Antoine Albalat
1856-1935
  1. La littérature est un agrément, comme la peinture, l'aquarelle et la musique, une distraction noble et permise, un moyen d'embellir les heures de la vie et les ennuis de la solitude.
    (L'art d'écrire, p. 12 , Armand Colin 1992)
     
  2. Le don d'écrire, c'est-à-dire la facilité d'exprimer ce que l'on sent, est une faculté aussi naturelle à l'homme que le don de parler.
    (L'art d'écrire, p. 13, Armand Colin 1992)
     
  3. Le style le mieux écrit est souvent le style qu'on pourrait le mieux parler.
    (L'art d'écrire, p. 13, Armand Colin 1992)
     
  4. Vous ne saisirez ce que c'est que bien écrire qu'après qu'on vous aura exposé ce que c'est que mal écrire.
    (L'art d'écrire, p. 20, Armand Colin 1992)
     
  5. La première condition préparatoire pour écrire, c'est de se connaître et pour cela, de s'examiner, de s'étudier, de savoir, comme le dit Horace, de quel fardeau vous pouvez charger vos épaules.
    (L'art d'écrire, p. 24, Armand Colin 1992)
     
  6. Notre imagination a des mirages qui nous trompent.
    (L'art d'écrire, p. 24, Armand Colin 1992)
     
  7. Il ne faut surtout pas s'aveugler sur soi-même, car il arrive que ce que nous aimons le mieux en nous, ce sont nos défauts.
    (L'art d'écrire, p. 24, Armand Colin 1992)
     
  8. Il est rare qu'on ait le discernement et le courage d'être purement et simplement ce que l'on est.
    (L'art d'écrire, p. 25, Armand Colin 1992)
     
  9. La lecture est la base de l'art d'écrire.
    (L'art d'écrire, p. 29, Armand Colin 1992)
     
  10. [...] l'homme qui ne lit pas est incapable de connaître ses forces, et ignorera toujours ce qu'il peut produire.
    (L'art d'écrire, p. 30, Armand Colin 1992)
     
  11. Lisez quand vous voudrez écrire ; lisez quand vous saurez écrire ; lisez quand vous ne pourrez plus écrire. Le talent n'est qu'une assimilation. Il faut lire ce que les autres ont écrit, afin d'écrire soi-même pour être lu.
    (L'art d'écrire, p. 30, Armand Colin 1992)
     
  12. La lecture dissipe la sécheresse, active les facultés, déchrysalide l'intelligence et met en liberté l'imagination.
    (L'art d'écrire, p. 31, Armand Colin 1992)
     
  13. Savoir voir est le grand mot de l'écriture littéraire ; et savoir comment il faut voir, c'est presque savoir comment il faut exprimer.
    (L'art d'écrire, p. 33, Armand Colin 1992)
     
  14. Aucune lecture ne remplace la lecture de Montaigne.
    (L'art d'écrire, p. 34, Armand Colin 1992)
     
  15. Un livre qu'on quitte sans en avoir extrait quelque chose est un livre qu'on n'a pas lu.
    (L'art d'écrire, p. 36, Armand Colin 1992)
     
  16. Savoir imiter, c'est apprendre à ne plus imiter, parce que c'est s'habituer à reconnaître l'imitation, et à s'en passer quand on y sera rompu. Le danseur de corde use du balancier pour le quitter.
    (L'art d'écrire, p. 42, Armand Colin 1992)
     
  17. Bien écrire, c'est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre.
    (L'art d'écrire, p. 46, Armand Colin 1992)
     
  18. On cherche trop à écrire. Il faut bien chercher, en effet, mais il faut chercher à ne pas écrire.
    (L'art d'écrire, p. 84, Armand Colin 1992)
     
  19. L'éloquence n'est pas dans la quantité des choses dites, mais dans leur intensité.
    (L'art d'écrire, p. 92, Armand Colin 1992)
     
  20. [...] prolixité amphigourique [...]
    (L'art d'écrire, p. 98, Armand Colin 1992)
     
  21. [...] mieux vaut être rocailleux et dissonant que fade et banal.
    (L'art d'écrire, p. 144, Armand Colin 1992)
     
  22. Les yeux aussi entendent les sons. De même que le musicien entend l'orchestre en parcourant une partition, il suffit de lire une phrase pour en goûter la cadence.
    (L'art d'écrire, p. 147, Armand Colin 1992)
     
  23. L'art n'est qu'une substitution.
    (L'art d'écrire, p. 156, Armand Colin 1992)
     
  24. La sensibilité, au point de vue littéraire, n'est que l'art de se rendre ému par l'imagination .
    (L'art d'écrire, p. 158, Armand Colin 1992)
     
  25. Ne rien livrer au hasard, c'est économiser du travail.
    (L'art d'écrire, p. 175, Armand Colin 1992)
     
  26. Le talent n'est qu'une aptitude qui se développe. On peut en acquérir deux ou trois fois plus qu'on en a.
    (L'art d'écrire, p. 175, Armand Colin 1992)
     
