Fernando Pessoa
1888-1935
  1. Être poète n'est pas une ambition que j'aie,
    c'est ma manière à moi d'être seul.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.38, nrf Poésie/Gallimard)
     
  2. Je me sens né à chaque instant
    à l'éternelle nouveauté du Monde...
    [...]
    Le Monde ne s'est pas fait pour que nous pensions à lui
    (penser c'est avoir mal aux yeux)
    mais pour que nous le regardions avec un sentiment d'accord...

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.40, nrf Poésie/Gallimard)
     
  3. Aimer, c'est l'innocence éternelle,
    et l'unique innocence est de ne pas penser.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.41, nrf Poésie/Gallimard)
     
  4. Ah, comme les plus simples des hommes
    sont malades et stupides et confus
    auprès de la claire simplicité
    et de la toute saine existence
    des arbres et des plantes !

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.44, nrf Poésie/Gallimard)
     
  5. Le seul mystère, c'est qu'il y ait des gens pour penser au mystère.
    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.45, nrf Poésie/Gallimard)
     
  6. L'unique signification intime des choses,
    c'est le fait qu'elles n'aient aucune intime signification.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.46, nrf Poésie/Gallimard)
     
  7. Pourquoi faut-il qu'on ait un piano ?
    Le mieux est qu'on ait des oreilles
    et qu'on aime la Nature.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.59, nrf Poésie/Gallimard)
     
  8. Ce qu'il faut, c'est qu'on soit naturel et calme
    dans le bonheur comme dans le malheur,
    c'est sentir comme on regarde,
    penser comme l'on marche,
    et, à l'article de la mort, se souvenir que le jour meurt,
    que le couchant est beau, et belle la nuit qui demeure...

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.71, nrf Poésie/Gallimard)
     
  9. L'essentiel c'est qu'on sache voir,
    qu'on sache voir sans se mettre à penser,
    qu'on sache voir lorsque l'on voit,
    sans même penser lorsque l'on voit
    ni voir lorsque l'on pense.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.74, nrf Poésie/Gallimard)
     
  10. La beauté est le nom de quelque chose qui n'existe pas
    et que je donne aux choses en échange du plaisir qu'elles me donnent.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.76, nrf Poésie/Gallimard)
     
  11. Tout le mal du monde vient de ce que nous nous tracassons les uns des autres,
    soit pour faire le bien, soit pour faire le mal,
    notre âme et le ciel et la terre nous suffisent.
    Vouloir plus est perdre cela, et nous vouer au malheur.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.83, nrf Poésie/Gallimard)
     
  12. [...]
    les choses n'ont pas de signification : elles ont une existence.
    Les choses sont l'unique sens occulte des choses.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.91, nrf Poésie/Gallimard)
     
  13. Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer !
    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.95, nrf Poésie/Gallimard)
     
  14. À l'Univers j'apporte un nouvel Univers
    parce que j'apporte à l'Univers l'Univers lui-même.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.99, nrf Poésie/Gallimard)
     
  15. Malheur à toi et à tous ceux qui passent leur existence
    à vouloir inventer la machine à faire du bonheur !

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.112, nrf Poésie/Gallimard)
     
  16. Mieux vaut voir une chose toujours pour la première fois que la connaître,
    Parce que connaître c'est comme n'avoir jamais vu pour la première fois,
    Et n'avoir jamais vu pour la première fois c'est ne savoir que par ouï-dire.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.114, nrf Poésie/Gallimard)
     
  17. [...] je vois une absence de signification en toute chose ;
    je vois cela et je m'aime, car être une chose c'est ne rien signifier.
    Ëtre une chose, c'est ne pas être susceptible d'interprétation.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.120, nrf Poésie/Gallimard)
     
  18. [...] j'entends passer le vent,
    et je trouve que rien que pour entendre passer le vent, il vaut la peine d'être né.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.124, nrf Poésie/Gallimard)
     
  19. Roule, grande boule, fourmilière de consciences, terre, roule, teintée d'aurore, chapée de crépuscule, d'aplomb
    sous les soleils, nocturne,
    roule dans l'espace abstrait, dans la nuit à peine éclairée,
    roule...

