Citations ajoutées le 10 août 2002

  
Bertrand Russell

  1. Il existe deux types de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé ; le second est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée : il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner. Normalement, deux sortes de conseils sont donnés simultanément par deux groupes organisés : c'est ce qu'on appelle la politique. Il n'est pas nécessaire pour accomplir ce type de travail de posséder des connaissances dans le domaine où l'on dispense des conseils : ce qu'il faut par contre, c'est maîtriser l'art de persuader par la parole et par l'écrit, c'est-à-dire l'art de la publicité.
    (Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.11, Éditions Allia, 2002 )
     
  2. La notion de devoir, du point de vue historique s'entend, fut un moyen qu'ont employé les puissants pour amener les autres à consacrer leur vie aux intérêts de leurs maîtres plutôt qu'aux leurs.
    (Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.16, Éditions Allia, 2002 )
     
  3. [...] il est indispensable que l'éducation soit poussée beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la plupart des gens, et qu'elle vise en partie, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment. [...] Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail.
    (Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.33, Éditions Allia, 2002 )
     
  4. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l'aisance et de la sécurité, non d'une vie de galérien. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.
    (Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.38, Éditions Allia, 2002 )
     

Henry David Thoreau

  1. Il n'y a qu'un remède à l'amour : aimer davantage.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.24, Mercure de France, 2002 )
     
  2. Ni la contrainte, ni la sévérité, ne vous ouvriront l'accès de la vraie sagesse, mais bien l'abandon et une joie enfantine. Quoi que ce soit que vous vouliez apprendre, abordez-le avec gaieté.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.31, Mercure de France, 2002 )
     
  3. La vie d'un homme devrait être une marche solennelle au son d'une musique exquise, mais secrète. Quand elle semble aux autres désordonnée et discordante, c'est qu'il marche d'un rythme plus rapide ou que son oreille plus délicate l'entraîne en mille symphonies et variations. Pas de halte jamais, sinon à la fin de l'étape, ou bien une de ces pauses qui sont plus riches que tous les sons, quand la mélodie plonge à des profondeurs si étranges qu'elle n'est plus perceptible, plus qu'un simple abandon au seuil de l'être et de la vie. Ne jamais faire un pas à contretemps, même aux moments les plus difficiles, car c'est alors que la musique ne manquera pas d'accroître son volume et sa douceur, mesurant elle-même le mouvement qu'elle a inspiré.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.33, Mercure de France, 2002 )
     
  4. Il semble que nous ne faisons que languir dans l'âge mûr pour dire les rêves de notre enfance, et ils s'évanouissent de notre mémoire avant que nous ayons pu apprendre leur langage.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.41, Mercure de France, 2002 )
     
  5. Il y a deux sortes d'auteurs : les uns écrivent l'histoire de leur temps, les autres leur biographie.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.44, Mercure de France, 2002 )
     
  6. L'art qui ne fait que dorer les surfaces, qui n'exige qu'un poli superficiel sans essayer d'atteindre le coeur de la matière n'est que vernis et filigrane. Mais l'oeuvre du génie veut dès le début une taille rude, parce qu'elle anticipe la fuite du temps et qu'elle a un poli intérieur, qualité essentielle de sa substance, qui apparaît même quand elle se brise en morceaux. Sa beauté est sa force. Elle se fend lumineusement et se brise en cubes et en diamants. Comme le diamant, il lui suffit d'être taillée pour avoir du poli, et sa surface laisse voir ses splendeurs intérieures.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.45, Mercure de France, 2002 )
     
  7. La vraie politesse n'est que l'espérance et la confiance dans les hommes. Elle ne s'adresse pas à l'homme tombé ou qui va tomber, mais elle salue la génération qui s'élève. Elle ne flatte pas, elle félicite. Ses rayons de lumière nous parviennent avec une incidence telle, que tout individu dans la rue nous apparaît plus haut placé qu'il n'est réellement. C'est la civilité inhérente à la Nature.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.48, Mercure de France, 2002 )
     
  8. Nous ne saurions nous passer de nos péchés ; ils sont la grand-route de la vertu.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.48, Mercure de France, 2002 )
     
  9. L'homme qui n'est qu'intelligence, l'homme prosaïque, est une fleur stérile qui n'a que des étamines ; le poète est une fleur féconde et complète.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.71, Mercure de France, 2002 )
     
  10. Impossible d'écrire bien et sincèrement si on ne le fait pas dans la joie. Le corps, le sens doivent travailler avec l'esprit ; l'expression est l'acte du corps tout entier.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.75, Mercure de France, 2002 )
     
  11. Unissez-vous avec respect, et aussi profondément que vous le pouvez, à vos pensées les plus élevées. Chaque pensée accueillie et notée est comme l'oeuf dans un nid : d'autres seront déposées à côté. Les pensées jetées ensemble au hasard forment un cadre où d'autres choses seront notées et décrites. Peut-être est-ce là l'intérêt principal de l'habitude d'écrire, de tenir un journal ; nous nous souvenons de nos meilleures pensées et nous nous entraînons. Mes pensées forment ma société. Elles ont une individualité, une existence séparée, une personnalité. Si, par hasard, j'ai noté quelques pensées sans lien et que je les réunisse, elles m'ouvrent tout un nouveau champ, où il est possible de labourer et de réfléchir. La pensée engendre la pensée.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.89, Mercure de France, 2002 )
     
  12. Est-ce dans le bouquet que la fleur est plus belle, ou bien dans le pré où elle pousse, quand nous nous sommes mouillé les pieds pour aller la chercher ?
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.93, Mercure de France, 2002 )
     
  13. Quand j'entends les hommes et les femmes dire : « Autrefois je croyais en les hommes, je n'y crois plus à présent. », j'ai envie de leur objecter : « Qui êtes-vous, vous que le monde a déçus ? N'avez-vous pas plutôt déçu le monde ? La confiance a toujours les mêmes raisons d'être. Il ne vous faudrait qu'un peu d'amour, à vous qui vous plaignez, pour qu'elle prît racine. »
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.95, Mercure de France, 2002 )
     
  14. L'art de la vie, de la vie du poète, c'est d'être occupé sans avoir rien à faire.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.103, Mercure de France, 2002 )
     
  15. Dans l'amour nous donnons, chacun à chacun, sous la forme d'une pensée ou d'une ambiance très subtilement immatérielle, le meilleur de nous-mêmes, ce qui, d'habitude, se dissipe, s'évapore en aspirations, et nous nous enrichissons mutuellement. L'amoureux seul perçoit un certain parfum d'humanité et y demeure. Pour lui, l'humanité n'est pas seulement une fleur, mais un arôme, une saveur.
    (Journal, trad. R. Michaud et S. David, p.118, Mercure de France, 2002 )