Milan Kundera
1929
  1. [...] la source de la peur est dans l'avenir, et qui est libéré de l'avenir n'a rien à craindre.
    (La lenteur, p.10, Folio n° 2981)
     
  2. La vitesse est la forme d'extase dont la révolution technique a fait cadeau à l'homme.
    (La lenteur, p.10, Folio n° 2981)
     
  3. [...] la discrétion qui, de toutes les vertus, est la vertu suprême.
    (La lenteur, p.47, Folio n° 2981)
     
  4. Imprimer la forme à une durée, c'est l'exigence de la beauté mais aussi celle de la mémoire.
    (La lenteur, p.51, Folio n° 2981)
     
  5. Il existe, en effet, une circonstance où même la voix la plus faible est entendue.
    (La lenteur, p.102, Folio n° 2981)
     
  6. Rien n'est plus humiliant que de ne pas trouver de réponse cinglante à une attaque cinglante.
    (La lenteur, p.103, Folio n° 2981)
     
  7. La façon dont on raconte l'Histoire contemporaine ressemble à un grand concert où l'on présenterait d'affilée les cent trente-huit opus de Beethoven mais en jouant seulement les huit premières mesures de chacun d'eux.
    (La lenteur, p.112, Folio n° 2981)
     
  8. Quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, de rien du tout, même pas de soi-même.
    (La lenteur, p.159, Folio n° 2981)
     
  9. [...] c'est toujours drôle quand un narrateur joue un rôle comique dans sa propre histoire.
    (La lenteur, p.170, Folio n° 2981)
     
  10. [...] qui se venge aujourd'hui se vengera aussi demain.
    (La lenteur, p.174, Folio n° 2981)
     
  11. Il comprend que cette impatience de parler est en même temps un implacable désintérêt à écouter.
    (La lenteur, p.179, Folio n° 2981)
     
  12. [...] les amants ont toujours un comportement illogique.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.36, Folio n°1043)
     
  13. La jalousie possède l'étonnant pouvoir d'éclairer l'être unique d'intenses rayons et de maintenir les autres hommes dans une totale obscurité.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.42, Folio n°1043)
     
  14. Séduire une femme, [...] c'est à la portée du premier imbécile. Mais il faut aussi savoir rompre ; c'est à cela qu'on reconnaît un homme mûr.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.56, Folio n°1043)
     
  15. [...] un amour excessif est un amour coupable [...]
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.58, Folio n°1043)
     
  16. Une blonde s'adapte inconsciemment à ses cheveux. Surtout si cette blonde est une brune qui se fait teindre en jaune. Elle veut être fidèle à sa couleur et se comporte comme un être fragile, une poupée frivole, une créature exclusivement préoccupée de son apparence, et cette créature exige de la tendresse et des services, de la galanterie et une pension alimentaire, elle est incapable de rien faire par elle-même, elle est toute délicatesse au-dehors et au-dedans toute grossièreté. Si les cheveux noirs devenaient une mode universelle, on vivrait nettement mieux en ce monde. Ce serait la réforme sociale la plus utile que l'on ait jamais accomplie.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.70, Folio n°1043)
     
  17. Dieu a inculqué dans le cœur des femmes la haine des autres femmes parce qu'il voulait que le genre humain se multiplie.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.71, Folio n°1043)
     
  18. Un triste compagnon est un mauvais compagnon.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.81, Folio n°1043)
     
  19. De même que l'amour nous fait trouver plus belle la femme aimée, l'angoisse que nous inspire une femme redoutée donne un relief démesuré au moindre défaut de ses traits...
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.87, Folio n°1043)
     
  20. [...] parvenir à la conclusion qu'il n'y a pas de différence entre le coupable et la victime, c'est laisser toute espérance . Et c'est ça qu'on appelle l'enfer, ma petite.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.126, Folio n°1043)
     
  21. Les originaux ont une assez belle vie quand ils réussissent à faire respecter leur originalité.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.132, Folio n°1043)
     
  22. Il faut avoir au moins une certitude : celle de rester maître de sa mort et de pouvoir en choisir l'heure et le moyen.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.135, Folio n°1043)
     
  23. [...] le désir de l'ordre veut transformer l'univers humain en un règne inorganique où tout marche, où tout fonctionne, où tout est assujetti à une règle supérieure à l'individu. Le désir de l'ordre est en même temps désir de mort, parce que la vie est perpétuelle violation de l'ordre. Ou, inversement, on peut dire que le désir de l'ordre est le prétexte vertueux par lequel la haine de l'homme justifie ses forfaits.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.147, Folio n°1043)
     
  24. Ceux qui n'ont pas pénétré assez loin dans le monde des plaisirs amoureux ne peuvent juger les femmes que d'après ce qu'ils voient. Mais ceux qui les connaissent vraiment savent que l'œil ne révèle qu'une infime fraction de ce qu'une femme peut offrir.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.155, Folio n°1043)
     
  25. [...] je dois me demander dans quel monde j'enverrais mon enfant. L'école ne tarderait pas à me l'enlever pour lui bourrer le crâne de contre-vérités que j'ai moi-même vainement combattues pendant toute ma vie. Faudrait-il que je voie mon fils devenir sous mes yeux un crétin conformiste ? ou bien, devrais-je lui inculquer mes propres idées et le voir souffrir parce qu'il serait enchaîné dans les mêmes conflits que moi ?
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.157, Folio n°1043)
     
  26. Avoir un enfant, c'est manifester un accord absolu avec l'homme. Si j'ai un enfant, c'est comme si je disais : je suis né, j'ai goûté à la vie et j'ai constaté qu'elle est si bonne qu'elle mérite d'être multipliée.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.158, Folio n°1043)
     
  27. La politique, c'est l'écume sale sur la surface de la rivière, alors qu'en fait la vie de la rivière s'accomplit à une bien plus grande profondeur.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.159, Folio n°1043)
     
  28. Si quelque chose m'a toujours profondément écoeuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.160, Folio n°1043)
     
  29. [...] le plus grand plaisir, c'est d'être admiré.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.167, Folio n°1043)
     
  30. Les croyants ont un sens aigu de la mise en scène des miracles.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.174, Folio n°1043)
     
  31. [...] l'humanité produit une incroyable quantité d'imbécile. Plus un individu est bête, plus il a envie de procréer. Les êtres parfaits engendrent au plus un seul enfant, et les meilleurs, comme toi, décident de ne pas procréer du tout. C'est un désastre. Et moi, je passe mon temps à rêver d'un univers où l'homme ne viendrait pas au monde parmi des étrangers mais parmi ses frères.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.178, Folio n°1043)
     
  32. Il n'est rien comme la jalousie pour absorber un être humain tout entier.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.186, Folio n°1043)
     
  33. Entre une femme qui est convaincue d'être unique, et les femmes qui ont revêtu le linceul de l'universelle destinée féminine, il n'y a pas de conciliation possible.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.194, Folio n°1043)
     
  34. [...] les choses essentielles se produisent en ce monde sans explication ni motif, puisant en elles-mêmes leur propre raison d'être.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.251, Folio n°1043)
     
  35. La jalousie occupe l'esprit encore plus complètement qu'un travail intellectuel passionné. L'esprit n'a plus une seconde de loisir. Celui qui est en proie à la jalousie ignore l'ennui.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.259, Folio n°1043)
     
  36. Elle avait compris [...] que l'on pouvait se laisser conduire par un homme sage et mûr loin de ce territoire ensorcelé où l'on vieillit si vite.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.276, Folio n°1043)
     
  37. [...] si tout homme avait la possibilité d'assassiner clandestinement et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes.
    (La valse aux adieux, trad. François Kérel, p.315, Folio n°1043)
     
  38. Nous traversons le présent les yeux bandés. Tout au plus pouvons-nous pressentir et deviner ce que nous sommes en train de vivre. Plus tard seulement, quant est dénoué le bandeau et que nous examinons le passé, nous nous rendons compte de ce que nous avons vécu et nous en comprenons le sens.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.13, Folio n°1702)
     
  39. [...] le sens de la vie c'est justement de s'amuser avec la vie [...]
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p28, Folio n°1702)
     
  40. Une impasse est le lieu de mes plus belles inspirations.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.30, Folio n°1702)
     
  41. Selon la manière dont on le présente, le passé de n'importe lequel d'entre nous peut aussi bien devenir la biographie d'un chef d'État bien-aimé que la biographie d'un criminel.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.38, Folio n°1702)
     
  42. Il était vain de s'attaquer rationnellement à la solide barrière de l'irrationnel dont est pétrie, comme on dit, l'âme féminine.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.47, Folio n°1702)
     
  43. Une foi trop ardente est le pire des alliés. [...] Dès que l'on prend une chose à la lettre, la foi pousse cette chose à l'absurde.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.79, Folio n°1702)
     
  44. Dans le jeu on n'est pas libre, pour le joueur le jeu est un piège.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.109, Folio n°1702)
     
  45. [...] le plus grand malheur de l'homme, c'est un mariage heureux. Aucun espoir de divorce.
    [En page 173,on lit cette variante : «J'ai la malchance d'être heureux en ménage, donc de ne pouvoir divorcer.» -GGJ]

    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.119, Folio n°1702)
     
  46. L'érotisme n'est pas seulement désir du corps, mais, dans une égale mesure, désir d'honneur. Un partenaire que nous avons eu, qui tient à nous et qui nous aime, devient notre miroir, il est la mesure de notre importance et de notre mérite.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.122, Folio n°1702)
     
  47. Si l'on était responsable que des choses dont on a conscience, les imbéciles seraient d'avance absous de toute faute. [...] l'homme est tenu de savoir. L'homme est responsable de son ignorance. L'ignorance est une faute.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.127, Folio n°1702)
     
  48. Uriner dans la nature est un rite religieux par lequel nous promettons à la terre d'y retourner, un jour, tout entier.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.133, Folio n°1702)
     
  49. [...] toute la valeur de l'être humain tient à cette faculté de se surpasser, d'être en dehors de soi, d'être en autrui et pour autrui.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.195, Folio n°1702)
     
