Eugène Marbeau
1825-1909
  1. Il faut aimer les autres malgré leurs défauts, comme on s'aime soi-même malgré les siens.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  2. Faire acte de bonté, c'est se donner une joie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  3. L'affection nous fait jouir du bonheur de l'être aimé; la bonté, du bonheur même de l'indifférent.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  4. La bonté est l'obole de l'indifférent qui passe; l'affection, le don de l'ami qui demeure.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  5. La bonté est comme une amitié d'un moment qui s'éteint et oublie quand celui qui en était l'objet s'est éloigné de notre regard.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  6. La pitié console ou révolte le malheureux, suivant qu'il la sent inspirée par la bonté ou par le dédain.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  7. La valeur morale d'un homme peut se mesurer à la part qu'il fait aux autres dans sa vie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  8. En morale comme en comptabilité je dois ce que j'ai reçu, j'ai ce que j'ai donné.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  9. On juge plus sûrement un homme en observant comment il parle des autres qu'en écoutant ce que les autres disent de lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  10. On critique volontiers quand on a trop bonne opinion de soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  11. Si l'on se jugeait aussi sévèrement que l'on juge les autres, nul ne pourrait se supporter soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  12. C'est surtout vis-à-vis de soi-même qu'il faut avoir de la patience : on ne peut pas s'en aller.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  13. Ne présumons pas le mal chez les autres : les autres seraient injustes s'ils le présumaient toujours chez nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  14. L'indulgence pour le prochain est un plaidoyer pour soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  15. Les désenchantements de la vie enseignent l'indulgence et tuent l'enthousiasme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  16. On se fait un mérite d'être indulgent; on ne se fait aucun scrupule de ne pas être bienveillant.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  17. L'indulgence prend le beau rôle; la bienveillance paraît le laisser.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  18. Le silence que garde un homme bienveillant fait présumer qu'il ne pense pas le bien qu'on dit, qu'il ne dit pas le mal qu'il pense.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  19. Le pardon a vu et mesure la faute; l'indulgence refuse de la voir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  20. En ce monde il faut oublier ou pardonner.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  21. Heureux qui sait pardonner. Plus heureux qui peut oublier!
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  22. Pour pardonner véritablement, il faut se souvenir toujours.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  23. La blessure faite par un ami, on la pardonne, on ne l'oublie pas. La blessure faite par un indifférent, on ne la pardonne pas, mais on l'oublie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  24. Pardonner une injure, c'est affirmer qu'elle n'est pas méritée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  25. Le pardon n'est pas l'oubli de l'injure, mais la résolution de n'en plus témoigner le ressentiment.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  26. Pour guérir ta haine, fais du bien à ton ennemi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  27. Toute grande affection nous élève, parce qu'elle nous fait aimer un autre plus que nous-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  28. Si pour aimer il fallait connaître, si pour être aimé il fallait mériter l'amour, la vie s'écoulerait solitaire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  29. Les coeurs fiers et les coeurs humbles se donnent sans exiger de retour.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  30. Une amitié nouvelle diminue la place que les affections anciennes occupaient dans notre vie, non celles qu'elles avaient dans notre coeur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  31. L'âme change comme le corps; les idées et les goûts se transforment comme les traits du visage. Après de longues années d'affection, que reste-t-il à notre ami des grâces qui nous avaient attaché à lui?
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  32. On garde ses vieux amis même quand ils ont cessé de plaire, comme on garde ses parents même quand ils ne plaisent pas. C'est là ce qu'on appelle la solidité de l'affection.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  33. On peut aimer un être sans esprit, mais on l'aime surtout quand il n'est pas là.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  34. Être séparé d'un ami qui souffre est plus qu'un regret, presque un remord.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  35. L'homme fait à l'image de son idéal toutes ses idoles, la femme qu'il aime comme le Dieu qu'il adore.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  36. Tout homme est poète quand il aime.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  37. L'amour naît de ce qu'il y a de plus fragile dans notre double nature le caprice des sens et les illusions du coeur.
    C'est une étrange merveille qu'il puisse être quelquefois durable.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  38. Les souffrances de l'amour naissent de la lutte entre l'illusion qui a allumé la flamme et la désillusion qui va l'éteindre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  39. L'amour, qui naît de l'illusion, débute par l'admiration. Les anciens chevaliers obéissaient à l'instinct éternel de la nature humaine, quand ils prétendaient faire confesser à tous que leur âme était la plus belle.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  40. Sans illusions il n'y aurait pas d'amours. Sans illusions il n'y aurait pas de mariages, pas même de mariages de raison.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  41. L'amour vit de désirs et d'illusions. Quand le désir est apaisé, l'amour se lasse. Quand l'illusion s'évanouit, il s'éteint.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  42. La lune de miel dure juste le temps qu'il faut aux deux amoureux pour se connaître.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  43. Ce 'n'est pas seulement quand il aime que le coeur se fait des illusions; c'est aussi quand il ne veut plus aimer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  44. Qui a changé? Celui qui 'a cessé d'aimer, ou celui qui a cessé de plaire?
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  45. Chaque fois qu'on aime, on croit être à son premier et à son dernier amour.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  46. Un amoureux est un homme qui se met à quatre pattes en croyant n'être qu'à genoux.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  47. L'amoureux qui commence à se sentir ridicule est bien près de ne plus aimer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  48. Notre amour ressemble à la femme qui l'inspire : il est pur avec Béatrix, intellectuel avec Vittoria Colonna, vicieux avec Manon Lescaut, diabolique avec Carmen.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  49. Même quand il est malheureux, l'amour n'est pas un malheur : l'âme s'épure et s'élève quand elle se donne et quand elle souffre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  50. L'amour pur est le délicieux préliminaire de l'autre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  51. Aimer sans respect, c'est n'aimer que le corps.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  52. La galanterie est la comédie de l'amour; le libertinage en est la parodie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  53. L'amour et la haine font souffrir.
    L'amour est préférable il passe plus vite.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  54. Les hommes sont si fous qu'on les voit donner leur vie pour une femme à qui ils rougiraient de la consacrer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  55. L'amour est l'exaspération féroce de l'égoïsme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  56. Savoir aimer, ce serait aimer pour ce qu'on aime au lieu d'aimer pour soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  57. L'amour, c'est soi; l'amitié, c'est les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  58. L'amitié est le charme de la vie, l'amour est la vie même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  59. L'homme qui n'aime plus peut demander à l'amitié de masquer le vide que l'amour a laissé dans son coeur ; mais, tant qu'il aime, heureux, il n'a pas besoin d'elle malheureux, elle est impuissante à le consoler.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  60. L'amitié rarement se change en amour ; mais dans l'amour il y a toujours un peu d'amitié, qui survit si la flamme s'est éteinte doucement.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  61. Quand une jolie femme vous offre son amitié, c'est qu'elle ne vous aime pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  62. Les combats de la vie sont surtout des luttes contre soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  63. Notre âme est un dépôt confié à notre volonté.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  64. Nous sommes le jouet des événements extérieurs, mais les maîtres de notre volonté.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  65. Conduire et dominer sa vie, quel que soit l'orage, comme le matelot sait orienter sa voile, quel que soit le vent.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  66. On ne peut refaire le passé, et tous le regrettent; mais on peut refaire l'avenir, et nul n'y songe.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  67. L'élévation de l'esprit sert à discerner le bien, celle du caractère à l'accomplir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  68. Les hommes diffèrent par leur caractère plus encore que par leurs sentiments.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  69. Pour voir de haut, élevons-nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  70. Il est bien à plaindre, celui qui n'a pas un idéal pour se consoler de la réalité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  71. Pour toucher le but, visons plus haut.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  72. La volonté nous a été donnée pour maîtriser nos passions; nous l'employons à les servir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  73. La volonté commande aux actes, non aux sentiments. Elle peut résister à nos passions; elle ne peut, ni les éveiller, ni les étouffer.
