Albert Camus
1913-1960
  1. La liberté est un bagne aussi longtemps qu'un seul homme est asservi sur la terre.
    (Les justes, p.15, Folio n°477)
     
  2. Tout le monde ment. Bien mentir, voilà ce qu'il faut.
    (Les justes, p.23, Folio n°477)
     
  3. J'ai compris qu'il ne suffisait pas de dénoncer l'injustice. Il fallait donner sa vie pour la combattre.
    (Les justes, p.24, Folio n°477)
     
  4. Pour se suicider, il faut beaucoup s'aimer. Un vrai révolutionnaire ne peut pas s'aimer.
    (Les justes, p.32, Folio n°477)
     
  5. [L'honneur] est la dernière richesse du pauvre.
    (Les justes, p.66, Folio n°477)
     
  6. C'est tuer pour rien, parfois, que de ne pas tuer assez.
    (Les justes, p.66, Folio n°477)
     
  7. [...] c'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour.
    (Les justes, p.84, Folio n°477)
     
  8. Que voulez-vous, je ne m'intéresse pas aux idées, moi, je m'intéresse aux personnes.
    (Les justes, p.111, Folio n°477)
     
  9. Imaginez Dieu sans les prisons. Quelle solitude !
    (Les justes, p.115, Folio n°477)
     
  10. Il y a quelque chose de plus abject encore que d'être un criminel, c'est de forcer au crime celui qui n'est pas fait pour lui.
    (Les justes, p.121, Folio n°477)
     
  11. Vivre est une torture puisque vivre sépare.
    (Les justes, p.123, Folio n°477)
     
  12. C'est facile, c'est tellement plus facile de mourir de ses contradictions que de les vivre.
    (Les justes, p.141, Folio n°477)
     
  13. Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie.
    (Le mythe de Sisyphe, p.15, Idées n°1)
     
  14. [...] ce qu'on appelle une raison de vivre est en même temps une excellente raison de mourir.
    (Le mythe de Sisyphe, p.16, Idées n°1)
     
  15. Un geste comme [le suicide] se prépare dans le silence du coeur au même titre qu'une grande oeuvre.
    (Le mythe de Sisyphe, p.16, Idées n°1)
     
  16. Nous prenons l'habitude de vivre avant d'acquérir celle de penser. Dans cette course qui nous précipite tous les jours un peu plus vers la mort, le corps garde cette avance irréparable.
    (Le mythe de Sisyphe, p.21, Idées n°1)
     
  17. Il est toujours aisé d'être logique. Il est presque impossible d'être logique jusqu'au bout.
    (Le mythe de Sisyphe, p.22, Idées n°1)
     
  18. [...] comprendre c'est avant tout unifier.
    (Le mythe de Sisyphe, p.32, Idées n°1)
     
  19. Vouloir, c'est susciter les paradoxes.
    (Le mythe de Sisyphe, p.36, Idées n°1)
     
  20. À partir du moment où elle est reconnue, l'absurdité est une passion, la plus déchirante de toutes.
    (Le mythe de Sisyphe, p.38, Idées n°1)
     
  21. L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde.
    (Le mythe de Sisyphe, p.44, Idées n°1)
     
  22. Sur le plan de l'intelligence, je puis donc dire que l'absurde n'est pas dans l'homme (si une pareille métaphore pouvait avoir un sens), ni dans le monde, mais dans leur présence commune.
    (Le mythe de Sisyphe, p.48, Idées n°1)
     
  23. Une seule certitude suffit à celui qui cherche.
    (Le mythe de Sisyphe, p.48, Idées n°1)
     
  24. [...] un homme est toujours la proie de ses vérités.
    (Le mythe de Sisyphe, p.50, Idées n°1)
     
  25. Je veux savoir si je puis vivre avec ce que je sais et avec cela seulement.
    (Le mythe de Sisyphe, p.60, Idées n°1)
     
  26. [...] en vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout.
    (Le mythe de Sisyphe, p.69, Idées n°1)
     
  27. La pensée d'un homme est avant tout sa nostalgie.
    (Le mythe de Sisyphe, p.70, Idées n°1)
     
  28. Vivre, c'est faire vivre l'absurde.
    (Le mythe de Sisyphe, p.76, Idées n°1)
     
  29. Pour un homme sans oeillère, il n'est pas de plus beau spectacle que celui de l'intelligence aux prises avec une réalité qui le dépasse.
    (Le mythe de Sisyphe, p.78, Idées n°1)
     
  30. [...] un exemple n'est pas forcément un exemple à suivre [...]
    (Le mythe de Sisyphe, p.95, Idées n°1)
     
