Thomas De Koninck
1934
  1. Il existe en réalité deux formes d'ignorance qu'on pourrait qualifier de « nouvelles », mais qui sont diamétralement opposées. La première ouvre et libère, la seconde emprisonne et tue. La première, qu'il faut célébrer, se traduit par de nouvelles interrogations suscitées par de nouvelles découvertes. Elle est le moteur de toutes les avancées du savoir. La seconde fait au contraire vivre dans l'illusion qu'on sait alors qu'on ne sait pas et s'apparente à ce que Platon appelait « la double ignorance ».
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture (Incipit), p.1, PUF, 2001)
     
  2. Il n'est pas d'autres voies que celles ou bien de la culture ou bien de la violence, les Grecs en ont fait la démonstration, l'expérience de millénaires le corrobore. Dans la mesure où le logos fait défaut, la violence croît. Le vide, l'ennui, l'indifférence à la vie, le fanatisme qu'entraîne la destruction de la culture ont des conséquences incalculables.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.2, PUF, 2001)
     
  3. Aujourd'hui l'insignifiance criminelle s'universalise et pénètre partout. Le principal obstacle aux « réformes » de l'éducation qu'on ne cesse d'annoncer et d'entreprendre avec plus de pompe que de succès en nos pays occidentaux favorisés est cette nouvelle ignorance qui imprègne la culture ambiante. La plupart du temps l'école, les différentes institutions d'enseignement ou de savoir et les gouvernements viennent trop tard ou sont atteints du même mal, comme peuvent l'être déjà les familles.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.3, PUF, 2001)
     
  4. [...] des « idoles » tiennent lieu de modèles d'existence, tels l'actrice ou l'acteur (en grec: hypokritos) dont le métier consiste précisément à ne pas être eux-mêmes, à faire semblant d'être un ou une autre [...]
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.17, PUF, 2001)
     
  5. La manipulation des signes et des symboles, par les grands médias, les sondages et la publicité, assure un nouveau contrôle des esprits, qui rend insolite et impossible à entendre toute évocation de ce qui contredit le consensus non critiqué qu'elle génère.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.31, PUF, 2001)
     
  6. Quand je reconnais l'humanité d'autrui, je le fais grâce à une connaissance antérieure de cette humanité qui ne peut être au bout du compte que celle que j'ai de ma propre humanité. Barbare est ainsi avant tout celui ou celle qui est pervers au point de méconnaître autant sa propre humanité que celle des autres. Tout le problème est qu'il ne sait pas qu'il l'ignore.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.32, PUF, 2001)
     
  7. « En quoi consiste la barbarie, demandait Goethe, sinon précisément en ce qu'elle méconnaît ce qui excelle ? »
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.33, PUF, 2001)
     
  8. « J'ai connu bien des gens qui voulaient tromper, écrit saint Augustin, mais être trompé, personne [...] Ils aiment aussi la vérité elle-même, puisqu'ils ne veulent pas être trompés.. » En réalité, « on aime la vérité de telle façon que ceux qui aiment autre chose veulent que ce qu'ils aiment soit la vérité »
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.37, PUF, 2001)
     
  9. [...] cette exhortation d'Alain [dans Vigiles de l'esprit] :

    Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil ; et, s'ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système, ni un lit. Ne vous lassez pas d'examiner et de comprendre. [...] Lisez, écoutez, discutez, jugez ; ne craignez pas d'ébranler des systèmes ; marchez sur des ruines, restez enfants. [...] Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui  vous avez compris, en l'écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l'aune, et que les conclusions ne sont pas l'important ; rester éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n'est point mort ; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s'asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n'est point mort ; Socrate n'est point vieux. [...] Toute idée devient fausse au moment où l'on s'en contente.