  27. Avoir du talent, c'est comprendre que l'on peut faire mieux [...]
    (L'art d'écrire, p. 196, Armand Colin 1992)
     
  28. Le caractère du Beau est d'être indestructible.
    (L'art d'écrire, p. 197, Armand Colin 1992)
     
  29. La docilité aux conseils d'autrui prouve la largeur d'esprit, le sens du métier et l'intelligence ; car rien ne coûte tant que de sacrifier ce qu'on a écrit et de retrancher ce qu'on croyait bon.
    (L'art d'écrire, p. 205, Armand Colin 1992)
     
  30. On n'écoute volontiers que ce qui est bien raconté.
    (L'art d'écrire, p. 209, Armand Colin 1992)
     
  31. L'imagination n'est qu'une mémoire évocatrice.
    (L'art d'écrire, p. 222, Armand Colin 1992)
     
  32. L'art est avant tout une interprétation.
    (L'art d'écrire, p. 222, Armand Colin 1992)
     
  33. Une description ne doit jamais paraître imaginée. Voilà le grand principe.
    (L'art d'écrire, p. 251, Armand Colin 1992)
     
  34. L'imagination est une folle, il faut la guider, la tenir, s'en servir comme d'un instrument, mais non l'employer pour elle-même, en faisant d'elle le but de l'inspiration et de l'art d'écrire.
    (L'art d'écrire, p. 252, Armand Colin 1992)
     
  35. [...] le travail vaut souvent l'inspiration.
    (L'art d'écrire, p. 286, Armand Colin 1992)
     
  36. [...] il est plus facile d'éviter un défaut que d'acquérir une qualité, et [...] il y a autant de profit à étudier ce qui est mal écrit qu'à étudier ce qui est bien écrit [...]
    (Comment il ne faut pas écrire, Préface, Librairie Plon 1921)
     
  37. Il faut avoir bien du talent pour se croire autorisé à rompre avec tout ce qui a fait l'esthétique et le génie d'une langue.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.4, Librairie Plon 1921)
     
  38. [...] pour faire une oeuvre qui dure, il ne faut ni chercher le succès ni suivre la mode. Un ouvrage ne résiste au temps que s'il est écrit dans le génie de la langue et si le genre d'observation qu'il contient relève de tous les pays et de toutes les époques. En d'autres termes, le seul moyen d'aller à la postérité est de s'adresser à elle, et non pas aux contemporains. Les contemporains donnent la notoriété. La postérité seule donne la gloire.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.11, Librairie Plon 1921)
     
  39. Pour que le verbe contribue à l'éclat du style, il faut autant que possible qu'il marche seul, sans le secours des auxiliaires avoir et être, qui sont les fléaux de la prose.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.47, Librairie Plon 1921)
     
  40. Le verbe est la vie du style.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.60, Librairie Plon 1921)
     
  41. Ce n'est pas l'abondance ni la quantité des épithètes, mais, au contaire, leur force et leur sobriété qui sont le signe de l'écrivain [...]
    (Comment il ne faut pas écrire, p.64, Librairie Plon 1921)
     
  42. Les images sont les joyaux du style.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.88, Librairie Plon 1921)
     
  43. On dit : « Il ne faut écrire que ce que l'on sent. C'est le seul moyen d'être naturel. » Sans doute, mais il ne s'agit pas uniquement d'écrire ce que l'on sent. La littérature est aussi l'art de sentir ce que l'on veut écrire.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.118, Librairie Plon 1921)
     
  44. « Il faut, a dit Victor Hugo, gravir le dur sentier de l'inspiration. » « L'inspiration, ajoute Baudelaire, cité par Banville, c'est de travailler tous les jours. » « Les choses, dit Bossuet, ont besoin d'être médités ; tâchons de les rendre sensibles en les étendant davantage. »
    (Comment il ne faut pas écrire, p.119, Librairie Plon 1921)
     
  45. En littérature, sachons-le bien, tout est rhétorique, même la contre-rhétorique, parce que la littérature est un art et que, s'il est vrai que le style est une façon involontaire d'exprimer sa personnalité, il est aussi un instrument de combinaison, de volonté, de choix, un instrument qui, à son tour, obéit, modifie ou invente.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.126, Librairie Plon 1921)
     
  46. [...] rien ne fatigue comme le pastiche.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.130, Librairie Plon 1921)
     
  47. Jamais on n'a tant publié de recueils de pensées. On dresserait un interminable catalogue de ces sortes de livres, et il y en a d'excellents, Laténa, Louis Dépret, Alph. Séché, A. Ducros, Mme Calmon, Thiaudière, Georges d'Avenel, Cohin, Étienne Rey, sans compter les Pensées choisies de Balzac, Capus, Hervieu, Donnay, Marcel Prévost et même Napoléon. Ainsi se continue la tradition de La Rochefoucauld, La Bruyère, Rivarol, Chamfort, Duclos, Sénac, Joubert, etc. Ce genre de littérature a tout envahi. La suprême ambition des trois quarts de ceux qui tiennent un plume est de passer pour des moralistes. C'était autrefois un signe de maturité ; aujourd'hui, c'est par là que l'on débute.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.157, Librairie Plon 1921)
     
