Citations ajoutées le 17 octobre 2004

Romain Gary

  1. Je ne crois pas aux pressentiments, mais il y a longtemps que j'ai perdu foi en mes incroyances. Les « je n'y crois plus » sont encore des certitudes et il n'y a rien de plus trompeur.
    (Clair de femme, p.9, Folio n°1367)
     
  2. J'ai connu tant de femmes, dans ma vie, que j'ai pour ainsi dire toujours été seul. Trop, c'est personne.
    (Clair de femme, p.21, Folio n°1367)
     
  3. [...] il ne suffit pas d'être malheureux séparément pour être heureux ensemble. Deux désespoirs qui se rencontrent, cela peut bien faire un espoir, mais cela prouve seulement que l'espoir est capable de tout...
    (Clair de femme, p.26, Folio n°1367)
     
  4. La solitude rance des objets perdus...
    (Clair de femme, p.36, Folio n°1367)
     
  5. [...] tout ce qui faisait de moi un homme était chez une femme. Je savais que l'on disait parfois de nous, presque sur un ton de blâme : « Ils vivent exclusivement l'un pour l'autre. » J'étais attristé par l'aigreur de ces accents, leur manque de générosité et leur froide indifférence à la communauté humaine. Chaque amour heureux porte nos couleurs : il devrait avoir des millions de supporters. Notre fraternité est enrichie par tout ce qui nous éclaire. La joie d'un enfant ou la tendresse d'un couple brillent pour tous, elles sont [Sic? Cette édition comporte un nombre anormalement élevé de coquilles. Peut-être faut-il lire «ont» au lieu de «sont». C'est à vérifier dans une autre édition. - GGJ] toujours une place au soleil. Et un désespoir d'amour qui désespère de l'amour est une bien étrange contradiction.
    (Clair de femme, p.41, Folio n°1367)
     
  6. [...] la vie aussi a besoin de gaieté, à l'en juger par les fleurs des champs, qui sourient tellement mieux que les autres.
    (Clair de femme, p.44, Folio n°1367)
     
  7. Il y a tant d'hommes et de femmes qui se ratent ! Qu'est-ce qu'ils deviennent ? De quoi vivent-ils ? C'est terriblement injuste. Il me semble que si je ne t'avais pas connu, j'aurais passé ma vie à te haïr.
    (Clair de femme, p.45, Folio n°1367)
     
  8. - Est-ce que je suis envahissante ?
    - Terriblement, lorsque tu n'es pas là.

    (Clair de femme, p.49, Folio n°1367)
     
  9. Quand un homme est fini, cela veut dire surtout qu'il continue.
    (Clair de femme, p.63, Folio n°1367)
     
  10. Les hommes oublient toujours que ce qu'ils vivent n'est pas mortel.
    (Clair de femme, p.65, Folio n°1367)
     
  11. Je ne sais pas ce que c'est, la féminité. Peut-être est-ce seulement une façon d'être un homme.
    (Clair de femme, p.77, Folio n°1367)
     
  12. La seule valeur humaine de l'indépendance est une valeur d'échange. Quand on garde l'indépendance pour soi tout seul, on pourrit à la vitesse des années-solitude.
    (Clair de femme, p.78, Folio n°1367)
     
  13. - [...] Je n'ai plus aucune envie de vivre.
    - C'est la plus vieille façon de vivre.

    (Clair de femme, p.90, Folio n°1367)
     
  14. La frigidité, c'est lorsque la morale et la psychologie couchent ensemble.
    (Clair de femme, p.92, Folio n°1367)
     
  15. Le rire, c'est parfois une façon qu'à l'horreur de crever.
    (Clair de femme, p.109, Folio n°1367)
     
  16. La faiblesse a toujours vécu d'imagination. La force n'a jamais rien inventé, parce qu'elle croit se suffire. C'est toujours la faiblesse qui a du génie.
    (Clair de femme, p.125, Folio n°1367)
     
  17. Aimer est la seule richesse qui croît avec la prodigalité. Plus on donne et plus il vous reste.
    (Clair de femme, p.130, Folio n°1367)
     
  18. [...] dans la vie, toutes les réussites sont des échecs qui ont raté...
    (Clair de femme, p.136, Folio n°1367)
     
  19. [...] il y a des instants qui ont de la mémoire. L'éphémère vit d'éclairs et je ne demande pas au bonheur une rente.
    (Clair de femme, p.139, Folio n°1367)
     
  20. Lorsqu'on a aimé une femme de tous ses yeux, de tous ses matins, de toutes les forêts, champs, sources et oiseaux, on sait qu'on ne l'a pas encore aimée assez et que le monde n'est qu'un commencement de tout ce qui vous reste à faire.
    (Clair de femme, p.140, Folio n°1367)
     
