André Maurois
1885-1967
  1. Je crois apercevoir dans la nature les traces d'un ordre, d'un plan, et si vous voulez le reflet du divin... Mais le plan lui-même me paraît inintelligible pour un esprit humain...
    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.221)
     
  2. - En d'autres termes, vous croyez à une immortalité de l'âme universelle, mais non à la survie de l'individu ?...
    - Vous avez un goût très français des idées, mon ami...

    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.245)
     
  3. Il me regarda longtemps, comme un architecte qui mesure du regard la force d'une poutre ou d'un mur.
    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.247)
     
  4. J'étais perdu dans la rêverie où nous plonge toujours l'énigme d'un beau visage [...]
    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.256)
     
  5. C'est à la fois la force et le danger de notre caractère national [Anglais] que cette impuissance à s'exprimer...
    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.275)
     
  6. Je ne sais si je vous reverrai. Quand la vie sépare, elle sépare profondément.
    (Le peseur d'âmes, Livre de Poche n° 1685|1686, p.303)
     
  7. L'homme le plus patient ne demeure fidèle à une inconnue que si elle se fait connaître.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.7)
     
  8. Que de femmes ont founi de triomphales carrières dans le métier d'écouteuse, où d'ailleurs écouter n'est pas nécessaire ; il suffit d'en avoir l'air.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.10)
     
  9. Rien n'irrite un homme comme une femme agressive. Les Amazones sont plus admirées qu'adorées.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.10)
     
  10. On se fatigue de tout, même d'être aimé.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.12)
     
  11. - Comment s'appelle, demandait un examinateur à une étudiante américaine, le type d'union où l'homme se contente d'une seule femme ?
    - La monotonie, répondit l'étudiante.

    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.13)
     
  12. La véritable originalité s'exerce à l'intérieur de la règle.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.26)
     
  13. La variété dans l'identité, c'est l'un des secrets de tous les arts.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.27)
     
  14. Nous épargnons à nos enfants de grandes souffrances, si nous n'oublions pas que leur sensibilité est plus aigüe que la nôtre et leur attention plus éveillée. Leçon pour la mère.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.42)
     
  15. Être exigeant, c'est montrer de l'intérêt.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.48)
     
  16. Le célibataire aura toujours cette grande infériorité qu'il ne connaît, de toute une moitié de l'humanité, qu'un aspect romanesque ou critique.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.60)
     
  17. À l'homme moyen, cinquante années de mariage suffisent à peine pour comprendre une seule femme.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.61)
     
  18. Les sources de la beauté sont souterraines et secrètes.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.63)
     
  19. Le nu éveille des émotions excessives. La chasteté du vêtement les tempère. Comment dicter des lettres raisonnables à une secrétaire nue ?
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.72)
     
  20. Si belle qu'ait été une vie, il y a toujours un immense écart entre l'existence qu'avait rêvée l'adolescent et celle qu'a connue l'homme.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.75)
     
  21. [Camille Belguise] dit des choses admirables sur la nature et sur l'amour: "Celui qui aime projette dans l'autre sa propre image intérieure et s'attend à en voir le reflet. Dans l'amour vrai, on est deux, et il faut savoir préférer l'autre."
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.88)
     
  22. La coquetterie est une arme à deux tranchants. Elle blesse celle qui, en la maniant, se permet un faux mouvement.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.97)
     
  23. Rien de plus propre à former le goût et le jugement que de copier un passage sublime, de noter une pensée profonde.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.107)
     
  24. Les journaux, dans leur sagesse, proposent des mots croisés à leurs lecteurs, comme l'Église dans son infinie prudence, imposa des chapelets à ses fidèles. Les uns comme les autres sont d'excellents remèdes pour écarter l'idée fixe et mettre fin à la terrible méditation sur soi-même qui est le pire des supplices.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.109)
     
  25. [...] les circonstances m'ont brouillé avec un personnage puissant. Le Pessimiste penserait: "Quel désastre ! Cela va nuire à ma carrière." Moi, je me dis: "Quelle chance ! Je suis débarrassé de cet imbécile."
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.112)
     
