Citations ajoutées le 16 décembre 2008

Edmond Thiaudière

  1. Le bon sens est pour chacun de nous le sens dans lequel il marche.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.75, Paul Ollendorff, 1886)
     
  2. Il faut posséder un esprit bien fort ou bien faible pour être toujours sûr d'avoir raison.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.75, Paul Ollendorff, 1886)
     
  3. La femme est née menteuse, et pour qu'elle ne mente pas toute sa vie, il faut qu'elle ait par hasard, un jour ou l'autre, le plus grand intérêt à dire la vérité. Et encore on en a vu mentir contre leur intérêt manifeste.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.75, Paul Ollendorff, 1886)
     
  4. Nous reconnaissons bien chez nous-mêmes nos infirmités physiques (et encore il y a des façons privilégiées de se voir soi-même), mais nos infirmités morales nous ne les reconnaissons que chez les autres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.75, Paul Ollendorff, 1886)
     
  5. L'humble supériorité cédera toujours le pas à l'infériorité présomptueuse.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.76, Paul Ollendorff, 1886)
     
  6. Nous montrer qu'on n'est point engoué de nous comme nous le sommes nous-mêmes, c'est nous offenser.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.76, Paul Ollendorff, 1886)
     
  7. Quel abîme entre les gens pour lesquels tout ce qui existe est vanité et ceux pour lesquels n'existe justement que ce qui est vanité !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.76, Paul Ollendorff, 1886)
     
  8. Nous avons souvent bien de l'antipathie pour ceux que nous aimons et un fond de mépris pour ceux à qui nous accordons notre estime.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.76, Paul Ollendorff, 1886)
     
  9. Sont bien peu raisonnables ceux qui ne cherchent pas avant tout dans le mariage à s'étayer mutuellement contre les chocs de la Nature ou de la Société. Mais quelle horrible chose, quand par la mort de l'un ou de l'autre des deux époux, le coeur de celui qui survit vient tout à coup à s'écrouler !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.76, Paul Ollendorff, 1886)
     
  10. Il n'est pas mauvais que notre amour-propre tombe à plat de temps à autre, pourvu qu'il ait la force de se relever.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.77, Paul Ollendorff, 1886)
     
  11. La plus vile des prostituées est un ange de candeur auprès de l'indigne épouse qui trahit avec préméditation la confiance d'un honnête homme.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.77, Paul Ollendorff, 1886)
     
  12. Chez beaucoup de femmes, le coeur est aussi tortueux que l'estomac.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.77, Paul Ollendorff, 1886)
     
  13. Il y a plus de fiction qu'on ne croit dans les questions de conscience. Leur solution dépend pour chacun de nous de sa façon particulière d'envisager les choses humaines.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.77, Paul Ollendorff, 1886)
     
  14. Les assassinats, ces meurtres individuels, les exécutions, ces meurtres sociaux, les guerres, ces meurtres internationaux ne seraient-ils pas pour l'Humanité une sorte d'expiation d'ailleurs insuffisante du massacre qu'elle fait de tant d'animaux innocents ? Oui, il semble que l'Humanité venge sur elle-même les pauvres bêtes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.78, Paul Ollendorff, 1886)
     
  15. On se doit à soi-même d'être loyal, même envers un animal, et c'est manquer de loyauté à son égard que d'exciter en lui des convoitises qu'on ne satisfait pas.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.78, Paul Ollendorff, 1886)
     
  16. Les hommes sont incontestablement les premiers dans la série des bêtes, mais ceux qui se targuent de n'être pas des bêtes le sont par là même doublement.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.78, Paul Ollendorff, 1886)
     
  17. Le chien est un petit moulin à tendresse presque toujours en activité.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.78, Paul Ollendorff, 1886)
     
  18. Deux espèces de bêtes dans le monde : les bonnes bêtes, qui sont les animaux, et les mauvaises bêtes, qui sont les hommes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.79, Paul Ollendorff, 1886)
     
  19. L'ineffable bonté du chien, empoisonnée tout à coup par l'irrésistible férocité de la rage, est l'exemple le plus frappant de cette loi de Nature qui extrait sans cesse le mal du bien.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.79, Paul Ollendorff, 1886)
     
  20. La plus grande souffrance, parmi toutes celles qu'éprouvent les animaux domestiques, est peut-être la souffrance toute morale de se voir généralement si mal compris par nous, — eux qui nous comprennent si bien !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.79, Paul Ollendorff, 1886)
     
  21. Il y a certainement de la sensibilité, et plus qu'on ne croit, dans les minéraux eux-mêmes. Aussi, loin d'être une locution erronée, c'en est une qui dérive d'un instinct supérieur que celle-ci : « Être malheureux comme les pierres. »
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.79, Paul Ollendorff, 1886)
     
  22. Il faut de bonne heure apprendre aux enfants à faire le bien par amour-propre et à ne point faire le mal par respect d'eux-mêmes. Ce sont là des mobiles contre lesquels rien ne prévaudra.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.80, Paul Ollendorff, 1886)
     
  23. Il n'y a de vertu solide que celle qui, fondée sur l'inclination, a été bâtie par le jugement.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.80, Paul Ollendorff, 1886)
     
  24. Qui sait si la conquête de l'idéal, cette suprême félicité qui échappe toujours à l'homme, n'est pas le partage d'êtres en apparence très inférieurs à lui, par exemple de simples insectes ? C'est ce que je me disais en voyant un bourdon fixé sur une fleur de dahlia et semblant dans une immobilité voluptueuse aspirer cette fleur par tous ses pores.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.80, Paul Ollendorff, 1886)
     
  25. La bêtise de la femme est parfois d'une ardeur et d'une intrépidité surprenante, et la bêtise de l'homme n'est pas toujours capable de la tenir en échec.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.80, Paul Ollendorff, 1886)
     
  26. Est-il possible que la conscience ne soit qu'une maladie de l'esprit comme la perle est une maladie de l'huître ? Hélas ! oui, c'est possible, mais, Dieu merci ! ce n'est pas certain.
    Même en admettant que ce soit autre chose, ce n'est peut-être qu'un des principes statiques de la société, lettre morte pour l'homme demeuré à l'état de nature.
    Son existence, si accentuée qu'elle soit chez un individu déterminé, résultant d'une sorte d'atavisme social, ne saurait donc rien prouver en faveur de l'immortalité de l'âme.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.81, Paul Ollendorff, 1886)
     
  27. Tout homme, — même le plus humble, — peut être un Dieu pour son chien ; — même le plus incrédule, — faire un Dieu de son chien. C'est là de quoi contenter après tout l'ambition et la foi, quand on prend la vie pour ce qu'elle est, — un rien bientôt suivi d'un plus grand rien.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.81, Paul Ollendorff, 1886)
     