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.191, nrf Poésie/Gallimard)
     
  20. Je ne suis rien.
    Jamais je ne serai rien.
    Je ne puis vouloir être rien.
    Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.204, nrf Poésie/Gallimard)
     
  21. Dans tous les asiles il est tant de fous possédés par tant de certitudes !
    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.206, nrf Poésie/Gallimard)
     
  22. [...]
    grands sont les déserts, et tout est désert.
    Grande est la vie, et il ne vaut pas la peine que la vie soit.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.222, nrf Poésie/Gallimard)
     
  23. Nous avons tous deux vies :
    la vraie, celle que nous avons rêvée dans notre enfance, et que nous continuons à rêver, adultes, sur un fond de brouillard ;
    la fausse, celle que nous vivons dans nos rapports avec les autres,
    qui est la pratique, l'utile,
    celle où l'on finit par nous mettre au cercueil.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.227, nrf Poésie/Gallimard)
     
  24. Quel grand repos de n'avoir même pas de quoi avoir à se reposer !
    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.230, nrf Poésie/Gallimard)
     
  25. Ne penser à rien,
    c'est avoir une âme à soi et intégrale.
    Ne penser à rien,
    c'est vivre intimement
    le flux et le reflux de la vie...

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.234, nrf Poésie/Gallimard)
     
  26. Le binôme de Newton est aussi beau que la Vénus de Milo.
    Le fait est qu'il y a bien peu de gens pour s'en aviser.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p238, nrf Poésie/Gallimard)
     
  27. Prison de l'Être, ne peut-on se libérer de toi ?
    Prison de la pensée, ne peut-on se libérer de toi ?

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.241, nrf Poésie/Gallimard)
     
  28. Oui, être clochard et mendiant, à ma manière,
    ce n'est pas être clochard et mendiant de la façon commune :
    c'est être isolé dans l'âme, c'est cela qui est être clochard,
    et mendier cette aumône, que les jours passent, et nous laissent, voilà qui est être mendiant.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.252, nrf Poésie/Gallimard)
     
  29. Je veux cesser sans conséquences...
    Je veux aller à la mort comme à une fête au crépuscule.

    (Le Gardeur de troupeaux et autres poèmes, trad. Armand Guibert, p.255, nrf Poésie/Gallimard)
     
  30. [...] c'est la liberté de tyranniser, qui est le contraire de la liberté.
    (Le Banquier anarchiste, trad. Joaquim Vital, p.36, De La Différence, 2000)
     
  31. Aider quelqu'un, mon ami, c'est prendre quelqu'un pour un incapable ; si ce quelqu'un n'est pas un incapable, c'est le rendre ou le supposer tel, ce qui, dans le premier cas, est une forme de tyrannie, et dans le second une forme de mépris. On rogne la liberté d'autrui ou, au moins inconsciemment, on part du principe qu'autrui est méprisable et indigne ou incapable de liberté.
    (Le Banquier anarchiste, trad. Joaquim Vital, p.55, De La Différence, 2000)
     
  32. [...] l'action rapporte toujours plus que la propagande [...]
    (Le Banquier anarchiste, trad. Joaquim Vital, p.71, De La Différence, 2000)
     
  33. [...] celui qui refuse d'engager le combat n'y est pas vaincu. Mais il est vaincu moralement parce qu'il ne s'est pas battu.
    (Le Banquier anarchiste, trad. Joaquim Vital, p.78, De La Différence, 2000)
     
  34. Il n'y a pas de normes. Tous les hommes sont des exceptions à une règle qui n'existe pas.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.13, Christian Bourgois, 2004)
     
  35. La nature, c'est la différence entre l'âme et Dieu.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.14, Christian Bourgois, 2004)
     
  36. La justice est à la bonté ce qu'est la chasteté à la timidité sexuelle.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.20, Christian Bourgois, 2004)
     