    Elle peut les rendre moins impérieuses en changeant nos habitudes.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  74. Ce qui exige de nous le plus grand effort n'est pas ce qui est antipathique à notre nature, mais ce qui contrarie notre passion.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  75. La raison voudrait; c'est la passion qui veut.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  76. La raison est un frein ; elle n'est pas un aiguillon.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  77. Pour faire ce qu'on veut, il faut le vouloir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  78. Les intentions se rapportent aux actions futures; la volonté aux actions présentes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  79. Dans l'enfer les bonnes intentions ; au ciel les bonnes volontés.
    C'est la différence entre « Je voudrais », et «Je veux».

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  80. Il ne faut que du coeur pour s'élancer au sacrifice ; il faut de la volonté pour ne pas s'arrêter en chemin.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  81. Quand l'action ne suit pas immédiatement la résolution, la volonté se lasse, et les petites raisons reprennent leur empire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  82. Il est facile de prendre une résolution généreuse ; il est difficile de ne jamais la regretter.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  83. L'inspiration commence l'oeuvre ; la volonté l'achève.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  84. La réflexion, c'est le Moi qui veut dirigeant le Moi qui pense.
    Le rêve, c'est le Moi qui pense oublié par le Moi qui veut.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  85. Nos actes révèlent notre caractère ; nos jugements révèlent notre sens moral.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  86. La réflexion mûrit le jugement; l'action mûrit le caractère.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  87. L'habitude est le sentier connu où l'on passe sans regarder à ses pieds.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  88. L'habitude est une trop douce amie ; elle devient vite une ennemie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  89. La faiblesse, comme l'ivresse, n'est jamais une excuse : elle est une faute par elle-même, avant les fautes qu'elle nous fait commettre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  90. Les caractères faibles sont toujours mécontents d'eux et des autres : ils passent leur vie à faire ce qu'ils ne veulent pas, et à ne pas faire ce qu'ils voudraient.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  91. Le péché des caractères faibles est le péché par omission.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  92. Les péchés par omission sont ceux que l'on oublie le plus facilement.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  93. Un caractère faible s'obstine tant qu'on lui résiste, il s'effraie dès qu'on lui cède. Pour vous délivrer de ses obsessions, feignez de lui accorder ce qu'il demande : il n'osera plus l'exiger.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  94. J'ai vu, après un partage de voix, un président timoré se rallier à l'opinion qu'il avait combattue, plutôt que d'user de sa voix prépondérante pour donner la majorité à celle qu'il avait soutenue. Sa faiblesse pensait échapper ainsi à la responsabilité du vote.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  95. La mauvaise humeur est le fait de la faiblesse qui se sent vaincue et qui renonce a lutter.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  96. La faiblesse est sujette à la violence : elle n'a pas le courage d'agir sans s'exaspérer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  97. L'indignation est difficile à la faiblesse : elle ressemble presque à de l'action.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  98. Tel néglige de faire une démarche importante, parce qu'il lui faudrait nouer une cravate blanche !
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  99. Le monde respecte les vices qui supposent la force; il est sans pitié pour les malheurs qui supposent la faiblesse.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  100. Il y a des gens qui ne sont que des reflets.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  101. Il faut demander des conseils pour s'éclairer, non pour se décider. Nous pouvons de nos amis attendre des lumières, non de la volonté.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  102. Celui qui a réellement besoin du conseil qu'il demande se résigne rarement à le suivre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  103. Que de fois nous demandons un conseil dans l'espoir d'être autorisé à faire ce dont notre conscience nous engage tout bas à nous abstenir!
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  104. Toute décision exige un effort. Les faibles, que cet effort fatigue, l'évitent en se laissant gouverner.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  105. La vie se passe à choisir. Malheur à qui manque de décision : la vie choisit pour lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  106. Savoir sacrifier à un but dominant les considérations secondaires, voilà ce qui distingue les caractères décidés des caractères irrésolus.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  107. L'irrésolution ne sait pas voir la raison de décider. La versatilité ne voit pas longtemps la même raison de décider.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  108. Rien ne pèse dans la vie autant que l'indécision, dans le coeur autant que le doute.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  109. Le scrupule fait souffrir, parce qu'il fait douter.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  110. L'homme trop scrupuleux ne sera jamais héroïque. Si Jeanne d'Arc eût songé à sa mère, elle n'eût pas sauvé sa patrie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  111. L'irrésolu n'a jamais de désirs et a toujours des regrets. C'est l'idée qu'il est trop tard qui lui fait sentir ce qu'il aurait dû désirer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  112. Que de gens réfléchissent toujours à ce qu'ils auraient du faire, jamais à ce qu'ils vont faire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  113. L'obstacle donne l'élan au désir, comme le canon dans lequel elle est forcée donne la vitesse à la balle.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  114. Qui est maître de faire tout ce qu'il veut peut avoir encore des caprices, mais n'a plus de désirs.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  115. Le désir est une joie anticipée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  116. On peut se créer un but ; on ne peut se créer un désir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  117. L'ennui est une défaillance de l'esprit, l'impuissance de la volonté sur la pensée. Celui qui est maître chez lui ne s'ennuie pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  118. L'ennui c'est l'âme vide.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  119. Nul ne s'ennuie plus que l'homme qui ne pense qu'à lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  120. Remède sûr contre l'ennui : un ennui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  121. Le pessimisme est un signe d'impuissance : on est pessimiste parce qu'on se sent incapable de dominer la vie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  122. Être retenu par sa conscience, c'est sentir qu'on souffrait plus du remords d'avoir cédé que du regret de résister.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  123. La conscience est un roquet qui n'empêche point de passer, mais qu'on ne peut empêcher d'aboyer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  124. Un scrupule présage un regret.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  125. Un homme peut devenir dangereux par excès de conscience : quand il se trompe, son prétendu devoir est implacable.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  126. La conscience, c'est notre propre jugement; l'honneur c'est le jugement des autres.
    Pour Robinson Crusoé il n'y avait plus d'honneur; il y avait encore une conscience.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  127. L'honneur fait les casse-cou, la conscience fait les fanatiques.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  128. Quand la convention sociale est en contradiction avec le devoir, le devoir est sacrifié à l'honneur : la voix des hommes parle plus haut que celle de la conscience.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  129. La crainte de faire souffrir qui nous aime est forte contre notre devoir, impuissante contre notre passion.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  130. Devoir implique sacrifice : le devoir accompli, c'est le sacrifice consommé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  131. Nous trouvons dans ce qu'on appelle les principes la force d'éviter la tentation plus sûrement que celle de lui résister.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  132. Une tentation est toujours fâcheuse : elle coûte un regret si on y résiste, un remords si on y succombe.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  133. Nous ne sommes assurés de résister qu'aux tentations qui ne nous tentent pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  134. Les petites tentations sont les plus dangereuses : on sent moins la honte d'y céder.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  135. Une tentation devient dangereuse quand elle se prolonge. Notre âme est enchaînée à un corps qui se lasse, et le temps a prise sur tous nos sentiments.