  28. La sagesse humaine a pour principe la prévision et pour fin la vision du rapport exact qu'ont les choses entre elles.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.82, Paul Ollendorff, 1886)
     
  29. Petits rouages sensibles et transitoires de l'impassible Éternel : tels sont les hommes !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.82, Paul Ollendorff, 1886)
     
  30. Qui nous délivrera de la race stupide et éhontée des affirmateurs ?... et de celle non moins stupide et non moins éhontée des négateurs ? Il n'est permis que de douter.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.82, Paul Ollendorff, 1886)
     
  31. La prévision du malheur est tellement vive chez certains esprits qu'ils en sentent le coup longtemps avant de l'avoir reçu et même alors qu'ils ne doivent point le recevoir. Je connais quelqu'un à qui il arrive presque journellement, quand il traverse un entre-croisement de voitures avec toute la précaution désirable, de se figurer qu'il est renversé par l'une d'elles et d'avoir la sensation que son crâne se brise sur le pavé.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.82, Paul Ollendorff, 1886)
     
  32. Le plus souvent nous ne voyons qu'un côté des gens et des choses que nous jugeons et encore le voyons-nous mal.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.83, Paul Ollendorff, 1886)
     
  33. On n'acquiert aucun avantage sans en perdre quelque autre.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.83, Paul Ollendorff, 1886)
     
  34. Un esprit n'est supérieur que par son élévation, sa profondeur ou son étendue.
    Un esprit élevé est la caractéristique du poète; profond, celle du philosophe ; étendu, celle du savant.
    Il y a, en outre, l'esprit abondant qui joue tantôt l'élévation, tantôt la profondeur, tantôt l'étendue, et qui est la caractéristique de l'orateur !

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.83, Paul Ollendorff, 1886)
     
  35. Dans le coeur de l'homme qui a souffert de la vie, non seulement pour son compte, mais aussi pour le compte des autres, il y a toujours comme au-dessus d'une ruine, où clame le hibou, un clair de lune emmailloté de nuages ; jamais par un plein soleil le chant de la cigale à travers les oliviers.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.84, Paul Ollendorff, 1886)
     
  36. Un moment solennel et terrible pour nous, c'est celui où paraît dans notre ciel déconstellé l'aurore grise de la vieillesse.
    Nous avons alors trop de passé pour espérer encore en l'avenir, et si la vie déjà parcourue nous a été mauvaise, tout nous indique comme devant être pire celle qu'il nous reste à parcourir.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.84, Paul Ollendorff, 1886)
     
  37. Qui est-ce qui n'a pas au moins une plaie au coeur ?
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.84, Paul Ollendorff, 1886)
     
  38. Il y a des genres de supériorités de second et même de troisième ordre. À les dédaigner on y est encore infiniment supérieur, quoiqu'on paraisse au-dessous à beaucoup de gens superficiels.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.85, Paul Ollendorff, 1886)
     
  39. Les qualités par lesquelles les hommes s'assurent la domination sur leurs semblables sont généralement de mauvaises qualités.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.85, Paul Ollendorff, 1886)
     
  40. Pour qui vise, même désespérément à l'Éternel, tout avantagé temporaire n'est rien. Le succès, peuh !... La gloire, à la bonne heure. Et si l'on est impuissant à la conquérir, l'ombre, le silence, la mort sans traces.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.85, Paul Ollendorff, 1886)
     
  41. Ah ! quand nous contemplons tant de pauvres êtres, dénués de tout ce dont nous jouissons et aux prises avec les plus impérieuses nécessités de la vie, honte à notre coeur s'il ne se vide pas de ses peines chimériques pour se remplir des leurs qui sont trop réelles.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.85, Paul Ollendorff, 1886)
     
  42. À force d'être écoeuré on en peut arriver à ne plus sentir son écoeurement.
    C'est là un petit nirvana avant la lettre.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.86, Paul Ollendorff, 1886)
     
  43. Une considération qui doit nous rendre indulgents, c'est que nous ne sommes jamais sûrs de ne pas commettre nous-mêmes, demain, les fautes que nous serions tentés aujourd'hui de reprocher le plus vivement aux autres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.86, Paul Ollendorff, 1886)
     
  44. L'homme est si différent de lui-même, selon les rencontres de la vie, qu'il est extrêmement difficile de juger de sa valeur intrinsèque.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.86, Paul Ollendorff, 1886)
     
  45. Il se peut que de méchantes gens aient parfois une bonté calculée, et de très bonnes gens une inconsciente méchanceté.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.86, Paul Ollendorff, 1886)
     
  46. Nous avons tous une tendance bien comique à nous croire très supérieurs à des gens auxquels nous sommes parfaitement inférieurs.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.87, Paul Ollendorff, 1886)
     
  47. Les esprits inférieurs se croyant naturellement supérieurs, il arrive que, grâce à un certain mirage de la vanité, ce qui est au-dessus d'eux leur fait l'effet d'être au-dessous.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.33, Paul Ollendorff, 1886)
     
  48. C'est une mode de trop estimer les femmes ou de trop les déprécier. Il en est d'elles comme des hommes. Les unes ont des vices et les autres des vertus, et parfois les mêmes ont plus ou moins tous les vices et toutes les vertus compatibles.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.87, Paul Ollendorff, 1886)
     
  49. Avec de la grâce on décuple l'autorité qu'on peut avoir. Ceux qui veulent imposer leur maîtrise devraient donc tout faire pour paraître gracieux, loin d'affecter sottement, comme certains, de ne l'être pas.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.87, Paul Ollendorff, 1886)
     
  50. Gardons-nous bien d'être majestueux, de peur de trop ressembler à l'oie qui est indubitablement la bête la plus majestueuse de la création.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.33, Paul Ollendorff, 1886)
     
  51. Rien de ce qu'on n'obtient pas ne vaut d'avoir été convoité.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.88, Paul Ollendorff, 1886)
     
  52. Il faut parfois du courage pour résister à la force des hommes, mais toujours de la sottise pour résister à la force des choses.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.88, Paul Ollendorff, 1886)
     
  53. Elle est digne de hanter le joli corps d'un oiseau de paradis l'âme de l'homme qui fraternise avec les bêtes ; mais celle de l'homme qui les méprise et les opprime est faite tout au plus pour le corps ignoble du cochon.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.88, Paul Ollendorff, 1886)
     
  54. Un fanatique, quel que soit l'objet de son fanatisme, ne peut être qu'un gredin ou un sot, à moins qu'il ne soit les deux ensemble.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.88, Paul Ollendorff, 1886)
     
  55. Quelle grossière ou inepte insensibilité chez quiconque ne daigne point prêter l'âme à l'adorable symphonie de tendresse que joue spontanément le coeur du chien !
    Quelle barbarie de la faire brutalement cesser !