  31. Pourquoi faudrait-il aimer rarement pour aimer beaucoup ?
    (Le mythe de Sisyphe, p.97, Idées n°1)
     
  32. Une attitude saine comprend aussi des défauts.
    (Le mythe de Sisyphe, p.100, Idées n°1)
     
  33. Collectionner, c'est être capable de vivre de son passé.
    (Le mythe de Sisyphe, p.101, Idées n°1)
     
  34. [...] ceux qu'un grand amour détourne de toute vie personnelle s'enrichissent peut-être, mais appauvrissent à coup sûr ceux que leur amour a choisis.
    (Le mythe de Sisyphe, p.101, Idées n°1)
     
  35. Un destin n'est pas une punition.
    (Le mythe de Sisyphe, p.103, Idées n°1)
     
  36. De toutes les gloires, la moins trompeuse est celle qui se vit.
    (Le mythe de Sisyphe, p.107, Idées n°1)
     
  37. Un homme est plus un homme par les choses qu'il tait que par celles qu'il dit.
    (Le mythe de Sisyphe, p.115, Idées n°1)
     
  38. Il vient toujours un temps où il faut choisir entre la contemplation et l'action. Cela s'appelle devenir un homme.
    (Le mythe de Sisyphe, p.117, Idées n°1)
     
  39. Nous finissons toujours par avoir le visage de nos vérités.
    (Le mythe de Sisyphe, p.128, Idées n°1)
     
  40. L'oeuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret.
    (Le mythe de Sisyphe, p.132, Idées n°1)
     
  41. Si le monde était clair, l'art ne serait pas.
    (Le mythe de Sisyphe, p.133, Idées n°1)
     
  42. La fécondité et la grandeur d'un genre se mesurent souvent au déchet qui s'y trouve. Le nombre de mauvais romans ne doit pas faire oublier la grandeur des meilleurs.
    (Le mythe de Sisyphe, p.135, Idées n°1)
     
  43. Créer, c'est ainsi donner une forme à son destin.
    (Le mythe de Sisyphe, p.156, Idées n°1)
     
  44. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un coeur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.
    (Le mythe de Sisyphe, p.166, Idées n°1)
     
  45. [...] les grandes révolutions sont toujours métaphysiques.
    (Le mythe de Sisyphe, p.172, Idées n°1)
     
  46. [...] l'envie, véritable cancer des sociétés et des doctrines.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.15, Folio-essais n°41)
     
  47. [...] je ne sais pas posséder. [...] je suis avare de cette liberté qui disparaît dès que commence l'excès des biens. Le plus grand des luxes n'a jamais cessé de coïncider pour moi avec un certain dénuement.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.18, Folio-essais n°41)
     
  48. Il faut mettre ses principes dans les grandes choses, aux petites la miséricorde suffit.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.18, Folio-essais n°41)
     
  49. Si la solitude existe, ce que j'ignore, on aurait bien le droit, à l'occasion, d'en rêver comme d'un paradis.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.25, Folio-essais n°41)
     
  50. En art, tout vient simultanément ou rien ne vient ; pas de lumières sans flammes.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.30, Folio-essais n°41)
     
  51. [...] une oeuvre d'homme n'est rien d'autre que ce long cheminement pour retrouver par les détours de l'art les deux ou trois images simples et grandes sur lesquelles le coeur, une première fois, s'est ouvert.
    (L'envers et l'endroit (Préface), p.31, Folio-essais n°41)
     
  52. Se faire écouter était son seul vice [...]
    (L'envers et l'endroit, p.42, Folio-essais n°41)
     
  53. Les jeunes ne savent pas que l'expérience est une défaite et qu'il faut tout perdre pour savoir un peu.
    (L'envers et l'endroit, p.42, Folio-essais n°41)
     
  54. N'être plus écouté : c'est cela qui est terrible lorsqu'on est vieux.
    (L'envers et l'endroit, p.43, Folio-essais n°41)
     
  55. À la fin d'une vie, la vieillesse revient en nausées. Tout aboutit à ne plus être écouté.
    (L'envers et l'endroit, p.45, Folio-essais n°41)
     
  56. Soudain il découvre ceci que demain sera semblable, et après-demain, tous les autres jours. Et cette irrémédiable découverte l'écrase. Ce sont des pareilles idées qui vous font mourir. Pour ne pouvoir les supporter, on se tue - ou si l'on est jeune, on en fait des phrases.
    (L'envers et l'endroit, p.46, Folio-essais n°41)
     
  57. La mort pour tous, mais à chacun sa mort. Après tout, le soleil nous chauffe quand même les os.
    (L'envers et l'endroit, p.52, Folio-essais n°41)
     
  58. [...] il n'y a que l'amour qui nous rende à nous-mêmes.
    (L'envers et l'endroit, p.56, Folio-essais n°41)
     
  59. Il y a une solitude dans la pauvreté, mais une solitude qui rend son prix à chaque chose.
    (L'envers et l'endroit, p.59, Folio-essais n°41)
     
  60. [...] il s'est tué parce qu'un ami lui a parlé distraitement.
    (L'envers et l'endroit, p.66, Folio-essais n°41)
     
  61. Camus parle des heures de travail :
    [...] ces heures contre lesquelles nous protestons si fort et qui nous défendent si sûrement contre la souffrance d'être seul.