  50. [...] elle était excessivement bavarde, ce qui pouvait passer pour une pénible manie, mais aussi pour une heureuse disposition qui permettait à son partenaire de s'abandonner à ses propres pensées sans risque d'être surpris.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.232, Folio n°1702)
     
  51. [...] il faisait l'affaire de ses concitoyens qui, comme chacun sait, adorent les martyrs, car ceux-ci les confirment dans leur douce inaction en leur démontrant que la vie n'offre qu'une alternative : être livré au bourreau ou obéir.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.284, Folio n°1702)
     
  52. [...] c'est toujours ce qui se passe dans la vie : on s'imagine jouer son rôle dans une certaine pièce, et l'on ne soupçonne pas qu'on vous a discrètement changé les décors, si bien que l'on doit, sans s'en douter, se produire dans un autre spectacle.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.287, Folio n°1702)
     
  53. Si tu t'obstinais à lui dire [au monde qui nous entoure] la vérité en face, ça voudrait dire que tu le prends au sérieux. Et prendre au sérieux quelque chose d'aussi peu sérieux, c'est perdre soi-même tout son sérieux. Moi, je dois mentir pour ne pas prendre au sérieux des fous et ne pas devenir moi-même fou.
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.299, Folio n°1702)
     
  54. Ah, mesdames et messieurs, comme il est triste de vivre quand on ne peut rien prendre au sérieux, rien ni personne !
    (Risibles amours, trad. François Kérel, p.315, Folio n°1702)
     
  55. Le droit intangible du romancier, c'est de pouvoir retravailler son roman.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.25, Folio n°1831)
     
  56. Les femmes ne recherchent pas le bel homme. Les femmes recherchent l'homme qui a eu de belles femmes.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.27, Folio n°1831)
     
  57. On crie qu'on veut façonner un avenir meilleur, mais ce n'est pas vrai. L'avenir n'est qu'un vide indifférent qui n'intéresse personne, mais le passé est plein de vie et son visage irrite, révolte, blesse, au point que nous voulons le détruire ou le repeindre. On ne veut être maître de l'avenir que pour pouvoir changer le passé.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.41, Folio n°1831)
     
  58. [...] toute relation amoureuse repose sur des conventions non écrites que ceux qui s'aiment concluent inconsidérément dans les premières semaines de leur amour. Ils sont encore dans une sorte de rêve, mais en même temps, sans le savoir, ils rédigent, en juristes intraitables, les clauses détaillées de leur contrat. Oh ! amants, soyez prudents en ces premiers jours dangereux ! Si vous portez à l'autre son petit déjeuner au lit, vous devrez le lui porter à jamais si vous ne voulez pas être accusés de non-amour et de trahison.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.64, Folio n°1831)
     
  59. [...] la beauté est l'étincelle qui jaillit quand, soudainement, à travers la distance des années, deux âges différents se rencontrent. [...] la beauté est l'abolition de la chronologie et la révolte contre le temps.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.87, Folio n°1831)
     
  60. Toute mystique est outrance.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.94, Folio n°1831)
     
  61. Concevoir le diable comme un partisan du Mal et l'ange comme un combattant du Bien, c'est accepter la démagogie des anges.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.100, Folio n°1831)
     
  62. Danser dans une ronde est magique ; la ronde nous parle depuis les profondeurs millénaires de la mémoire.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.103, Folio n°1831)
     
  63. Vous savez ce qui se passe quand deux personnes bavardent. L'une parle et l'autre lui coupe la parole : c'est tout à fait comme moi, je ... et se met à parler d'elle jusqu'à ce que la première réussisse à glisser à son tour : c'est tout à fait comme moi, je ...
    Cette phrase, c'est tout à fait comme moi, je ..., semble être un écho approbateur, une manière de continuer la réflexion de l'autre, mais c'est un leurre : en réalité c'est une révolte brutale contre une violence brutale, un effort pour libérer notre propre oreille de l'esclavage et occuper de force l'oreille de l'adversaire. Car toute la vie de l'homme parmi ses semblables n'est rien d'autre qu'un combat pour s'emparer de l'oreille d'autrui.

    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.128, Folio n°1831)
     
  64. Elle l'aimait trop pour pouvoir admettre que ce qu'elle qualifiait d'inoubliable pût être oublié.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.135, Folio n°1831)
     
  65. [...] le présent, ce point invisible, ce néant qui avance lentement vers la mort.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.138, Folio n°1831)
     
  66. C'est dans les dossiers des archives de la police que se trouve notre seule immortalité.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.139, Folio n°1831)
     
  67. [...] maintenant qu'il était mort, son mari n'avait plus qu'elle, plus qu'elle au monde !
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.141, Folio n°1831)
     
  68. [...] le roman est le fruit d'une illusion humaine. L'illusion de pouvoir comprendre autrui.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.142, Folio n°1831)
     
  69. Depuis James Joyce, [...] nous savons que la plus grande aventure de notre vie est l'absence d'aventures.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.143, Folio n°1831)
     
  70. Nous écrivons des livres parce que nos enfants se désintéressent de nous. Nous nous adressons au monde anonyme parce que notre femme se bouche les oreilles quand nous lui parlons.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.145, Folio n°1831)
     
  71. La graphomanie (manie d'écrire des livres) prend facilement les proportions d'une épidémie lorsque le développement de la société réalise trois conditions fondamentales :
    1) un niveau élevé de bien-être général, qui permet aux gens de se consacrer à une activité inutile ;
    2) un haut degré d'atomisation de la vie sociale et, par conséquent, d'isolement général des individus ;
    3) le manque radical de grands changements sociaux dans la vie interne de la nation [...]

    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.146, Folio n°1831)
     
  72. L'invention de la presse à imprimer a jadis permis aux hommes de se comprendre mutuellement. À l'ère de la graphomanie universelle, le fait d'écrire des livres prend un sens opposé : chacun s'entoure de ses propres mots comme d'un mur de miroirs qui ne laisse filtrer aucune voix du dehors.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.147, Folio n°1831)
     
  73. L'homme, du fait qu'il écrit des livres, se change en univers [...] et le propre d'un univers c'est justement d'être unique. L'existence d'un autre univers le menace dans son essence même.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.166, Folio n°1831)
     
  74. Celui qui écrit des livres est tout (un univers unique pour lui-même et pour tous les autres) ou rien. Et parce qu'il ne sera jamais donné à quelqu'un d'être tout, nous tous qui écrivons des livres, nous ne sommes rien.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.166, Folio n°1831)
     
  75. Car chacun souffre à l'idée de disparaître, non entendu et non aperçu, dans un univers indifférent, et de ce fait il veut, pendant qu'il est encore temps, se changer lui-même en son propre univers de mots.
    Quand un jour (et cela sera bientôt) tout homme s'éveillera écrivain, le temps sera venu de la surdité et de l'incompréhension universelles.

    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.167, Folio n°1831)
     
  76. [...] il est des regards à la tentation desquels personne ne résiste : par exemple le regard sur un accident de la circulation ou sur une lettre d'amour qui appartient à l'autre.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.175, Folio n°1831)
     
  77. [...] la mémoire du dégoût est plus grande que la mémoire de la tendresse !
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.179, Folio n°1831)
     
  78. Celui qui est absolument aimé ne peut être misérable.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.188, Folio n°1831)
     
  79. Le misogyne ne méprise pas les femmes. Le misogyne n'aime pas la féminité. [...] Chez la femme, l'adorateur vénère la féminité, alors que le misogyne donne toujours la préférence à la femme sur la féminité.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.203, Folio n°1831)
     
  80. Se confier ! c'est le réflexe de tous les adorateurs !
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.204, Folio n°1831)
     
  81. [...] il y a des mots qui ne sont pas comme les autres, des mots qui possèdent une valeur particulière connue des seuls initiés.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.210, Folio n°1831)
     
  82. [...] comprendre c'est se confondre et d'identifier.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.221, Folio n°1831)
     
  83. L'amour ne peut pas être risible. L'amour n'a rien de commun avec le rire.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.222, Folio n°1831)
     
  84. Seul son mari lui posait sans arrêt des questions, parce que l'amour est une interrogation continuelle. Oui, je ne connais pas de meilleure définition de l'amour.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.250, Folio n°1831)
     
  85. Celui qui veut se souvenir ne doit pas rester au même endroit et attendre que les souvenirs viennent tout seuls jusqu'à lui ! Les souvenirs se sont dispersés dans le vaste monde et il faut voyager pour les retrouver et les faire sortir de leur abri !
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.256, Folio n°1831)
     
  86. Celui qui ne se soucie pas du but, ne demande pas où il va !
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.258, Folio n°1831)
     
  87. La mort a un double aspect : Elle est le non-être. Mais elle est aussi l'être, l'être atrocement matériel du cadavre.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.262, Folio n°1831)
     
  88. L'homme, bien qu'il soit lui-même mortel, ne peut se représenter ni la fin de l'espace, ni la fin du temps, ni la fin de l'histoire, ni la fin d'un peuple, il vit toujours dans un infini illusoire.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.274, Folio n°1831)
     
  89. [...] le sexe n'est pas l'amour, ce n'est qu'un territoire que l'amour s'approprie [...].
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.277, Folio n°1831)
     
  90. [...] les enfants sont aussi sans passé et c'est tout le mystère de l'innocence magique de leur sourire.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.284, Folio n°1831)
     
  91. Nous sommes tous prisonniers d'une conception figée de ce qui est important et de ce qui ne l'est pas, nous fixons sur l'important des regards anxieux, pendant qu'en cachette, dans notre dos, l'insignifiant mène sa guérilla qui finira par changer subrepticement le monde et va nous sauter dessus par surprise.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.297, Folio n°1831)
     
  92. La laideur de l'homme c'est la laideur des vêtements.
    (Le livre du rire et de l'oubli, trad. François Kérel, p.341, Folio n°1831)
     