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.89, Paul Ollendorff, 1886)
     
  56. Aux gens qui n'aiment pas les chiens, il est possible que le bon sens ne manque pas, mais il leur manque davantage... Il leur manque le meilleur sens !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.89, Paul Ollendorff, 1886)
     
  57. Presque toujours notre morale se moule sur notre tempérament.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.89, Paul Ollendorff, 1886)
     
  58. Une réflexion cruellement démoralisante, mais que peu de gens ont par bonheur la perspicacité de faire, c'est qu'il doit entrer bien du préjugé dans nos scrupules comme dans nos tranquillités de conscience.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.89, Paul Ollendorff, 1886)
     
  59. Les imbéciles ont une force : c'est leur confiance imperturbable en eux-mêmes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.90, Paul Ollendorff, 1886)
     
  60. La plupart des hommes approprient leur moi à leur intérêt, au lieu d'accommoder leur intérêt à leur moi.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.90, Paul Ollendorff, 1886)
     
  61. Si par la force de la pensée on s'élève au- dessus de l'Humanité, il n'est plus rien qui ne semble fou dans les actions humaines.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.90, Paul Ollendorff, 1886)
     
  62. C'est assurément fort joli quand nous pouvons supporter certains êtres dont la destinée est jointe à la nôtre et que le devoir nous rend chers malgré tout, mais pour lesquels nous n'avons, à proprement parler, ni amour, ni amitié, ni sympathie, même lointaine.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.90, Paul Ollendorff, 1886)
     
  63. Selon que la passion est allumée ou éteinte en nous, nous voyons ou nous ne voyons pas le devoir, mais le plus curieux, c'est que nous ne le voyons pas quand elle y est allumée, et que nous le voyons quand elle y est éteinte.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.90, Paul Ollendorff, 1886)
     
  64. Combien de gens n'ont d'autre critérium du juste et de l'injuste que leur intérêt propre, ou celui de leur famille, ou celui de leur parti, ou celui de leur pays !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.91, Paul Ollendorff, 1886)
     
  65. On peut encore être vertueux par esthétique, voire même par dandysme, quand on ne trouverait pas en soi d'autres motifs de l'être.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.91, Paul Ollendorff, 1886)
     
  66. Ceux qui ne voient que les contours plus ou moins agréables des choses (et c'est la grande majorité) n'en peuvent penser comme ceux qui en voient le cruel dedans.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.91, Paul Ollendorff, 1886)
     
  67. Le chant de l'oiseau, le parfum de la fleur, la noblesse de l'âme : autant de gaietés de la Nature, mais ni chant, ni parfum, ni noblesse n'empêchent l'oiseau, la fleur et l'âme de périr.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.91, Paul Ollendorff, 1886)
     
  68. L'expression populaire « rendre l'âme, » ou encore « rendre son âme à Dieu », employée pour dire qu'on meurt, est d'une justesse qui doit échapper aux immortalistes, sur les lèvres desquels elle se trouve d'habitude, puisqu'elle dément tout à fait leur doctrine.
    Oui, nous rendons, en mourant, notre âme à l'Être universel qu'on a nommé Dieu, et confondue dès lors en sa substance, elle ne se réindividualisera plus jamais.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.92, Paul Ollendorff, 1886)
     
  69. Même en admettant que notre vie actuelle, la première dont nous ayons conscience, ne soit pas la dernière que nous devions mener, mais qu'il nous soit possible de prétendre à une série d'existences, il serait téméraire d'affirmer que la justice déterminera plus dans une vie future que dans la présente le rôle de chacun de nous.
    La meilleure part continuerait peut-être d'appartenir aux habiles et aux forts, c'est-à- dire aux puissants coquins. Quant à ces coquins qui ont manqué de force ou d'habileté et dont le fiasco en cette vie a eu quelque retentissement, par exemple, Lapommerais ou Troppmann, il ne serait pas impossible qu'ils ne réussissent beaucoup mieux dans une autre vie en perfectionnant leur manière.
    C'est pourquoi, sans doute, les braves gens qui, au point de vue du coeur, valent mille fois mieux que leur destinée, feront sagement de ne pas trop souhaiter une autre vie, où ils pourraient être encore et toujours victimes.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.92, Paul Ollendorff, 1886)
     
  70. Démocrite peut rire à la surface, tandis qu'il pleure au fond, tout comme Héraclite. Il y a là une attitude. Quant à l'homme foncièrement gai parmi tous les fléaux que déchaîne la Nature et les dégoûts que donne la Société, on peut être certain que, si c'est un grand coeur, c'est un petit esprit, et que, si c'est un grand esprit, c'est un petit coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.93, Paul Ollendorff, 1886)
     
  71. Quand on persiste dans la voie de considérer le néant des choses humaines, d'étape en étape on n'attache plus de prix le lendemain à ce à quoi l'on en attachait encore la veille, et l'on finit par n'en plus attacher à rien du tout.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.94, Paul Ollendorff, 1886)
     
  72. De toutes les choses humaines, si délicatement qu'on les perce, pour peu qu'on les perce, il ne reste qu'un trou.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.94, Paul Ollendorff, 1886)
     
  73. Ô pauvre genre humain ! Amas d'ombres vaines, presque aussitôt disparues qu'apparues, les unes cruelles, les autres souffrantes, mais toutes plus ou moins sottes !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.94, Paul Ollendorff, 1886)
     
  74. J'ai regardé la Société de face et de profil ; j'ai essayé de la prendre tantôt par ses idées, tantôt par ses sentiments. D'une manière comme de l'autre, elle m'a toujours fait l'effet d'une méchante doublée d'une sotte.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.97, Paul Ollendorff, 1886)
     
  75. Rester dans sa sphère, sortir de sa sphère : expressions françaises qui étonneraient et détonneraient aux États-Unis d'Amérique.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.97, Paul Ollendorff, 1886)
     
  76. Il est vraiment cruel, pour une nature délicate, de constater que l'intuition de la vérité, le sentiment de la justice, l'aspiration au progrès marchent presque toujours avec ce qu'on est convenu et ce qu'on a parfois raison d'appeler la canaille, tandis que l'erreur, l'iniquité, l'acharnement à la routine sont d'ordinaire du côté des gens qui se disent comme il faut.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.98, Paul Ollendorff, 1886)
     