    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.38, PUF, 2001)
     
  10. On a oublié que l'uniformité engendre le conformisme, dont « l'autre visage est Intolérance » (Bauman).
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.43, PUF, 2001)
     
  11. Pour peu que l'on substitue au concret vivant, intégral, des aspects qui sont bien là mais qui, une fois isolés du tout leur donnant sens et vie, ne sont plus que des fictions résiduelles et vides, on tombe à vrai dire dans un sommeil qui n'a même pas le statut d'un rêve lucide.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.47, PUF, 2001)
     
  12. [...] Aristote dans une page classique [de sa Métaphysique] :

    Certains n'admettent qu'un langage mathématique ; d'autres ne veulent que des exemples ; d'autres encore qu'on recoure à l'autorité de quelque poète ; d'autres, enfin, exigent pour toutes choses une démonstration rigoureuse, tandis que d'autres jugent cette rigueur excessive, soit par impuissance à suivre la chaîne du raisonnement, soit par crainte de se perdre dans les futilités. Il y a en effet quelque chose de cela dans l'affectation de la rigueur. Aussi quelques-uns la regardent-ils comme indigne d'un homme libre, tant dans le commerce de la vie que dans la discussion philosophique. C'est pourquoi il faut avoir appris quelles exigences on doit apporter en chaque espèce de science [....].

    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.51, PUF, 2001)
     
  13. Mais emprisonner un énoncé universel dans un lieu ou dans un moment de l'histoire, récente ou ancienne, sans en considérer la vérité ou la fausseté, serait tenter de rendre l'intelligence captive du temps, à la manière dont le sont en revanche les nouvelles du journal d'hier ( « oui, mais on l'a dit hier » ) - ce que Michel Serres appelle excellemment « le pathétique du calendrier ».
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.53, PUF, 2001)
     
  14. Les langues de bois (ou de coton, ou de circuit imprimé) de nos bureaucraties et d'un certain monde des affaires - on ne dit pas « mettre à pied », on dit « rationaliser », « consolider », « restructurer » - font chorus. Václav Havel a dénoncé avec justesse dans ces langues et dans ces autres formes de pouvoir anonyme, impersonnel, le même automatisme irrationnel et la même humanité que dans les systèmes totalitaires contemporains. La haine viscérale du langage et de la culture qui les marque tout autant ne permet d'ailleurs pas d'en douter.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.57, PUF, 2001)
     
  15. Tout monde réduit à l'immédiateté est une prison ; pire encore qu'une prison si on n'imagine rien en dehors de celle-ci.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.64, PUF, 2001)
     
  16. Il est proprement merveilleux, ce pouvoir que nous avons de susciter en nous, dans la nuit et le silence, les couleurs, les sons sans les confondre, et toute la panoplie de l'expérience humaine, voire, dans le cas des grands artistes, de créer à partir de cela des oeuvres inédites, splendides, chargées de sens et mystère à la fois.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.66, PUF, 2001)
     
  17. Qui a appris à penser, raisonner avec justesse, bien discerner, qui a développé son imagination, sa sensibilité esthétique et éthique, l'esprit de finesse comme l'esprit de géométrie, assume forcément avec d'autant plus de bonheur et de succès, la conduite générale de sa vie, mais aussi, moyennant l'entraînement spécifique nécessaire, toute tâche particulière qui lui sera dévolue.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.82, PUF, 2001)
     
  18. Seule la culture, pourvu qu'il en ait et qu'il l'entretienne, pourrait à vrai dire sauver l'expert de son expertise.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.82, PUF, 2001)
     
  19. La marque d'un homme cultivé est qu'il sera conscient des « limites de son aptitude à juger ».
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.84, PUF, 2001)
     
  20. [...] sont plus que jamais essentiels à la cité des lieux de convivialité, de conversation véritable, où toutes et tous, sans distinctions de classes, d'origines et le reste, puissent échanger librement. L'essence de la vie civique est la conversation, disait Emerson [....].
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.86, PUF, 2001)
     
  21. Rien de plus formateur [...] que d'assister en quelque sorte « à l'opération de la pensée et de la découverte ». La raison pour laquelle Lessing est un remarquable éducateur, lit-on dans les Conversation de Goethe avec Echermann, est qu' « il ne va pas droit au résultat, mais commence toujours à nous mener sur la voie philosophique en nous faisant passer par l'affirmation, la négation et le doute, avant de nous permettre d'en arriver à une sorte de certitude ».
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.87, PUF, 2001)
     