    (L'envers et l'endroit, p.102, Folio-essais n°41)
     
  62. Il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre.
    (L'envers et l'endroit, p.107, Folio-essais n°41)
     
  63. Mais il n'y a pas de limites pour aimer et que m'importe de mal étreindre si je peux tout embrasser.
    (L'envers et l'endroit, p.109, Folio-essais n°41)
     
  64. La vie est courte et c'est péché de perdre son temps. Je suis actif, dit-on. Mais être actif, c'est encore perdre son temps, dans la mesure où l'on se perd. Aujourd'hui est une halte et mon coeur s'en va à la rencontre de lui-même. Si une angoisse encore m'étreint, c'est de sentir cet impalpable instant glisser entre mes doigts comme les perles de mercure. Laissez donc ceux qui veulent tourner le dos au monde. Je ne me plains pas puisque je me regarde naître. À cette heure, tout mon royaume est de ce monde.
    (L'envers et l'endroit, p.117, Folio-essais n°41)
     
  65. [...] ce qui compte c'est d'être humain et simple. Non, ce qui compte, c'est d'être vrai et alors tout s'y inscrit, l'humanité et la simplicité. Et quand donc suis-je plus vrai que lorsque je suis le monde ? Je suis comblé avant d'avoir désiré. L'éternité est là et moi je l'espérais. Ce n'est plus d'être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d'être conscient.
    (L'envers et l'endroit, p.118, Folio-essais n°41)
     
  66. Mais c'est curieux tout de même comme nous vivons parmi des gens pressés.
    (L'envers et l'endroit, p.119, Folio-essais n°41)
     
  67. [...] un homme qui n'aurait vécu qu'un seul jour pourrait sans peine vivre cent ans dans une prison. Il aurait assez de souvenir pour ne pas s'ennuyer.
    (L'Étranger, p.117, Livre de Poche n°406)
     
  68. On se fait toujours des idées exagérées de ce qu'on ne connaît pas.
    (L'Étranger, p.163, Livre de Poche n°406)
     
  69. Je n'ai jamais aimé être surpris. Quand il m'arrive quelque chose, je préfère être là.
    (L'Étranger, p.165, Livre de Poche n°406)
     
  70. [...] on n'est jamais tout à fait malheureux.
    (L'Étranger, p.165, Livre de Poche n°406)
     
  71. Une manière commode de faire la connaissance d'une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt.
    (La peste, p.11, Folio n°42)
     
  72. [...] on croit difficilement aux fléaux lorsqu'ils vous tombent sur la tête.
    (La peste, p.41, Folio n°42)
     
  73. [...] la souffrance profonde de tous les prisonniers et de tous les exilés [...] est de vivre avec une mémoire qui ne sert à rien.
    (La peste, p.72, Folio n°42)
     
  74. On se fatigue de la pitié quand la pitié est inutile.
    (La peste, p.87, Folio n°42)
     
  75. C'est au moment du malheur qu'on s'habitue à la vérité, c'est-à-dire au silence.
    (La peste, p.110, Folio n°42)
     
  76. Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée.
    (La peste, p.124, Folio n°42)
     
  77. Mais il vient toujours une heure dans l'histoire où celui qui ose dire que deux et deux font quatre est puni de mort. L'instituteur le sait bien. Et la question n'est pas de savoir quelle est la récompense ou la punition qui attend ce raisonnement. La question est de savoir si deux et deux, oui ou non, font quatre.
    (La peste, p.125, Folio n°42)
     
  78. Maintenant je sais que l'homme est capable de grandes actions. Mais s'il n'est pas capable d'un grand sentiment, il ne m'intéresse pas.
    (La peste, p.150, Folio n°42)
     
  79. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime.
    (La peste, p.151, Folio n°42)
     
  80. [...] rien n'est moins spectaculaire qu'un fléau et, par leur durée même, les grands malheurs sont monotones.
    (La peste, p.166, Folio n°42)
     
  81. [...] l'habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même.
    (La peste, p.167, Folio n°42)
     
  82. Il a l'air de vivre sur cette idée, pas si bête d'ailleurs, qu'un homme en proie à une grande maladie, ou à une angoisse profonde, est dispensé du même coup de toutes les autres maladies ou angoisses.
    (La peste, p.178, Folio n°42)
     
  83. [...] il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul.
    (La peste, p.190, Folio n°42)
     
  84. Rien au monde ne vaut qu'on se détourne de ce qu'on aime. Et pourtant je m'en détourne, moi aussi, sans que je puisse savoir pourquoi.
    (La peste, p.191, Folio n°42)
     
  85. [...] personne n'est capable réellement de penser à personne, fût-ce dans le pire des malheurs. Car penser réellement à quelqu'un, c'est y penser minute après minute, sans être distrait par rien, ni les soins du ménage, ni la mouche qui vole, ni les repas, ni une démangeaison. Mais il y a toujours des mouches et des démangeaisons. C'est pourquoi la vie est difficile à vivre.
    (La peste, p.218, Folio n°42)
     