  21. [...] qui donc a dit que tout ce qui est féminin est homme, tout ce qui est masculin est femme ? Personne.
    (Clair de femme, p.142, Folio n°1367)
     
  22. Aimer est une aventure sans carte et sans compas où seule la prudence égare.
    (Clair de femme, p.147, Folio n°1367)
     

  
Jean Rostand

  1. On n'est pas vieux tant que l'on cherche.
    (Carnet d'un biologiste, p.8, Stock, 1959)
     
  2. Dans le mal imputable à tout sectarisme, il entre, d'abord, tout le bien qu'il faut au sectarisme adverse.
    (Carnet d'un biologiste, p.9, Stock, 1959)
     
  3. Il est plus facile, en politique, d'être prophète que juge.
    (Carnet d'un biologiste, p.9, Stock, 1959)
     
  4. Tout ce qui peut aider la vérité peut mêmement aider le mensonge.
    (Carnet d'un biologiste, p.10, Stock, 1959)
     
  5. La souplesse d'un fanatisme ne sert qu'à en diversifier les crimes.
    (Carnet d'un biologiste, p.11, Stock, 1959)
     
  6. C'est un immense problème que de savoir si l'homme pourra, indéfiniment, s'adapter à ce qu'il s'ajoute.
    (Carnet d'un biologiste, p.11, Stock, 1959)
     
  7. Si l'on m'élève, je m'abaisse ; si l'on m'abaisse, je m'élève. Tout ce qu'on me refuse, j'y prétends, de tout ce qu'on m'accorde, je me sens indigne.
    (Carnet d'un biologiste, p.11, Stock, 1959)
     
  8. Aimer une idée, c'est l'aimer un peu plus qu'on ne devrait.
    (Carnet d'un biologiste, p.13, Stock, 1959)
     
  9. Les meilleures vérités sont peu enclines à faire école.
    (Carnet d'un biologiste, p.13, Stock, 1959)
     
  10. Le divin, c'est peut-être ce qui, en l'homme, résisterait au manque de dieu.
    (Carnet d'un biologiste, p.13, Stock, 1959)
     
  11. Je refuse de discuter avec ceux qui sont incapables de se faire tort par leurs pensées.
    (Carnet d'un biologiste, p.16, Stock, 1959)
     
  12. Les trivialités d'un esprit supérieur m'intéressent plus que les raretés d'un esprit médiocre.
    (Carnet d'un biologiste, p.17, Stock, 1959)
     
  13. Mes inaptitudes me protègent.
    (Carnet d'un biologiste, p.18, Stock, 1959)
     
  14. Passé l'enfance, on devrait savoir, une fois pour toute, que rien n'est sérieux.
    (Carnet d'un biologiste, p.24, Stock, 1959)
     
  15. La pire lâcheté : se servir, contre ce qu'on aime, de ce qu'on n'aime pas.
    (Carnet d'un biologiste, p.24, Stock, 1959)
     
  16. Qui mériterait un dieu n'en aurait peut-être pas besoin.
    (Carnet d'un biologiste, p.25, Stock, 1959)
     
  17. Citations, toujours inexactes. Je me méfie de ces gens qui ne savent même pas recopier.
    (Carnet d'un biologiste, p.27, Stock, 1959)
     
  18. Quand l'idéal se déplace, il faut bien qu'on s'oriente différemment.
    Le tournesol reste fidèle au soleil.

    (Carnet d'un biologiste, p.27, Stock, 1959)
     
  19. Il en est que nous ne saurions abaisser sans nous diminuer aussi nous-mêmes.
    (Carnet d'un biologiste, p.29, Stock, 1959)
     
  20. Nous préférons, parfois, nous écarter de ceux qui pensent autrement que nous, tant nous serions démangés de leur donner raison.
    (Carnet d'un biologiste, p.29, Stock, 1959)
     
  21. Dieu, ce dépotoir de nos rêves...
    (Carnet d'un biologiste, p.30, Stock, 1959)
     
  22. J'aime les phrases assez resserrées pour qu'une syllabe y puisse exercer son pouvoir.
    (Carnet d'un biologiste, p.30, Stock, 1959)
     
  23. Première condition pour qu'un livre se laisse relire : qu'il soit oubliable.
    (Carnet d'un biologiste, p.31, Stock, 1959)
     
  24. Il est malaisé d'imaginer à quel point, d'ordinaire, un savant se désintéresse de l'oeuvre d'un autre savant si celui-ci n'est pas un maître qui le protège ou un élève qui l'honore.
    (Carnet d'un biologiste, p.32, Stock, 1959)
     
  25. L'idéal, sans doute, varie, mais ses adversaires, hélas, sont toujours les mêmes.
    (Carnet d'un biologiste, p.33, Stock, 1959)
     
  26. Il y a beaucoup de mystère dans le choix de ce qui nous paraît digne d'être noté.
    (Carnet d'un biologiste, p.34, Stock, 1959)
     
  27. Être clair, c'est avouer.
    (Carnet d'un biologiste, p.35, Stock, 1959)
     
  28. Ce ne sont pas les mêmes livres qui font comprendre une science et qui la font aimer.
    (Carnet d'un biologiste, p.36, Stock, 1959)
     
  29. Les détours de l'art.
    En persévérant dans ce qu'il ne fallait pas faire, on finit quelquefois par rencontrer ce qu'il faudra faire.