    Le temps est l'ennemi du bien.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  136. Toute faute oblige le coupable à parler autrement qu'il ne pense, à agir autrement qu'il ne veut. Elle le condamne au mensonge, jusqu'au moment où elle est acceptée, soit par la chute complète, soit par l'expiation.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  137. La première punition du coupable est la nécessité d'accepter la faute, pour l'expier ou pour la continuer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  138. Quand vous entendez un homme invoquer la morale naturelle pour battre en brèche la convention sociale, soyez assuré qu'une faute pèse sur sa vie et fausse sa conscience.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  139. L'innocence est la page blanche, la vertu est la page écrite.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  140. Certaines vertus sont, pour le voisin, plus insupportables que certains vices.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  141. Le vice a ses hypocrites, comme la vertu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  142. Les vices du prochain sont les flatteurs des nôtres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  143. Si la vertu est la victoire après le combat, le repentir est le combat qui recommence après la défaite.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  144. Le remords pleure le repos perdu, le repentir pleure le devoir méconnu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  145. Il y a des êtres dont tous les mobiles sont élevés, comme il y a des fleurs qui regardent toujours le soleil.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  146. Nous jugeons les autres sur leurs actes, et nous-même sur nos intentions.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  147. Nous jugeons plus sévèrement que le monde nos sentiments, et moins sévèrement notre conduite : seuls nous connaissons nos mobiles et nos tentations.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  148. Le moraliste peut observer les causes et les effets humains de la croyance en Dieu. La croyance elle-même lui échappe : elle est matière de foi et non d'observation.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  149. Les pensées d'un auteur sur Dieu ne nous font pas connaître Dieu; mais elles nous font connaître l'auteur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  150. On peut juger un homme ou un peuple sur son Dieu : il lui prête les idées qu'il a et les sentiments qu'il voudrait avoir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  151. Chaque homme adore en son Dieu son idéal.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  152. Les phénomènes naturels et la terreur qu'ils inspirent peuvent rendre l'homme superstitieux : c'est le besoin de justice et l'aspiration au bonheur qui le rendent religieux.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  153. Le besoin de retrouver une espérance ramène à Dieu les vieillards.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  154. Celui qui aime Dieu compte bien être aimé de Dieu : son imagination et ses espérances le paient de cet amour qu'il croit désintéressé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  155. L'amour de Dieu est la seule affection qui ne dépende que de nous. Aussi est-ce la seule qui ne nous trompe jamais.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  156. Dans le cours banal de la vie, les hommes nous font oublier Dieu ; au jour de l'épreuve, leur impuissance nous ramène à lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  157. La crainte ramène à Dieu plus que la douleur, le malheur redouté plus que le malheur accompli.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  158. Les Romains offraient des sacrifices à Janus pendant la guerre et fermaient son temple pendant la paix.
    N'est-ce pas ainsi que partout et toujours l'homme agit avec son Dieu ?

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  159. Le Dieu auquel je crois de toutes les forces, de mon âme, voilà le Dieu qui, pour moi, soulèvera des montagnes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  160. «J'y crois parce qu'il m'est doux d'y croire.» Tel est le raisonnement de tous les croyants : c'est celui de Pascal, avec ses « raisons du coeur » que la raison ne comprend pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  161. L'objet du doute est ce que ma raison refuse d'admettre, comme ne m'étant pas démontré.
    L'objet de la foi est ce qui s'impose à ma croyance, quoique ne m'étant pas démontré.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  162. Croire sans oser raisonner sa croyance, n'est-ce pas déjà douter.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  163. Il y aurait une chose plus contraire à la raison que la légende la plus déraisonnable : ce serait la prétention d'expliquer à l'aide de la raison seule les mystères inexplicables qui enveloppent l'univers.
    L'homme simple ne s'y trompe pas : il exige une légende surnaturelle pour appuyer sa foi.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  164. Le surnaturel est l'explication que l'homme se donne à lui-même des phénomènes dont il ne discerne pas les causes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  165. C'est par leurs côtés surnaturels que les religions s'emparent de notre foi ; c'est par leurs côtés humains, qu'elles s'emparent de notre conduite.
    Les enfants sont sages pour plaire à l'Enfant Jésus ; les femmes veulent être pures comme Marie ; mais Dieu le père a peu de serviteurs : il est trop loin de l'humanité.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  166. Ce qu'on appelle la Science est une succession d'hypothèses qui changent sans cesse; l'hypothèse d'aujourd'hui raille celle d'hier et sera raillée par celle de demain.
    Comment la science pourrait-elle donner une règle morale à l'humanité!

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  167. L'enseignement de la vie, quand il n'est pas épuré par un idéal de religion, de philosophie ou de charité, c'est le Struggle for life dans toute sa brutalité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  168. Croire en Dieu, c'est trouver hors de soi un point d'appui.
    Ne pas croire en Dieu, c'est se réduire à sa propre infaillibilité.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  169. Sachons voir à travers les choses de la terre ce qu'elles laissent transparaître du ciel.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  170. Chacun de nous a dans son coeur le germe de tous les bons et de tous les mauvais penchants du coeur humain.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  171. Les mêmes instincts s'agitent au fond de tous les coeurs. Ce qui distingue les hommes c'est la valeur relative que prennent dans leur âme des instincts identiques.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  172. Chacun de nos penchants peut s'épanouir en une vertu ou se flétrir en un vice.
    Le caractère, l'éducation, l'occasion lui donnent sa direction définitive.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  173. L'éducation ne supprime pas nos mauvais instincts. Elle nous enseigne qu'il est louable de les maîtriser, qu'il est décent de les masquer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  174. L'homme du peuple dit: « Un héritage. »
    L'homme du monde dit «Un deuil.»

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  175. Pour connaître l'homme, regardons l'enfant, que l'éducation n'a pas encore dressé à déguiser son égoïsme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  176. Si nous ne voulons pas mépriser les hommes, n'observons pas trop les chiens : leur coeur ferait honte à notre indifférence, leur cynisme nous révélerait ce que cache notre hypocrisie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  177. Les sentiments mènent les hommes, les idées mènent l'humanité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  178. Nous obéissons à nos sentiments plus qu'à notre raison.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  179. L'expérience d'autrui ne touche que notre raison. La nôtre est une blessure qui pénètre jusqu'à notre sentiment.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  180. L'enseignement de l'exemple est le seul qui entraîne, parce que l'exemple, c'est la vie, au lieu d'être la leçon.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  181. Tel qui n'accompagnait pas sa mère à l'église, va à l'église pour y conduire son enfant.
    On sent mieux le devoir de donner l'exemple que celui de le suivre.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  182. Le Bon Sens varie avec les temps et avec les lieux. Il est le résumé des idées et des coutumes moyennes reçues dans le pays et dans le siècle de celui qui parle.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  183. Il y a deux sortes d'esprits ceux qui créent et ceux qui comprennent.