  77. Il ne s'agit pas de savoir s'il n'est pas plus noble de pratiquer la vertu par devoir que par intérêt. Il s'agit de savoir si l'on n'est pas plus aisément maître des mauvaises passions humaines, en démontrant aux hommes qu'ils ont intérêt à pratiquer la vertu.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.98, Paul Ollendorff, 1886)
     
  78. Tout ce qui est vraiment nouveau a sa raison d'être.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.98, Paul Ollendorff, 1886)
     
  79. Le monde des honnêtes gens a parfois de singulières façons d'entendre l'honnêteté.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.98, Paul Ollendorff, 1886)
     
  80. À y regarder de près, il n'y a souvent pires coquins que les honnêtes gens.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.99, Paul Ollendorff, 1886)
     
  81. Quiconque veut se frayer son chemin dans une grande ville, doit commencer par s'armer le coeur en guerre.
    Il lui faut, au moral, une sape, un coutelas, un revolver et une carabine, comme à celui qui cherche à pénétrer dans les jungles de l'Inde.
    Il lui faut une collection d'armes qu'on pourrait désigner sous les noms d'impudence, de rouerie, de duplicité et d'égoïsme implacable. Il n'a affaire, il est vrai, ni à des branches d'arbres enchevêtrées, ni à des bêtes fauves, altérées de sang, mais il a affaire à des intérêts ligués contre lui et à des coeurs féroces.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.99, Paul Ollendorff, 1886)
     
  82. L'intérêt qu'on nous témoigne seulement en paroles est fait pour nous donner une amère gaieté, car, si parmi ceux qui s'informent de nos affaires, nous mettons de côté les curieux, lesquels n'ont d'autre dessein que de nous pénétrer, les bavards auxquels il faut un prétexte à nous parler (et quel prétexte meilleur, suivant eux, que de nous parler de nous), les gens polis qui s'acquittent des prestations de société, que reste-t-il ? — Les gens qui nous aiment véritablement. — Véritablement ? — Oui. — C'est entendu, il ne reste rien du tout.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.99, Paul Ollendorff, 1886)
     
  83. La sportsmanie est assurément l'une des manies les plus honteuses de notre époque. De tout le monde qu'elle réunit, il n'y a que les chevaux qui aient du coeur, mais ils manquent à la vérité d'esprit, car, s'ils en avaient, leur premier soin serait de désarçonner leurs cavaliers, et leur second de détacher des ruades meurtrières aux brutes humaines qui les entourent et les excitent à qui se crèvera le plus tôt les poumons.
    Tout le reste est un composé de vaniteux, — ceux qui font courir ; d'escrocs, — ceux qui font parier, et d'imbéciles, — ceux qui font nombre.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.100, Paul Ollendorff, 1886)
     
  84. Peut-être tout va-t-il bien, comme il va dans le monde, sauf pourtant notre esprit à nous les pessimistes qui trouvons que tout y va mal.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.101, Paul Ollendorff, 1886)
     
  85. Il y a souvent plus d'esprit à paraître dupe qu'à montrer qu'on ne l'est pas.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.101, Paul Ollendorff, 1886)
     
  86. Jusqu'à l'état de cadavres les pauvres travaillent pour les riches ; ce sont les cadavres des pauvres qui font pousser les fleurs cultivées à l'entour de la tombe des riches.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.101, Paul Ollendorff, 1886)
     
  87. Si le Christ revenait sur la terre sous un nom d'emprunt, peut-être ne serait-il pas crucifié par ceux de sa religion, mais à coup sûr il serait excommunié par le pape, et les évoques feraient des mandements contre lui, et les moindres curés le lapideraient de leurs sermons.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.101, Paul Ollendorff, 1886)
     
  88. Le sentiment que doivent nous inspirer les hommes, c'est une sorte de mépris bienveillant.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.102, Paul Ollendorff, 1886)
     
  89. Quand nous n'avons plus assez d'avenir pour espérer de réaliser les grandes ambitions de notre jeunesse, il est pratique de nous en faire qui soient à notre portée... Mais c'est déchoir.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.102, Paul Ollendorff, 1886)
     
  90. Le spectacle de la Société donne par moments de tels haut-le-coeur à celui qui peut y assister froidement que, sentant sa tête tourner, il détourne ses regards, malgré la curiosité pourtant très intense qu'il aurait de continuer à voir.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.102, Paul Ollendorff, 1886)
     
  91. Il n'y a guère en ce monde que des croquants qui se divisent en deux catégories : les croqueurs et les croqués.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.102, Paul Ollendorff, 1886)
     
  92. Tout advient, survient ou revient, mais rien ne convient.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.102, Paul Ollendorff, 1886)
     
  93. Vous n'avez qu'une chance d'inspirer de la délicatesse à l'être le plus grossier; c'est d'user de délicatesse envers lui.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.103, Paul Ollendorff, 1886)
     
  94. Il y a deux classes absolument tranchées de sceptiques.
    Il y a les sceptiques qui ne croient à rien, pas même à leur intérêt qu'ils ne sauraient d'ailleurs où prendre ; et il y a les sceptiques qui ne croient à rien autre qu'à leur intérêt qu'ils prennent partout où il leur paraît de bonne prise. Les premiers sont inoffensifs, les seconds très dangereux pour la Société ; les uns sont les seules victimes de leur scepticisme, les autres emploient le leur à faire des victimes.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.103, Paul Ollendorff, 1886)
     
  95. On peut tenir pour certain que plus un homme a l'air suffisant, plus il est insuffisant.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.103, Paul Ollendorff, 1886)
     
  96. Les gens qui n'ont aucune noblesse dans les sentiments, aucune générosité dans les actions et qui constituent, hélas ! le gros de la classe moyenne, dite bourgeoise, pour transformer à leurs propres yeux en supériorité une infériorité dont ils ont sourdement conscience, imputent toujours à folie, souvent à inconvenance et quelquefois même à honte, tout ce que les magnanimes proclament et font dépassant le niveau très bas de leur misérable coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.103, Paul Ollendorff, 1886)
     
  97. Tous les jours la Société punit des crimes dont elle est plus coupable elle-même que les individus qui les ont commis.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.104, Paul Ollendorff, 1886)
     
  98. Quand la morale ne serait autre chose (ce qui est, ma foi ! bien possible) qu'un expédient humain destiné à assurer le bon ordre dans les relations de l'homme avec son semblable, elle ne s'imposerait pas moins que si elle était, comme on l'a soutenu un peu trop affirmativement, d'essence divine.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.104, Paul Ollendorff, 1886)
     