  26. Aimer les braves gens qui m'entourent, fuir les méchants, jouir du bien, supporter le mal, et me souvenir d'oublier, voilà mon optimisme. Il m'a aidé à vivre. Puisse-t-il vous aider aussi.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.114)
     
  27. Le tyran est toujours un esclave.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.118)
     
  28. [...] il ne faut rien mépriser, au cours de la vie, de ce que l'on peut obtenir sans rien faire de méprisable.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.120)
     
  29. Rares sont ceux qui n'ont jamais l'occasion de faire leur bonheur ; plus rares ceux qui la saisissent.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.121)
     
  30. C'est une vertu que de plaire.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.125)
     
  31. Qu'est-ce que notre vie, sinon du temps?
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.137)
     
  32. Une femme qui me plaît ne peut jamais devenir un chronophage, elle remplit le temps de la manière la plus précieuse.
    [Maurois définit ainsi chronophage: Un homme qui n'a pas lui-même grand travail et qui, ne sachant que faire de son temps, décide de le remplir en mangeant le vôtre. (p.135)]

    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.137)
     
  33. Les femmes les mieux aimées ont toujours été celles que l'amant voyait le moins.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.153)
     
  34. [...] il y a deux manières d'observer les êtres. L'une consiste à les regarder d'un oeil critique, peut-être juste, mais sévère ; c'est l'attitude des indifférents. L'autre est mêlée de tendresse et d'humour ; elle voit, elle aussi, les fautes, mais elle en sourit et ne les corrige qu'avec douceur et gaieté. C'est l'attitude de l'affection.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.159)
     
  35. [...] le bonheur c'est précisément de n'avoir aucun désir de changer ceux que l'on aime.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.160)
     
  36. Quand le premier amour devient le seul amour, c'est une belle vie.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.172)
     
  37. C'est une redoutable responsabilité, Madame, que d'être le premier amour d'un homme de génie. Et même de tout homme.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.173)
     
  38. Le gouvernail ne peut agir que si le bateau est déjà en mouvement. On n'apprend à écrire un livre qu'en l'écrivant. Dans ce métier, comme en tout autre, il faut, après une brève délibération, se jeter à l'eau. Autrement l'on délibérera toute sa vie. J'ai vu plus d'un homme, et qui aurait eu du talent, rester sur la rive jusqu'à la mort en se demandant : "Aurais-je la force ?"
    [...]
    Je reviens au grand Alain: "La paresse consiste à délibérer sans fin, car, quand on réfléchit, tous les possibles sont équivalents... Il faut donc savoir se tromper, savoir tomber et ne pas s'en étonner."

    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.178-179)
     
  39. Tout l'art du mariage est de savoir passer de l'amour à l'amitié, sans pour cela sacrifier l'amour.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.181)
     
  40. Le bonheur n'est pas dans les événements. Il est dans le coeur de ceux qui les vivent.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.185)
     
  41. La vie est un combat et il faut s'y entraîner dès l'enfance. Les camarades sont meilleurs éducateurs que les parents, parce que sans pitié.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.187)
     
  42. Ne cherchez pas à faire, de l'éducation, une suite de plaisirs. Seul l'effort donne à l'esprit de la vigueur.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.187)
     
  43. Vos enfants vivront entourés de machines ; il faut qu'ils les comprennent et soient avec elles familiers. Les machines traitent très mal ceux qui ne les aiment pas.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.187)
     
  44. [...] l'homme est ainsi fait que s'oublier contribue à le rendre heureux.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.195)
     
  45. La mort nous fait oublier les faiblesses des êtres disparus ; elle ne nous laisse que le regret de nos silences.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.197)
     
  46. Les hommes aiment volontiers celui qui participe à leurs plaisirs ; il est rare qu'ils le respectent.
    (Lettres à l'Inconnue, Fayard, p.200)
     
  47. Ma volonté n'est pas une force distincte de moi. Elle est moi-même agissant.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.15)
     
  48. Je ne crois pas ce que je sais et je sais, en cette matière, que je ne sais rien.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.17)
     