    (Carnet d'un biologiste, p.37, Stock, 1959)
     
  30. J'ai le goût d'une certaine « neutralité » dans le style. Mais, sur la qualité de ce « neutre », je suis terriblement exigeant.
    (Carnet d'un biologiste, p.38, Stock, 1959)
     
  31. Je me sens très optimiste quant à l'avenir du pessimisme.
    (Carnet d'un biologiste, p.39, Stock, 1959)
     
  32. De ceux qu'on n'aime pas, que l'ingratitude est donc bénigne !
    (Carnet d'un biologiste, p.41, Stock, 1959)
     
  33. Totalitarisme : racisme intellectuel. Lignée pure de la pensée, avec tous les inconvénients de l'homogénéité génétique.
    (Carnet d'un biologiste, p.41, Stock, 1959)
     
  34. Le plaisir du chercheur : retrousser les jupes de la nature.
    (Carnet d'un biologiste, p.44, Stock, 1959)
     
  35. Comme l'intelligence, la sottise peut n'être que reflet.
    (Carnet d'un biologiste, p.45, Stock, 1959)
     
  36. Le sérieux n'est qu'un futile plus considéré.
    (Carnet d'un biologiste, p.48, Stock, 1959)
     
  37. Il est facile de dire ce qu'on veut dire : le difficile, quelquefois, est d'avoir un « vouloir dire ».
    (Carnet d'un biologiste, p.50, Stock, 1959)
     
  38. J'aime qu'un écrivain m'apprenne autre chose que son talent.
    (Carnet d'un biologiste, p.51, Stock, 1959)
     
  39. Des contradictions dans ma pensée ?
    Bien sûr, mais beaucoup moins que dans le réel.

    (Carnet d'un biologiste, p.52, Stock, 1959)
     
  40. Ce n'est pas parce qu'il n'y a rien à dire les yeux grands ouverts qu'il faut réciter des contes à dormir debout.
    (Carnet d'un biologiste, p.52, Stock, 1959)
     
  41. Opter entre l'absurdité de ce qui nous entoure et l'absurdité de ce qu'on y ajouterait pour le rendre un peu moins absurde...
    (Carnet d'un biologiste, p.53, Stock, 1959)
     
  42. Qui pense comme moi est vide pour moi.
    (Carnet d'un biologiste, p.53, Stock, 1959)
     
  43. Mes illogismes me rassurent : je suis encore en vie.
    (Carnet d'un biologiste, p.53, Stock, 1959)
     
  44. Un pacifiste est un homme qui n'a pas encore rencontré la cause qui le mette en posture de combat.
    (Carnet d'un biologiste, p.56, Stock, 1959)
     
  45. Vandel écrit fort justement : « L'éducation est une méthode embryologique qui, au lieu de s'exercer sur l'embryon, s'applique à l'enfant ».
    Hélas, les pédagogues font trop souvent de la tératogenèse provoquée.
    [Tératogenèse: Production, création d'anomalies ou de monstruosités. GGJ]

    (Carnet d'un biologiste, p.56, Stock, 1959)
     
  46. J'irais loin pour ne pas voir certaines des choses qui font haleter la plupart de mes contemporains.
    (Carnet d'un biologiste, p.57, Stock, 1959)
     
  47. Langages communs à tous les hommes : la mathématique et l'érotisme.
    (Carnet d'un biologiste, p.60, Stock, 1959)
     
  48. Il m'arrive d'adopter une opinion sans avoir eu le temps de m'en donner raisons : je me fais crédit.
    (Carnet d'un biologiste, p.61, Stock, 1959)
     
  49. Recherche : partir de ce qu'on croit savoir, et tirer sur le fil en souhaitant qu'il se brise...
    (Carnet d'un biologiste, p.62, Stock, 1959)
     
  50. On n'aime jamais tant la vérité que lorsque le mensonge fait loi.
    (Carnet d'un biologiste, p.65, Stock, 1959)
     
  51. J'ai l'impression que le matérialisme est fermé et que le spiritualisme n'ouvre sur rien.
    (Carnet d'un biologiste, p.68, Stock, 1959)
     