  48. Presque toutes les maximes de La Rochefoucauld sont empruntées à d'autres auteurs. Le plagiat est perpétuel. Celle que Sainte-Beuve admirait par-dessus tout : « Le soleil et la mort ne se peuvent regarder fixement », a été découverte mot pour mot par M. Maurevert dans une nouvelle de Cervantès1.
    La Rochefoucauld soumettait ses maximes à ses amis ; on les revoyait ensemble ; il les polissait ensuite à son aise. Ce qui fait la beauté de son livre, c'est la force d'observation, la parti pris féroce et surtout la densité du style.
    La Rochefoucauld a réécrit son ouvrage plus de trente fois ; et cependant, malgré ses qualités prodigieuses, que de pensées fuyantes ou subtiles dans ce traité d'égoïsme, que n'aimaient ni Rousseau, ni Voltaire, et qui ne montre qu'un côté du coeur humain !
    (1) L'Éclaireur de Nice, 8 mai 1914

    (Comment il ne faut pas écrire, p.160, Librairie Plon 1921)
     
  49. L'art des maximes et un trompe-l'oeil. Il n'y a pas un écrivain qui n'ait en portefeuille de quoi composer un bon livre de pensées.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.163, Librairie Plon 1921)
     
  50. La fausse psychologie (celle des trois quarts de nos débutants) n'est qu'une sorte de perpétuel commentaire appliqué aux démarches et aux gestes des personnages. On apprécie, au lieu de raconter ; on juge, au lieu de peindre ; on explique, au lieu de montrer. Tout ce qui devrait être mis en scène est mis en narration. On fait de la philosophie prosaïque, on raffine l'insignifiance, on coupe les cheveux en quatre, pendant ce temps l'observation, la vérité humaine se perdent en route.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.165, Librairie Plon 1921)
     
  51. Le seul tort des philosophes est de se croire en possession d'une tournure d'esprit qui leur confère l'infaillibilité du jugement et l'universalité des compétences. Qu'ils dogmatisent dans leur domaine, c'est leur droit ; mais ils sont insupportables, lorsqu'ils ont la prétention de vouloir tout expliquer, civilisation, talent, politique, histoire et littérature.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.175, Librairie Plon 1921)
     
  52. [...] le meilleur moyen de paraître profond est d'être à peu près inintelligible.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.202, Librairie Plon 1921)
     
  53. On est toujours captif de son esthétique et de son goût. Le style est fait de formules et de procédés qui reviennent à chaque instant sous la plume.
    Un écrivain n'a qu'un ton et qu'une manière pour exprimer sa personnalité. On reconnaît un style comme on reconnaît un tableau. On peut presque dire qu'un auteur refait toujours le même livre, comme un peintre recommence toujours la même toile.

    (Comment il ne faut pas écrire, p.256, Librairie Plon 1921)
     
  54. Le métier de critique littéraire ne convient pas à tout le monde. Pour sentir un ouvrage, il suffit de le lire ; pour le bien comprendre, il ne suffit pas de l'avoir lu. Le texte d'un livre, c'est sa facture ; sa vraie signification est ailleurs ; comme l'eau où l'on jette une pierre, elle fait cercle et s'étend.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.275, Librairie Plon 1921)
     
  55. [...] selon le mot de Bossuet, l'indulgence fait aussi partie de la justice. Il s'agit de tenir la balance entre la critique qui consiste à découvrir les qualités et la critique qui consiste à ne voir que les défauts. La tournure même d'un éloge peut montrer que l'on n'est pas tout à fait dupe, et certaines façons de louer n'ont jamais trompé que celui que l'on loue.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.277, Librairie Plon 1921)
     
  56. L'autorité qu'on s'attribue amoindrit toujours celle qu'on mérite. Pontifier est le propre de l'inexpérience et de la jeunesse.
    (Comment il ne faut pas écrire, p.280, Librairie Plon 1921)
     
  57. [...] Maeterlinck [dans La Sagesse et la Destinée, p.213], quand il écrivait ces belles paroles :
    « Il est facile de dédaigner ; il est moins aisé de comprendre ; et pourtant, pour le sage véritable, il n'est pas un dédain qui ne finisse tôt ou tard par se changer en compréhension. Toute pensée qui passe avec dédain au-dessus du grand groupe muet, toute pensée qui ne reconnaît pas mille soeurs, mille frères endormis dans ce groupe, n'est trop souvent qu'un rêve néfaste et stérile. »

    (Comment il ne faut pas écrire, p.285, Librairie Plon 1921)