  49. Je crois en l'existence d'une réalité unique, qui peut être considérée sous l'aspect de la pensée et sous l'aspect de la matière.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.19)
     
  50. Pour le marin qui cherche à échapper au naufrage, il me paraît moins décourageant de penser que la tempête est un jeu de forces aveugles contre lesquelles il lui faut lutter, avec sa science et son courage, que d'imaginer Neptune irrité par quelque offense et de chercher en vain les moyens d'apaiser le dieu.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.23)
     
  51. Plus savants, plus puissants, les hommes sont aujourd'hui plus malheureux que jamais.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.26)
     
  52. Un monde ou pas de monde, voilà notre dilemme. Ou nous travaillerons conjointement, ou nous serons atomisés séparément.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.30)
     
  53. [...] aucune vertu n'est naturelle. Toutes supposent la volonté de l'homme qui entreprend de se faire lui-même.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.35)
     
  54. Qui veut changer trouvera toujours une bonne raison pour changer.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.36)
     
  55. L'art est un effort pour créer, à côté du monde réel, un monde plus humain.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.39)
     
  56. Je crois que l'homme ne peut vivre sans poésie. Tous les hommes n'aiment pas les mêmes formes d'art parce que leurs passions et leurs angoisses furent différentes, mais tous ont besoin qu'un artiste ramène pour eux le monde à l'échelle humaine. Je crois que de beaux tableaux, de beaux drames, de beaux romans sont aussi nécessaires à l'humanité que des lois sages et de religieuses cérémonies. Je crois qu'un artiste, en créant un monde neuf, sauve à la fois lui-même et les autres.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.41)
     
  57. Mais la mort ne peut être imaginée, puisqu'elle est l'absence d'images. Elle ne peut être pensée, puisqu'elle est absence de pensée. Il faut donc vivre comme si nous étions éternels. Ce qui, pour chacun de nous, mais pour lui seul, est vrai.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.42)
     
  58. Le Perfectionniste est l'homme qui a, non pas une solution pour chaque problème, mais un problème pour chaque solution.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.66)
     
  59. Une oeuvre d'art n'expose pas une vérité préétablie ; elle incarne une vérité vécue.
    (Ce que je crois, Grasset 1952, p.145)
     
  60. Qu'est-ce qu'un livre ? Le durcissement d'un moment de la pensée...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.11)
     
  61. Qu'est-ce qui compte ? Flâner dans une bibliothèque, ouvrir un livre au hasard, déboucher au tournant d'une page sur une phrase qui m'enchante ; relire un auteur qui a été le compagnon de ma jeunesse ; avoir la joie de le trouver neuf, et intacte mon émotion... Qu'est-ce qui compte ? L'amitié. Pas l'amitié jalouse ; l'amitié qui serait l'estime mutuelle, accord de deux sensibilités ; surtout l'amitié entre homme et femme, réchauffée par la sensualité sans être [...] calcinée par la jalousie.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.12)
     
  62. Le retard est la politesse des artistes...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.16)
     
  63. N'oubliez jamais ceci, mon ami : un homme marié n'évolue plus suivant les lois de son être. Il n'a le droit de changer, donc de vivre, que s'il peut entraîner dans le changement cette autre moitié qui s'accroche à ses pensées...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.37)
     
  64. Accepter le présent, ce n'est pas renier le passé, c'est créer ce qui sera demain le passé d'un monde neuf...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.37)
     
  65. Je pense que vous avez dû, dans votre vie beaucoup souffrir... La dureté, c'est presque toujours une revanche...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.46)
     
  66. Les femmes sont " authentiquement " malades [...] quand elles le veulent. Elles sont même capables de mourir par orgueil.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.49)
     
  67. [...] quand on veut justifier une mauvaise action, on trouve toujours de bons arguments.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.50)
     
  68. [...] j'aime attendre ce que je n'attends pas.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.91)
     
  69. Ah ! les hommes riches, [...] je les hais ! Ils prennent au piège la chasteté, la beauté, la jeunesse ; ils en exigent des vertus qu'ils ne pratiquent pas...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.94)
     