  52. Qu'est-ce qui nous restera si nous ne savons pas grandir ce qui nous manque ?
    (Carnet d'un biologiste, p.71, Stock, 1959)
     
  53. La chance, pour un chercheur, est de trouver des faits qui ressemblent à ce qui le passionne.
    (Carnet d'un biologiste, p.72, Stock, 1959)
     
  54. Qu'il faut d'honnêteté d'esprit, quand on ne tient à rien, pour avoir une opinion qui laisserait croire qu'on tient à quelque chose !
    (Carnet d'un biologiste, p.73, Stock, 1959)
     
  55. Algèbre philosophique.
    Former une équation où l'homme ne s'annule pas.

    (Carnet d'un biologiste, p.73, Stock, 1959)
     
  56. Ce qui ne peut appartenir à tous ne peut pas être l'essentiel de la vie.
    (Carnet d'un biologiste, p.76, Stock, 1959)
     
  57. La mauvaise foi ne s'apprend pas.
    (Carnet d'un biologiste, p.77, Stock, 1959)
     
  58. C'est toujours une chance pour un chercheur que de trouver des faits qui soient dignes de lui.
    (Carnet d'un biologiste, p.77, Stock, 1959)
     
  59. Il n'y a pas de noir dans la nature, disent les peintres. Dans la pensée humaine, il y a la mort.
    (Carnet d'un biologiste, p.79, Stock, 1959)
     
  60. La seule chose qu'un dictateur ne peut pas dicter, c'est la vérité.
    (Carnet d'un biologiste, p.81, Stock, 1959)
     
  61. Toutes les doctrines philosophiques briseront leurs fausses dents sur les réalités coriaces de la science.
    (Carnet d'un biologiste, p.83, Stock, 1959)
     
  62. Ne jamais demander à la vérité d'où elle vient ni où elle va, ni surtout - comme à un crime -  à qui elle profite.
    (Carnet d'un biologiste, p.83, Stock, 1959)
     
  63. Pourquoi le vrai serait-il beau ? Ce qui l'est, c'est ne pas exiger qu'il le soit.
    (Carnet d'un biologiste, p.86, Stock, 1959)
     
  64. Rien n'est sérieux pour l'esprit ; tout peut le devenir pour le coeur.
    (Carnet d'un biologiste, p.86, Stock, 1959)
     
  65. Souvent, il nous déplaît de retrouver nos opinions chez autrui ; elles y sont dénuées de tout ce qui, en nous, nous les rend acceptables.
    (Carnet d'un biologiste, p.86, Stock, 1959)
     
  66. Celui qui prétend aimer toutes choses, c'est qu'il ne se doute pas de ce que c'est qu'en aimer une.
    (Carnet d'un biologiste, p.92, Stock, 1959)
     
  67. Certitude, servitude.
    (Carnet d'un biologiste, p.93, Stock, 1959)
     
  68. Cette certitude d'avoir raison qui est, à mes yeux, le signe infaillible de l'erreur.
    (Carnet d'un biologiste, p.94, Stock, 1959)
     
  69. Les écrivains diffèrent surtout, peut-être, par la qualité de leur médiocre.
    (Carnet d'un biologiste, p.95, Stock, 1959)
     
  70. Mystérieuse splendeur des choses vitales. Beauté inimitable, inintelligible, impossédable..
    Aimer, c'est ne pas pouvoir posséder.

    (Carnet d'un biologiste, p.97, Stock, 1959)
     
  71. Travailler son style, c'est vouloir donner à croire qu'on a mieux pensé qu'on n'a fait.
    (Carnet d'un biologiste, p.102, Stock, 1959)
     
  72. J'aime énormément à perdre mon temps, mais avec moi-même.
    (Carnet d'un biologiste, p.103, Stock, 1959)
     
  73. Il faut - disent-ils - choisir entre le capitalisme et le communisme. J'attendrai que la réalité m'offre quelque chose de choisissable.
    (Carnet d'un biologiste, p.105, Stock, 1959)
     
  74. Nous envions parfois à autrui l'importance qu'il parvient à donner à ce qui lui arrive.
    (Carnet d'un biologiste, p.107, Stock, 1959)
     
  75. Qui tue par égoïsme tue peu ; qui par ambition, beaucoup ; qui par idéalisme, énormément.
    (Carnet d'un biologiste, p.108, Stock, 1959)
     
  76. Aucune vérité ne doit être préférée à toutes les vérités possibles.
    (Carnet d'un biologiste, p.110, Stock, 1959)
     
  77. Quand j'admire un livre, c'est que j'y ai trouvé quelques phrases à mâchonner.
    (Carnet d'un biologiste, p.112, Stock, 1959)
     
