Lawrence Durrell
1912-1990
  1. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d'or, la signification profonde. C'est dans l'exercice de son art que l'artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l'a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l'imagination, non pour échapper à son destin comme fait l'homme ordinaire, mais pour l'accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.22, Livre de Poche n°5618)
     
  2. Il n'y a que trois choses que l'on puisse faire avec une femme [...]. On peut l'aimer, souffrir pour elle ou en faire de la littérature.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.32, Livre de Poche n°5618)
     
  3. Je la revois chez sa couturière, assise devant les grands miroirs à multiples faces, et disant :
    " Regarde ! Cinq images différentes du même sujet. Si j'étais écrivain, c'est ainsi que j'essaierais de dépeindre un personnage, par une sorte de vision prismatique. Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas voir plus d'un profil à la fois ? "

    (Justine, trad. Roger Giroux, p.40, Livre de Poche n°5618)
     
  4. [...] pour moi toutes les idées se valent ; le fait qu'elles existent prouve que quelqu'un les crée. Qu'importe qu'elles soient objectivement justes ou fausses. Elles ne peuvent jamais demeurer longtemps dans l'état où elles sont.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.65, Livre de Poche n°5618)
     
  5. [...] pour tous ceux qui sentent profondément et qui ont conscience de l'inextricable labyrinthe de la pensée humaine il n'y a qu'une seule réponse possible : une tendresse ironique, et le silence.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.67, Livre de Poche n°5618)
     
  6. La maladie ne s'intéresse pas à ceux qui ont envie de mourir.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.82, Livre de Poche n°5618)
     
  7. Une ville devient un univers lorsqu'on aime un seul de ses habitants.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.104, Livre de Poche n°5618)
     
  8. [...] il était de ceux, très rares, qui se sont fait une philosophie et qui s'emploient à vivre en accord avec elle.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.155, Livre de Poche n°5618)
     
  9. Nous cherchons tous des motifs rationnels de croire à l'absurde.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.156, Livre de Poche n°5618)
     
  10. [...] les terribles aphorismes d'Héraclite. [...] Sur une page :" Il est dur de combattre les désirs de son coeur ; ce qu'il cherche, c'est au prix de son âme qu'il l'obtient. "
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.174, Livre de Poche n°5618)
     
  11. Je compris alors la vérité de l'amour : un absolu qui prend tout ou qui perd tout. Les autres sentiments, la compassion, la tendresse et ainsi de suite, n'existent qu'à la périphérie, appartiennent aux constructions de la société et de l'habitude. Elle, l'austère et impitoyable Aphrodite, est une païenne. Ce n'est pas de notre cervelle ou de nos instincts qu'elle s'empare, mais de nos os et de notre moelle.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.177, Livre de Poche n°5618)
     
  12. On nous a souvent dit que l'histoire est indifférente, mais nous avons toujours tendance à considérer sa ladrerie ou sa générosité comme faisant partie d'un plan préétabli ; nous n'écoutons jamais réellement...
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.190, Livre de Poche n°5618)
     
  13. [...] la présence de la mort rafraîchit toujours les expériences, c'est sa fonction : nous aider à méditer sur cette chose étrange qu'est le temps.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.200, Livre de Poche n°5618)
     
  14. Pendant des années on se résigne à l'idée que les gens ne se souviennent pas, ne se soucient pas réellement de vous ; et puis un jour on comprend que c'est Dieu qui ne se soucie pas de vous ; et non seulement il ne se soucie pas, mais tout ce que vous pouvez faire lui est parfaitement indifférent, quel que soit le chemin que vous suiviez.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.210, Livre de Poche n°5618)
     
  15. La manie de la justification est commune à ceux qui n'ont pas la conscience tranquille comme à ceux qui cherchent des raisons philosophiques à leurs actes ; dans les deux cas cela mène à une étrange forme de pensée. L'idée n'est pas spontanée, mais voulue.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.225, Livre de Poche n°5618)
     
  16. Il n'y a pas de souffrance plus atroce que celle d'aimer une femme qui vous donne son corps et qui pourtant est incapable de livrer son être véritable - parce qu'elle ne sait pas où le trouver.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.231, Livre de Poche n°5618)
     
  17. La culpabilité se hâte toujours vers son double complémentaire, le châtiment : c'est là seulement qu'elle trouve l'apaisement.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.250, Livre de Poche n°5618)
     
  18. Ce n'est pas l'amour qui est aveugle, mais bien la jalousie.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.257, Livre de Poche n°5618)
     
  19. Le penseur a pour tâche de faire penser ; celle du saint est de taire ce qu'il a découvert.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.264, Livre de Poche n°5618)
     
  20. La pauvreté exclut, disait un jour Justine, et la richesse isole.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.283, Livre de Poche n°5618)
     
  21. Quand on a quelque chose à cacher, on se met à jouer un rôle. Cela oblige tout le monde autour de vous à se transformer en acteur.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.313, Livre de Poche n°5618)
     
  22. [...] le désir de posséder peut, s'il n'est assouvi, posséder l'esprit tout entier. Comme il est difficile d'analyser ces liens qui se cachent sous la peau même de nos actions : l'amour n'est rien de plus qu'une sorte de langage de la peau, et le sexe pure terminologie.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.335, Livre de Poche n°5618)
     
  23. On se prend toujours de passion pour l'être qu'a choisi d'aimer la personne qu'on aime.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.346, Livre de Poche n°5618)
     
  24. L'amour est tellement plus vrai lorsqu'il naît, non du désir, mais de la sympathie ; car il ne laisse pas de mauvaises traces, pas de blessures.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.347, Livre de Poche n°5618)
     
  25. [...] la haine n'est que de l'amour inaccompli.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.353, Livre de Poche n°5618)
     
  26. Chaque baiser est une victoire sur la répulsion.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.362, Livre de Poche n°5618)
     
  27. Les mots qu'emploient parfois les amoureux sont chargés d'émotions fausses. Seuls leurs silences ont cette cruelle précision qui leur confère la vérité.
    (Justine, trad. Roger Giroux, p.383, Livre de Poche n°5618)