  93. Par une certaine partie de nous-mêmes, nous vivons tous au-delà du temps. Peut-être ne prenons-nous conscience de notre âge qu'en certains moments exceptionnels, étant la plupart du temps des sans-âge.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.14, Folio n°2447)
     
  94. Car on ne peut considérer un geste ni comme la propriété d'un individu, ni comme sa création (nul n'étant en mesure de créer un geste propre, entièrement original et n'appartenant qu'à soi), ni même comme son instrument ; le contraire est vrai : ce sont les gestes qui se servent de nous ; nous sommes leurs instruments, leurs marionnettes, leurs incarnations.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.19, Folio n°2447)
     
  95. Elle demanda donc à son père s'il lui arrivait de prier. Il dit : "Autant prier Edison quand une ampoule grille."
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.24, Folio n°2447)
     
  96. Le piège de la haine, c'est qu'elle nous enlace trop étroitement à l'adversaire.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.44, Folio n°2447)
     
  97. La vocation de la poésie n'est pas de nous éblouir par une idée surprenante, mais de faire qu'un instant de l'être devienne inoubliable et digne d'une insoutenable nostalgie.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.47, Folio n°2447)
     
  98. La solitude : douce absence de regards.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.50, Folio n°2447)
     
  99. [...] la mort et l'immortalité formant un couple d'amants inséparables, celui dont le visage se confond avec le visage des morts est immortel de son vivant.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.81, Folio n°2447)
     
  100. [...] tout un chacun [...] trouve agaçant qu'on raconte sa vie selon une autre interprétation que la sienne propre.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.96, Folio n°2447)
     
  101. Rien ne met plus en joie que de rencontrer une femme naguère redoutée, mais qui, désarmée, ne fait plus peur.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.102, Folio n°2447)
     
  102. L'homme peut mettre fin à sa vie. Mais il ne peut mettre fin à son immortalité.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.127, Folio n°2447)
     
  103. Le soutien-gorge a pour fonction de soutenir quelque chose de plus lourd que prévu, dont le poids a été mal calculé, et qu'il faut étayer après coup un peu comme on étaye avec des piliers et des contreforts le balcon d'une bâtisse mal construite. Autrement dit : le soutien-gorge révèle le caractère technique du corps féminin.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.147, Folio n°2447)
     
  104. Beaucoup de gens, peu d'idées, et comment faire pour nous différencier les uns des autres ?
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.153, Folio n°2447)
     
  105. [...] le pouvoir du journaliste ne se fonde pas sur le droit de poser une question, mais sur le droit d'exiger une réponse.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.166, Folio n°2447)
     
  106. [...] le sondage est devenu une sorte de réalité supérieure ; ou pour le dire autrement, il est devenu la vérité.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.175, Folio n°2447)
     
  107. Rien, en effet, n'exige plus d'effort de pensée que l'argumentation destinée à justifier la non-pensée.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.186, Folio n°2447)
     
  108. [...] nous n'apprenons jamais pourquoi et en quoi nous agaçons les autres, en quoi nous leur sommes sympathiques, en quoi nous leur paraissons ridicules ; notre propre image est pour nous le plus grand mystère.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.189, Folio n°2447)
     
  109. Il en va de l'érotisme comme de la danse : l'un des partenaires se charge toujours de conduire l'autre.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.196, Folio n°2447)
     
  110. Ah, en amour il suffit de si peu pour désespérer !
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.197, Folio n°2447)
     
  111. Le sentiment d'amour nous abuse tous par une illusion de connaissance.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.201, Folio n°2447)
     
  112. J'ose affirmer qu'il n'y a pas d'érotisme authentique sans art de l'ambiguïté ; plus l'ambiguïté est puissante, plus vive est l'excitation.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.250, Folio n°2447)
     
  113. Les épigones sont toujours plus radicaux que leurs inspirateurs.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.280, Folio n°2447)
     
  114. Je pense, donc je suis est un propos d'intellectuel qui sous-estime les maux de dents. Je sens, donc je suis est une vérité de portée beaucoup plus générale et qui concerne tout être vivant. [...] Le fondement du moi n'est pas la pensée mais la souffrance, sentiment le plus élémentaire de tous. Dans la souffrance, même un chat ne peut douter de son moi unique et non interchangeable. Quand la souffrance se fait aiguë, le monde s'évanouit et chacun de nous reste seul avec lui-même. La souffrance est la Grande École de l'égocentrisme.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.299, Folio n°2447)
     
  115. La musique : une pompe à gonfler l'âme.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.305, Folio n°2447)
     
  116. Oubliez un instant que vous êtes américain et faites travailler votre cerveau [...]
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.319, Folio n°2447)
     
  117. Le souci de sa propre image, voilà l'incorrigible immaturité de l'homme.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.319, Folio n°2447)
     
  118. Être mortel est l'expérience humaine la plus élémentaire, et pourtant l'homme n'a jamais été en mesure de l'accepter, de la comprendre, de se comporter en conséquence. L'homme ne sait pas être mortel. Et quand il est mort, il ne sait même pas être mort.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.320, Folio n°2447)
     
  119. Chemin : bande de terre sur laquelle on marche à pied. La route se distingue du chemin non seulement parce qu'on la parcourt en voiture, mais en ce qu'elle est une simple ligne reliant un point à un autre. La route n'a par elle-même aucun sens ; seuls en ont un les deux points qu'elle relie. Le chemin est un hommage à l'espace. Chaque tronçon du chemin est en lui-même doté d'un sens et nous invite à la halte. La route est une triomphale dévalorisation de l'espace, qui aujourd'hui n'est plus rien d'autre qu'une entrave aux mouvements de l'homme, une perte de temps.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.330, Folio n°2447)
     
  120. [...] la valeur d'un hasard est égale à son degré d'improbabilité.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.335, Folio n°2447)
     
  121. De nos jours, on se jette sur tout ce qui a pu être écrit pour le transformer en film, en dramatique de télévision ou en bande dessinée. Puisque l'essentiel, dans un roman, est ce qu'on ne peut dire que par un roman, dans toute adaptation ne reste que l'inessentiel. Quiconque est assez fou pour écrire encore des romans aujourd'hui doit, s'il veut assurer leur protection, les écrire de telle manière qu'on ne puisse pas les adapter, autrement dit qu'on ne puisse pas les raconter.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.351, Folio n°2447)
     
  122. La honte n'a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais l'humiliation que nous éprouvons à être ce que nous sommes sans l'avoir choisi, et la sensation insupportable que cette humiliation est visible de partout.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.366, Folio n°2447)
     
  123. [...] elle marchait, et si elle marchait c'était parce que l'âme, lorsque l'inquiétude la travaille, exige le mouvement, ne peut tenir en place, car lorsqu'elle se tient immobile la douleur se fait terrible.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.376, Folio n°2447)
     
  124. Ce qui est insoutenable dans la vie, ce n'est pas d'être, mais d'être son moi.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.381, Folio n°2447)
     
  125. Vivre, il n'y a là aucun bonheur. Vivre : porter de par le monde son moi douloureux.
    Mais être, être est bonheur. Être : se transformer en fontaine, vasque de pierre dans laquelle l'univers descend comme une pluie tiède.

    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.381, Folio n°2447)
     
  126. [...] au fond, que signifie " être utile " ? La somme de l'utilité de tous les humains de tous les temps se trouve entièrement contenue dans le monde tel qu'il est aujourd'hui. Par conséquent : rien de plus moral que d'être inutile.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.428, Folio n°2447)
     
  127. [...] il n'y a pas pire châtiment, pire horreur que de transformer un instant en éternité, d'arracher l'homme au temps et à son mouvement continu.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.432, Folio n°2447)
     
  128. C'est affreux, mais c'est ainsi : nous avons appris à regarder notre propre vie par les yeux des questionnaires administratifs ou policiers.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.448, Folio n°2447)
     
  129. [...] la mémoire ne filme pas, la mémoire photographie.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.461, Folio n°2447)
     
  130. Rien de plus inutile [...] que de vouloir prouver quelque chose aux imbéciles.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.486, Folio n°2447)
     
  131. L'humour ne peut exister que là où les gens discernent encore la frontière entre ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Aujourd'hui, cette frontière est indiscernable.
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.487, Folio n°2447)
     
  132. Quand une femme rougit, c'est beau ; son corps, en cet instant, ne lui appartient pas ; elle ne le maîtrise plus ; elle est à sa merci ! ah, rien n'est plus beau que le spectacle d'une femme violée par son propre corps !
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.494, Folio n°2447)
     
  133. Mais pour qui n'est pas fou, rien n'est plus beau que de se laisser conduire dans l'inconnu par une voix qui est folle !
    (L'immortalité, trad. Eva Bloch, p.501, Folio n°2447)
     
  134. Une valeur galvaudée et une illusion démasquée ont le même pitoyable corps, elles se ressemblent et rien n'est plus aisé que de les confondre.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.21, Folio n°638)
     
  135. [...] j'ai toujours pensé que la créature humaine était indivisible, seul le bourgeois dans son imposture se partage en un être public et un homme privé [...]
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.38, Folio n°638)
     
  136. [...] on désire toujours, par dessus tout, l'inaccessible, avec avidité [...]
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.43, Folio n°638)
     
  137. [...] à l'origine, [le tutoiement] doit traduire une intimité confiante, mais si les gens qui se tutoient ne sont pas intimes, il prend subitement une signification opposée, il est l'expression de la grossièreté, de sorte que le monde où le tutoiement est d'usage commun n'est pas un monde d'amitié générale, mais un monde d'omniprésent irrespect.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.58, Folio n°638)
     
  138. Oui, c'était sans doute cette lenteur singulière de Lucie qui m'avait tellement envoûté, lenteur irradiant le sentiment résigné qu'il n'y avait pas de but valant qu'on s'y précipitât, et qu'il était inutile de tendre les mains impatientes vers quelque chose.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.106, Folio n°638)
     
  139. On parle volontiers de coups de foudre ; je ne suis que trop conscient de ce que l'amour tend à créer une légende de soi-même, à mythifier après coup ses commencements.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.107, Folio n°638)
     