  86. Ce qui est naturel, c'est le microbe. Le reste, la santé, l'intégrité, la pureté, si vous voulez, c'est un effet de la volonté et d'une volonté qui ne doit jamais s'arrêter. L'honnête homme, celui qui n'infecte presque personne, c'est celui qui a le moins de distraction possible.
    (La peste, p.228, Folio n°42)
     
  87. Peut-on être un saint sans Dieu, c'est le seul problème concret que je connaisse aujourd'hui.
    (La peste, p.230, Folio n°42)
     
  88. [...] la défaite définitive [est] celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-même une souffrance sans guérison.
    (La peste, p.262, Folio n°42)
     
  89. [...] un amour n'est jamais assez fort pour trouver sa propre expression.
    (La peste, p.263, Folio n°42)
     
  90. [...] la joie est une brûlure qui ne se savoure pas.
    (La peste, p.266, Folio n°42)
     
  91. [...] s'il est une chose qu'on puisse désirer toujours et obtenir quelquefois, c'est la tendresse humaine.
    (La peste, p.271, Folio n°42)
     
  92. [...] il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser.
    (La peste, p.279, Folio n°42)
     
  93. [...] son mutisme est assourdissant.
    (La chute, p.8, Folio n°10)
     
  94. Quand on a beaucoup médité sur l'homme, par métier ou par vocation, il arrive qu'on éprouve de la nostalgie pour les primates. Ils n'ont pas, eux, d'arrière-pensées.
    (La chute, p.8, Folio n°10)
     
  95. Combien de crimes commis simplement parce que leur auteur ne pouvait supporter d'être en faute !
    (La chute, p.23, Folio n°10)
     
  96. L'homme est ainsi, cher monsieur, il a deux faces : il ne peut pas aimer sans s'aimer.
    (La chute, p.38, Folio n°10)
     
  97. Il s'ennuyait, comme la plupart des gens. Il s'était donc créé de toutes pièces une vie de complications et de drames. Il faut que quelque chose arrive, voilà l'explication de la plupart des engagements humains. Il faut que quelque chose arrive, même la servitude sans amour, même la guerre, ou la mort.
    (La chute, p.41, Folio n°10)
     
  98. Si les souteneurs et les voleurs étaient toujours et partout condamnés, les honnêtes gens se croiraient tous et sans cesse innocents, cher monsieur. Et selon moi [...] c'est surtout cela qu'il faut éviter.
    (La chute, p.44, Folio n°10)
     
  99. D'une manière générale, j'aime toutes les îles. Il est plus facile d'y régner.
    (La chute, p.49, Folio n°10)
     
  100. Je sais bien qu'on ne peut se passer de dominer ou d'être servi. Chaque homme a besoin d'esclaves comme d'air pur. Commander c'est respirer [...].Et même les plus déshérités arrivent à respirer. Le dernier dans l'échelle sociale a encore son conjoint, ou son enfant. S'il est célibataire, un chien. L'essentiel, en somme, est de pouvoir se fâcher sans que l'autre ait le droit de répondre.
    (La chute, p.50, Folio n°10)
     
  101. Oui, l'enfer doit être ainsi : des rues à enseignes et pas moyen de s'expliquer. On est classé une fois pour toutes.
    (La chute, p.52, Folio n°10)
     
  102. La vérité est que tout homme intelligent, vous le savez bien, rêve d'être un gangster et de régner sur la société par la seule violence. Comme ce n'est pas aussi facile que peut le faire croire la lecture des romans spécialisés, on s'en remet généralement à la politique et l'on court au parti le plus cruel.
    (La chute, p.60, Folio n°10)
     
  103. Vous savez ce qu'est le charme : une manière de s'entendre répondre oui sans avoir posé aucune question claire.
    (La chute, p.62, Folio n°10)
     
  104. [...] après un certain âge, tout homme est responsable de son visage.
    (La chute, p.62, Folio n°10)
     
  105. Croyez-moi, pour certains êtres, au moins, ne pas prendre ce qu'on ne désire pas est la chose la plus difficile du monde.
    (La chute, p.68, Folio n°10)
     
  106. Nul homme n'est hypocrite dans ses plaisirs [...].
    (La chute, p.71, Folio n°10)
     
  107. Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n'avez droit qu'à leur scepticisme.
    (La chute, p.79, Folio n°10)
     
  108. Les martyrs [...] doivent choisir d'être oubliés, raillés ou utilisés. Quant à être compris, jamais.
    (La chute, p.81, Folio n°10)
     
  109. Car le châtiment sans jugement est supportable. Il a un nom d'ailleurs qui garantit notre innocence : le malheur.
    (La chute, p.82, Folio n°10)
     