    Il y a encore ceux qui ne comprennent même pas.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  184. Il y a plus de lacunes dans un grand esprit que dans un grand coeur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  185. Il faudrait avoir de l'esprit pour s'apercevoir qu'on est bête.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  186. L'esprit des gestes fait valoir l'esprit des paroles.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  187. L'homme qui gesticule trop ressemble à un singe.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  188. L'expression, l'accent, le regard, c'est l'âme qui transparaît à travers la matière ; c'est l'involontaire qui passe à travers le convenu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  189. Les qualités rares ne valent pas les petites qualités de tous les jours : on a si rarement occasion d'y faire appel.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  190. Les esprits absolus sont des esprits étroits qui ne voient qu'un côté des choses.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  191. L'esprit paradoxal saisit dans une question le côté le plus imprévu,l'isole de tous les autres, et en tire imperturbablement des conséquences logiques et fausses.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  192. Le théoricien se perd dans ce qui devrait être : l'homme pratique se préoccupe de ce qui est.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  193. La théorie nous montre le but à atteindre ; la pratique, le terrain à parcourir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  194. Le novateur et le rétrograde sont également butés contre le sens commun : ils ne se demandent pas si une chose est bonne, mais si elle est nouvelle. Ce point suffit à l'un pour l'approuver, à l'autre pour la condamner.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  195. Quand un homme dit souvent « Je ne sais pas cela » il y a des chances pour qu'il soit très instruit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  196. L'habileté est l'art de se servir de la force, et au besoin de s'en passer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  197. La pudeur, c'est le sentiment du papillon qui ne veut pas que son aile soit même effleurée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  198. La modestie, comme la timidité, dérive souvent d'une sorte de pudeur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  199. On n'apprécie bien que ce qu'on a perdu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  200. On sent mieux le prix d'un bien moral quand on le possède, d'un bien matériel quand on le perd.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  201. Lorsqu'après un revers on accuse la fortune, on oublie volontiers le point d'où l'on est parti pour ne songer qu'à celui d'où l'on est tombé.
    Bonaparte a vingt ans eût-il rêvé qu'il serait un jour souverain de l'ile d'Elbe?

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  202. Tout change sans cesse, les choses ne se fixent que dans le souvenir, et la mémoire elle-même est fugitive.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  203. Le livre que je relis, le pays que je revois, l'ami que je retrouve, je les regarde avec d'autres yeux, je les juge avec un autre coeur.
    Ce n'est pas eux, c'est moi qui ai changé.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  204. Quand tout a changé autour d'un homme, c'est lui que le monde accuse d'avoir changé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  205. L'homme serait bien malheureux s'il était condamné à se survivre, et à voir comment lui succèdent ses héritiers.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  206. Notre pensée s'arrête volontiers sur les rêves de l'avenir ou du passé; elle glisse sur le présent, dont la réalité brutale se prête mal aux illusions.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  207. Ce qui assombrit la vie, c'est moins le poids du présent que le regret du passé et la préoccupation de l'avenir. On n'est heureux, enfant, que parce qu'on les ignore ; homme,que quand on les oublie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  208. Le moment présent est vite passé: c'est le souvenir qui dure.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  209. Le souvenir transforme en rêve ce qui n'était qu'une réalité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  210. Sans espérance il n'y a pas de désirs, mais des rêves ou des regrets.
    Sans espérance il n'y a pas de patience, mais du découragement et de la lassitude. Pour être patient il faut espérer quelque chose.
    Sans espérance il n'y aurait même pas de résignation. La résignation n'attend plus rien sur la terre, mais elle cherche au-delà, et elle espère encore.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  211. Il y a de l'espérance même dans la crainte : au moment où le malheur s'accomplit, notre coeur se brise, et ce déchirement est précisément la perte de l'espérance.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  212. La crainte est aveugle comme l'espérance : bandeau noir et bandeau rose.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  213. Se plaindre, c'est espérer encore.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  214. Le rêve est l'espérance de ce que la raison n'ose espérer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  215. On trouve le temps long quand on ne pense qu'à soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  216. Le temps paraît long, moins par le vide de l'heure présente que par l'impatience de l'heure attendue.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  217. Quelle que soit la durée d'un voyage, un mois, un jour, une heure, c'est quand nous approchons du but que le temps commence à nous paraître long. Notre réserve de patience s'épuise quand nous apercevons le port.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  218. La solitude, comme la nuit, a ses fantômes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  219. Nos peines sont plus vives dans la solitude : la plus faible lumière blesse le regard quand la nuit est profonde.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  220. Ce n'est pas en vivant avec les hommes que l'on devient misanthrope; c'est plutôt en vivant toujours avec soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  221. On ne bâille pas quand on est seul.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  222. On donne plus facilement son temps que son argent, excepté quand ce temps vaut de l'argent.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  223. Le pauvre est plus volontiers secourable que le riche : on ne lui demande que sa peine.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  224. On croit donner mieux quand on donne beaucoup.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  225. Avec de l'argent on peut secourir, on ne peut consoler.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  226. Un partage entre héritiers ne se termine sans querelles que s'il se fait au premier moment. Chacun dispose alors d'un bien qui n'est pas encore entré dans sa fortune. Plus tard, toute concession lui enlève ce qu'il s'est habitué à considérer comme sien
    . C'est la différence entre une perte et un manque gagner.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  227. L'avarice est moins l'amour exagéré de l'argent que l'exagération de l'instinct de provision.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  228. L'avare est un bienfaiteur méconnu de l'ingrate humanité. Il ne prend pas sa part de jouissance, et il prend plus que sa part de l'épargne. Il accumule des forces dont profiteront les générations futures.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  229. De toutes les formes repoussantes que peut prendre l'amour de l'or, la plus haïssable, parce qu'elle est la plus dangereuse pour les autres, ce n'est pas l'avarice, c'est l'avidité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  230. La manie d'amasser grandit avec l'impuissance de jouir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  231. Les avares eux-mêmes méprisent l'avarice, dès qu'ils croient l'apercevoir chez les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  232. Frère le premier homme avec lequel on se bat. Plus tard, c'est avec son ami.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  233. Quand les amis de notre ami nous parlent de lui, c'est pour gémir avec nous de ses défauts.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  234. Entrez sans être attendu dans un salon où l'on parle de vous. Chacun se tait avec inquiétude, et si la maîtresse de la maison essaie de vous répéter ce qui vient d'être dit, elle ne manque jamais de l'arranger un peu, tant il semble impossible que vous puissiez, sans en être froissé, entendre les réflexions que font sur vous en votre absence vos meilleurs amis.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  235. Une visite de condoléances est cruelle. La famille en deuil, lasse de pleurer, se reprenait à vivre. Rappelée au devoir de la douleur, il lui faut rouvrir sa blessure pour se montrer aussi triste que le visiteur est ému.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  236. La politesse est le soin de ne laisser paraître que ce qui doit plaire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  237. La politesse nous commande d'offrir à un autre ce que nous aimerions à garder pour nous. L'usage du monde nous enseigne l'art difficile de rester poli sans trop nous sacrifier.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  238. Quand on s'excuse de ne pouvoir venir, de ne pouvoir rester, on invoque toujours une obligation ennuyeuse.