  78. Je suis plus sûr d'avoir raison par la façon dont je vis que par la façon dont je pense.
    (Carnet d'un biologiste, p.118, Stock, 1959)
     
  79. Il est moins grave de s'égarer que de se figurer qu'on possède le fil qui empêche qu'on ne s'égare.
    (Carnet d'un biologiste, p.118, Stock, 1959)
     
  80. La persistance d'une opinion ne prouve rien en sa faveur. Il y a encore des astrologues.
    (Carnet d'un biologiste, p.121, Stock, 1959)
     
  81. Qui a cru croira... Mais ce ne sera peut-être pas la même croyance.
    (Carnet d'un biologiste, p.121, Stock, 1959)
     
  82. Rares sont ceux avec qui l'on aurait plaisir à s'indigner.
    (Carnet d'un biologiste, p.126, Stock, 1959)
     
  83. On doit bien convenir qu'on est presque toujours enrichi par ce qu'on s'appliquait à éviter.
    (Carnet d'un biologiste, p.130, Stock, 1959)
     
  84. Qu'il faut de l'amour pour pardonner aux maladresses de l'amour !
    (Carnet d'un biologiste, p.132, Stock, 1959)
     
  85. Il n'y a pas un mot de trop dans ce livre ; mais n'est-ce pas le livre qui est de trop ?
    (Carnet d'un biologiste, p.133, Stock, 1959)
     
  86. Je demande à un livre de créer en moi le besoin de ce qu'il m'apporte.
    (Carnet d'un biologiste, p.136, Stock, 1959)
     
  87. Chacun fixe le seuil de ses ébahissements. Les miens commencent dès l'animal.
    Expliquez-moi le crapaud, je vous tiens quitte de l'homme.

    (Carnet d'un biologiste, p.137, Stock, 1959)
     
  88. Un artiste doit s'arranger à vouloir ses défauts.
    (Carnet d'un biologiste, p.139, Stock, 1959)
     
  89. Chaque mort nous enfonce la mort dans la tête.
    (Carnet d'un biologiste, p.139, Stock, 1959)
     
  90. Au biologiste, la naissance d'une âme apparaîtrait encore plus incompréhensible que sa survie.
    (Carnet d'un biologiste, p.140, Stock, 1959)
     
  91. Seuls nous peuvent délivrer de la solitude les êtres qui peuvent nous y réduire par leur absence.
    (Carnet d'un biologiste, p.141, Stock, 1959)
     
  92. « Le doute est le plus religieux des actes de la pensée humaine » (Guyau)
    (Carnet d'un biologiste, p.142, Stock, 1959)
     
  93. On nie plus qu'on ne devrait quand on ne peut croire autant qu'on le voudrait.
    (Carnet d'un biologiste, p.142, Stock, 1959)
     
  94. Il me déplaît qu'on s'apitoie sur le malheur de ceux dont on ne goûterait pas le bonheur.
    (Carnet d'un biologiste, p.146, Stock, 1959)
     
  95. Un surhomme ne pourrait croire qu'en un surdieu.
    (Carnet d'un biologiste, p.147, Stock, 1959)
     
  96. S'il est un dieu, la science en est réduite à rechercher les causes de ce qu'il eût dédaigné de faire par voie de miracle.
    (Carnet d'un biologiste, p.147, Stock, 1959)
     
  97. Ne pas mettre des mots sur nos ignorances : elles ne sont pas des indécences qu'on doive habiller.
    (Carnet d'un biologiste, p.149, Stock, 1959)
     
  98. Le plus précieux trésor : avoir mis beaucoup de souffrance derrière soi.
    (Carnet d'un biologiste, p.150, Stock, 1959)
     
  99. Tant mieux si ma vérité peut aider un autre à s'en faire une autre...
    (Carnet d'un biologiste, p.152, Stock, 1959)
     
  100. « L'unité de croyance, c'est-à-dire le fanatisme » (Renan)
    (Carnet d'un biologiste, p.154, Stock, 1959)
     
  101. Nous en voulons à nos amis de si bien nous connaître en nous comprenant si mal.
    (Carnet d'un biologiste, p.155, Stock, 1959)
     
  102. Je ne m'intéresse qu'à ce qui pourrait appartenir à tous, ou qui ne peut appartenir qu'à un seul.
    (Carnet d'un biologiste, p.157, Stock, 1959)
     
  103. C'est tandis qu'un fait n'est pas encore compris que, d'ordinaire, il se montre le plus fécond.
    (Carnet d'un biologiste, p.157, Stock, 1959)
     