  110. [...] la seule divinité raisonnable, je veux dire le hasard.
    (La chute, p.84, Folio n°10)
     
  111. Surtout, ne croyez pas vos amis, quand ils vous demanderont d'être sincère avec eux. Ils espèrent seulement que vous les entretiendrez dans la bonne idée qu'ils ont d'eux-mêmes, en les fournissant d'une certitude supplémentaire qu'ils puiseront dans votre promesse de sincérité. Comment la sincérité serait-elle une condition de l'amitié ? Le goût de la vérité à tout prix est une passion qui n'épargne rien et à quoi rien ne résiste. C'est un vice, un confort parfois, ou un égoïsme.
    [...] Le plus souvent [...] nous nous confessons à ceux qui nous ressemblent et qui partagent nos faiblesses. Nous ne désirons donc pas nous corriger, ni être améliorés : il faudrait d'abord que nous fussions jugés défaillants. Nous souhaitons seulement être plaints et encouragés dans notre voie. En somme, nous voudrions, en même temps, ne plus être coupables et ne pas faire l'effort de nous purifier.

    (La chute, p.88, Folio n°10)
     
  112. On appelle vérités premières celles qu'on découvre après toutes les autres, voilà tout.
    (La chute, p.89, Folio n°10)
     
  113. Une crainte ridicule me poursuivait, en effet : on ne pouvait mourir sans avoir avoué tous ses mensonges. Non pas à Dieu, ni à un de ses représentants, j'étais au-dessus de ça, vous le pensez bien. Non, il s'agissait de l'avouer aux hommes, à un ami, ou à une femme aimée, par exemple. Autrement, et n'y eût-il qu'un seul mensonge de caché dans une vie, la mort le rendait définitif. Personne, jamais plus, ne connaîtrait la vérité sur ce point puisque le seul qui la connût était justement mort, endormi sur son secret.
    (La chute, p.95, Folio n°10)
     
  114. Vous avez dû le remarquer, les hommes qui souffrent vraiment de jalousie n'ont rien de plus pressé que de coucher avec celle dont ils pensent pourtant qu'elle les a trahis. Bien sûr, ils veulent s'assurer une fois de plus que leur cher trésor leur appartient toujours. Ils veulent le posséder, comme on dit. Mais c'est aussi que, tout de suite après, ils sont moins jaloux. La jalousie physique est un effet de l'imagination en même temps qu'un jugement qu'on porte sur soi-même.
    (La chute, p.111, Folio n°10)
     
  115. [...] nous ne pouvons affirmer l'innocence de personne, tandis que nous pouvons affirmer à coup sûr la culpabilité de tous. Chaque homme témoigne du crime de tous les autres, voilà ma foi et mon espérance.
    (La chute, p.116, Folio n°10)
     
  116. Je vais vous dire un grand secret [...]. N'attendez pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours.
    (La chute, p.118, Folio n°10)
     
  117. Oui, on peut faire la guerre en ce monde, singer l'amour, torturer son semblable, parader dans les journaux, ou simplement dire du mal de son voisin en tricotant. Mais, dans certains cas, continuer, seulement continuer, voilà ce qui est surhumain.
    (La chute, p.120, Folio n°10)
     
  118. [...] le plus haut des tourments humains est d'être jugé sans loi.
    (La chute, p.123, Folio n°10)
     
  119. [Il] divisait les êtres en trois catégories : ceux qui préfèrent n'avoir rien à cacher plutôt que d'être obligés de mentir, ceux qui préfèrent mentir plutôt que de n'avoir rien à cacher, et ceux enfin qui aiment en même temps le mensonge et le secret.
    (La chute, p.125, Folio n°10)
     
  120. La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau crépuscule, qui met chaque objet en valeur.
    (La chute, p.126, Folio n°10)
     
  121. Quand nous serons tous coupables, ce sera la démocratie.
    (La chute, p.142, Folio n°10)
     
  122. Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde.
    (Noces, p.14, Folio n°16)
     
  123. Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre.
    (Noces, p.18, Folio n°18)
     
  124. Il vient toujours un moment où l'on a trop vu un paysage, de même qu'il faut longtemps avant qu'on l'ait assez vu.
    (Noces, p.19, Folio n°16)
     
  125. [...] pour un homme, prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre.
    (Noces, p.26, Folio n°16)
     
  126. On vit avec quelques idées familières. Deux ou trois. Au hasard des mondes et des hommes rencontrés, on les polit, on les transforme. Il faut dix ans pour avoir une idée bien à soi - dont on puisse parler.
    (Noces, p.28, Folio n°16)
     
  127. [...] je comprends que toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre. Je suis jaloux de ceux qui vivront et pour qui fleurs et désirs de femme auront tout leur sens de chair et de sang. Je suis envieux, parce que j'aime trop la vie pour ne pas être égoïste.
    (Noces, p.30, Folio n°16)
     