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  239. Être franc, c'est dire ce que les autres ne diraient pas. C'est donc s'exposer à être blâmé par les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  240. On n'est franc que quand on l'est contre soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  241. Divulguer le secret des autres n'est pas de la franchise, mais de l'indiscrétion.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  242. Faire la leçon aux autres n'est pas de la franchise, mais de l'orgueil.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  243. J'aime et je préconise la franchise, quand c'est moi qui juge les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  244. Tout vice a pour serviteur le mensonge.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  245. Quand on a un but dominant auquel on sacrifie tout, un des premiers sacrifices qu'on lui fait est celui de la vérité. Plus le but est grand et désintéressé, moins on a de scrupules.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  246. Le mensonge souligne et aggrave le tort qu'il espérait cacher.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  247. Le maladroit ment sans tromper; l'habile trompe sans mentir; le plus habile amène sa dupe à se tromper elle-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  248. Le monde voit la faute, ne cherche jamais l'excuse, et n'aperçoit pas toujours l'expiation.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  249. La calomnie, comme la foudre, menace les sommets.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  250. L'incorrection appelle la calomnie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  251. Qu'est-ce que le succès ? Un peu de bruit autour du héros, qui croit l'univers occupé de lui ; plus loin, quelques mots indifférents ; au-delà, le silence.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  252. Qu'il se rencontre un homme poursuivant sans arrière-pensée personnelle un but désintéressé, les plus honnêtes gens mettront en doute son bon sens ou sa bonne foi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  253. La gloire ne s'attache pas à la vertu, mais à la grandeur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  254. L'homme admire ce qui l'étonne, non ce qui le sert.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  255. Le mépris fait moins souffrir celui qui l'inspire que celui qui l'éprouve.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  256. On est indifférent à l'opinion de ceux que l'on méprise, non de ceux que l'on hait.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  257. Le monde est lâche : il accorde beaucoup à qui demande beaucoup. L'égoïste n'est pas aimé, mais il est servi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  258. Le moqueur croit prouver à la fois qu'il a de l'esprit et qu'il n'a pas le défaut dont il rit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  259. Ce qui encourage le moqueur, c'est qu'il commence par un succès : la punition vient plus tard.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  260. On devient gênant quand on est gêné, comme quand on ne se gène pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  261. Il y a des gens qui ne nous prendraient pas notre bourse, et qui, sans scrupule, nous prennent notre temps.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  262. Le ridicule est comme les fantômes : il s'évanouit dès qu'on le brave.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  263. On n'est ridicule que quand on l'est sans le savoir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  264. Je ne connais pas un homme dont quelqu'un ne dise « Il n'est pas comme tout le monde! »
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  265. Nous appelons manie l'habitude du voisin, différente de la nôtre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  266. Le monde qualifie de maniaque ou de toqué l'homme qui poursuit son but ou qui suit ses goûts sans s'occuper de ce qu'en pense le voisin.
    Et chacun des snobs dont se compose le monde cache dans un coin de sa tête quelque idée singulière qui fait de lui, aux yeux de ses voisins, un maniaque ou un toqué.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  267. Certaines gens ont la manie de faire autrement que tout le monde. Presque toujours ils font moins bien que tout le monde.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  268. Sachons dire merci à qui accepte gracieusement ce que nous avons la joie de lui donner.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  269. On se souvient plus longtemps d'avoir donné que d'avoir reçu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  270. La reconnaissance est plus facile à un inférieur qu'à un égal : elle ne change pas les situations respectives.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  271. La reconnaissance serait plus douce si elle ne nous rappelait pas que nous avons eu besoin du bienfait.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  272. La reconnaissance coûte moins quand le service a prévenu la demande.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  273. Quand c'est le coeur qui donne, l'égalité n'est pas rompue entre le bienfaiteur et l'obligé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  274. La reconnaissance est durable quand l'intérêt ou la vanité aide la mémoire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  275. La reconnaissance cesse de coûter à l'obligé quand il a encore besoin de secours, parce qu'elle est une prière, ou quand il est devenu plus puissant que son bienfaiteur, parce qu'elle est une attitude.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  276. Quand le bienfaiteur fait acheter son bienfait par une leçon, il se paie lui-même, et il dispense l'obligé de la reconnaissance.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  277. Êtes-vous las d'entendre votre bienfaiteur vous rappeler trop souvent son bienfait ? Demandez-lui un nouveau service.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  278. De tous les témoignages de notre gratitude, celui que le bienfaiteur apprécierait le plus serait encore notre refus d'accepter le sacrifice qu'il nous offre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  279. N'acceptons jamais un sacrifice : tôt ou tard il nous serait reproché.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  280. Accepter un bienfait, c'est donner au bienfaiteur le droit de veiller à ce que son sacrifice ne soit pas perdu. Si l'obligé a plus de coeur que d'amour-propre, cette sujétion n'empoisonnera pas tout à fait sa reconnaissance.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  281. Celui qui implore un secours ne mérite pas toujours d'être secouru.
    Celui qui recoit un secours ne sait pas toujours en profiter.
    Cependant c'est toujours un devoir de secourir.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  282. On paie tous les services qu'on rend.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  283. Fais le bien et passe.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  284. Vieillir, c'est rester seul.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  285. Vieillir, c'est souffrir de tout ce qui meurt autour de nous, de tout ce qui s'éteint en nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  286. On peut mesurer l'action de l'âge sur un homme par l'empire qu'il a permis à l'habitude de prendre sur lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  287. Si les vieillards tiennent tant à la vie, c'est que la mort les arracherait à leurs habitudes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  288. Le vieillard a des habitudes plus que des affections.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  289. Le vieillard tient à être choyé plus qu'à être aimé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  290. Le vieillard raconte sa vie, pour se donner l'illusion d'agir encore.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  291. Écrire ses mémoires, c'est compter ses morts.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  292. Le vieux garçon ne pense qu'à lui : il a usé de la vie, il est las ;
    La vieille fille se mêle toujours des affaires des autres elle n'a pas eu sa part, elle reste agitée.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  293. La jeunesse, qui a devant elle l'avenir et ses illusions, rêve et poursuit le mieux.
    La vieillesse, lasse et désabusée, se contente du tant bien que mal.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  294. Jeune, on jette au vent ses souvenirs : à qui voit devant soi l'avenir qu'importe le passé?
    Vieux, on veut tout noter, tout conserver, non pour soi qui va finir, mais parce qu'on rêve de laisser, dans le sillage où tout s'efface, une trace de soi.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  295. Dans ses rêves le jeune homme imagine l'avenir, le vieillard revoit le passé. Aussi, le rêve a-t-il pour l'un le charme de l'espérance, pour l'autre l'amertume du regret.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  296. À l'âge où il est trop tard pour refaire notre vie, nous rêvons de la refaire dans la vie d'un autre nous-même, d'un enfant que nous modèlerons à notre gré, et qui profitera de notre expérience désormais inutile pour nous.
    Quand notre fils est grand, comme il n'a pas réalisé notre rêve, nous rêvons d'un petit-fils.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  297. Un enfant, c'est l'espérance et l'avenir, c'est-à-dire un idéal façonné par nos rêves.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  298. Imitation et contradiction voilà les mobiles des enfants, et aussi ceux des hommes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  299. Imiter et contredire, c'est également suivre une impulsion extérieure; c'est s'éviter de penser.