  140. Rien ne rapproche les gens aussi vite (même si c'est souvent un rapprochement trompeur) qu'une entente triste, mélancolique.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.110, Folio n°638)
     
  141. Bien entendu, ce serait une erreur de penser que le seul exotisme de sa simplicité m'attira vers Lucie ; son ingénuité, les lacunes de son instruction ne l'empêchaient pas le moins du monde de me comprendre. Cette compréhension ne reposait pas sur une somme d'expériences ou de savoir, une aptitude à débattre un problème et à donner un conseil, mais sur l'intuitive réceptivité avec laquelle elle m'écoutait.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.117, Folio n°638)
     
  142. Rien ne me répugne comme lorsque les gens fraternisent parce que chacun voit dans l'autre sa propre bassesse.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.124, Folio n°638)
     
  143. Je crois que les destinées humaines sont entre elles soudées d'un ciment de sagesse.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.200, Folio n°638)
     
  144. À quoi bon se contenter de ranimer un passé perdu ? Qui regarde en arrière finira comme la femme de Loth.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.211, Folio n°638)
     
  145. Toutes les situations capitales de la vie sont pour une fois, sont sans retour. Pour qu'un homme soit un homme, il faut qu'il soit pleinement conscient de ce non-retour.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.225, Folio n°638)
     
  146. Car être courageux dans l'isolement, sans témoins, sans l'assentiment des autres, face à face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.237, Folio n°638)
     
  147. Car ce ne sont pas les ennemis, mais les amis qui condamnent l'homme à la solitude.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.241, Folio n°638)
     
  148. En fait, j'aime chez la femme non pas ce qu'elle est pour elle-même, mais ce par quoi elle s'adresse à moi, ce qu'elle représente pour moi. Je l'aime comme un personnage de notre histoire à nous deux.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.245, Folio n°638)
     
  149. Les histoires personnelles, outre qu'elles se passent, disent-elles aussi quelque chose ? Malgré tout mon scepticisme, il m'est resté un peu de superstition irrationnelle, telle cette curieuse conviction que tout événement qui m'advient comporte en plus un sens, qu'il signifie quelque chose ; que par sa propre aventure la vie nous parle, nous révèle graduellement un secret, qu'elle s'offre comme un rébus à déchiffrer, que les histoires que nous vivons forment en même temps une mythologie de notre vie et que cette mythologie détient la clé de la vérité et du mystère. Est-ce une illusion ? C'est possible, c'est même vraisemblable, mais je ne peux réprimer ce besoin de continuellement déchiffrer ma propre vie.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.247, Folio n°638)
     
  150. [...] quand un homme attend une femme, il n'est qu'à grand-peine capable de réfléchir sur elle et il ne peut que faire les cent pas sous son effigie figée.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.252, Folio n°638)
     
  151. Mon incrédulité est à ce point invétérée que si quelqu'un me confie ce qu'il aime ou ce qu'il n'aime pas, je ne prends pas du tout cela au sérieux ou, plus exactement, je ne vois là qu'un simple témoignage de l'image qu'il veut donner de lui-même.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.271, Folio n°638)
     
  152. [...] l'incroyable capacité humaine à remodeler le réel à l'image de son idéal [...]
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.272, Folio n°638)
     
  153. Le maniement de la pensée féminine a ses règles inflexibles ; celui qui se met en tête de persuader une femme, de réfuter son point de vue à coups de bonnes raisons, a peu de chances d'aboutir. Il est bien plus judicieux de repérer l'image qu'elle veut donner d'elle-même (ses principes, idéaux, convictions), puis d'essayer d'établir (par sophismes) un rapport harmonieux entre ladite image et la conduite que nous souhaitons lui voir tenir.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.273, Folio n°638)
     
  154. L'homme est en droit de vouloir n'importe quoi d'une femme, mais, s'il ne veut pas se comporter en brute, il doit faire en sorte qu'elle puisse agir en harmonie avec ses illusions les plus profondes.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.273, Folio n°638)
     
  155. S'il est une chose qui interdit à une femme de raconter son mari à son amant, c'est rarement la noblesse, la délicatesse ou l'authentique pudeur, mais la simple crainte d'agacer l'amant. Quant celui-ci dissipera cette appréhension, sa maîtresse lui en saura gré, elle se sentira plus à l'aise, mais surtout : ça lui fera de quoi causer, car la somme des sujets possibles de conversation n'est pas illimitée et, pour la femme mariée, l'époux fournit le thème rêvé, le seul où elle se sente sûre d'elle, le seul qu'elle traite en experte, et chaque être humain, après tout, est heureux de se manifester comme expert et de s'en vanter.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.281, Folio n°638)
     
  156. Faire un péché ne compte pas, l'effacer, le gommer du temps, autrement dit transmuter quelque chose du néant, c'est un acte impénétrable et surnaturel.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.244, Folio n°638)
     
  157. Car vivre dans un monde où nul n'est pardonné, où la rédemption est refusée, c'est comme vivre en enfer.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.344, Folio n°638)
     
  158. Le rôdeur de la côte qui brandit, frénétique, une lanterne à bout de bras, ce peut être un dément. Mais la nuit, lorsque les vagues malmènent une barque déroutée, cet homme est un sauveur. La planète où nous vivons est la zone frontalière entre le ciel et l'enfer. Nulle action n'est en soi bonne ou mauvaise. Seule, sa place dans l'ordre la fait bien ou mal.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.345, Folio n°638)
     
  159. Je veux simplement dire qu'aucun grand mouvement qui veut transformer le monde ne tolère le sarcasme ou la moquerie, parce que c'est une rouille qui corrode tout.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.353, Folio n°638)
     
  160. [...] l'aimer non pas seulement pour cette partie de sa personnalité qui s'adressait à moi, mais aussi pour tout ce qui ne me concernait pas directement, pour ce qu'elle était en elle-même et pour elle.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.266, Folio n°638)
     
  161. [...] le stupide âge lyrique où l'on est à ses propres yeux une trop grande énigme pour pouvoir s'intéresser aux énigmes qui sont en dehors de soi et où les autres (fussent-ils les plus chers) ne sont que miroirs mobiles dans lesquels on retrouve étonné l'image de son propre sentiment, son propre trouble, sa propre valeur.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.366, Folio n°638)
     
  162. Il est des gens qui proclament leur amour de l'humanité et d'autres leur objectent, à juste titre, qu'on ne peut aimer qu'au singulier, des individus ; je suis d'accord et j'ajoute que ce qui vaut pour l'amour vaut aussi pour la haine. L'homme, cette créature qui aspire à l'équilibre, compense le poids du mal qu'on lui a jeté sur le dos par le poids de sa haine. Mais essayez de concentrer la haine sur la pure abstraction des principes, l'injustice, le fanatisme, la barbarie, ou bien, si vous allez jusqu'à penser que le principe même de l'homme est détestable, essayez de haïr l'humanité ? Des haines comme celles-là sont beaucoup trop surhumaines et c'est ainsi que l'homme, s'il veut soulager sa colère (dont il sait les forces limitées), finit par ne la concentrer que sur un individu.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.395, Folio n°638)
     
  163. Je sentis avec épouvante que les choses conçues par erreur sont aussi réelles que les choses conçues par raison et nécessité.
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.414, Folio n°638)
     
  164. Et si l'Histoire plaisantait ?
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.415, Folio n°638)
     
  165. [...] l'idée m'envahit qu'un destin souvent s'achève bien avant la mort, que le moment de la fin ne coïncide pas avec celui de la mort [...]
    (La plaisanterie, trad. Marcel Aymonin rev. par Claude Courtot et Kundera, p.455, Folio n°638)
     
  166. L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.19, Folio n°2077)
     
  167. Ne pouvoir vivre qu'une vie, c'est comme ne pas vivre du tout.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.20, Folio n°2077)
     
  168. Celui qui veut quitter le lieu où il vit n'est pas heureux.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.46, Folio n°2077)
     
  169. En travaux pratiques de physique, n'importe quel collégien peut faire des expériences pour vérifier l'exactitude d'une hypothèse scientifique. Mais l'homme, parce qu'il n'a qu'une seule vie, n'a aucune possibilité de vérifier l'hypothèse par l'expérience de sorte qu'il ne saura jamais s'il a eu tort ou raison d'obéir à son sentiment.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.56, Folio n°2077)
     
  170. Nous croyons tous qu'il est impensable que l'amour de notre vie puisse être quelque chose de léger, quelque chose qui ne pèse rien ; nous nous figurons que notre amour est ce qu'il devait être ; que sans lui notre vie se serait pas notre vie.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.57, Folio n°2077)
     
  171. Seul le hasard peut nous apparaître comme un message. Ce qui arrive par nécessité, ce qui est attendu et se répète quotidiennement n'est que chose muette. Seul le hasard est parlant. On tente d'y lire comme les gitanes lisent au fond d'une tasse dans les figures qu'a dessinées le marc du café.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.76, Folio n°2077)
     
  172. Pour qu'un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s'y rejoignent dès le premier instant comme les oiseaux sur les épaules de saint François d'Assise.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.77, Folio n°2077)
     
  173. [Les vies humaines] sont composées comme une partition musicale. L'homme, guidé par le sens de la beauté, transforme l'événement fortuit (une musique de Beethoven, une mort dans une gare) en un motif qui va ensuite s'inscrire dans la partition de sa vie. Il y reviendra, le répétera, le modifiera, le développera comme fait le compositeur avec le thème de sa sonate.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.81, Folio n°2077)
     
  174. L'homme, à son insu, compose sa vie d'après les lois de la beauté jusque dans les instants du plus profond désespoir.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.81, Folio n°2077)
     
  175. La sensualité, c'est la mobilisation maximale des sens : on observe l'autre intensément et on écoute ses moindres bruits.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.85, Folio n°2077)
     
  176. Ce qui distingue l'autodidacte de celui qui a fait des études, ce n'est pas l'ampleur des connaissances, mais des degrés différents de vitalité et de confiance en soi.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.86, Folio n°2077)
     