  37. L'essence du progrès, c'est la décadence. Progresser, c'est mourir parce que vivre, c'est mourir.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.23, Christian Bourgois, 2004)
     
  38. Espérer le meilleur et se préparer au pire : c'est la règle.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.23, Christian Bourgois, 2004)
     
  39. Les vrais mystères sont ceux de l'espoir.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.23, Christian Bourgois, 2004)
     
  40. Dieu est la meilleure plaisanterie de Dieu lui-même.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.24, Christian Bourgois, 2004)
     
  41. Qu'il y ait des dieux ou non, nous sommes leurs esclaves.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.24, Christian Bourgois, 2004)
     
  42. La mer est la religion de la Nature.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.25, Christian Bourgois, 2004)
     
  43. Les esprits analytiques ne voient pratiquement que les défauts : plus la lentille est forte, plus imparfait nous apparaît l'objet observé. Le détail est toujours fâcheux.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.26, Christian Bourgois, 2004)
     
  44. La science consiste à vouloir adapter un rêve plus petit à un rêve plus grand.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.27, Christian Bourgois, 2004)
     
  45. Je doute, donc je pense.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.27, Christian Bourgois, 2004)
     
  46. La vie est une hésitation entre une exclamation et une interrogation. Dans le doute, on met un point final.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.27, Christian Bourgois, 2004)
     
  47. Les idées sont quelque chose de merveilleux en elles-mêmes et dans leurs associations. En un instant nous avons traversé le monde entier, et avons placé un infini entre deux pensées.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.28, Christian Bourgois, 2004)
     
  48. Le zéro est la plus vaste des métaphores. L'infini, la plus vaste des analogies. L'existence, le plus vaste des symboles.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.31, Christian Bourgois, 2004)
     
  49. L'univers est son propre rêve.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.34, Christian Bourgois, 2004)
     
  50. Un paradoxe n'a de valeur que s'il n'en est pas un.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.31, Christian Bourgois, 2004)
     
  51. L'essentiel en art est d'exprimer ; ce qui est exprimé est sans intérêt.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.32, Christian Bourgois, 2004)
     
  52. L'amour est un échantillon mortel de l'immortalité.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.34, Christian Bourgois, 2004)
     
  53. Définir la beauté, c'est ne pas la comprendre.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.36, Christian Bourgois, 2004)
     
  54. ... et ces chanceux qui ont sur le bout de la langue la phrase par laquelle leur pensée s'est révélée à eux - la phrase incontournable, la phrase semblable à l'idée elle-même, la phrase-expression.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.38, Christian Bourgois, 2004)
     
  55. Seuls ceux qui ne pensent jamais parviennent à une conclusion. Penser, c'est hésiter. Les hommes d'action ne pensent jamais.
    (En bref, trad. Françoise Laye, p.40, Christian Bourgois, 2004)
     
  56. Un miracle est la paresse de Dieu, ou plutôt la paresse que nous lui attribuons, en inventant le miracle.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.41, Christian Bourgois, 2004)
     
  57. Travailler avec noblesse, espérer avec sincérité, aimer les hommes avec tendresse - voilà la vraie philosophie.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.42, Christian Bourgois, 2004)
     
  58. Le seul avantage que l'on trouve à étudier, c'est de savourer la quantité de choses que les autres n'ont pas dites.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.43, Christian Bourgois, 2004)
     
  59. D'abord, sois libre ; ensuite demande la liberté.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.44, Christian Bourgois, 2004)
     
  60. Cette réinspiration, sans laquelle traduire se réduit à paraphraser dans une autre langue.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.45, Christian Bourgois, 2004)
     
  61. L'homme est au-dessus du citoyen. Aucun État ne vaut Shakespeare.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.46, Christian Bourgois, 2004)
     
  62. Pour chaque philosophe, Dieu est de son avis.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.48, Christian Bourgois, 2004)
     
  63. Si l'on a des fleurs, nul besoin de Dieu.
    (En bref, trad. Françoise Laye , p.49, Christian Bourgois, 2004)