Citations ajoutées le 26 juillet 2003

Thomas Bernhard

  1. [En parlant de la pneumonie] cette maladie de la réflexion.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.34, Gallimard/nrf, 1978)
     
  2. [...] accueillir un sujet c'est y réfléchir à fond jusqu'à l'avoir épuisé, il ne doit rien demeurer de ce sujet qui n'ait pas été éclairci ou tout au moins, qui ne l'ait pas été au plus haut degré possible.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.46, Gallimard/nrf, 1978)
     
  3. [...] la musique est, au fond, de la mathématique rendue audible [...]
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.55, Gallimard/nrf, 1978)
     
  4. [...] les gens, disait-il, admiraient toujours là où ils devraient se contenter uniquement de respecter l'autre, mais la plupart des gens n'en étaient pas capables car respecter l'autre était sans doute la forme la plus difficile entre individus, de respecter l'autre la plupart étaient absolument incapables, le respect de l'autre était la chose la plus importante, les gens préféraient admirer plutôt que respecter et ils ne faisaient qu'irriter par leur admiration et leur admiration détruisait chez l'autre ce qu'il avait de précieux au lieu de préserver par un respect correspondant.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.60, Gallimard/nrf, 1978)
     
  5. [...] tout homme porte en lui une idée qui finit par le faire mourir à petit feu, une pareille idée, qui surgit en lui et qu'il poursuit et qui, tôt ou tard, et toujours dans la plus grande tension de son être, finit par le faire mourir à petit feu, par le détruire.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.109, Gallimard/nrf, 1978)
     
  6. [...] le chaos universel, qui est apparu dans le monde et qui est apparu avant tout ces dernières années dans le monde, repose principalement sur la hâte excessive de tous les actes qui eussent dû être réfléchis avant d'avoir été entrepris, la précipitation et la hâte excessive sont les caractères les plus effrayants de ce monde d'aujourd'hui [...] et, pour cette raison, tout est un monde chaotique.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.144, Gallimard/nrf, 1978)
     
  7. [...] chacun est destiné, un jour, à un instant quelconque qui sera l'instant décisif, à ne plus trouver d'issue, la construction de l'homme est faite ainsi.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.148, Gallimard/nrf, 1978)
     
  8. L'absence d'idées chez l'homme est sa mort [...] et combien d'hommes sont dépourvus d'idées, totalement sans aucune idée, ils n'existent pas.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.182, Gallimard/nrf, 1978)
     
  9. Continuellement nous corrigeons et nous nous corrigeons nous-mêmes sans le moindre ménagement parce qu'à chaque instant, nous apercevons que ce que nous avons accompli (écrit, fait, pensé) a été faux, que nous avons agi faussement en ayant agi avec fausseté, que tout jusqu'à ce moment présent est une falsification, aussi corrigeons-nous cette falsification et la correction de cette falsification nous la corrigeons de nouveau et le résultat de cette correction de correction nous le corrigeons et ainsi de suite.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.288, Gallimard/nrf, 1978)
     
  10. Nous sommes toujours à deux doigts de nous corriger, de tout corriger en nous tuant, mais nous ne le faisons pas. Corriger notre existence entière considérée comme une unique, une insondable falsification et adultération de notre nature [...] mais nous ne le faisons pas.
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.289, Gallimard/nrf, 1978)
     
  11. Il faut pouvoir se lever et partir de toute société qui n'est bonne à rien [...] et laisser les visages qui ne sont rien et les esprits d'une stupidité souvent sans limite et pouvoir sortir, descendre et aller en plein air et laisser derrière soi tout ce qui est en rapport avec cette société bonne à rien [...]; on doit pouvoir posséder la force et le courage et la brutalité même à l'égard de soi-même, de laisser derrière soi tous ces gens et ces esprits ridicules, inutiles et stupides et de remplir ses poumons, d'expulser de ses poumons toutes les choses qu'on a abandonnées et d'emplir ses poumons d'un air nouveau, il faut quitter par le chemin le plus rapide ces sociétés inutiles ; ces bandes rassemblées pour rien d'autre que des stupidités, afin de ne pas devenir un élément de ces sociétés stupides, en sortant de pareilles sociétés il faut revenir à soi-même et trouver en soi-même apaisement et clarté [...].
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.313, Gallimard/nrf, 1978)
     