  104. Je voudrais le marbre de la certitude pour y installer mes doutes.
    (Carnet d'un biologiste, p.158, Stock, 1959)
     
  105. Je vois dans la nature beaucoup plus que l'homme, et dans l'homme beaucoup plus que la nature.
    (Carnet d'un biologiste, p.159, Stock, 1959)
     
  106. Devant tant de gens qui savent, j'ai de plus en plus envie de ne pas savoir.
    (Carnet d'un biologiste, p.159, Stock, 1959)
     
  107. Un écrivain croit davantage à une cause quand il a trouvé la bonne formule pour dire sa croyance.
    (Carnet d'un biologiste, p.160, Stock, 1959)
     
  108. Je ne puis concevoir un dieu, mais encore moins le puis-je concevoir tel qu'il dût me faire regretter de n'y avoir pas cru.
    (Carnet d'un biologiste, p.163, Stock, 1959)
     
  109. Une journée qui s'achève : encore une que le néant n'aura pas.
    (Carnet d'un biologiste, p.163, Stock, 1959)
     
  110. Un auteur n'est pas toujours digne de la qualité d'émotion qu'il éveille.
    (Carnet d'un biologiste, p.165, Stock, 1959)
     
  111. Labyrinthe.
    Connaître le point de sortie n'aidera pas à trouver le chemin.

    (Carnet d'un biologiste, p.168, Stock, 1959)
     
  112. Point d'attitude philosophique qui, à la longue, ne produise une crampe.
    (Carnet d'un biologiste, p.169, Stock, 1959)
     
  113. Je n'écoute que ceux qui prouvent, ou qui m'émeuvent.
    (Carnet d'un biologiste, p.170, Stock, 1959)
     
  114. La science n'explique rien, j'en conviens, mais tout ce qu'on y ajoute ne vaut pas mieux que de se taire.
    Science ou silence.

    (Carnet d'un biologiste, p.171, Stock, 1959)
     
  115. À force de prévoir l'avenir, on nous le rend aussi fastidieux qu'un passé.
    (Carnet d'un biologiste, p.172, Stock, 1959)
     
  116. Je suis de plus en plus sûr qu'il n'y a presque pas d'amour au coeur de l'homme, mais aussi de plus en plus sûr qu'il y en a.
    (Carnet d'un biologiste, p.173, Stock, 1959)
     
  117. L'art doit être mensonge vrai et non fausse vérité.
    (Carnet d'un biologiste, p.176, Stock, 1959)
     

Boris Cyrulnik

  1. Toute vie est possédée.
    (L'Ensorcellement du monde, p.9, Odile Jacob n°67)
     
  2. Car être seul, ce n'est pas être. Nous ne pouvons qu'être ensorcelés, possédés pour devenir nous-mêmes.
    (L'Ensorcellement du monde, p.9, Odile Jacob n°67)
     
  3. Tout organisme invente le milieu qu'il habite.
    (L'Ensorcellement du monde, p.13, Odile Jacob n°67)
     
  4. L'homme est deux fois ensorcelé : par l'évolution qui façonne son monde et suscite la pensée qui façonne son monde.
    (L'Ensorcellement du monde, p.13, Odile Jacob n°67)
     
  5. Tout organisme pour s'adapter doit innover, tenter une aventure hors de la norme, engendrer de l'anormalité afin de voir si ça marche, car vivre, c'est prendre un risque.
    (L'Ensorcellement du monde, p.29, Odile Jacob n°67)
     
  6. Le statut naturel de l'alimentation permet aux êtres vivants de structurer l'altérité. L'homme, qui en est le champion interespèces, imprègne ses aliments d'affectivité, de symboles, de civilisation et de récits. Si bien que, lorsque nous passons à table, c'est un mythe de plusieurs siècles que nous trouvons dans nos assiettes.
    (L'Ensorcellement du monde, p.33, Odile Jacob n°67)
     
  7. Satisfaire désespère, quand on se précipite.
    (L'Ensorcellement du monde, p.42, Odile Jacob n°67)
     
  8. [...] Monsieur Neandertal, avec trente grognements signifiants, dix consonnes et trois voyelles, pourrait aujourd'hui faire une carrière politique.
    (L'Ensorcellement du monde, p.64, Odile Jacob n°67)
     
  9. L'association de ces deux mots, « organe » et « pensée », pose un problème philosophique fondamental. La pensée peut exister sans cerveau dans le quatrième monde, celui de la planète des signes, de l'écriture ou d'Internet. Quand un individu n'est pas là pour penser, sa pensée existe quand même, en dehors de lui.
    (L'Ensorcellement du monde, p.76, Odile Jacob n°67)
     
  10. [...] on ne sait voir que ce que l'on a appris à voir.
    (L'Ensorcellement du monde, p.79, Odile Jacob n°67)
     
  11. La clinique des lobotomies nous conduit à un douloureux paradoxe de la condition humaine : sans angoisse et sans souffrance, l'existence perdrait son goût.
    Ceux qui prétendent organiser une culture sécuritaire qui détruirait l'angoisse et nous offrirait des distractions incessantes pour lutter contre l'ennui nous proposent-ils autre chose qu'une lobotomie culturelle ?