  177. Le rêve est la preuve qu'imaginer, rêver ce qui n'a pas été, est l'un des plus profonds besoins de l'homme.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.91, Folio n°2077)
     
  178. Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.93, Folio n°2077)
     
  179. [...] c'est une étrange folie d'obéir à quelqu'un d'étranger [...]
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.103, Folio n°2077)
     
  180. Je pourrais dire qu'avoir le vertige c'est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience de sa faiblesse et on ne veut pas lui résister, mais s'y abandonner. On se soûle de sa propre faiblesse, on veut être plus faible encore, on veut s'écrouler en pleine rue aux yeux de tous, on veut être à terre, encore plus bas que terre.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.118, Folio n°2077)
     
  181. Tant que les gens sont encore plus ou moins jeunes et que la partition musicale de leur vie n'en est qu'à ses premières mesures, ils peuvent la composer ensemble et échanger des motifs [...] mais, quand ils se rencontrent à un âge plus mûr, leur partition musicale est plus ou moins achevée, et chaque mot, chaque objet signifie quelque chose d'autre dans la partition de chacun.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.132, Folio n°2077)
     
  182. Trahir, c'est sortir du rang et partir dans l'inconnu.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.136, Folio n°2077)
     
  183. Les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin, et la passion de l'extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.139, Folio n°2077)
     
  184. Le bruit a un avantage. On ne peut pas y entendre les mots.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.139, Folio n°2077)
     
  185. La musique c'est la négation des phrases, la musique c'est l'anti-mot !
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.139, Folio n°2077)
     
  186. [...] qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux !
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.140, Folio n°2077)
     
  187. Avant de disparaître totalement du monde, la beauté existera encore quelques instants, mais par erreur. La beauté par erreur, c'est le dernier stade de l'histoire de la beauté.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.149, Folio n°2077)
     
  188. Il est des choses qu'on ne peut accomplir que par la violence. L'amour physique est impensable sans violence.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.163, Folio n°2077)
     
  189. Le jeune homme qui court après la gloire n'a aucune idée de ce qu'est la gloire. Ce qui donne un sens à notre conduite nous est toujours totalement inconnu.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.179, Folio n°2077)
     
  190. Car les questions vraiment graves ne sont que celles que peut formuler un enfant. Seules les questions les plus naïves sont vraiment de graves questions. Ce sont les interrogations auxquelles il n'est pas de réponse. Une question à laquelle il n'est pas de réponse est une barrière au-delà de laquelle il n'y a plus de chemins. Autrement dit : ce sont précisément les questions auxquelles il n'est pas de réponse qui marquent les limites des possibilités humaines et qui tracent les frontières de notre existence.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.201, Folio n°2077)
     
  191. [...] la légèreté et la joyeuse futilité de l'amour physique.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.206, Folio n°2077)
     
  192. Pour échapper à la souffrance, le plus souvent on se réfugie dans l'avenir. Sur la piste du temps, on imagine une ligne au-delà de laquelle la souffrance présente cessera d'exister.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.241, Folio n°2077)
     
  193. [...] les amours sont comme les empires : que disparaisse l'idée sur laquelle ils sont bâtis, ils périssent avec elle.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.247, Folio n°2077)
     
  194. [...] est-on innocent parce qu'on ne sait pas ? un imbécile assis sur le trône est-il déchargé de toute responsabilité du seul fait que c'est un imbécile ?
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.255, Folio n°2077)
     
  195. Comme on est sans défense devant la flatterie !
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.266, Folio n°2077)
     
  196. Quand on se trouve en face de quelqu'un qui est aimable,déférent, courtois, il est très difficile de se convaincre à chaque instant que rien de ce qu'il dit n'est vrai, que rien n'est sincère.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.266, Folio n°2077)
     
  197. L'unicité du "moi" se cache justement dans ce que l'être humain a d'inimaginable. On ne peut imaginer que ce qui est identique chez tous les êtres, que ce qui leur est commun. Le "moi" individuel, c'est ce qui se distingue du général, donc ce qu'il faut d'abord dévoiler, découvrir, conquérir chez l'autre.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.286, Folio n°2077)
     
  198. Les hommes qui poursuivent une multitude de femmes peuvent aisément se répartir en deux catégories. Les uns cherchent chez toutes les femmes leur propre rêve, leur idée subjective de la femme. Les autres sont mus par le désir de s'emparer de l'infinie diversité du monde féminin objectif.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.289, Folio n°2077)
     
  199. Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.299, Folio n°2077)
     
  200. [...] l'amour commence à l'instant où une femme s'inscrit par une parole dans notre mémoire poétique.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.301, Folio n°2077)
     
  201. Il y a des idées qui sont comme un attentat.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.313, Folio n°2077)
     
  202. [...] les personnages [de roman] ne naissent pas d'un corps maternel comme naissent les êtres vivants, mais d'une situation, d'une phrase, d'une métaphore qui contient en germe une possibilité humaine fondamentale dont l'auteur s'imagine qu'elle n'a pas encore été découverte ou qu'on n'en a encore rien dit d'essentiel.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.318, Folio n°2077)
     
  203. Les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. [...] Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.319, Folio n°2077)
     
  204. L'histoire est tout aussi légère que la vie de l'individu, insoutenablement légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.322, Folio n°2077)
     
  205. De deux choses l'une : ou bien la merde est acceptable (alors ne vous enfermez pas à clé dans les waters !), ou bien la manière dont on nous a créés est inadmissible.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.356, Folio n°2077)
     
  206. [...] les mouvements politiques ne reposent pas sur des attitudes rationnelles mais sur des représentations, des images, des mots, des archétypes dont l'ensemble constitue tel ou tel kitsch politique.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.373, Folio n°2077)
     
  207. On ne pourra jamais déterminer avec certitude dans quelle mesure nos relations avec autrui sont le résultat de nos sentiments, de notre amour ou non-amour, de notre bienveillance ou haine, et dans quelle mesure elles sont d'avance conditionnées par les rapports de force entre individus.
    La vraie bonté de l'homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu'à l'égard de ceux qui ne représentent aucune force.

    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.421, Folio n°2077)
     
  208. La nostalgie du Paradis, c'est le désir de l'homme de ne pas être homme.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.431, Folio n°2077)
     
  209. Si nous sommes incapables d'aimer, c'est peut-être parce que nous désirons être aimés, c'est-à-dire que nous voulons quelque chose de l'autre (l'amour), au lieu de venir à lui sans revendications et ne vouloir que sa simple présence.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.433, Folio n°2077)
     
  210. Le temps humain ne tourne pas en cercle mais en ligne droite. C'est pourquoi l'homme ne peut être heureux puisque le bonheur est désir de répétition.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.434, Folio n°2077)
     
  211. [...] comment savoir à quel moment la souffrance devient inutile ? comment déterminer l'instant où ça ne vaut plus la peine de vivre ?
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.435, Folio n°2077)
     
  212. Ah ! quelle horreur ! nous rêvons d'avance la mort de ceux que nous aimons !
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.438, Folio n°2077)
     
  213. Un jour, on prend une décision, on ne sait pas comment, et cette décision a sa propre force d'inertie. Avec chaque année qui passe, il est un peu plus difficile de la changer.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.448, Folio n°2077)
     
  214. On a tous tendance à voir dans la force un coupable et dans la faiblesse une innocente victime.
    (L'insoutenable légèreté de l'être, trad. François Kérel, p.450, Folio n°2077)
     
  215. Comprendre avec Cervantes le monde comme ambiguïté, avoir à affronter, au lieu d'une seule vérité absolue, un tas de vérités relatives qui se contredisent (vérités incorporées dans des ego imaginaires appelés personnages), posséder donc comme seule certitude la sagesse de l'incertitude, cela exige une force non moins grande.
    (L'art du roman, p.17, Folio n°2702)
     
  216. L'homme souhaite un monde où le bien et le mal soient nettement discernables car est en lui le désir inné et indomptable, de juger avant de comprendre.
    (L'art du roman, p.17, Folio n°2702)
     
  217. L'unité de l'humanité signifie : personne ne peut s'échapper nulle part.
    (L'art du roman, p.22, Folio n°2702)
     
  218. La Vérité totalitaire exclut la relativité, le doute, l'interrogation et elle ne peut donc jamais se concilier avec ce que j'appellerais l'esprit du roman.
    (L'art du roman, p.25, Folio n°2702)
     
  219. [...] les termites de la réduction rongent la vie humaine depuis toujours : même le plus grand amour finit par être réduit à un squelette de souvenirs chétifs.
    (L'art du roman, p.28, Folio n°2702)
     
  220. [...] le flirt avec l'avenir est le pire des conformismes, la lâche flatterie du plus fort. Car l'avenir est toujours plus fort que le présent. C'est bien lui, en effet, qui nous jugera. Et certainement sans aucune compétence.
    (L'art du roman, p.31, Folio n°2702)
     
  221. [...] la seule raison d'être du roman est de dire ce que seul le roman peut dire.
    (L'art du roman, p.50, Folio n°2702)
     
  222. Le roman n'examine pas la réalité mais l'existence. Et l'existence n'est pas ce qui s'est passé, l'existence est le champ des possibilités humaines, tout ce que l'homme peut devenir, tout ce dont il est capable.
    (L'art du roman, p.57, Folio n°2702)
     
  223. Le romancier n'est ni historien ni prophète : il est explorateur de l'existence.
    (L'art du roman, p.59, Folio n°2702)
     
  224. Toutes les grandes oeuvres (et justement parce qu'elles sont grandes) contiennent une part d'inaccompli.
    (L'art du roman, p.83, Folio n°2702)
     
  225. Aujourd'hui on peut faire de la musique avec des ordinateurs, mais l'ordinateur a toujours existé dans la tête des compositeurs [...]
    (L'art du roman, p.91, Folio n°2702)
     
  226. Le roman est une méditation sur l'existence vue au travers de personnages imaginaires.
    (L'art du roman, p.102, Folio n°2702)
     