  99. II y a des gens, le plus souvent d'un beau type, qui tiennent de la Nature quelque chose d'insolent dans les traits du visage.
    Ils ne pourraient atténuer ce quelque chose-là que par une bonne grâce excessive vis-à-vis d'autrui, mais ils ne font d'ordinaire que l'aggraver par un excès de mauvaise grâce envers tout le monde.
    À la fatuité congénitale, dont leur personne est empreinte, et qui est le fait de deux ou trois générations de fats, ils ajoutent une fatuité morale d'acquisition propre et qui achève de les rendre insupportables.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.105, Paul Ollendorff, 1886)
     
  100. Le monde est aux cabotins, et il y a des cabotins dans tous les ordres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.105, Paul Ollendorff, 1886)
     
  101. Pour réussir dans ce monde, il est urgent d'être un peu cabotin, mais on y réussit d'autant mieux qu'on est quelque autre chose par-dessous.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.105, Paul Ollendorff, 1886)
     
  102. Un sage poète de l'antiquité a dit : « Il ne faut s'étonner de rien. » À plus forte raison ne faut-il s'irriter de rien, à moins d'avoir une de ces colères efficaces qui culbutent ce qui les a provoquées.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.106, Paul Ollendorff, 1886)
     
  103. On ne fait pas toujours le bien par amour du bien, ni le mal par amour du mal, mais on fait souvent l'un et l'autre par amour-propre.
    Oui, quelque étrange que cela paraisse, certaines gens mettent leur amour-propre à faire le mal, comme d'autres à faire le bien.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.106, Paul Ollendorff, 1886)
     
  104. La Société est une grosse bête : elle ne croit qu'en ceux-là qui la trompent.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.106, Paul Ollendorff, 1886)
     
  105. Plus on réalisera l'égalité matérielle entre les hommes, plus éclatera la supériorité morale absolument incompressible des uns sur les autres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.106, Paul Ollendorff, 1886)
     
  106. La morale n'est que le règlement des bonnes moeurs dans un pays et dans un temps déterminés, pas autre chose. Mais, comme ce règlement varie peu d'un siècle à l'autre, comme il est à peu près le même pour tous les pays également civilisés, on dit qu'il est universel et on le croit préétabli.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.107, Paul Ollendorff, 1886)
     
  107. Étant donnée la malice de la Société contre laquelle se heurtent les mieux intentionnés, on peut avoir chance de faire plus impunément le mal que le bien.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.107, Paul Ollendorff, 1886)
     
  108. La vie sociale est tout artificielle. Ce ne sont que grandes et petites singeries qui, à l'homme ayant gardé le sens de la Nature, répugnent d'autant plus au fond qu'il doit s'y complaire en apparence.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.107, Paul Ollendorff, 1886)
     
  109. Deux sortes de gens vont dans ce ramassis de mijaurés qu'on appelle : « le monde », et qui n'est que le monde des salons.
    Ceux qui l'aiment : des pleutres.
    Ceux qui le haïssent : des fourbes.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.107, Paul Ollendorff, 1886)
     
  110. Conspué de quatre côtés à la fois : du côté des nobles, qui lui reprochent sa roture ; du côté des militaires qui lui reprochent sa pékinerie ; du côté des artistes, qui lui reprochent son manque d'esthétique, et enfin du côté des ouvriers, qui lui reprochent son épargne, le bourgeois, l'odieux bourgeois n'en fait pas moins assez bonne figure dans le monde.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.108, Paul Ollendorff, 1886)
     
  111. L'extrême dignité du caractère est utile aux riches, nuisible aux gens de fortune médiocre, et mortelle aux pauvres.
    Elle empêche les premiers de déchoir, les seconds de réussir, et les troisièmes de vivre.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.108, Paul Ollendorff, 1886)
     
  112. Il y a deux espèces de sots : les sots offensifs, qui prétendent nous imposer leur soi-disant supériorité, et les sots inoffensifs, qui n'ont point la bosse de la domination.
    Dieu nous garde des premiers !

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.108, Paul Ollendorff, 1886)
     
  113. Il n'est pas rare de voir deux anciens amis se traiter mutuellement de canaille, mais il est rare qu'ils n'aient pas raison tous les deux.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.109, Paul Ollendorff, 1886)
     
  114. Tandis que les intrigants se hissent aux faveurs par une humiliante gymnastique, les coeurs fiers, si elles ne montent pas d'elles-mêmes jusqu'à eux, ne descendent jamais jusqu'à elles.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.109, Paul Ollendorff, 1886)
     
  115. L'ignominie du dévot est à celle du cynique comme l'empoisonnement à l'assassinat.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.109, Paul Ollendorff, 1886)
     
  116. Nous ne devons à la Société qu'un respect apparent, mais il nous faut accorder un respect réel à la Nature. C'est pourquoi, dans toutes les questions de moeurs, nous ferons bien de nous garder de confondre avec des conventions sociales les prescriptions naturelles, et, par exemple, avec le décorum qu'exige seulement la Société, la sincérité d'âme que commande la Nature.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.109, Paul Ollendorff, 1886)
     
  117. Les simagrées sont les seuls étals de la Société. Qu'on les enlève, elle croulera.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.110, Paul Ollendorff, 1886)
     
  118. Si l'on se confie on est déçu après ; si l'on se défie, on l'est auparavant. Telle est la différence ; quant à l'analogie, c'est qu'on est malheureux d'une manière comme de l'autre.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.110, Paul Ollendorff, 1886)
     
  119. Le banquisme et le banquiérisme sont les deux pôles de la Société moderne.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.110, Paul Ollendorff, 1886)
     
  120. Il y a plaisir à voir tomber victimes de leur vilenie les gens qui n'ont point de conscience, mais c'est un plaisir trop rare.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.110, Paul Ollendorff, 1886)
     
  121. Il est sans doute besoin de certaines qualités pour réussir en ce monde, mais il est encore plus besoin de défauts.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.111, Paul Ollendorff, 1886)
     
  122. Les gens dont l'opinion s'est engouée peuvent être impunément grossiers, — ils ont tant de politesse ; nuls, — ils ont tant de capacité ; débauchés, — ils ont tant de vertu ; — vulgaires, — ils ont tant de distinction ; sots. — ils ont tant d'esprit.
    Quant aux autres, à ceux que l'opinion ignore ou méconnaît, je leur conseille de bien se tenir, car, encore qu'ils soient polis, capables, vertueux, distingués ou spirituels, il n'y paraît pour personne ou presque personne.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.111, Paul Ollendorff, 1886)
     