  128. Il n'est pas une vérité qui ne porte avec elle son amertume.
    (Noces, p.34, Folio n°16)
     
  129. Tout ce qui exalte la vie, accroît en même temps son absurdité.
    (Noces, p.48, Folio n°16)
     
  130. Car s'il y a un péché contre la vie, ce n'est peut-être pas tant d'en désespérer que d'espérer une autre vie, et se dérober à l'implacable grandeur de celle-ci.
    (Noces, p.49, Folio n°16)
     
  131. Et vivre, c'est ne pas se résigner.
    (Noces, p.49, Folio n°16)
     
  132. Vivre, bien sûr, c'est un peu le contraire d'exprimer. Si j'en crois les grands maîtres toscans, c'est témoigner trois fois, dans le silence, la flamme et l'immobilité.
    (Noces, p.53, Folio n°16)
     
  133. Il n'y a pas tellement de vérités dont le coeur soit assuré.
    (Noces, p.56, Folio n°16)
     
  134. Il faut savoir se prêter au rêve lorsque le rêve se prête à nous.
    (Noces, p.58, Folio n°16)
     
  135. Rien n'est plus vain que de mourir pour un amour. C'est vivre qu'il faudrait.
    (Noces, p.58, Folio n°16)
     
  136. Car les mythes sont à la religion ce que la poésie est à la vérité, des masques ridicules posés sur la passion de vivre.
    (Noces, p.63, Folio n°16)
     
  137. [...] qu'est-ce que le bonheur sinon le simple accord entre un être et l'existence qu'il mène ?
    (Noces, p.65, Folio n°16)
     
  138. [...] la force et le violence sont des dieux solitaires. Ils ne donnent rien au souvenir.
    (L'été, p.95, Folio n°16)
     
  139. [...] changer les choses de place, c'est le travail des hommes : il faut choisir de faire cela ou rien.
    (L'été, p.102, Folio n°16)
     
  140. Est-ce qu'on fait la nomenclature des charmes d'une femme très aimée ? Non, on l'aime en bloc, si j'ose dire, avec un ou deux attendrissements précis, qui touchent à une moue favorite ou à une façon de secouer la tête.
    (L'été, p.127, Folio n°16)
     
  141. [...] la meilleure façon de parler de ce qu'on aime est d'en parler légèrement.
    (L'été, p.130, Folio n°16)
     
  142. [...] l'amitié est une vertu.
    (L'été, p.140, Folio n°16)
     
  143. Nul homme ne peut dire ce qu'il est. Mais il arrive qu'il puisse dire ce qu'il n'est pas. Celui qui cherche encore, on veut qu'il ait conclu.
    (L'été, p.142, Folio n°16)
     
  144. Un écrivain écrit en grande partie pour être lu (ceux qui disent le contraire, admirons-les, mais ne les croyons pas).
    (L'été, p.143, Folio n°16)
     
  145. Les oeuvres d'un homme retracent souvent l'histoire de ses nostalgies ou de ses tentations, presque jamais sa propre histoire, surtout lorsqu'elles prétendent à être autobiographiques.
    Aucun homme n'a jamais osé se peindre tel qu'il est.

    (L'été, p.146, Folio n°16)
     
  146. Le désespoir est silencieux. Le silence même, au demeurant, garde un sens si les yeux parlent. Le vrai désespoir est agonie, tombeau ou abîme. S'il parle, s'il raisonne, s'il écrit surtout, aussitôt le frère nous tend la main, l'arbre est justifié, l'amour naît.
    (L'été, p.148, Folio n°16)
     
  147. Un jour vient où, à force de raideur, plus rien n'émerveille, tout est connu, la vie se passe à recommencer. C'est le temps de l'exil, de la vie sèche, des âmes mortes. Pour revivre, il faut une grâce, l'oubli de soi ou une patrie.
    (L'été, p.159, Folio n°16)
     
  148. [...] il y a seulement de la malchance à n'être pas aimé : il y a du malheur à ne point aimer.
    (L'été, p.163, Folio n°16)
     
  149. Ceux qui aiment et qui sont séparés peuvent vivre dans la douleur, mais ce n'est pas le désespoir : ils savent que l'amour existe.
    (L'été, p.171, Folio n°16)
     
  150. On supporterait tellement mieux nos contemporains s'ils pouvaient de temps en temps changer de museau. Mais non, le menu ne change pas. Toujours la même fricassée.
    (Caligula, p.17, Livre de Poche n°1491)
     
  151. [En parlant de l'amour]
    C'est le genre de maladies qui n'épargnent ni les intelligents ni les imbéciles.