  227. [...] composer un roman c'est juxtaposer différents espaces émotionnels, et que c'est là, selon moi, l'art le plus subtil d'un romancier.
    (L'art du roman, p.111, Folio n°2702)
     
  228. [...] partout où le pouvoir se déifie, il produit automatiquement sa propre théologie [...]
    (L'art du roman, p.125, Folio n°2702)
     
  229. [...] les mécanismes psychologiques qui fonctionnent à l'intérieur des grands événements historiques (apparemment incroyables et inhumains) sont les mêmes que ceux qui régissent les situations intimes (tout à fait banales et très-humaines).
    (L'art du roman, p.132, Folio n°2702)
     
  230. [...] le poète au service d'une autre vérité que celle qui est à découvrir (qui est éblouissement) est un faux poète.
    (L'art du roman, p.141, Folio n°2702)
     
  231. Les vrais génies du comique ne sont pas ceux qui nous font rire le plus, mais ceux qui dévoilent une zone inconnue du comique.
    (L'art du roman, p.150, Folio n°2702)
     
  232. Un roman n'est souvent, me semble-t-il, qu'une longue poursuite de quelques définitions fuyantes.
    (L'art du roman, p.151, Folio n°2702)
     
  233. La beauté d'un mot ne réside pas dans l'harmonie phonétique de ses syllables, mais dans les associations sémantiques que sa sonorité éveille.
    (L'art du roman, p.153, Folio n°2702)
     
  234. L'excitation est le fondement de l'érotisme, son énigme la plus profonde, son mot-clé.
    (L'art du roman, p.156, Folio n°2702)
     
  235. L'infantocratie : l'idéal de l'enfance imposé à l'humanité.
    (L'art du roman, p.158, Folio n°2702)
     
  236. Le trait distinctif du vrai romancier : il n'aime pas parler de lui-même.
    (L'art du roman, p.177, Folio n°2702)
     
  237. L'assommant primitivisme rythmique du rock : le battement du coeur est amplifié pour que l'homme n'oublie pas une seconde sa marche vers la mort.
    (L'art du roman, p.179, Folio n°2702)
     
  238. Le désir de violer l'intimité d'autrui est une forme immémoriale de l'agressivité qui, aujourd'hui, est institutionnalisée (la bureaucratie avec ses fiches, la presse avec ses reporters), moralement justifiée (le droit à l'information devenu le premier des droits de l'homme) et poétisée (par le beau mot : transparence).
    (L'art du roman, p.182, Folio n°2702)
     
  239. [...] les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs.
    (L'art du roman, p.190, Folio n°2702)
     
  240. [...] voilà la vraie et seule raison d'être de l'amitié : procurer un miroir dans lequel l'autre peut contempler son image d'autrefois qui, sans l'éternel bla-bla de souvenirs entre copains, se serait effacée depuis longtemps.
    (L'identité, p.18, Gallimard)
     
  241. Enfant : existence sans biographie.
    (L'identité, p.36, Gallimard)
     
  242. [...] toute femme mesure le degré de son vieillissement à l'intérêt ou au désintérêt que les hommes manifestent pour son corps.
    (L'identité, p.42, Gallimard)
     
  243. L'amitié est indispensable à l'homme pour le bon fonctionnement de sa mémoire. Se souvenir de son passé, le porter toujours avec soi, c'est peut-être la condition nécessaire pour conserver, comme on dit, l'intégrité de son moi.
    (L'identité, p.50, Gallimard)
     
  244. L'érotisme, commercialement, est une chose ambiguë car si tout le monde convoite la vie érotique, tout le monde aussi la hait comme la cause de ses malheurs, de ses frustrations, de ses envies, de ses complexes, de ses souffrances.
    (L'identité, p.56, Gallimard)
     
  245. - Deux êtres qui s'aiment, seuls, isolés du monde, c'est très beau. Mais de quoi nourriraient-ils leurs tête-à-tête ? Si méprisable que soit le monde, ils en ont besoin pour pouvoir se parler.
    - Ils pourraient se taire.
    - [...] Oh non, aucun amour ne survit au mutisme.

    (L'identité, p.84, Gallimard)
     
  246. D'ailleurs les vérités les plus provocatrices (" au poteau les bourgeois ! ") ne deviennent-elles pas les vérités les plus conventionnelles quand elles arrivent au pouvoir ? La convention peut, n'importe quand, devenir provocation et la provocation convention.
    (L'identité, p.137 , Gallimard)
     
  247. [...] seule une très grande intelligence est capable d'insuffler un sens logique aux idées insensées.
    (L'identité, p.138, Gallimard)
     
  248. La sensibilité est indispensable à l'homme, mais elle devient redoutable dès le moment où elle se considère comme une valeur, comme un critère de la vérité, comme la justification d'un comportement. Les sentiments nationaux les plus nobles sont prêts à justifier les pires horreurs ; et, la poitrine gonflée de sentiments lyriques, l'homme commet des bassesses au nom sacré de l'amour.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.9, Gallimard nrf)
     
  249. Si je devais me définir, je dirais que je suis un hédoniste piégé dans un monde politisé à l'extrême.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.10, Gallimard nrf)
     
  250. [...] aucun roman digne de ce nom ne prend le monde au sérieux. Qu'est-ce que cela veut dire d'ailleurs " prendre le monde au sérieux " ? Cela veut certainement dire : croire à ce que le monde veut nous faire croire. De Don Quichotte jusqu'à Ulysse, le roman conteste ce que le monde veut nous faire croire.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.12, Gallimard nrf)
     
  251. Mais qu'est-ce que " être sérieux " ? Est sérieux celui qui croit à ce qu'il fait croire aux autres.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.13, Gallimard nrf)
     
  252. La pratique du reader's digest reflète fidèlement les tendances profondes de notre temps et me fait penser qu'un jour toute la culture passée sera complètement réécrite et complètement oubliée derrière son rewriting. Les adaptations cinématographiques et théâtrales des grands romans ne sont que reader's digest sui generis.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.15, Gallimard nrf)
     
  253. [...] si le sens du roman survit à son rewriting, c'est la preuve indirecte de la valeur médiocre du roman.
    (Jacques et son maître (Introduction à une variation), p.16, Gallimard nrf)
     
  254. Ceux qui gaspillent leur sensibilité à tort et à travers n'en ont plus quand il faut en avoir.
    (Jacques et son maître, p.37, Gallimard nrf)
     
  255. Les hommes tombent facilement amoureux, et aussi facilement ils vous laissent tomber.
    (Jacques et son maître, p.51, Gallimard nrf)
     
  256. [...] celui qui regarde vers le haut ne peut jamais avoir le vertige.
    (Jacques et son maître, p.67, Gallimard nrf)
     
  257. Tout ce qui est jamais advenu en ce bas monde a déjà été réécrit des centaines de fois et personne n'a jamais songé à vérifier ce qui s'était passé en réalité. L'histoire des hommes a été réécrite si souvent que les gens ne savent plus qui ils sont.
    (Jacques et son maître, p.78, Gallimard nrf)
     
  258. Que pouvons-nous demander de plus que d'être heureux un instant ?
    (Jacques et son maître, p.86, Gallimard nrf)
     
  259. [...] pleinement et radicalement roman : à savoir : territoire où le jugement moral est suspendu.
    (Les testaments trahis, p.16, Folio n°2703)
     
  260. [Le roman] apprend au lecteur à être curieux de l'autre et à essayer de comprendre les vérités qui diffèrent des siennes.
    (Les testaments trahis, p.17, Folio n°2703)
     
  261. Car la religion et l'humour sont incompatibles.
    (Les testaments trahis, p.18, Folio n°2703)
     
  262. [Kundera parle de Thomas Mann et de sa tétralogie Joseph et ses frères.
    [...] le ton souriant et sublimement ennuyeux de Mann [...]

    (Les testaments trahis, p.18, Folio n°2703)
     
  263. Le sens de l'histoire d'un art est opposé à celui de l'Histoire tout court. Par son caractère personnel, l'histoire d'un art est une vengeance de l'homme sur l'impersonnalité de l'Histoire de l'humanité.
    (Les testaments trahis, p.27, Folio n°2703)
     
  264. [...] comme une grande musique qu'on peut réécouter sans fin, les grands romans eux aussi sont faits pour des lectures répétées [...]
    (Les testaments trahis, p.36, Folio n°2703)
     
  265. L'humour : l'éclair divin qui découvre le monde dans son ambiguïté morale et l'homme dans sa profonde incompétence à juger les autres ; l'humour : l'ivresse de la relativité des choses humaines ; le plaisir étrange issu de la certitude qu'il n'y a pas de certitude.
    (Les testaments trahis, p.46, Folio n°2703)
     
  266. L'homme désire l'éternité mais il ne peut avoir que son ersatz : l'instant de l'extase.
    (Les testaments trahis, p.105, Folio n°2703)
     
  267. Vivre, c'est un lourd effort perpétuel pour ne pas se perdre soi-même de vue, pour être toujours solidement présent dans soi-même, dans sa stasis. Il suffit de sortir un petit instant de soi-même et on touche au domaine de la mort.
    (Les testaments trahis, p.106, Folio n°2703)
     
  268. Depuis toujours, profondément, violemment, je déteste ceux qui veulent trouver dans une oeuvre d'art une attitude (politique, philosophique, religieuse, etc.), au lieu d'y chercher une intention de connaître, de comprendre, de saisir tel ou tel aspect de la réalité.
    (Les testaments trahis, p.111, Folio n°2703)
     
  269. Il y a des choses qu'on ne peut que taire.
    (Les testaments trahis, p.116, Folio n°2703)
     
  270. [...] personne n'est plus insensible que les gens sentimentaux.
    (Les testaments trahis, p.119, Folio n°2703)
     
  271. [...] le moment présent ne ressemble pas à son souvenir. Le souvenir n'est pas la négation de l'oubli. Le souvenir est une forme de l'oubli.
    (Les testaments trahis, p.156, Folio n°2703)
     