  12. Nous n'entrons dans une école que pour y être anéantis, les écoles sont de gigantesques instituts d'anéantissement où ceux qui cherchent secours sont anéantis, mais l'État subventionne les écoles, et pour cause [...]; quand nous quittons l'école, le processus de notre mort à petit feu a fait encore de nouveaux progrès et rien d'autre. Comme des insensés, ceux qui ont besoin de secours intellectuel entrent à l'école et ce sont des êtres anéantis qui en ressortent, personne ne s'insurge contre cela. Les jeunes gens, les caractères sains, entrent dans les écoles en cherchant un secours, en ressortent détruits, estropiés, affaiblis à perpétuité. Dans les écoles élémentaires, l'être jeune est détruit. C'est seulement dans les écoles moyennes et les hautes et très hautes écoles que ce processus s'achève. Établissement de déformation de l'homme [...]
    (Corrections, trad. Albert Kohn, p.319, Gallimard/nrf, 1978)
     

Jean Anouilh

  1. [...] il n'y aura pas d'autres Médée, jamais, sur cette terre. Les mères n'appelleront jamais plus leurs filles de ce nom. Tu seras seule, jusqu'au bout des temps, comme en cette minute.
    (Médée, p.386, La Table Ronde, 1946)
     
  2. [...] toutes les choses sont dures à naître dans ce monde et dures à mourir aussi.
    (Médée, p.391, La Table Ronde, 1946)
     

  
Joseph Joubert

  1. Rien n'est meilleur qu'un enthousiasme qui a raison.
    (Carnets t.2, p.423, nrf/Gallimard, 1994)
     
  2. Ce qui trompe en morale, c'est l'amour excessif du plaisir ; et ce qui nous arrête et nous retarde en métaphysique, c'est l'amour de la certitude.
    (Carnets t.2, p.424, nrf/Gallimard, 1994)
     
  3. Le temps et la vérité sont amis ; quoiqu'il y ait beaucoup de moments contraires à la vérité.
    (Carnets t.2, p.424, nrf/Gallimard, 1994)
     
  4. La justice est la vérité en action.
    (Carnets t.2, p.424, nrf/Gallimard, 1994)
     
  5. Entre le fracas et le fatras il y a peu de distance et peu de différence, quant aux lettres et quant au sens.
    (Carnets t.2, p.424, nrf/Gallimard, 1994)
     
  6. L'esprit militaire est un esprit favorable à la bougrerie.
    (Carnets t.2, p.424, nrf/Gallimard, 1994)
     
  7. Tout vieillit, même l'estime, si on n'y prend garde.
    (Carnets t.2, p.426, nrf/Gallimard, 1994)
     
  8. Il faut haïr et mépriser avec esprit.
    Les gros mots blessent le bon goût. Le sot rire rend haïssable celui qui l'a. Le sot rire est toujours le rire d'un sot.

    (Carnets t.2, p.430, nrf/Gallimard, 1994)
     
  9. Presque tous les hommes aiment mieux le danger que la peur. Quelques-uns même aiment mieux la mort que le danger et mieux leur perte que la douleur. C'est que la peur, le danger et la douleur troublent la raison. Le cheval se jette dans le précipice pour échapper à l'éperon.
    (Carnets t.2, p.432, nrf/Gallimard, 1994)
     
  10. Une tête forte n'est rien si elle n'est pas une tête bien faite.
    (Carnets t.2, p.438, nrf/Gallimard, 1994)
     
  11. Hobbes était, dit-on, humoriste. Je n'en suis pas surpris ; c'est la mauvaise humeur surtout qui rend l'esprit et le ton décisifs. C'est elle qui nous porte irrésistiblement à concentrer nos idées. Elle abonde en expressions vives. Mais, pour devenir philosophique, il faut que la mauvaise humeur naisse uniquement de la déraison d'autrui et non pas de la nôtre, du mauvais esprit des temps où l'on vit et non pas de notre mauvais esprit propre.
    La véritable profondeur vient des idées concentrées.