    (Caligula, p.17, Livre de Poche n°1491)
     
  152. Notez bien, le malheur c'est comme le mariage. On croit qu'on choisit et puis on est choisi.
    (Caligula, p.20, Livre de Poche n°1491)
     
  153. Ce monde, tel qu'il est fait, n'est pas supportable. J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l'immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde.
    (Caligula, p.26, Livre de Poche n°1491)
     
  154. [...] faire souffrir était la seule façon de se tromper.
    (Caligula, p.31, Livre de Poche n°1491)
     
  155. Gouverner, c'est voler, tout le monde sait ça.
    (Caligula, p.34, Livre de Poche n°1491)
     
  156. Le mensonge n'est jamais innocent.
    (Caligula, p.38, Livre de Poche n°1491)
     
  157. [...] qu'est-ce qu'un dieu pour que je désire m'égaler à lui ? Ce que je désire de toutes mes forces, aujourd'hui, est au-dessus des dieux. Je prends en charge un royaume où l'impossible est roi.
    (Caligula, p.41, Livre de Poche n°1491)
     
  158. Perdre la vie est peu de chose et j'aurai ce courage quand il le faudra. Mais voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d'existence, voilà ce qui est insupportable. On ne peut vivre sans raison.
    (Caligula, p.53, Livre de Poche n°1491)
     
  159. HÉLICON : Il faut un jour pour faire un sénateur et dix ans pour faire un travailleur.
    CALIGULA : Mais j'ai bien peur qu'il en faille vingt pour faire un travailleur d'un sénateur.

    (Caligula, p.59, Livre de Poche n°1491)
     
  160. On est toujours libre au dépens de quelqu'un.
    (Caligula, p.68, Livre de Poche n°1491)
     
  161. Il n'y a que la haine pour rendre les gens intelligents.
    (Caligula, p.81, Livre de Poche n°1491)
     
  162. Ah ! tu ne sais pas que seul, on ne l'est jamais ! Et que partout le même poids d'avenir et de passé nous accompagne !
    (Caligula, p.85, Livre de Poche n°1491)
     
  163. [...] on ne peut aimer celui de ses visages qu'on essaie de masquer en soi.
    (Caligula, p.112, Livre de Poche n°1491)
     
  164. Et c'est si bon de se contredire de temps en temps. Cela repose.
    (Caligula, p.116, Livre de Poche n°1491)
     
  165. L'insécurité, voilà ce qui fait penser.
    (Caligula, p.128, Livre de Poche n°1491)
     
  166. Aimer un être, c'est accepter de vieillir avec lui.
    (Caligula, p.151, Livre de Poche n°1491)
     
  167. Je sais, par expérience, qu'il vaut mieux ne pas les regarder [les victimes]. Il est plus facile de tuer ce qu'on ne connaît pas.
    (Le malentendu, p.167, Livre de Poche n°1491)
     
  168. Non, les hommes ne savent jamais comment il faut aimer. Rien ne les contente. Tout ce qu'ils savent, c'est rêver, imaginer de nouveaux devoirs, chercher de nouveaux pays et de nouvelles demeures. Tandis que nous [les femmes], nous savons qu'il faut se dépêcher d'aimer, partager le même lit, se donner la main, craindre l'absence. Quand on aime, on ne rêve à rien.
    (Le malentendu, p.178, Livre de Poche n°1491)
     
  169. [...] l'amour des hommes est un déchirement. Ils ne peuvent se retenir de quitter ce qu'ils préfèrent.
    (Le malentendu, p.180, Livre de Poche n°1491)
     
  170. Je ne déteste que les bourreaux.
    (Lettres à un ami allemand (préface), p.17, Folio n°2226)
     
  171. [...] l'esprit ne peut rien contre l'épée, mais [...] l'esprit uni à l'épée est le vainqueur éternel de l'épée tirée pour elle-même.
    (Lettres à un ami allemand, p.29, Folio n°2226)
     
  172. On ne possède bien que ce qu'on a payé.
    (Lettres à un ami allemand, p.29, Folio n°2226)
     
  173. Qu'est-ce que l'homme ? [...] Il est cette force qui finit toujours par balancer les tyrans et les dieux.
    (Lettres à un ami allemand, p.39, Folio n°2226)
     
  174. Les mots prennent toujours la couleur des actions ou des sacrifices qu'ils suscitent.
    (Lettres à un ami allemand, p.53, Folio n°2226)
     
  175. Je continue à croire que ce monde n'a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c'est l'homme, parce qu'il est le seul être à exiger d'en avoir. Ce monde a du moins la vérité de l'homme et notre tâche est de lui donner ses raisons contre le destin lui-même.
    (Lettres à un ami allemand, p.71, Folio n°2226)
     
  176. [...] l'héroïsme est peu de chose, le bonheur [est] plus difficile.
    (Lettres à un ami allemand, p.74, Folio n°2226)
     
  177. Changer de métier n'est rien, mais renoncer à ce qu'on sait, à sa propre maîtrise, n'est pas facile.
    (L'Exil et le Royaume, p.64, Livre de Poche n°1679)
     
  178. Mais il comprit assez vite qu'un disciple n'était pas forcément quelqu'un qui aspire à apprendre quelque chose. Plus souvent, au contraire, on se faisait disciple pour le plaisir désintéressé d'enseigner son maître.
    (L'Exil et le Royaume, p.117, Livre de Poche n°1679)
     