  22. Ce qu'il s'agit de former avant tout [...] c'est le jugement critique ; lui seul rend autonome, lui seul rend libre. Ainsi le défi principal de l'enseignant est-il de susciter une autonomie culturelle suffisante chez l'étudiant pour qu'il puisse exceller en ce qu'il fera et surtout puisse vivre dans la richesse du concret - du latin concrescere, « croître avec », on ne le redira jamais assez : l'arbre concret, c'est l'arbre individuel en toutes ses composantes et ses conditions, en sa vie même - par opposition aux nuages de l'abstraction et des réductionnismes.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.88, PUF, 2001)
     
  23. [Les] symboles les plus parfaits, les plus expressifs, les plus nuancés, que nous avons : les mots.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.91, PUF, 2001)
     
  24. Il importe d'éveiller chez l'élève la passion de connaître, le sens de l'urgence des questions de fond, en attirant, suivant un ordre réaliste, son regard d'être pensant vers des réalités dignes de lui, et en l'instruisant des arts qui lui seront utiles afin de pouvoir mieux penser par lui-même. Newman osait avancer même que « l'auto-éducation sous n'importe quelle forme, au sens le plus strict, est préférable au système d'enseignement qui, tout en professant tellement, fait en réalité si peu pour l'esprit ».
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.95, PUF, 2001)
     
  25. Apprendre à éprouver l'extraordinaire beauté de la vie de l'esprit et la délectation correspondante, en mathématiques ou en poésie, par exemple, est un fruit naturel de l'éducation dont on n'a nul droit de priver ceux qui les attendent, parfois à leur insu. Donner un sens étroitement utilitaire au droit universel à la culture est non seulement une contradiction dans les termes, mais une insulte à l'humain, à la liberté.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.98, PUF, 2001)
     
  26. La complexité de l'être humain fait que le concept de normes est, dans son cas, dépourvu de sens. L'apport de celle ou de celui qui s'éloigne le plus de la moyenne peut être d'autant plus important. La réussite immédiate est rarement celle qui fait progresser. Elle n'est même guère conforme aux lois naturelles, telles du moins que nous commençons à les entrevoir.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.98, PUF, 2001)
     
  27. [La musique est une] « arithmétique secrète de l'âme qui ne sait pas qu'elle est en train de compter » (Leibniz).
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.124, PUF, 2001)
     
  28. Les arts du beau ont, à vrai dire, une valeur infiniment plus éducatrice - vitale pour tous, par conséquent -  que la technique et la technoscience. Ils concernent, encore une fois, l'être humain tout entier, et sont désirables déjà pour eux-mêmes, c'est-à-dire font sens et donnent sens à eux-mêmes, cependant que ces dernières sont confinées au statut de moyens, et incompétentes quant aux fins qui les commandent.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.126, PUF, 2001)
     
  29. « Sans la beauté de l'esprit et du coeur, dit Hölderlin, la raison est comme un contremaître que le propriétaire de la maison a imposé aux domestiques : il ne sait pas mieux qu'eux ce qui doit résulter de leur interminable travail, et se contente de crier qu'on se dépêche ; encore est-ce tout juste s'il ne regrette pas que le travail avance : celui-ci terminé, il n'aurait plus d'ordres à donner, et son rôle serait joué. »
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.127, PUF, 2001)
     
  30. En « mentant » avec talent, l'acteur contribue à civiliser. La première marque de l'intelligence est bien la saisie de la valeur du signe (dont tout l'être est de faire connaître autre chose) ; la pire des hébétudes, la négation du symbole. L'acteur, le poète, tous les arts à vrai dire, mentent pour dire vrai.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.138, PUF, 2001)
     
  31. La beauté est exceptionnelle, mais cette exception surgit à tout moment. (Pierre Vadeboncoeur).
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.141, PUF, 2001)
     
  32. Le beau, en d'autres termes, est ce qui fait sens. L'inverse est vrai également : ce qui fait sens est beau, et répond à « ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme » (Camus).
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.142, PUF, 2001)
     
  33. Chaque être humain a en lui une infinité qui se montre quand on se situe dans l'écoute.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.145, PUF, 2001)
     