  123. La délicatesse et la fierté, deux qualités natives ou éducationnelles de premier ordre, si appréciées dans les milieux supérieurs, où les déclassés seraient aptes à se mouvoir, leur nuiront toujours comme des défauts dans les milieux inférieurs auxquels la mauvaise fortune les condamne.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.111, Paul Ollendorff, 1886)
     
  124. Ce qu'il y a de désespérant dans notre lutte contre le monde, ce n'est pas tant d'être vaincus (il fallait nous y attendre), c'est de douter si nous avons eu raison de la soutenir, si notre prétendu orgueil valait mieux que sa vanité, à lui.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.112, Paul Ollendorff, 1886)
     
  125. Quelques peaux-blanches (et non des moins blanches) ont le sort des pauvres peaux-rouges. Leur coeur simple et droit succombe sous le poids grossissant d'une civilisation féroce où les naïfs seront toujours assujettis aux roués.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.112, Paul Ollendorff, 1886)
     
  126. Tout le bien ou tout le mal des relations sociales vient de la générosité ou de l'absence de générosité dans le caractère.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.112, Paul Ollendorff, 1886)
     
  127. S'apercevoir qu'on est dans l'opinion des autres fort au-dessous de ce qu'on est dans la sienne, voilà tout ce qu'il y a au monde de plus fréquent et de plus cruel.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.113, Paul Ollendorff, 1886)
     
  128. C'est une chose aussi triste que bizarre qu'il faille pour se faire mieux voir des gens leur jeter de là poudre aux yeux.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.113, Paul Ollendorff, 1886)
     
  129. Est-ce bêtise ? Est-ce pis encore ? Notre société parle tant du vice qu'elle le met à la mode. Si l'on s'occupait pour le demi-quart de la vertu, qui sait ? peut-être la ferait-on prendre.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.113, Paul Ollendorff, 1886)
     
  130. On ne saurait évaluer la perte sèche que cause à la fortune publique le manque de probité dans les relations sociales.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.113, Paul Ollendorff, 1886)
     
  131. Il est presque impossible d'avancer dans le monde si l'on a l'esprit large et le coeur droit, par la bonne raison que toutes les avenues du succès sont étroites et tortueuses.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.113, Paul Ollendorff, 1886)
     
  132. L'homme d'action a des oeillères naturelles qui l'obligent à ne regarder que devant lui, et c'est bien pourquoi il va l'amble ou le trot ou même le galop dans la vie.
    L'homme de pensée, n'ayant au contraire la vue gênée par rien, la porte tout autour de soi, aux quatre points de l'horizon et, comme il ne connaît pas de motif de se diriger par ici plutôt que par là, il reste immobile à méditer sur le néant de toutes choses.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.114, Paul Ollendorff, 1886)
     
  133. De tous les griefs que nous avons contre le monde, le moins légitime, mais le plus grave assurément, le seul impardonnable et toujours inavoué, c'est que nous y tenons beaucoup moins de place que nous ne le voudrions.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.114, Paul Ollendorff, 1886)
     
  134. C'est la lumière artificielle des conventions sociales qui éclaire les actions humaines au regard du vulgaire, et les fait souvent paraître bonnes quand elles sont mauvaises et mauvaises quand elles sont bonnes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.114, Paul Ollendorff, 1886)
     
  135. La célébrité est la chose la plus relative du monde, et des hommes même très célèbres doivent bien se dire qu'ils sont encore plus ignorés que connus.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.115, Paul Ollendorff, 1886)
     
  136. Les abus dont nous profitons nous paraissent d'excellents us.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.115, Paul Ollendorff, 1886)
     
  137. Les gens qui arrivent sont ceux qui doutent toujours des autres, jamais d'eux-mêmes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.115, Paul Ollendorff, 1886)
     
  138. Il n'est pas impossible de trouver des malheureux qui se sont déshonorés en faisant des choses qui devraient être applaudies et de trop fortunés qui ont trouvé moyen de conserver leur prétendu honneur et même de l'accroître au moyen de choses dignes d'être flétries.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.115, Paul Ollendorff, 1886)
     
  139. La Société ne demande qu'une chose, c'est qu'on sauve les apparences de l'honneur, dût-on en perdre les réalités qui, selon le temps et le lieu, varient pour elle-même.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.116, Paul Ollendorff, 1886)
     
  140. Ce qui était la médiocrité dorée, il y a un demi-siècle, n'est plus aujourd'hui que l'infirmité mal étamée.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.116, Paul Ollendorff, 1886)
     
  141. Il n'y a qu'un bonheur qu'il dépende exclusivement de nous d'avoir et de ne perdre qu'avec la vie, c'est celui qui résulte de la pratique obstinée du bien parmi tous les maux qui cernent notre coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.116, Paul Ollendorff, 1886)
     
  142. Quand on n'a point d'esprit ou point de coeur, il n'est pas encore certain qu'on soit heureux dans ce monde, mais cela du moins n'est pas impossible.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.116, Paul Ollendorff, 1886)
     
  143. L'antinomie est presque complète entre ce qui est social et ce qui est naturel, et si l'on veut bénéficier des prérogatives qu'on tient de la Société, il faut renoncer à celles que donne la Nature.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.117, Paul Ollendorff, 1886)
     
  144. C'est un grand art et très rare que celui de mettre en valeur la capacité d'un subordonné. Il y faut autant de coeur que d'esprit.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.117, Paul Ollendorff, 1886)
     
  145. On ne saurait évaluer ce que perd la Société à négliger des forces pour employer des faiblesses, à fouler de ses pieds bêtes des philosophes qui régleraient supérieurement sa marche, pour se laisser conduire par des aventuriers n'ayant le plus souvent ni tête, ni coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.117, Paul Ollendorff, 1886)
     
  146. C'est un peu le hasard de la vie qui classe les hommes, et de quelque manière que s'y prenne la Société, elle ne pourra faire que chacun soit à la place qu'il mérite.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.118, Paul Ollendorff, 1886)
     
  147. Le peuple dans sa masse est optimiste par ignorance, heureusement pour lui, et ceux qui le dirigent le sont par instinct de domination. Ils sont optimistes aussi les pauvres boeufs et les toucheurs qui les mènent à l'abattoir ! Mais pour les toucheurs de boeufs cela se comprend davantage ; ils ne seront pas assommés, tandis que les toucheurs d'hommes vont l'être !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.118, Paul Ollendorff, 1886)
     
  148. Les optimistes sont des aveugles bien utiles. Comparables à ces chevaux de manège qui, tournant dans le même cercle, lés yeux bandés, actionnent une machine, ce sont eux qui mettent en branle la Société.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.118, Paul Ollendorff, 1886)
     