  179. Mais beaucoup d'artistes sont comme ça. Ils ne sont pas sûrs d'exister, même les plus grands.
    (L'Exil et le Royaume, p.128, Livre de Poche n°1679)
     
  180. Les bons gouvernements sont les gouvernements où rien ne se passe.
    (L'État de siège, p.42, Folio/théâtre n°52)
     
  181. Diego : Mentir est toujours une sottise.
    Nada : Non, c'est une politique.

    (L'État de siège, p.44, Folio/théâtre n°52)
     
  182. Je dois m'occuper d'être heureux.
    (L'État de siège, p.44, Folio/théâtre n°52)
     
  183. L'ironie est une vertu qui détruit. Un bon gouvernement lui préfère les vices qui construisent.
    (L'État de siège, p.56, Folio/théâtre n°52)
     
  184. Dieu nie le monde, et moi je nie Dieu ! Vive rien puisque c'est la seule chose qui existe !
    (L'État de siège, p.99, Folio/théâtre n°52)
     
  185. Le Juge : Je ne sers pas la loi pour ce qu'elle dit, mais parce qu'elle est la loi.
    Diego : Mais si la loi est le crime ?
    Le Juge : Si le crime devient la loi, il cesse d'être crime.

    (L'État de siège, p.119, Folio/théâtre n°52)
     
  186. Le devoir est auprès de ceux qu'on aime.
    (L'État de siège, p.128, Folio/théâtre n°52)
     
  187. Ni peur ni haine, c'est là notre victoire !
    (L'État de siège, p.164, Folio/théâtre n°52)
     
  188. Ah ! C'est un affreux tourment de mourir en sachant qu'on sera oubliée.
    (L'État de siège, p.167, Folio/théâtre n°52)
     
  189. Ma vie n'est rien. Ce qui compte, ce sont les raisons de ma vie. Je ne suis pas un chien.
    (L'État de siège, p.170, Folio/théâtre n°52)
     
  190. [...] on ne peut pas bien vivre en sachant que l'homme n'est rien et que la face de Dieu est affreuse.
    (L'État de siège, p.186, Folio/théâtre n°52)
     
  191. Nous sommes dans les noeuds de la violence et nous y étouffons. Que ce soit à l'intérieur des nations ou dans le monde, la méfiance, le ressentiment, la cupidité, la course à la puissance sont en train de fabriquer un univers sombre et désespéré où chaque homme se trouve obligé de vivre dans le présent, le mot seul d'«avenir» lui figurant toutes les angoisses, livré à des puissances abstraites, décharné et abruti par une vie précipitée, séparé des vérités naturelles, des loisirs sages et du simple bonheur.
    (La crise de l'homme, p.10, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  192. Nous devons appeler les choses par leur nom et bien nous rendre compte que nous tuons des millions d'hommes chaque fois que nous consentons à penser certaines pensées. On ne pense pas mal parce qu'on est un meurtrier. On est un meurtrier parce qu'on pense mal.
    (La crise de l'homme, p.11, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  193. Le grand malheur de notre temps est que justement la politique prétend nous munir, en même temps, d'un catéchisme, d'une philosophie complète et même quelquefois d'un art d'aimer. Or le rôle de la politique est de faire le ménage et non pas de régler nos problèmes intérieurs. J'ignore pour moi s'il existe un absolu. Mais je sais qu'il n'est pas de l'ordre politique. L'absolu n'est pas l'affaire de tous : il est l'affaire de chacun.
    (La crise de l'homme, p.11, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  194. [...] concilier une pensée pessimiste et une action optimiste. C'est là le travail des philosophes.
    (La crise de l'homme, p.12, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  195. La vérité01 est probablement comme le bonheur, elle est toute simple et elle n'a pas d'histoire.
    (La crise de l'homme, p.12, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  196. C'est parce que le monde est malheureux dans son essence, que nous devons faire quelque chose pour le bonheur, c'est parce qu'il est injuste que nous devrons oeuvrer pour la justice ; c'est parce qu'il est absurde enfin que nous devons lui donner ses raisons.
    (La crise de l'homme, p.13, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  197. [...] ce monde doit cesser d'être celui des policiers, de soldats et de l'argent pour devenir celui de l'homme et de la femme, du travail fécond et du loisir réfléchi.
    (La crise de l'homme, p.13, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)
     
  198. La décadence du monde grec a commencé avec l'assassinat de Socrate. Et on a tué beaucoup de Socrates en Europe depuis quelques années. C'est une indication. C'est l'indication que seul l'esprit socratique d'indulgence envers les autres et de rigueur envers soi-même est dangereux pour les civilisations du meurtre. C'est donc l'indication que seul cet esprit peut régénérer le monde.
    (La crise de l'homme, p.13, in encart de Philosophie Magazine n°15, Déc.07-Janv.08)