  34. Les arts nous éveillant [...] à nous-mêmes, ils stimulent l'épanouissement de l'affectivité, le beau ayant par excellence le pouvoir de faire aimer. Aussi l'admiration, l'étonnement, l'émerveillement jouent-ils un rôle capital dès la première éducation. L'éclat initial du beau est une étincelle qui, si elle se transforme en flamme, attire vers l'idéal même moral.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.148, PUF, 2001)
     
  35. Le degré de civilisation d'un peuple, d'une société, se mesure à sa conception de l'hospitalité.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.153, PUF, 2001)
     
  36. La qualité de la civilisation à venir se mesurera au respect qu'elle manifestera aux plus faibles des siens, en qui chacun de ses membres doit pouvoir du reste se reconnaître sous peine de la pire des cécités, celle qu'engendre la haine de soi.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.160, PUF, 2001)
     
  37. Dans une société civilisée, où chacun a une parole, il est besoin de beaucoup moins de lois. Corruptissima re publica plurimae leges (Annalium, III, 27, in fine) : plus la chose publique est corrompue, plus il y a surabondance de lois, faisait observer Tacite - expert, s'il en fut, dans l'analyse de la décadence.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.162, PUF, 2001)
     
  38. Juste ou injuste, un jugement moral n'est jamais anonyme.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.163, PUF, 2001)
     
  39. « L'irresponsabilité naît de la technicité. » (Philippe P. Meyer).
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.172, PUF, 2001)
     
  40. La raison première, la fin de l'éducation, n'est autre que l'éveil à ce qui est digne de l'être humain, à ce qui donne sens à sa vie.
    (La nouvelle ignorance et le problème de la culture, p.175, PUF, 2001)
     
  41. Au niveau des principes, Kant a dit l'essentiel en une phrase : « le plus grand et le plus difficile problème qui puisse se poser à l'être humain, c'est l'éducation : car le discernement dépend de l'éducation, et l'éducation, à son tour, dépend du discernement. » Comment sortir de ce cercle ? Le plus difficile des problèmes, précise ailleurs Kant, comme en réponse à cette question, c'est que « l'homme est un animal qui [...] a besoin d'un maître. [...] Mais où prend-il ce maître ? Nulle part ailleurs que dans l'espèce humaine. Mais ce maître est, tout comme lui, un animal qui a besoin d'un maître. » En d'autres termes, tradition - l'acte de transmettre - et discipline sont nécessaires pour que nous puissions devenir ce que nous sommes et parvenir à des sociétés civiles justes.
    (La crise de l'éducation, p.11, Fides, 2007)
     
  42. L'insoutenable légèreté du relativisme moral ne peut être dépassée que par l'éveil de la conscience et l'engagement.
    (La crise de l'éducation, p.18, Fides, 2007)
     
  43. La corruption du pouvoir stigmatisée par Lord Acton* a pour conséquence (et symptôme) une « rancoeur méprisante » (Kierkegaard) à l'égard de l'humain qui n'entre pas dans un calcul.
    *De Wikipédia : Dans la pensée d'Acton, l'histoire humaine est orientée vers une liberté toujours plus grande. La défense de celle-ci est un impératif moral: Rappelant le couple liberté / responsabilité, il affirme que si le pouvoir politique s'arroge le droit de commander aux hommes leurs actes, il les prive de leur responsabilité.

    (La crise de l'éducation, p.25, Fides, 2007)
     
  44. [...] des « idoles » tiennent lieu de modèles d'existence, tels l'acteur (en grec : hypokritos) dont le métier consiste précisément à ne pas être eux-mêmes [...]
    (La crise de l'éducation, p.26, Fides, 2007)
     
  45. À proportion que décroît la culture, la violence croît.
    (La crise de l'éducation, p., 32, Fides, 2007)
     