    L'homme, comme l'enfant, a besoin de prendre un point d'appui hors de soi.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  300. Toute semence est un débris d'une chose passée..
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  301. Il y a des polichinelles pour tous les âges.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  302. Les ménages les plus paisibles sont ceux où la femme gouverne. La femme qui obéit sent qu'elle est contrainte ; le mari qui se laisse mener s'imagine que c'est lui qui commande.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  303. Une femme n'aime son mari sans réserve que quand elle est veuve.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  304. Les convenances sont des garde-fous : le monde les impose aux femmes plus sévèrement qu'aux hommes, parce qu'elles se feraient plus de mal en tombant.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  305. « Il fait parler de lui » : c'est un éloge. « Elle fait parler d'elle » : c'est un blâme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  306. La coquetterie est le fait des femmes et l'oeuvre des hommes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  307. Une femme sans grâce est une fleur sans parfum.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  308. Une femme ne nous pardonne ni de voir qu'elle aime, ni de croire qu'elle n'a jamais aimé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  309. La femme veut par-dessus tout être aimée. Si parfois elle désire dans l'homme qu'elle aime une passion plus haute que l'amour, c'est pour en obtenir le sacrifice.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  310. Une femme qui a le malheur d'être laide ne doit ni trop l'oublier, ni trop s'en souvenir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  311. Les honnêtes femmes devraient veiller à ce que leur indignation contre les femmes galantes ne prit pas les apparences de la jalousie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  312. La liberté, c'est Ie droit d'avoir tort.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  313. La liberté, c'est le respect des droits de chacun; l'ordre,c'est le respect des droits de tous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  314. Obéir aux lois c'est tenir sa parole.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  315. Dans l'état de nature, il n'y a d'autre droit que la force. La civilisation met la force au service du droit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  316. Le droit a pour première origine un fait imposé par la force, accepté par la résignation et consacré par le temps.
    Quand les privilégiés qui possèdent le droit sont devenus faibles et que les déshérités sont devenus forts, une révolution rétablit un instant l'état de nature, et crée, en faveur de ceux qui sauront le conquérir et le défendre, un nouveau droit, bientôt aussi légitime que celui qui résultait des luttes antérieures.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  317. Toute révolution se résume dans un déplacement de propriété et un déplacement de vanité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  318. Le paysan français a pour trait caractéristique l'amour de la propriété. Quand il convoite le bien du prochain, il crie « Vive la République. » Quand il croit le sien menacé, il crie « Vive César...»
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  319. On peut juger une cause en regardant quels hommes la défendent.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  320. Pour louer les manières d'un homme Ie bourgeois dit : «Il est comme il faut. » Le gentilhomme : « II est distingué. »
    Le premier se pique d'être aussi bien que tout le monde; le second d'être mieux que tout le monde.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  321. Le bourgeois salira ses mains plutôt que ses gants: le gentilhomme sacrifiera ses gants et préservera ses mains.
    L'éducation a habitué l'un à payer de sa personne pour conquérir l'argent, l'autre à se servir de l'argent pour épargner sa personne.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  322. Le noble et l'ouvrier sont plus disposés que le bourgeois à sacrifier leur argent. Ils savent qu'il leur restera toujours ce qui fait leur force : à l'un sa naissance et ses alliances, à l'autre ses bras.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  323. La bourgeoise parvenue veut une dame de compagnie titrée. Républicaine, elle affirme ainsi la préséance de sa roture ; royaliste, elle se faufile dans la noblesse par la porte de service.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  324. Telle plébéienne se plaît à frayer avec des duchesses ; sa vanité se figure qu'un reflet de ses nobles amies lui dore à elle-même un blason.
    Telle autre, plus fière, s'entoure des filles de ses serviteurs ou de ses protégés; son orgueil s'imagine qu'en cette compagnie c'est elle qui sera la duchesse.
    II y a plus de dignité à vivre avec ses égaux qu'à se faire regarder de haut en bas par des supérieurs, ou de bas en haut par des subalternes.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  325. Quand un roturier s'affuble d'un faux titre, ce ne sont pas les vrais nobles, mais les roturiers qui s'en offusquent.
    Les nobles sourient de cet hommage rendu au prestige de la naissance, et, quand ils reçoivent le nouveau gentilhomme, ils préfèrent le voir s'annoncer sous un nom sonore : cela maintient le ton de leur maison.
    Mais les bourgeois ne pardonnent pas à un des leurs d'obtenir des égards qui ne sont pas accordés à leur roture, et qu'eux-mêmes n'osent pas refuser à un titre d'emprunt.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  326. Une oeuvre d'art est la forme donnée a un sentiment ou à une pensée. L'homme qui se contente de la forme peut être un artisan ingénieux; il n'est ni un artiste, ni un poète.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  327. L'art pour l'art : parler pour ne rien dire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  328. Styliste : écrivain plus occupé de sa phrase que de sa pensée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  329. L'art recherche ce qui attire et charme les yeux ; le goût, ce qui ne choque point et passe inaperçu.
    L'actrice doit se costumer avec art; la femme du monde doit s'habiller avec goût.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  330. Il peut y avoir des génies sans talent, mais ils restent stériles.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  331. Le bonheur a sa source en nous-même; sans nous, l'univers ne peut nous le donner.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  332. Le bonheur, c'est l'idéal, c'est l'infini. Nous l'entrevoyons dans le vague du rêve, dans le mirage du souvenir ou de l'espérance ; nous ne pouvons l'enfermer dans la réalité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  333. Plus haut est l'idéal, plus inaccessible est le bonheur. L'histoire des hommes dont s'honore l'humanité est celle des souffrances qu'ils ont éprouvées en poursuivant un idéal qui les fuyait toujours.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  334. Pour connaître le fond du coeur d'un homme, il suffirait de savoir quelle idée il se fait du Paradis et comment il se représente l'Enfer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  335. La froide raison peut nous éviter quelques misères : elle est impuissante à nous donner le bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  336. Quand l'homme n'a plus de passions, il n'est plus heureux que par ses manies.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  337. La première condition pour être heureux est'd'accepter sa destinée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  338. L'homme cherche le bonheur, et il ne sait pas s'épargner le remords !
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  339. Dieu a mis un devoir dans chaque bonheur, un bonheur dans chaque devoir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  340. Nous ne saisissons jamais le bonheur, mais nous en avons sans cesse l'image devant les yeux. Quand nous pensons à nous, nous l'imaginons dans nos rêves; quand nous regardons les autres, nous croyons l'apercevoir dans leur destinée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  341. Ce que l'on n'a pas, il suffit souvent de le rêver pour en jouir comme si on le possédait.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  342. Celui-là seul est heureux qui rêve le bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  343. Lorsque le bonheur longtemps rêvé nous visite enfin, notre coeur ne le reconnaît pas.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  344. Réaliser son rêve c'est perdre son rêve sans trouver le bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  345. Nous, rêvons le bonheur, et notre vie se passe à choisir entre les maux.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  346. Les heureux de ce monde sont les hommes qui ont quelques joies pour compenser leurs peines.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  347. Ce qu'on appelle une vie heureuse, c'est trop souvent une vie qui traverse les douleurs des autres hommes sans en être atteinte, et sans les partager.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  348. Si nous voulons garder notre sérénité, ne cherchons pas à découvrir au fond du coeur de ceux que nous aimons les misères que nous ne pouvons guérir, les tristesses que nous ne pouvons consoler, les mobiles que nous ne pouvons purifier.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  349. Heureux qui sait être heureux par le bonheur d'autrui: il est plus facile à contenter!