    (L'Ensorcellement du monde, p.81, Odile Jacob n°67)
     
  12. Car l'angoisse nous contraint à la créativité, et la culpabilité nous invite au respect. Sans angoisses, nous passerions notre vie couchés. Et sans culpabilité, nous resterions soumis à nos pulsions.
    L'angoisse n'est digne d'éloge que lorsqu'elle est source de création. Elle nous pousse à lutter contre le vertige du vide en le remplissant de représentations. Elle devient source d'élan vers l'autre ou de recherche de contact sécurisant comme lors des étreintes anxieuses. La culpabilité ne nous invite au respect que lorsque la représentation du temps permet d'éprouver les fautes passées, de craindre les fautes à venir, afin de préserver le monde de l'autre et de ne pas lui nuire.

    (L'Ensorcellement du monde, p.83, Odile Jacob n°67)
     
  13. Plus le développement des individus les mène à l'empathie, plus l'intelligence collective invente des mondes virtuels et plus nous éprouvons le malheur des autres et l'angoisse de l'inconnu. Nous pouvons donc prévoir en toute certitude le développement mondial de l'angoisse et de la dépression.
    (L'Ensorcellement du monde, p.83, Odile Jacob n°67)
     
  14. Il ne faut pas négliger cette intelligence du corps, les hommes s'en servent chaque jour. Lorsqu'un enfant apprend à rouler à vélo, il n'a pas besoin d'un seul mot d'explication. Son corps éprouve dans les muscles du dos, dans les mollets, les bras et son système labyrinthique les lois de l'attraction terrestre, de la cinétique et même de la chute des corps ! Un mathématicien qui voudrait lui apprendre à rouler à vélo grâce à ses formules l'empêcherait d'apprendre. De plus, le matheux ne pourrait même pas formuler les lois du virage de la bicyclette qui sont incalculables. Et pourtant, elle tourne !
    (L'Ensorcellement du monde, p.84, Odile Jacob n°67)
     
  15. Le grand piège de la pensée, c'est de croire que l'individu est un être compact.
    [...]
    L'individu est un objet à la fois indivisible et poreux, suffisamment stable pour rester le même quand le biotope varie et suffisamment poreux pour se laisser pénétrer, au point de devenir lui-même un morceau du milieu.

    (L'Ensorcellement du monde, p.89, Odile Jacob n°67)
     
  16. [...] vivre dans le monde de la peur contraint à agir, alors que vivre dans le monde de l'angoisse contraint à comprendre et à parler.
    (L'Ensorcellement du monde, p.99, Odile Jacob n°67)
     
  17. [...] l'influence caractérise tout organisme, quelles que soient sa forme et sa complexité. Un homme sans influence n'apprendrait rien de l'humanité. Il resterait à l'état de promesse et n'en tiendrait aucune. Cet homme virtuel existe : c'est l'enfant abandonné ! Tous les organismes sont poreux, même au niveau biologique élémentaire, c'est l'échange avec le monde extérieur qui leur permet de vivre, de se développer et de tenter de devenir eux-mêmes.
    (L'Ensorcellement du monde, p.100, Odile Jacob n°67)
     
  18. Le développement variable de cette aptitude à se représenter le monde des autres peut donner deux stratégies de la connaissance. Ceux qui aiment découvrir dans chaque homme un continent mental nouveau et adoptent une attitude individualiste. Et ceux qui, au contraire, préfèrent une attitude holistique pensent qu'il n'y a qu'une seule manière d'être humain et qu'une seule théorie pour la représenter. Les individualistes, curieux de la différence entre les hommes, sont amusés par les diverses théories qui pourraient les expliquer. Ils sont accusés de cafouillis intellectuel. Alors que les holistes, rigoureux, consacrent leurs efforts à renforcer une théorie de plus en plus cohérente et de plus en plus difficile à déstabiliser, même quand elle finit par ne plus être adéquate au réel. Les individualistes explorateurs de théories et de situations humaines, sont difficiles à suivre car ils sont imprévisibles. Alors que les holistes, renforçateurs d'une seule conception du monde, deviennent inébranlables et parfaitement prévisibles.
    (L'Ensorcellement du monde, p.104, Odile Jacob n°67)
     
  19. Tout créateur sort de la norme. Toute innovation est anormale.
    (L'Ensorcellement du monde, p.113, Odile Jacob n°67)
     