  272. [...] le présent, le concret du présent, en tant que phénomène à examiner, en tant que structure, est pour nous une planète inconnue ; nous ne savons donc ni le retenir dans notre mémoire ni le reconstruire par l'imagination. On meurt sans savoir ce qu'on a vécu.
    (Les testaments trahis, p.156, Folio n°2703)
     
  273. [...] l'analyse de l'existence ne peut devenir système ; l'existence est insystématisable et Heidegger, amateur de poésie, a eu tort d'être indifférent à l'histoire du roman où se trouve le plus grand trésor de la sagesse existentielle.
    (Les testaments trahis, p.200, Folio n°2703)
     
  274. [...] il faut que celui qui pense ne s'efforce pas de persuader les autres de sa vérité ; il se trouverait ainsi sur le chemin d'un système ; sur le lamentable chemin de l'" homme à conviction " ; des hommes politiques aiment se qualifier ainsi ; mais qu'est-ce qu'une conviction ? c'est une pensée qui s'est arrêtée, qui s'est figée, et l'" homme à conviction " est un homme borné ; la pensée expérimentale ne désire pas persuader mais inspirer ; inspirer une autre pensée, mettre en branle le penser ; c'est pourquoi un romancier doit systématiquement désystématiser sa pensée, donner des coups de pied dans la barricade qu'il a lui-même érigée autour de ses idées.
    (Les testaments trahis, p.212, Folio n°2703)
     
  275. Puisque de son vivant chaque auteur essaie de rendre public tout ce qui est essentiel, les fouilleurs de poubelles sont des passionnés de l'inessentiel.
    (Les testaments trahis, p.229, Folio n°2703)
     
  276. Mais le conformisme de l'opinion publique est une force qui s'est érigée en tribunal, et le tribunal n'est pas là pour perdre son temps avec des pensées, il est là pour instruire des procès.
    (Les testaments trahis, p.280, Folio n°2703)
     
  277. [La musique rock] n'est pas sentimentale, elle est extatique, elle est la prolongation d'un seul moment d'extase [...]
    (Les testaments trahis, p.281, Folio n°2703)
     
  278. L'homme est celui qui avance dans le brouillard.
    (Les testaments trahis, p.287, Folio n°2703)
     
  279. Sans aucun doute, on pourrait écrire mieux telle ou telle phrase d'À la recherche du temps perdu. Mais où trouver ce fou qui voudrait lire un Proust amélioré ?
    (Les testaments trahis, p., Folio n°2703)
     
  280. " Laissez-nous un peu vous déformer, Maître, et on vous aimera. " Mais vient le moment où le Maître refuse d'être aimé à ce prix et préfère être détesté et compris.
    (Les testaments trahis, p.298, Folio n°2703)
     
  281. Ce n'est, d'ailleurs, peut-être, que la brièveté de la vie qui empêche les artistes de comprendre jusqu'au bout la vanité de leur travail et d'organiser à temps l'oubli et de leur oeuvre et d'eux-mêmes.
    (Les testaments trahis, p.306, Folio n°2703)
     
  282. Publier ce que l'auteur a supprimé est donc le même acte de viol que censurer ce qu'il a décidé de garder.
    (Les testaments trahis, p.321, Folio n°2703)
     
  283. [...] la gravité sentimentale de la musique et des livres.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.17, Folio n°834)
     
  284. Lorsqu'une femme ne vit pas suffisamment avec son corps, le corps finit par lui apparaître comme un ennemi.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.59, Folio n°834)
     
  285. Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.111, Folio n°834)
     
  286. Quand un homme est excessivement satisfait, le sommeil vient à lui comme une récompense.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.121, Folio n°834)
     
  287. Il détestait la lâcheté qui fait de la vie une demi-vie et des hommes des demi-hommes.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.125, Folio n°834)
     
  288. La mort devient réelle quand elle commence à pénétrer à l'intérieur de l'homme par les fissures du vieillissement.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.159, Folio n°834)
     
  289. La tendresse prend naissance à l'instant où nous sommes rejetés sur le seuil de l'âge adulte et où nous nous rendons compte avec angoisse des avantages de l'enfance que nous ne comprenions pas quand nous étions enfants.
    La tendresse, c'est la frayeur que nous inspire l'âge adulte.
    La tendresse, c'est la tentative de créer un espace artificiel où l'autre doit être traité comme un enfant.
    La tendresse, c'est aussi la frayeur des conséquences physiques de l'amour ; c'est une tentative de soustraire l'amour au monde des adultes (où il est insidieux, contraignant, lourd de chair et de responsabilité) et de considérer la femme comme un enfant.

    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.171, Folio n°834)
     
  290. La liberté ne commence pas là où les parents sont rejetés ou enterrés, mais là où ils ne sont pas :
    Là où l'homme vient au monde sans savoir de qui.
    Là où l'homme vient au monde à partir d'un oeuf jeté dans une forêt.
    Là où l'homme est craché sur la terre par le ciel et pose le pied sur le monde sans le moindre sentiment de gratitude.

    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.186, Folio n°834)
     
  291. Car la maturité est indivisible ; ou la maturité est totale, ou elle n'est pas.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.246, Folio n°834)
     
  292. quand on tue de grands rêves
    il coule beaucoup de sang.

    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.248, Folio n°834)
     
  293. [...] c'est seulement quand il est âgé que l'homme peut ignorer l'opinion du troupeau, l'opinion du public et de l'avenir. Il est seul avec sa mort prochaine et la mort n'a ni yeux ni oreilles, il n'a pas besoin de lui plaire ; il peut faire et dire ce qui lui plaît à lui-même de faire et de dire.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.262, Folio n°834)
     
  294. Le lyrisme est une ivresse et l'homme s'enivre pour se confondre plus facilement avec le monde.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.294, Folio n°834)
     
  295. Et le roman est-il autre chose qu'un piège tendu au héros ?
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.402, Folio n°834)
     
  296. [...] l'acte de mort possède sa propre sémantique, et il n'est pas indifférent de savoir de quelle façon un homme a trouvé la mort, et dans quel élément.
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.434, Folio n°834)
     
  297. La parodie n'est-elle pas le destin éternel de l'homme ?
    (La vie est ailleurs, trad. François Kérel, p.449, Folio n°834)
     
  298. Toutes les prévisions se trompent, c'est l'une des rares certitudes qui a été donnée à l'homme. Mais si elles se trompent, elles disent vrai sur ceux qui les énoncent, non pas sur leur avenir, mais sur leur temps présent.
    (L'ignorance, p.18, Gallimard, 2003)
     
  299. [...] l'amour, c'est l'exaltation du temps présent.
    (L'ignorance, p.75, Gallimard, 2003)
     
  300. Plus vaste est le temps que nous avons laissé derrière nous, plus irrésistible est la voix qui nous invite au retour. Cette sentence a l'air d'une évidence, et pourtant elle est fausse. L'homme vieillit, la fin approche, chaque moment devient de plus en plus cher et il n'y a plus de temps à perdre avec des souvenirs. Il faut comprendre le paradoxe mathématique de la nostalgie : elle est le plus puissante dans la première jeunesse quand le volume de la vie passée est tout à fait insignifiant.
    (L'ignorance, p.75, Gallimard, 2003)
     
  301. [...] la passion, par définition, est outrance.
    (L'ignorance, p.101, Gallimard, 2003)
     
  302. [...] qui a raté ses adieux ne peut attendre grand-chose de ses retrouvailles.
    (L'ignorance, p.127, Gallimard, 2003)
     
  303. Car comment celui qui ne connaît pas l'avenir pourrait-il comprendre le sens du présent ? Si nous ne savons pas vers quel avenir le présent nous mène, comment pourrions-nous dire que ce présent est bon ou mauvais, qu'il mérite notre adhésion, notre méfiance ou notre haine ?
    (L'ignorance, p.134, Gallimard, 2003)
     
  304. Mais quand les gens se voient souvent, ils supposent qu'ils se connaissent. Ils ne se posent pas de questions et n'en sont pas frustrés. S'ils ne s'intéressent pas les uns aux autres, c'est en toute innocence. Ils ne s'en rendent pas compte.
    (L'ignorance, p.156, Gallimard, 2003)
     
  305. [...] ces « fonctionnaires de la littérature » que sont selon lui [Fielding] les critiques [...]
    (Le rideau, p.21, Gallimard/nrf, 2005)
     
  306. La seule chose qui nous reste face à cette inéluctable défaite qu'on appelle la vie est d'essayer de la comprendre. C'est là la raison d'être de l'art du roman.
    (Le rideau, p.23, Gallimard/nrf, 2005)
     
  307. L'un de nos plus grands problèmes n'est-il pas justement l'insignifiance ? N'est-ce pas elle, notre sort ? Et si oui, ce sort est-il notre chance ou notre malheur ? Notre humiliation ou, au contraire, notre soulagement, notre évasion, notre idylle, notre refuge ?
    (Le rideau, p.25, Gallimard/nrf, 2005)
     
  308. Seul le roman a su découvrir l'immense et mystérieux pouvoir du futile.
    (Le rideau, p.35, Gallimard/nrf, 2005)
     
  309. Pour démontrer leur compétence d'experts, [les professeurs de littératures étrangères] s'identifient ostensiblement au petit contexte national des littératures qu'ils enseignent. Ils adoptent ses opinions, ses goûts, ses préjugés. Aucun espoir : c'est dans les universités à l'étranger qu'une oeuvre d'art est le plus profondément embourbée dans sa province natale.
    (Le rideau, p.51, Gallimard/nrf, 2005)
     
  310. La possessivité de la nation à l'égard de ses artistes se manifeste comme un terrorisme du petit contexte qui réduit tout le sens d'une oeuvre au rôle que celle-ci joue dans son propre pays.
    (Le rideau, p.53, Gallimard/nrf, 2005)
     
  311. [...] une certaine partie des héritiers de Rimbaud a compris cette chose inouïe : aujourd'hui, le seul modernisme digne de ce nom est le modernisme anti-moderne.
    (Le rideau, p.72, Gallimard/nrf, 2005)
     
