Étienne Bonnot de Condillac
1715 - 1780
  1. Un esprit faux est un esprit très borné : c'est un esprit qui n'a pas contracté l'habitude d'embrasser un grand nombre d'idées. Vous voyez par là qu'il doit souvent en laisser échapper les rapports.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.10, Dufart, 1803.)
     
  2. Pour découvrir la raison de ce qui est mal, le moyen le plus simple et le plus sûr, c'est de chercher la raison de ce qui est bien.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.20, Dufart, 1803.)
     
  3. [...] Rien ne lie mieux que la précision.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.122, Dufart, 1803.)
     
  4. [...] Nos pensées sont susceptibles de différents coloris : séparées, chacune a une couleur qui lui est propre ; rapprochées, elles se prêtent mutuellement des nuances, et l'art consiste à peindre ces reflets.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.198, Dufart, 1803.)
     
  5. Une maxime ou un principe est un jugement dont la vérité est fondée sur le raisonnement ou sur l'expérience.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.234, Dufart, 1803.)
     
  6. Principe et maxime sont deux mots synonymes : ils signifient tous deux une vérité qui est le précis de plusieurs autres ; mais celui-là s'applique plus particulièrement aux connaissances théoriques, et celui-ci aux connaissances pratiques.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.236, Dufart, 1803.)
     
  7. Il y a des écrivains qui paraissent craindre de dire ce que tout le monde pense, et surtout de le dire avec des expressions qui sont dans la bouche de tout le monde. Ils aiment ces tours précieux qui ne sont que l'art d'embarrasser une pensée commune, pour lui donner un air de nouveauté et de finesse.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.245, Dufart, 1803.)
     
  8. Il est assez ordinaire d'imiter les grands hommes dans ce qu'ils ont de défectueux. On contrefait aisément une démarche contrainte, on copie difficilement celle qui est naturelle.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.246, Dufart, 1803.)
     
  9. Quelquefois le langage du sentiment est rapide : c'est une exclamation qui tient lieu d'une phrase entière.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.258, Dufart, 1803.)
     
  10. En général, l'art de faire valoir une idée consiste à la mettre dans la place où elle doit frapper davantage.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.278, Dufart, 1803.)
     
  11. S'il y a des peuples qui aiment les expressions exagérées, ce n'est pas parce qu'elles sont fausses ; c'est parce qu'elles les remuent. Mais rien n'empêche d'allier l'exactitude avec la force. Le style est donc susceptible d'une beauté réelle.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.285, Dufart, 1803.)
     
  12. Il est aisé d'être plus correct que Fénelon ; mais il est difficile de penser mieux que lui.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.312, Dufart, 1803.)
     
  13. Le vrai moyen d'écrire d'une manière obscure, c'est de ne faire qu'une phrase où il en faut plusieurs, ou d'en faire plusieurs où il n'en faut qu'une. Si deux idées doivent se modifier, il faut les réunir ; si elles ne doivent pas se modifier, il faut les séparer.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.317, Dufart, 1803.)
     
  14. Dans tout discours il y a une idée par où l'on doit commencer, une par où l'on doit finir, et d'autres par où l'on doit passer. La ligne est tracée ; tout ce qui s'en écarte est superflu.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.326, Dufart, 1803.)
     
  15. Il semble souvent que nous soyons plus curieux de montrer que nous savons beaucoup de choses, que de faire voir que nous savons bien celles que nous traitons.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.349, Dufart, 1803.)
     
  16. Les préfaces sont une autre source d'abus. C'est là que se déploie l'ostentation d'un auteur qui exagère quelquefois ridiculement le prix des sujets qu'il traite.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.358, Dufart, 1803.)
     
  17. J'ajouterai encore que, si un exemple est nécessaire pour faire entendre une pensée, ce n'est pas par la pensée qu'il faut commencer, comme on fait communément, c'est par l'exemple.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.361, Dufart, 1803.)
     
  18. [...] On a pour toute règle que ce qui plaît est beau, et on ne songe pas que ce qui plaît aujourd'hui ne plaira plus demain.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.391, Dufart, 1803.)
     
  19. Lorsqu'on s'obstine à disputer sur les essences, il arrive qu'on ne sait plus ce que les choses sont.
    (Traité de l'art d'écrire in Oeuvres complètes, t. 10, p.419, Dufart, 1803.)