  70. La souffrance est une route de vérité.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.95)
     
  71. L'amour [...] crée, comme par magie, les souvenirs d'un passé merveilleux, qui ne fut point.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.108)
     
  72. [...] le bonheur que l'on attend est plus beau que celui dont on jouit...
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.120)
     
  73. [...] cet étonnement inavoué que l'on éprouve en revoyant, après une longue absence, des êtres familiers.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.160)
     
  74. Il en est des confidences comme des femmes ; celles que nous désirons trop fort nous fuient, celles que nous redoutons nous poursuivent.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.164)
     
  75. [...] choisir. Plus je vis [...] et plus je pense que toute la sagesse se résume en ce seul mot.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.190)
     
  76. Le véritable amour est le besoin de sublime.
    (Les roses de septembre, Flammarion 1956, p.192)
     
  77. On n'aime pas une femme pour ce qu'elle dit ; on aime ce qu'elle dit parce qu'on l'aime.
    (De la conversation, p.7, Hachette, 1964)
     
  78. Il faut à deux époux beaucoup d'indulgence pour se supporter en public. Chacun trouve l'autre affecté, inexact. Anecdotes et sentiments semblent déformés par le désir de plaire ou par la crainte de choquer. Un personnage public apparaît, tout différent de l'être intime et du personnage domestique. Une affection impatiente s'irrite de ce décalage et en demande compte. Un amour vrai constate, lui aussi, que les images ne coïncident pas, mais comprend, sourit et n'en aime que mieux.
    (De la conversation, p.8, Hachette, 1964)
     
  79. Il y a des femmes qui, nées vives et charmantes, sont éteintes en quelques mois par un mari. Leurs idées sont traitées par lui avec tant de mépris et de hauteur qu'elles en viennent à douter d'elles-mêmes ; les voilà timides, ombrageuses, avec des airs de chien triste et battu. Il faudra bien du tact à leur premier amant pour leur rendre la confiance.
    (De la conversation, p.9, Hachette, 1964)
     
  80. La mémoire la plus étonnante est celle d'une femme amoureuse.
    (De la conversation, p.12, Hachette, 1964)
     
  81. Un homme préfère chez sa maîtresse des pensées médiocres qui sont d'elles à des pensées profondes qui peuvent venir d'un autre.
    (De la conversation, p.12, Hachette, 1964)
     
  82. L'être le plus insignifiant peut être aimé s'il sait organiser l'incertitude.
    (De la conversation, p.13, Hachette, 1964)
     
  83. À la naissance de l'amour, les amants parlent de l'avenir. À son déclin, ils parlent du passé.
    (De la conversation, p.14, Hachette, 1964)
     
  84. Un conseil est toujours une confession.
    (De la conversation, p.18, Hachette, 1964)
     
  85. Ovide a tort. C'est dans le malheur que tu compteras de nombreux amis. Être le confident du bonheur exige des vertus plus rares.
    (De la conversation, p.20, Hachette, 1964)
     
  86. Certaines femmes ne demandent à une amie de tenir une confidence secrète que pour mieux répandre une nouvelle.
    (De la conversation, p.22, Hachette, 1964)
     
  87. La voix qu'un homme prend pour lire révèle non ce qu'il est, mais ce qu'il veut être. C'est la voix du personnage qu'il imagine quand il pense à lui.
    (De la conversation, p.24, Hachette, 1964)
     
  88. Tout homme sait que les autres se trompent en le jugeant, mais non qu'il se trompe en jugeant les autres.
    (De la conversation, p.25, Hachette, 1964)
     
  89. Il faudrait s'imposer cette règle : Ne jamais répéter un propos malveillant sans en avoir vérifié le contenu. Il est vrai qu'on ne dirait plus rien.
    (De la conversation, p.27, Hachette, 1964)
     
  90. Une femme souhaite qu'on ne parle pas de ses amours, mais que tout le monde sache qu'elle est aimée.
    (De la conversation, p.29, Hachette, 1964)
     
  91. Les hommes aiment tant à entendre parler d'eux qu'une discussion sur leurs défauts les enchante.
    (De la conversation, p.32, Hachette, 1964)
     