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  350. La satisfaction de soi-même est presque toujours le prix d'un sacrifice accompli pour les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  351. Le bonheur naît des sentiments que nous éprouvons pour les autres, du bien que nous essayons de leur faire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  352. Rien ne rend heureux comme de rendre heureux.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  353. Faire le bien est de tous les bonheurs le plus sûr : il ne dépend que de nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  354. Que nous cherchions le bonheur dans l'affection, dans le dévouement, dans le devoir, nous ne le trouverons que dans ce qui nous arrache à nous-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  355. Plaisir en changeant, bonheur en restant fidèle.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  356. On est parfois bien ingénieux pour détruire son bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  357. On ne s'aperçoit pas de ses petits bonheurs, tant il semble naturel d'être heureux.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  358. À défaut du vrai bonheur, nous appelons bonheurs nos joies éphémères.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  359. Le bonheur n'est qu'un rêve : Les bonheurs sont parfois réels.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  360. L'homme se leurre si facilement qu'il lui suffit d'avoir entrevu le bonheur pour en être a jamais heureux par le souvenir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  361. Le bonheur est court! pour peu que la vie s'attarde, elle dure plus que lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  362. Le bonheur perdu était toujours sans nuages.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  363. Chercher à nous consoler, c'est vouloir arracher de notre coeur jusqu'au souvenir du bonheur perdu.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  364. Toute consolation est vaine quand on ne la trouve pas en soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  365. Au premier jour d'un deuil, on pense à celui qu'on aimait et qui n'a plus la joie de vivre : on est ému et on pleure.
    PIus tard onpense à soi, à l'affection qu'on a perdue, à l'appui que cette affection nous donnait dans les misères de la vie : la tristesse succède aux larmes, à l'émotion le découragement.
    Puis la vie reprend son cours, les habitudes se creusent un nouveau lit. Le disparu n'a pas cessé de nous être cher, mais nous n'avons plus sans cesse devant les yeux l'image effrayante de la mort, ni dans le coeur le déchirement de la séparation. Le temps a fait son oeuvre: nous sommesconsolé.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  366. On ne se console pas, on oublie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  367. Quand nous avons perdu l'être adore; notre douleur est notre vie même : elle est tout ce qui nous reste du bonheur d'avoir aimé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  368. Les joies qui satisfont la conscience sont les seules que puisse supporter un coeur en deuil : toute autre joie lui semble une insulte à sa douleur, un outrage à l'être pleuré.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  369. La plus douce consolation pour un coeur meurtri est de transformer sa douleur en bienfaits. Ses'larmes sont moins amères quand il sèche d'autres pleurs.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  370. Les grandes joies et les grandes douleurs ouvrent le coeur à la compassion. Mais les bonheurs sont trop fugitifs pour laisser sur notre âme une empreinte durable : ce sont les deuils qui inspirent les réels sacrifices et les longs dévouements.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  371. Il était déjà bon celui que le chagrin rend meilleur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  372. Le malheur ne passe jamais indifférent sur une âme : il la brise ou il la bronze.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  373. Il est doux de se rappeler le bonheur à jamais évanoui. Il est cruel de revoir seul les lieux témoins de ce bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  374. L'anxiété de l'inquiétude est plus poignante encore que l'angoisse de la douleur.
    Quand le malheur est accompli, l'irréparable nous courbe sous la soumission.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  375. Celui qui se croit malheureux souffre autant que celui qui l'est réellement; mais parfois une caresse suffit pour le guérir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  376. Un grand malheur nous cause plus de souffrance qu'un grand bonheur ne nous apporte de joie. C'est qu'un malheur nous enlève à jamais un bien ou une espérance, tandis qu'un bonheur, après avoir réalisé pour un instant un de nos désirs, nous laisse, comme auparavant, à toutes les misères de notre destinée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  377. Plus le malheur nous frappe, plus nous rêvons au bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  378. Le découragement et la résignation terminent également la lutte de l'âme contre le malheur : l'une est la défaite, l'autre. est la victoire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  379. Tout être est un moi qui voit autour de lui graviter l'univers.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  380. C'est en nous que réside l'intérêt des choses, c'est de nous que sort tout ce que nous sentons dans la vie.
    Le moi est la source de toutes nos impressions, la flamme qui donne sa couleur à tout ce qu'elle éclaire.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  381. Notre moi déborde jusque dans nos bienfaits.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  382. C'est pour soi qu'on donne.
    Nous tenons à faire un cadeau distinct et personnel, pour en avoir le bénéfice.
    Nous prétendons que celui qui le reçoit en fasse usage, non comme il le voudrait, mais comme nous le voulons pour lui.
    Nous exigeons qu'il conserve, et non qu'il donne à son tour ce que nous lui avons donné. Donner n'est que prêter.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  383. C'est pour soi qu'on aime.
    Nous voulons que l'objet de notre affection impérieuse soit heureux, non selon ses goûts, mais selon les nôtres.
    Nous souffrons quand il est heureux sans nous, ou par un autre que nous.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  384. C'est pour soi qu'on se sacrifie.
    On prétend choisir et mesurer soi-même son sacrifice.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  385. Pour obliger, l'un donne plus volontiers son argent, l'autre son temps, ou sa peine, ou son crédit.
    Chacun fait le sacrifice qui lui coûte le moins, ou qui le flatte davantage.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  386. Se dévouer à un principe, c'est se dévouer à soi-même. On se personnifie dans l'idole que l'on s'est créée, et on lui sacrifie tout et tous, même soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  387. Nous n'imaginons guère l'amour sans jalousie, tant nous sentons qu'aimer avec ardeur, c'est aimer pour soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  388. Le jaloux aime mal, l'autre n'aime pas assez : chacun des deux aime pour lui et n'aime que lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  389. Tel qui ferait tous ses efforts pour aider à notre succès ne nous pardonne pas un succès obtenu sans lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  390. Ce qui me charme dans l'être adoré, ce n'est pas lui, c'est l'idéal que je me suis fait de lui.
    Ce que j'aime dans cet être que je crois aimer plus que moi-même, c'est l'amour que j'ai pour lui.
    L'idole, c'est moi.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  391. L'être aimé croit m'enivrer de son amour ;c'est mon amour pour lui qui seul m'enivre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  392. Plus nous aimons notre ami, plus nous sentons qu'il nous serait moins douloureux de le voir souffrir que de souffrir par lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  393. Demander à un ami de nous consoler, c'est lui demander de partager notre douleur. Plus il affectera d'en souffrir, plus la consolation sera douce à notre égoïsme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  394. Nous compatissons mieux au malheur de notre ami quand il dérange nos habitudes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  395. La peine du voisin nous est douce. Elle nous distrait de la nôtre, et elle nous donne juste assez d'émotion pour nous persuader à nous même que nous avons du coeur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  396. Chacun sent suivant son caractère, même les peines de son ami.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  397. La perpétuelle tristesse et la perpétuelle gaîté révèlent l'une et l'autre l'indifférence à tout ce qui n'est pas soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  398. On trouve toujours une théorie pour justifier son penchant.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  399. L'homme se trompe parce qu'il se trouble, et il se trouble parce qu'il est préoccupé de soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  400. Il est assez ordinaire de voir un homme se glorifier précisément de ce que le monde lui reproche : l'avare est fier de son économie, l'intrigant de son habileté, le poltron de sa prudence.