  149. Les professeurs d'optimisme, quand par hasard ce sont des penseurs éloquents, veulent-ils se moquer du monde, ou l'exploiter ou encore par pitié le chloroformiser dans sa géhenne ? C'est ce qu'il peut être curieux de savoir.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.118, Paul Ollendorff, 1886)
     
  150. Si nous sommes fondés à mépriser notre milieu social, dans l'impuissance où nous nous trouvons d'y échapper, il est doux, il est consolant de le dominer du moins de toute la hauteur de notre sens moral, et de jeter nos plus exquises délicatesses devant le groin de tous ces pourceaux.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.119, Paul Ollendorff, 1886)
     
  151. Quand on a glissé dix fois, trente fois, cent fois du mât de Cocagne, on finit par n'y vouloir plus grimper et par faire son deuil de la timbale. On aurait boudé bien plus tôt, si l'on eût su que cette fameuse timbale, avec ses airs d'être en argent, n'est qu'en fer-blanc.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.119, Paul Ollendorff, 1886)
     
  152. Rien n'est plus différent et parfois plus contradictoire, que ce singulier et ce pluriel : l'honneur et les honneurs.
    Plus on a du premier et moins on a de chance d'avoir des seconds.
    Ce n'est même parfois qu'en se déshonorant, mais avec tact, qu'on les peut conquérir.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.119, Paul Ollendorff, 1886)
     
  153. Un des dilemmes de la vie est celui-ci : voler ou voler, c'est-à-dire voler avec ses mains dans les poches du monde, ou voler avec ses ailes fort au-dessus du front de la multitude.
    Mais l'homme a généralement plutôt des mains que des ailes.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.120, Paul Ollendorff, 1886)
     
  154. On peut dire d'une façon générale, — et en tenant compte de quelques exceptions qui ne font que confirmer la règle, — que le personnage joué par chacun de nous dans la vie est en raison inverse de l'âme qu'il a, c'est-à-dire qu'il est d'autant plus relevé que l'âme est plus vile, et réciproquement.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.120, Paul Ollendorff, 1886)
     
  155. Si les gens se disaient les uns aux autres ce qu'ils disent les uns des autres, il n'y aurait au monde que des gens brouillés.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.120, Paul Ollendorff, 1886)
     
  156. Tout ce qui se dit dans une réunion mondaine est insipide ; il n'y a que ce qui ne s'y dit pas mais s'y pense qui soit intéressant.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.121, Paul Ollendorff, 1886)
     
  157. Une société dans laquelle un homme peut, sans être frappé d'un opprobre indélébile, engrosser une fille vierge et l'abandonner engrossée pour en épouser une autre, est une société dégoûtante... C'est la nôtre !
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.121, Paul Ollendorff, 1886)
     
  158. Pour se tirer d'affaire dans les relations sociales, il y faut apporter une finasserie perpétuelle qu'auront toujours en horreur, même si elles s'y astreignent, les natures droites.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.121, Paul Ollendorff, 1886)
     
  159. Il y a des gens capables de gratitude, mais, par malheur, ce n'est presque jamais ceux-là que nous obligeons.
    Et le plus fâcheux, c'est qu'il arrive que nous refusons de les obliger ou même que nous les désobligeons réellement pour obliger des ingrats.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.121, Paul Ollendorff, 1886)
     
  160. Après qu'elle a achevé de nous dégoûter d'elle, la Société nous laisse encore une satisfaction, celle de la juger et de la condamner, sinon à mort, parce que nous ne pourrions faire exécuter la sentence, du moins avec admission de circonstances atténuantes, à la perpétuité de notre mépris.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.122, Paul Ollendorff, 1886)
     
  161. Être arrogant, c'est révéler sottement son infériorité foncière en s'imaginant paraître supérieur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.122, Paul Ollendorff, 1886)
     
  162. Il suffit que le monde contrecarre nos désirs pour que nous le trouvions mal fait ; si par hasard il les seconde, il devient pour nous la perfection des perfections.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.122, Paul Ollendorff, 1886)
     
  163. Les gens dont l'amour-propre est bien réglé craignent autant de paraître plus qu'ils ne sont que moins qu'ils n'auraient souhaité d'être. C'est pourquoi ils fuient le monde, où l'on est toujours jugé sur les apparences.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.123, Paul Ollendorff, 1886)
     
  164. L'insuccès a peut-être, il a sûrement son bon côté, mais nous sommes tellement infatués de réussir que nous ne le voyons jamais.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.123, Paul Ollendorff, 1886)
     
  165. Notre intelligente Société ne rémunère bien d'habitude que ceux qui la déciment, la volent ou la dépravent : les hommes d'État, les financiers et les histrions.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.123, Paul Ollendorff, 1886)
     
  166. Nous recevons fréquemment de meilleurs offices d'un indifférent que d'un soi-disant ami.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.123, Paul Ollendorff, 1886)
     
  167. Nous sommes en plein dans l'âge d'argent. On n'estime les hommes qu'à proportion de ce qu'ils ont hérité, ou gagné, ou même volé, et selon les cas, amassé ou dissipé d'argent. Quant à ceux qui ont appris le grand art de s'en passer à peu près, fussent-ils des hommes de génie, on les considère comme des imbéciles.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.123, Paul Ollendorff, 1886)
     
  168. Le monde est ainsi fait qu'il s'y gaspille chaque jour au profit d'êtres indignes plus de générosité qu'il n'en faudrait pour contenter le double de gens de coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.124, Paul Ollendorff, 1886)
     
  169. Il est heureux et malheureux à la fois, selon le point de vue, que la jeunesse des écoles devienne un jour la vieillesse des provinces.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.124, Paul Ollendorff, 1886)
     
  170. Peut-être est-il juste que ceux qui ne croient pas au monde ne rencontrent nul crédit près de lui. Voilà pourquoi les pessimistes ne réussissent jamais... d'où ne peut qu'être renforcé leur pessimisme.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.124, Paul Ollendorff, 1886)
     
  171. Quatre-vingt-dix fois sur cent, les parties de plaisir se trouvent être des parties d'ennui.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  172. La seule chose qui ne soit pas trop mauvaise en ce monde, c'est de pouvoir médire de lui tout son soûl.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  173. L'ambitieux n'obtient rien qu'il ne soit obligé de gueuser, soit directement, soit indirectement, et c'est là de quoi dégoûter de l'ambition les hautes natures.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  174. Il faut souvent bien se ravaler à ses propres yeux pour s'élever à ceux des autres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  175. Le mépris que les âmes fières ont pour l'intrigue ne peut que profiter aux intrigants.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  176. Quand un homme d'un vrai mérite parvient aux honneurs, son mérite y est sans doute pour un peu, mais d'autres choses, qu'on ignore ou qu'on connaît, y sont pour beaucoup plus.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.125, Paul Ollendorff, 1886)
     