    (Carnets t.2, p.439, nrf/Gallimard, 1994)
     
  12. « Un beau désordre » (Boileau) est un désordre apparent et un ordre réel. Par « un beau désordre » l'esprit est conduit au but après l'avoir désiré et y parvient par un labyrinthe délicieux.
    (Carnets t.2, p.441, nrf/Gallimard, 1994)
     
  13. Travailler pour n'avoir rien à faire : c'est à cela que se passe la vie humaine. Le mouvement mène au repos ; le repos se conserve en soi, se nourrit de lui-même.
    (Carnets t.2, p.444, nrf/Gallimard, 1994)
     
  14. Que peut-on faire entrer dans un esprit qui est plein ? (plein de lui-même.)
    (Carnets t.2, p.447, nrf/Gallimard, 1994)
     
  15. Cherchons nos lumières dans nos sentiments. Il y en là une chaleur qui contient beaucoup de clarté.
    (Carnets t.2, p.447, nrf/Gallimard, 1994)
     
  16. Tout éclat vient de quelque reflet.
    (Carnets t.2, p.450, nrf/Gallimard, 1994)
     
  17. Notre vie est du vent tissé. Memento quia ventus est vita mea (dit Job, chap. 7, 1 ad. 8). Et ibid. : Dies mei velocius transierunt quam tela a texente succiditur.
    (Carnets t.2, p.456, nrf/Gallimard, 1994)
     
  18. Il est permis (ou plutôt il est inévitable) à tout le monde d'avoir son avis. Mais il n'est pas permis à tout le monde de se fier à l'avis qu'on a.
    (Carnets t.2, p.458, nrf/Gallimard, 1994)
     
  19. C'est le goût qui est le lien de l'âme et du corps. Mais sans l'imagination, point de goût. L'imagination est au bon goût ce que la simple mémoire est au jugement froid, au jugement proprement dit.
    (Carnets t.2, p.466, nrf/Gallimard, 1994)
     
  20. La malhomie, opposée à la bonhomie.
    (Carnets t.2, p.468, nrf/Gallimard, 1994)
     
  21. L'extrême subtilité peut se retrouver dans les idées, mais ne doit pas se trouver dans le raisonnement. Les idées font l'office de la lumière et participent à sa nature. Mais le raisonnement est un bâton et présente une espèce de tâtonnement où il doit se trouver quelque chose de très palpable.
    (Carnets t.2, p.472, nrf/Gallimard, 1994)
     
  22. Rentrez dans votre sphère, reposez vous dans votre centre, plongez-vous dans votre élément : bonne maxime à pratiquer et dont il faut se souvenir.
    (Carnets t.2, p.472, nrf/Gallimard, 1994)
     
  23. « Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire », parce qu'elles ne sont pas toutes de véritables vérités.
    (Carnets t.2, p.473, nrf/Gallimard, 1994)
     

  
Henning Mankell

  1. Vieillir, c'est être en proie à l'inquiétude. L'inquiétude envers tout ce qui vous faisait peur quand on était enfant revient quand on est vieux...
    (Meurtriers sans visage, trad. Philippe Bouquet, p.14, Policiers Bourgois, 1994)
     
  2. Chaque fois qu'il pénétrait dans un nouvel appartement, il avait l'impression d'avoir devant les yeux la couverture d'un livre dont il venait de faire l'acquisition. L'appartement lui-même, les meubles, les tableaux, les odeurs, tout cela constituait le titre. Maintenant, il allait se mettre à lire.
    (Meurtriers sans visage, trad. Philippe Bouquet, p.337, Policiers Bourgois, 1994)
     

Roger Nimier

  1. [...] cette forme durable de la fatigue qu'on appelle le mépris.
    (Histoire d'un amour, p.9, Folio n°233)
     
  2. [...] il fallait toujours laisser les bornes derrière soi - non pas pour mesurer le chemin parcouru, mais pour imaginer celui qu'on aurait pu suivre.
    (Histoire d'un amour, p.24, Folio n°233)
     
  3. « Qu'il est bavard », pensait-elle. Mais elle commençait à savoir, depuis qu'elle était libre, que les hommes se fabriquent eux-mêmes avec de la salive. Il faut donc les laisser faire, sinon ils meurent.
    (Histoire d'un amour, p.41, Folio n°233)
     
  4. [...] la lucidité est une passion aveugle.
    (Histoire d'un amour, p.154, Folio n°233)
     
  5. Seuls les faibles [...] redoutent le ridicule.
    (Histoire d'un amour, p.160, Folio n°233)