volonté seule est à nous; ne pouvant régler aucun événement, nous devons nous mettre en état que nul événement ne nous trouble et ne nous empêche d'être heureux.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  11. II n'y a que deux voies pour se rendre heureux et content : l'une de remplir tous nos désirs, l'autre de les borner à ce que nous pouvons posséder. La première est impossible en cette vie; ainsi c'est une folie que d'entreprendre de se contenter en ce monde par cette voie.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  12. Les maximes de morale des païens sont des règles particulières pour de certaines actions, et en de certaines rencontres, pour certaines conditions; celles de l'Évangile sont universelles, car elles changent le fond du cœur et s'étendent à toute la conduite, en tous lieux et en toutes rencontres.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  13. II y a une différence extrême entre la manière dont nous sentons les injustices qui nous regardent, et celle dont nous jugeons de celles qui ne regardent que le prochain.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.161,1843.)
     
  14. Pourquoi souffrons-nous les douleurs sans nous mettre en colère, et que nous ne souffrons pas les injustices et les maux que nous causent les hommes sans mouvement de colère?
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  15. Nous voulons tellement plaire que nous ne voulons pas déplaire aux autres lorsque nous nous déplaisons à nous-mêmes, et que nous voulons plaire à ceux qui nous déplaisent.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  16. Quand on est dans la vérité, il ne faut pas craindre de creuser ; on trouve toujours un bon fond; on ne saurait manquer d'être soutenu; mais, dans les choses vaines et incertaines, il est périlleux de creuser.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  17. Les hommes ne jugent de la malice des actions et du cœur de l'homme que par rapport à ce qui les touche. Une incivilité à leur égard leur paraît plus criminelle que de grands péchés devant Dieu qui ne choquent pas les hommes.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  18. Tout homme qui a la moindre expérience dans le monde juge facilement que tous les autres, sans exception des plus raisonnables, raisonnent mal quelquefois, et raisonnent mal, pour l'ordinaire, dans leurs intérêts. Ainsi, il faut être fou de présomption pour s'imaginer qu'on soit l'unique au monde raisonnable dans son intérêt, et ne pas se défier toujours de son jugement quand il s'en agit. D'où j'admire l'extravagance de la plupart des gens, surtout des plaideurs, qui s'imaginent toujours tous avoir le meilleur droit du monde.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  19. On juge aussi témérairement en bien qu'en mal. Il y a du péril eu l'un et en l'autre. Si on juge mal en mal, on blesse la charité ; si on juge mal en bien, on blesse la vérité; c'est-à-dire que, jugeant mal d'une bonne action, on fait tort à son prochain, et que, jugeant bien d'une mauvaise action, on fait tort à la vérité.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.162,1843.)
     
  20. Les louanges, quoique fausses, quoique ridicules, quoique non crues, ni par celui qui loue ni par celui qui est loué, ne laissent pas de plaire ; et, si elles ne plaisent par un autre motif, elles plaisent au moins par la dépendance et par l'assujettissement de celui qui loue.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.163,1843.)
     
  21. On hait si fort les redites, que, quand elles sont nécessaires, on veut au moins, à chaque fois, être averti que c'est une redite: dans le palais, ledit, ladite, c'est l'excuse de celui qui redit..... Mais d'où vient cette haine des redites ? La nouveauté et l'ennui des mêmes choses. L'orgueil y a sa part; car il y a apparence qu'on veut inculquer par redites, et qu'on n'aime pas paraître dur à comprendre.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.163,1843.)
     
  22. La poésie a d'ordinaire plus d'éclat et plus d'agrément que la prose; mais ce n'est que comme les grotesques dans la peinture : ce qui y plaît est plus surprenant, mais assurément moins solide et moins beau que le naturel.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.163,1843.)
     
  23. Aujourd'hui, la dévotion et la vertu sont choses fort différentes.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.163,1843.)
     
  24. Nous n'agissons pas par raison, mais par amour, parce que ce n'est pas l'esprit qui agit, mais le cœur qui gouverne, et toute la déférence qu'a le cœur pour l'esprit est que, s'il n'agit pas par raison, il fait au moins croire qu'il agit par raison.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.164,1843.)
     
  25. II y a deux manières de venir à la connaissance de la verité: l'une par démonstration, et l'autre par des vraisemblances qui peuvent venir à un tel point, que la preuve en soit aussi forte que la démonstration et même plus touchante, plus persuasive et plus convaincante : par exemple, on est plus persuadé qu'on mourra, quoiqu'il n'y en ait pas de démonstration, que de toutes les vérités d'Euclide.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.164,1843.)
     
  26. Il est impossible d'avoir des démonstrations des vérités de notre religion, car il arriverait deux choses: l'une, que tout le monde l'embrasserait; l'autre qu'il n'y aurait pas de foi, qui est la voie par laquelle Dieu a voulu nous unir à lui.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.164,1843.)
     
  27. L'esprit sans piété ne sert qu'à rendre misérables ceux qui en ont, ce qui arrive en bien des manières, et entre autres par la peine qu'il y a à souffrir les sots.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.164,1843.)
     
  28. Ce n'est pas une petite consolation pour quitter ce monde que de sortir de la foule du grand nombre des sots et des méchants dont on est environné.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.165,1843.)
     
  29. Toutes les sottises et les injustices que je ne fais pas m'émeuvent la bile.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.165,1843.)
     
  30. Un peu de beau temps, un bon mot, une louange, une caresse me tirent d'une profonde tristesse dont je n'ai pu me tirer par aucun effort de méditation. Quelle machine que mon âme, quel abîme de misère et de faiblesse !
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.165,1843.)
     
  31. J'ai une expérience réglée d'un certain tour que fait mon esprit du trouble au repos, du repos au trouble, sans que jamais la cause ni de l'un ni de l'autre cesse, mais seulement parce que , la roue tournant, il se trouve tantôt dessus, tantôt dessous.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.165,1843.)
     
  32. Mon sort est différent du vôtre : vous changez souvent d'état, et moi je suis toujours à la même place; nous sommes pourtant tous deux également tourmentés: vous roulez dans les flots, et je les sens rouler sur moi.
    (cité dans Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. 3, p.165,1843.)