  46. Musique et cinéma réunis, s'ajoutant au pouvoir exceptionnel des images sur la vie intime, augmentent d'autant l'impact, auprès de la jeunesse tout spécialement, de ce qui pourrait être un grand art. Dans les faits toutefois, ainsi que le constate Alvin Kernan [In Plato's Cave, 1999] l'image télévisuelle est restée simplette : what you see is what you get. Cinquante ans de télévision n'ont pas rendu jusqu'à présent « un seul écrivain, ni même aucun directeur, célèbre - elle n'a fait que des stars. Ses oeuvres sont éphémères, vues un instant sur l'écran et puis, sauf pour les reprises, disparues pour toujours, jamais appelées à vivre de longues vies sur des rayons de bibliothèque. Sa substance est l'image visuelle et l'oralité, non le mot imprimé plus abstrait, et elle n'encourage dès lors pas la complexité intellectuelle - l'ironie, l'ambiguïté, le paradoxe - ni la structure élaborée des idées qui caractérise les livres imprimés. »
    (La crise de l'éducation, p.32, Fides, 2007)
     
  47. [...] les médias défont la nuit ce que l'école tisse le jour.
    (La crise de l'éducation, p.35, Fides, 2007)
     
  48. Les émotions ne sont pas statiques, elles sont des mouvements, des « motions », disions-nous. Le meilleur « traité » des passions est à cet égard la musique.
    (La crise de l'éducation, p.42, Fides, 2007)
     
  49. Il importe au plus haut degré que l'enfant prenne plaisir en des activités, des jeux par exemple, qui lui feront aimer ce qui sera bon pour lui plus tard. Si on a depuis longtemps considéré les arts comme le berceau de l'éthique, c'est que le goût de l'harmonie, de l'élégance même, cause un désir d'ordre intérieur.
    (La crise de l'éducation, p.48, Fides, 2007)
     
  50. [...] certains pythagoriciens pensaient que l'âme est une harmonie.
    (La crise de l'éducation, p.50, Fides, 2007)
     
  51. Tout un chacun, d'une certaine manière, vit de la culture et baigne dans la sphère culturelle de son temps et de sa nation. L'oeuvre culturelle le plus grande n'est cependant aucune de ses oeuvres ou créations, mais bien plutôt l'être humain lui-même.
    (La crise de l'éducation, p.59, Fides, 2007)
     
  52. Le défi par excellence de l'enseignement est de maintenir la connaissance vivante, de l'empêcher de devenir inerte.
    (La crise de l'éducation, p.60, Fides, 2007)
     
  53. Pourquoi l'algèbre? Pourquoi la géométrie? Pourquoi la science? Pourquoi l'histoire? Pourquoi les langues? Pourquoi la littérature? Cette dissociation tue. Il n'y a qu'un sujet d'études au bout du compte, et c'est la vie dans toutes ses manifestations.
    (La crise de l'éducation, p.60, Fides, 2007)
     
  54. Plutarque faisait observer qu'une majorité de gens croient qu'il importe d'abord d'apprendre à parler alors qu'on doit apprendre à écouter pour commencer, et à écouter de manière attentive, active. Une participation active de l'étudiant à l'enseignement est en ce sens indispensable à tout apprentissage ; savoir bien interroger, après avoir écouté, est un art essentiel, qu'on doit apprendre également. L'esprit humain n'est par comparable à un vase qu'on remplit, mais bien plutôt à une matière combustible qu'une étincelle peut enflammer. Se contenter d'admirer passivement une raison à l'oeuvre est comme aller chez le voisin pour lui emprunter de quoi allumer un feu chez soi, puis préférer ensuite se réchauffer longuement devant son feu à lui. C'est au contraire sa propre originalité ainsi que son propre désir de penser et de découvrir le vrai qu'il importe d'éveiller.
    (La crise de l'éducation, p.61, Fides, 2007)
     
  55. Chaque cours doit être une découverte faite en commun, où l'on retrouve sous une forme neuve les connaissances.
    (La crise de l'éducation, p.68, Fides, 2007)
     
  56. Apprendre à éprouver l'extraordinaire beauté de la vie de l'esprit et la délectation correspondante, en mathématiques ou en poésie, par exemple, est un fruit naturel de l'éducation dont on n'a nul droit de priver ceux qui les attendent, parfois à leur insu. Donner un sens étroitement utilitaire au droit universel à la culture est non seulement une contradiction dans les termes, mais une insulte à l'humain, à la liberté.
    (La crise de l'éducation, p.70, Fides, 2007)