  312. Car il ne faut pas l'oublier : les arts ne sont pas tous pareils : c'est par une porte différente que chacun d'eux accède au monde. Parmi ces portes, l'une d'elles est réservée en exclusivité au roman.
    (Le rideau, p.77, Gallimard/nrf, 2005)
     
  313. Qui ne s'est demandé un jour : et si j'étais né ailleurs, dans un autre pays, dans un autre temps, quelle aurait été ma vie ? Cette question contient en elle l'une des illusions humaines les plus profondes, l'illusion qui nous fiat considérer la situation de notre vie comme un simple décor, une circonstance contingente et échangeable par laquelle passe notre « moi », indépendant et constant.
    (Le rideau, p.79, Gallimard/nrf, 2005)
     
  314. [...] le romancier naît sur les ruines de son monde lyrique.
    (Le rideau, p.107, Gallimard/nrf, 2005)
     
  315. Telle une femme qui se maquille avant de se dépêcher vers son premier rendez-vous, le monde, quand il accourt vers nous au moment de notre naissance, est déjà maquillé, masqué, préinterprété. Et les conformistes ne seront pas seuls à en être dupes; les êtres rebelles, avides de s'opposer à tout et à tous, ne se rendent pas compte à quel point eux-mêmes sont obéissants; ils ne se révolteront que contre ce qui est interprété (préinterprété) comme digne de révolte.
    (Le rideau, p.110, Gallimard/nrf, 2005)
     
  316. C'est la malédiction du romancier : son honnêteté est attachée à l'infâme poteau de sa mégalomanie.
    (Le rideau, p.112, Gallimard/nrf, 2005)
     
  317. [...] l'oeuvre est ce que le romancier approuvera à l'heur du bilan. Car la vie est courte, la lecture est longue et la littérature est en train de se suicider par une prolifération insensée. En commençant par lui-même, chaque romancier devrait éliminer tout ce qui est secondaire, prôner pour lui et pour les autres la morale de l'essentiel !
    (Le rideau, p.115, Gallimard/nrf, 2005)
     
  318. La morale de l'essentiel a cédé la place à la morale de l'archive. (L'idéal de l'archive : la douce égalité qui règne dans une immense fosse commune.)
    (Le rideau, p.115, Gallimard/nrf, 2005)
     
  319. Il y a des gens dont j'admire l'intelligence, estime l'honnêteté mais avec lesquels je me sens mal à l'aise : je censure mes propos pour ne pas être mal compris, pour ne pas paraître cynique, pour ne pas les blesser pr un mot trop léger. Ils ne vivent pas en paix avec le comique. Je ne le leur reproche pas : leur agélastie1 est profondément enfouie en eux et ils n'y peuvent rien. Mais moi non plus je n'y peux rien et, sans les détester, je les évite de loin.
    (1) [NDLR] Agélaste : Néologisme que Rabelais a créé à partir du grec pour désigner ceux qui ne savent pas rire. (p. 127)

    (Le rideau, p.127, Gallimard/nrf, 2005)
     
  320. L'humour n'est pas une étincelle qui jaillit brièvement lors du dénouevement comique d'une situation ou d'un récit pour nous faire rire. Sa lumière discrète s'étend sur tout le vaste paysage de la vie.
    (Le rideau, p.130, Gallimard/nrf, 2005)
     
  321. L'enfer (l'enfer sur terre) n'est pas tragique ; l'enfer, c'est l'horreur sans aucune trace de tragique.
    (Le rideau, p.137, Gallimard/nrf, 2005)
     
  322. [...] il faut se rappeler une autre règle générale : tandis que la réalité n'a aucune honte à se répéter, la pensée, face à la répétition de la réalité, finit toujours par se taire.
    (Le rideau, p.144, Gallimard/nrf, 2005)
     
  323. La bêtise n'abaisse nullement la grandeur d'un héros tragique. Inséparable de la « nature humaine », elle est avec l'homme constamment et partout : dans la pénombre des chambres à coucher comme sur les estrades illuminées de l'Histoire.
    (Le rideau, p.153, Gallimard/nrf, 2005)
     
  324. [...] je me transforme en bureaucrate de ma propre vie (remplissant des questionnaires, envoyant des réclamations, rangeant des documents dans mes propres archives).
    (Le rideau, p.159, Gallimard/nrf, 2005)
     
  325. L'erreur bureaucratique devient la seule poésie (poésie noire) de notre époque.
    (Le rideau, p.161, Gallimard/nrf, 2005)
     
  326. [...] nul ne comprendra l'autre sans comprendre tout d'abord son âge.
    (Le rideau, p.165, Gallimard/nrf, 2005)
     
  327. Car la liberté d'un jeune et la liberté d'un vieux sont des continents qui ne se rencontrent pas.
    (Le rideau, p.166, Gallimard/nrf, 2005)
     
  328. [...] l'homme est séparé du passé (même du passé vieux de quelques secondes) par deux forces qui se mettent immédiatement à l'oeuvre et coopèrent : la force de l'oubli (qui efface) et la force de la mémoire (qui transforme).
    (Le rideau, p.174, Gallimard/nrf, 2005)
     
  329. [...] le scandale existentiel de l'insignifiance.
    (Le rideau, p.195, Gallimard/nrf, 2005)
     
  330. Car l'histoire de l'art est périssable. Le babillage de l'art est éternel.
    (Le rideau, p.196 (Excipit), Gallimard/nrf, 2005)
     
  331. [...] Notre expérience la plus banale nous apprend (surtout si la vie derrière nous se prolonge trop) que les visages sont lamentablement pareils (l'avalanche démographique insensée augmentant encore cette sensation), qu'ils se laissent confondre, qu'ils diffèrent l'un de l'autre par quelque chose de très menu, d'à peine saisissable, qui, mathématiquement, ne représente souvent, dans la disposition des proportions, que quelques millimètres de différence. Ajoutons à cela notre expérience historique qui nous a fait comprendre que les hommes agissent en s'imitant l'un l'autre, que leurs attitudes sont statistiquement calculables, leurs opinions manipulables, et que, donc, l'homme est moins un individu (un sujet) qu'un élément d'une masse.
    (Une Rencontre, p.20, Gallimard/nrf, 2009)
     
  332. Où est la frontière derrière laquelle un « moi » cesse d'être un « moi » ?
    (Une Rencontre, p.22, Gallimard/nrf, 2009)
     
  333. Quand un artiste parle d'un autre, il parle toujours (par ricochet, par détour) de lui-même et là est tout l'intérêt de son jugement.
    (Une Rencontre, p.23, Gallimard/nrf, 2009)
     
  334. [...] L'art de notre moitié du siècle est encrassé par une logorrhée théorique bruyante et opaque qui empêche une oeuvre d'entrer en contact direct, non médiatisé, non préinterprété, avec celui qui la regarde (qui la lit, qui l'écoute).
    (Une Rencontre, p.23, Gallimard/nrf, 2009)
     
  335. Si, jadis, l'Histoire avançait beaucoup plus lentement que la vie humaine, aujourd'hui c'est elle qui va plus vite, qui court, qui échappe à l'homme, si bien que la continuité et l'identité d'une vie risquent de se briser.
    (Une Rencontre, p.41, Gallimard/nrf, 2009)
     
  336. L'Islande : des solitudes qui s'épient.
    (Une Rencontre, p.42, Gallimard/nrf, 2009)
     
  337. L'énigme de l'âge : un de ces thèmes que seul un roman peut éclaircir.
    (Une Rencontre, p.43, Gallimard/nrf, 2009)
     
  338. Et je me dis : n'est-ce pas justement cela, la biographie ? Une logique artificielle qu'on impose à une « succession incohérente de tableaux » ?
    (Une Rencontre, p.50, Gallimard/nrf, 2009)
     
  339. [...] c'est la répétition des scandales qui est la reine de tous les scandales !
    (Une Rencontre, p.51, Gallimard/nrf, 2009)
     
  340. [...] Seul le sens de l'humour peut déceler le manque d'humour chez les autres.
    (Une Rencontre, p.65, Gallimard/nrf, 2009)
     
  341. Je dis : « J'aime Joseph Conrad. » Et mon ami : « Moi, pas tellement. » Mais parlons-nous du même auteur ? J'ai lu de Conrad deux romans, mon ami un seul que moi je ne connais pas. Et pourtant, chacun de nous, en toute innocence (en toute impertinence innocente), est sûr d'avoir une idée juste sur Conrad.
    (Une Rencontre, p.73, Gallimard/nrf, 2009)
     
  342. [...] Les innovations formelles des grands maîtres ont toujours quelque chose de discret ; telle est la vraie perfection ; c'est seulement chez les petits maîtres que la nouveauté veut se faire remarquer.
    (Une Rencontre, p.86, Gallimard/nrf, 2009)
     
  343. [...] Si quelqu'un m'avait parlé des livres de Depestre avant que je ne les lise, je ne les aurais pas ouverts.
    Heureusement, je les ai lus sans savoir ce que j'allais lire et il m'est arrivé la meilleure chose qui puisse arriver à un lecteur ; j'ai aimé ce que, par conviction (ou par nature), je n'aurais pas dû aimer.

    (Une Rencontre, p.106, Gallimard/nrf, 2009)
     
  344. Il faut en effet une grande maturité pour comprendre que l'opinion que nous défendons n'est que notre hypothèse préférée, nécessairement imparfaite, probablement transitoire, que seuls les très bornés peuvent faire passer pour une certitude ou une vérité.
    (Une Rencontre, p.134, Gallimard/nrf, 2009)
     
  345. [...] Le ridicule de nos sentiments ne change rien à leur authenticité.
    (Une Rencontre, p.161, Gallimard/nrf, 2009)
     
  346. Confronté à son prochain, l'homme n'est jamais libre d'être tel qu'il est ; la force de l'un limite la liberté de l'autre. Face à un animal, l'homme est qui il est. Sa cruauté est libre. Le rapport entre l'homme et l'animal constitue un arrière-fond éternel de l'existence humaine, un miroir (miroir affreux) qui ne la quittera pas.
    (Une Rencontre, p.203, Gallimard/nrf, 2009)