  177. Presque toutes les marques de faveur que décerne la Société s'acquièrent par de mauvais moyens, même quand elles sont légitimes.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.126, Paul Ollendorff, 1886)
     
  178. Il ne faut pas mettre trop d'âpreté à servir ses intérêts ; on ne réussit alors qu'à les compromettre.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.126, Paul Ollendorff, 1886)
     
  179. La dignité et l'indignité du caractère ont également l'argent pour pivot. C'est grâce à lui surtout que la première se sauvegarde et que la seconde s'exerce.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.126, Paul Ollendorff, 1886)
     
  180. Autant un costume national permanent serait désirable, autant est regrettable la mode qui change sans rime ni raison, à la fois pour toutes les nations civilisées, au gré de quelques industriels plus cupides qu'ingénieux. L'imbécillité humaine a plusieurs grandes marques comme le vin de Champagne ; sa plus grande marque est assurément la mode.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.126, Paul Ollendorff, 1886)
     
  181. La civilisation dont nous sommes tous peu ou prou les ouvriers est comparable à la Tour de Babel. Si nous l'édifions avec tant de peine, c'est que nous ne nous entendons pas.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.127, Paul Ollendorff, 1886)
     
  182. Une culture morale tout à fait supérieure peut seule réparer chez un parvenu le manque de tradition.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.127, Paul Ollendorff, 1886)
     
  183. Il y a des gens distinguables qui ne sont nullement distingués, et des gens que l'on distingue et qui ne mériteraient pas d'être distingués.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.127, Paul Ollendorff, 1886)
     
  184. Parmi les hommes supérieurs, il y en a qui arrivent et d'autres qui n'arrivent pas... et parmi les hommes inférieurs tout de même, sauf que la proportion est renversée.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.127, Paul Ollendorff, 1886)
     
  185. Ce serait merveille qu'il y eût des gens dont nous pussions approcher sans courir le risque d'en être heurtés ou piqués en quelque endroit du coeur.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.128, Paul Ollendorff, 1886)
     
  186. Plus de gens qu'on ne croit mettent une physionomie spéciale et un spécial esprit avec leurs beaux habits pour faire figure dans le monde, et ils s'y montrent très différents de ce qu'ils sont dans leur ménage, en face de leur pot-au-feu,— quelquefois meilleurs, quelquefois pires, selon ce qu'ils considèrent comme leur intérêt.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.128, Paul Ollendorff, 1886)
     
  187. La pratique de la vertu donne aux bonnes gens une satisfaction très réelle et très intense que les méchantes gens ne soupçonnent pas et que ne leur donne jamais à eux la pratique du vice.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.128, Paul Ollendorff, 1886)
     
  188. Le peuple est au fond bien meilleur qu'il ne le paraît, puisque, n'ayant plus le frein de la religion et n'en ayant aucun autre à la place, il ne cède qu'à moitié aux influences pernicieuses de ses politiciens et de ses amuseurs qui, les uns comme les autres, développent en lui la bête féroce pour l'exploiter.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.129, Paul Ollendorff, 1886)
     
  189. Personne, en ce monde, n'a de quoi être fier, car tous nous barbotons dans les mêmes relavures, tantôt de la cuisine des anges, tantôt de celle des démons, et ce n'est que hasard, astuce ou violence, si nous y trouvons des morceaux un peu meilleurs que d'autres.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.129, Paul Ollendorff, 1886)
     
  190. La préoccupation capitale d'un homme qui tend au-delà de la condition humaine doit être d'élever son âme, innée ou même acquise, à une telle hauteur que les mesquines ambitions ne puissent l'atteindre.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.129, Paul Ollendorff, 1886)
     
  191. Il faut bien nous rendre compte que, si très peu de gens nous agréent, nous agréons peut-être encore à moins de gens.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.130, Paul Ollendorff, 1886)
     
  192. Notre mécanisme social pourrait certes être meilleur qu'il n'est, mais l'Humanité toujours imparfaite ne le comportera jamais bon.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.130, Paul Ollendorff, 1886)
     
  193. Si peu de choses valent la peine d'être dites que ceux-là qui se taisent sont presque toujours les mieux inspirés.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.130, Paul Ollendorff, 1886)
     
  194. Le plus grand mal de ce monde vient de ce que la conscience doive parfois et même fréquemment s'y faire suppléer par la gendarmerie.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.130, Paul Ollendorff, 1886)
     
  195. Y a-t-il plus, y a-t-il moins de gens médiocres qui parviennent sans lutter que de gens supérieurs qui luttent sans parvenir ? Ce serait à voir. Quoi qu'il en soit, le nombre des uns et des autres doit être à peu de chose près égal, et cela crie contre la Société.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.130, Paul Ollendorff, 1886)
     
  196. C'est notre personnalité même, c'est ce que nous appelons notre âme que fausse la lutte pour la vie. Nous greffons sur notre être propre un être de convention, lequel finit par absorber l'autre et s'y substituer.
    Et ce second moi, tout artificiel, que nous avons décroché de la friperie sociale et où notre premier moi s'est dissipé, se teint comme le caméléon des couleurs de tout ce qui l'entoure.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.131, Paul Ollendorff, 1886)
     
  197. Il serait difficile d'imaginer rien de plus bête que notre Société. C'est la propre mère de Jocrisse. Plus elle croit se sauver, plus elle se suicide.
    Les hommes d'État (très conservateurs) y entretiennent la révolution ; les fonctionnaires, l'inertie; les gens de justice, la discorde; les médecins, la maladie ; les financiers, la banqueroute ; les commerçants, la mauvaise foi ; les prêtres, l'irréligion; les publicistes, le dégoût des affaires publiques ; les chroniqueurs, l'adultère, et les romanciers, tous les crimes.

    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.131, Paul Ollendorff, 1886)
     
  198. Quand, décidément trop las de la Société pour y vouloir garder un rôle, nous lui avons repris notre âme toute meurtrie par elle, heureux sommes-nous de la pouvoir donner à la mer, calme ou tempétueuse, aux grands bois profonds que parfume la sève montante et sous le couvert desquels vient danser un furtif rayon de soleil, à la fauvette qui chante, à la rosé qui s'entr'ouvre, au doux frémissement du tremble ou du peuplier, aux prés verts, aux moissons jaunissantes, à la lune, aux étoiles, à la multiple et délectable Nature.
    (La Proie du Néant (Notes d'un pessimiste), p.132, Paul Ollendorff, 1886)