  20. La non-intégration des individus désorganise le fonctionnement du groupe. Mais une trop bonne intégration charpente une groupe stéréotypé. Peut-être une intégration imparfaite serait-elle parfaite ?
    (L'Ensorcellement du monde, p.113, Odile Jacob n°67)
     
  21. C'est la pensée collective qui crée ce qu'elle observe.
    (L'Ensorcellement du monde, p.125, Odile Jacob n°67)
     
  22. Le nom qu'on choisit pour un autre révèle notre disposition d'esprit envers un être d'attachement et la mission qu'on lui assigne pour l'inscrire dans une filiation.
    (L'Ensorcellement du monde, p.136, Odile Jacob n°67)
     
  23. Le problème de l'observation directe devient brûlant. Les phrases habituelles : « C'est évident... C'était pas la peine de faire une expérience pour arriver à ça... Il suffisait de demander aux mères... Y a qu'à voir... » sont des stéréotypes qui empêchent de voir.
    (L'Ensorcellement du monde, p.145, Odile Jacob n°67)
     
  24. Quant tout vaut tout, rien n'a de valeur.
    (L'Ensorcellement du monde, p.153, Odile Jacob n°67)
     
  25. [...] tous les sens participent à la parole et [...] nous sommes piégés par nos mots quand, sous prétexte que notre langue distingue cinq sens, nous croyons qu'ils sont séparés dans le réel.
    (L'Ensorcellement du monde, p.155, Odile Jacob n°67)
     
  26. À peine arrivé au monde, un nouveau-né hérite du problème de ses parents. La condition des bébés humains est ainsi faite que c'est presque toujours le problème d'un autre qu'ils auront à porter !
    (L'Ensorcellement du monde, p.160, Odile Jacob n°67)
     
  27. Peut-être est-ce la fonction de l'ennui de rendre un organisme avide d'aventures ?
    (L'Ensorcellement du monde, p.183, Odile Jacob n°67)
     
  28. Un organisme parfaitement adapté s'éliminerait à la moindre variation du milieu. Par bonheur, la souffrance et la frayeur lui offrent la survie.
    (L'Ensorcellement du monde, p.184, Odile Jacob n°67)
     
  29. On ne peut qu'être-avec, et la souffrance de l'autre nous altère... quand on la perçoit.
    (L'Ensorcellement du monde, p.186, Odile Jacob n°67)
     
  30. Inventez une charlatanerie, n'importe laquelle, vous trouverez toujours des hommes qui diront que ça marche, tant notre besoin d'illusion est intense.
    (L'Ensorcellement du monde, p.196, Odile Jacob n°67)
     
  31. Car les utopies sont à la pensée ce que les robes sont à Claudia Schiffer, elles expriment et donnent forme à nos désirs les plus profonds.
    (L'Ensorcellement du monde, p.200, Odile Jacob n°67)
     
  32. Ce qui crée le sentiment de soi, c'est essentiellement la manière dont nos souvenirs construisent notre identité.
    (L'Ensorcellement du monde, p.211, Odile Jacob n°67)
     
  33. [...] quand on invoque Dieu pour résoudre un problème d'immobilier, autant dire qu'on prépare la guerre.
    (L'Ensorcellement du monde, p.221, Odile Jacob n°67)
     
  34. Le mensonge et la comédie réalisent les performances suprêmes de l'empathie.
    (L'Ensorcellement du monde, p.232, Odile Jacob n°67)
     
  35. Quand nous appuyons sur un bouton de télécommande, et que nous voyons ce qui se passe à l'autre bout du monde, le « Sésame, ouvre-toi », aujourd'hui, s'est fait zappeur.
    (L'Ensorcellement du monde, p.250, Odile Jacob n°67)
     
  36. La technique et les mots, en donnant vie à l'imperçu, engendrent la magie du quotidien. Allez ne pas croire à la sorcellerie après ça !
    (L'Ensorcellement du monde, p.253, Odile Jacob n°67)
     
  37. Un savoir non partagé humilie ceux qui n'y ont pas accès.
    (L'Ensorcellement du monde, p.255, Odile Jacob n°67)
     
  38. [...] plus on utilise l'autre, moins on s'y attache.
    (L'Ensorcellement du monde, p.257, Odile Jacob n°67)
     
  39. [...] les deux ensorcellements fondamentaux de la condition humaine : l'art et la religion.
    (L'Ensorcellement du monde, p.267, Odile Jacob n°67)
     
  40. L'homme par nature n'est pas une biologie, un corps et un cerveau auquel il suffirait d'ajouter une pincée de culture, de parole et d'âme pour faire jaillir la condition humaine. L'homme est par nature un être de culture.
    (L'Ensorcellement du monde, p.278, Odile Jacob n°67)