  92. Si un homme disait tout ce qu'il pense, on ne le croirait pas. On aurait raison. Quel est l'homme qui pense tout ce qu'il pense ?
    (De la conversation, p.35, Hachette, 1964)
     
  93. L'aspect dangereux de la sincérité, c'est qu'elle finit par créer son objet. Si tu dis :« Je suis malheureux, jaloux », tu te sens autorisé à l'être, et, paré du prestige de la franchise, le vice devient glorieux.
    (De la conversation, p.38, Hachette, 1964)
     
  94. Nous aimons la franchise de ceux qui nous aiment. La franchise des autres s'appelle insolence.
    (De la conversation, p.39, Hachette, 1964)
     
  95. Nous ne pouvons parler franchement de nos défauts qu'à ceux qui reconnaissent nos qualités.
    (De la conversation, p.40, Hachette, 1964)
     
  96. Il y a un art de contredire qui est la plus adroite des flatteries.
    (De la conversation, p.41, Hachette, 1964)
     
  97. Il y a des contradicteurs-nés qui cherchent toujours l'erreur dans ce qui vient d'être dit. Attitude insupportable. La conversation est un édifice auquel on travaille en commun. Les interlocuteurs doivent placer leurs phrases en pensant à l'effet d'ensemble, comme les maçons leurs pierres. Les esprits à système doivent être écartés, sauf s'ils atteignent au paradoxe.
    (De la conversation, p.61, Hachette, 1964)
     
  98. La conversation exige qu'on y soit présent tout entier ; la plupart des hommes sont absents d'eux-mêmes.
    (De la conversation, p.61, Hachette, 1964)
     
  99. Un homme bien élevé tient ses croyances en dehors de sa conversation.
    (De la conversation, p.66, Hachette, 1964)
     
  100. Dans une discussion, le difficile, ce n'est pas de défendre son opinion, c'est de la connaître.
    (De la conversation, p.73, Hachette, 1964)
     
  101. Les lieux communs du spécialiste ont un charme que n'ont pas les autres ; nous l'écoutons avec patience énoncer des vérités premières qui ne trouveraient pas grâce un instant si elles étaient dites par nous.
    (De la conversation, p.74, Hachette, 1964)
     
  102. Commencer par exposer solidement le point de vue de l'adversaire, c'est lui enlever déjà beaucoup de forces.
    (De la conversation, p.75, Hachette, 1964)
     
  103. L'expérience ne procure aucun plaisir, si ce n'est celui de la transmettre.
    (De la conversation, p.75, Hachette, 1964)
     
  104. Je me sais si facile à convaincre que nul raisonnement ne me convainc plus.
    (De la conversation, p.76, Hachette, 1964)
     
  105. L'autorité est faite tantôt d'une certaine lenteur de débit, tantôt d'une force tranquille, toujours de la certitude d'être écouté. Les paroles se détachent du causeur et tombent de tout leur poids. L'homme sans autorité a toujours l'air de retenir les siennes et de les reprendre ; il a honte de ses phrases avant de les achever.
    (De la conversation, p.77, Hachette, 1964)
     
  106. Il ne suffit pas d'avoir de l'esprit. Il faut encore en avoir assez pour éviter d'en avoir trop.
    (De la conversation, p.79, Hachette, 1964)
     
  107. Avoir de l'esprit contre soi-même, procédé sûr de séduction.
    (De la conversation, p.81, Hachette, 1964)
     
  108. La grossièreté est l'esprit des sots et la contradiction leur finesse.
    (De la conversation, p.85, Hachette, 1964)
     
  109. Il est difficile de créer des idées et facile de créer des mots ; d'où le succès des philosophes.
    (De la conversation, p.83, Hachette, 1964)
     
  110. Souvent une même pensée secrète et dangereuse traverse en même temps l'esprit de deux personnes qui s'entretiennent. Chacune des deux sait que l'autre y pense ; pourtant on n'en parle pas, et l'importune idée se retire doucement, comme ces musiques qui se rapprochent, s'éloignent, s'éteignent, sans qu'on ait vu les musiciens. Il y a des silences parlés.
    (De la conversation, p.87, Hachette, 1964)