    Chacun, en obéissant à son instinct, prétend obéir à la raison.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  401. Nous comprenons mal les sentiments qui sont trop au-dessus ou trop au-dessous des nôtres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  402. Notre sympathie instinctive est comme un verre coloré à travers lequel notre raison +entrevoit les hommes. Aussi notre jugement sur eux est-il toujours un portrait flatté ou une caricature : c'est une étude où l'on retrouve plus encore le peintre que le modèie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  403. On voit mal quand on regarde à travers le rire ou à travers les larmes.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  404. Notre infatuation est si naïve que nous sommes sincère en doutant de la bonne foi ou du bon sens de qui pense autrement que nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  405. Chacun sent les coups qu'il reçoit, ne sent pas ceux qu'il porte, et accuse son adversaire d'avoir eu tous les torts.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  406. La faute du prochain est toujours grave ; la nôtre toujours excusable.
    Notre malheur nous semble toujours intolérable, celui du voisin toujours facile à supporter.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  407. Le sage est toujours préparé à la mort de son prochain.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  408. Un tort est à nos yeux sans excuse quand c'est contre nous qu'on a péché.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  409. Toute épreuve, celle du succès comme celle de l'adversité, secoue un homme et fait tomber son masque.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  410. Une émotion forte rend l'homme à la nature et efface la convention sociale. Dans une grande joie ou dans une grande douleur, le plus hautain écoute avec reconnaissance les félicitations ou les condoléances de son plus humble subalterne.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  411. Le timide oublie sa timidité, le vaniteux son orgueil, le misérable sa misère, dès qu'il est assez occupé d'un autre pour s'oublier soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  412. Le timide, comme le fat, se figure que tout le monde le regarde. Celui-ci croit qu'on l'admire, et il fait la roue ; celui-là tremble qu'on ne le critique, et il se terre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  413. Le plus modeste employé, mis à la retraite, se demande de bonne foi si le ministère pourra marcher sans lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  414. Ne consultons jamais un confrère sur notre oeuvre. En regardant la nôtre, c'est à la sienne qu'il pense.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  415. La musique d'amateurs ravit ceux qui l'exécutent et fait souffrir ceux qui l'entendent. L'exécutant écoute avec son imagination, les auditeurs avec leurs oreilles.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  416. En jugeant le voisin, nous blâmons surtout le défaut qui nous gène, nous vantons la qualité qui peut nous servir.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  417. Quand on ne doute pas de soi, on peut ne pas faire bien, mais on fait quelque chose. Quand on se défie de soi, on ne fait rien.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  418. Il est relativement facile de réussir un pastiche ou une parodie : toute négligence y passe pour une malice et est mise sur le compte du modèle.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  419. Un homme qui nous ressemble nous parait notre caricature.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  420. Au moral comme au physique, nul n'est degoûté de soi-même.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  421. Une idée nous est plus chère quand nous croyons l'avoir conçue nous-même. Nous la défendons, non seulement avec conviction, mais avec tendress.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  422. On se fait le parrain et l'avocat de la pièce dont on a par hasard vu la première représentation, du livre dont on a entrevu le manuscrit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  423. J'aime à lire le compte rendu de la séance à laquelle j'ai assisté. C'est ma séance, et je recherohe dans le journal, non pas l'orateur que j'ai entendu, mais moi qui l'ai écouté.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  424. Deux personnes se sont brouillées. Pour nous, celle qui a raison, c'est celle que le hasard a placée un jour sur notre chemin. Notre moi s'étend sur elle et la protège.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  425. Nous nous soumettons plus volontiers aux devoirs artificiels qu'aux devoirs naturels : c'est nous qui les avons créés.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  426. Nous n'observons que ce qui se greffe sur notre pensée.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  427. Le moraliste ne note pas tout ce qu'il voit, mais seulement ce qu'il regarde.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  428. On aime à retrouver ses idées dans un livre plutôt qu'à y découvrir des idées nouvelles.
    On ne lit pas l'auteur, on se lit soi-même.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  429. Le poète croit nous enivrer de son rêve : il ne fait qu'éveiller le nôtre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  430. Lire un livre, c'est broder sur le thème proposé par l'auteur des variations que l'on tire de soi, et qui seules font l'intérêt de la lecture.
    Les livres dont il faut s'assimiler les données sans y rien ajouter de soi, on les consulte, on ne les lit pas.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  431. Nous sommes si pénétré de notre opinion que nous en trouvons la justification jusque dans le livre qui la condamne.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  432. Les contemporains jugent un ouvrage comme un auteur juge son oeuvre en s'y recherchant eux-mêmes.
    Ils s'y plaisent s'ils s'y retrouvent.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  433. Un livre peut réussir par ses défauts ; il ne survit que par ses qualités.
    Il plait aux contemporains s'il les reflète ; il ne plait à la postérité que s'il reflète l'homme de tous les temps.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  434. Retoucher une page écrite de verve, c'est mettre une pièce à une étoffe. La reprise se voit presque toujours.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  435. Dire sa joie est un bonheur : confier sa peine est un soulagement. Heureux ou malheureux, on a besoin d'occuper les autres de soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  436. Parler de soi c'est révéler à la fois ce qu'on est et ce qu'on voudrait être.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  437. Nous faire connaître est un de nos plus grands plaisirs : voilà l'attrait des nouvelles amitiés.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  438. «Ce qui fait, dit La Rochefoucauld, que les amants et les maîtresses ne s'ennuient pas d'être ensemble, c'est qu'ils se parlent toujours d'eux-mêmes. »
    Quand les amants et les maîtresses se sont tout dit sur eux-mêmes, ils peuvent s'aimer encore, mais la lune de miel a cessé.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  439. L'homme qui s'adresse au public une fois par hasard touche à cent questions étrangères à son sujet : il profite de l'occasion pour produire sa personne.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  440. Dans un salon d'hôtel, où !e hasard rassemble des gens qui ne s'étaient jamais vus et qui ne se reverront jamais, l'un raconte ce qu'il est, l'autre ce qu'il a, le plus intelligent ou le mieux élevé ce qu'il sait ; mais chacun parle de soi : chacun, à sa manière, fait la roue.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  441. Rien n'égale l'importance que nous attachons aux menus faits de notre vie, si ce n'est l'indifférence avec laquelle nos meilleurs amis en écoutent le récit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  442. Aller à confesse, c'est accomplir un devoir, en se livrant à cette occupation délicieuse : parler de soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  443. Une confession : «Je ne le ferai plus »
    Une confidence : « Je voudrais bien le faire encore ! »

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  444. Dans une confession on raconte ses pechés; dans une confidence on raconte ceux des autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  445. Il est si doux de parler de soi qu'il suffit d'expliquer sa maladie à son médecin pour se sentir momentanément soulagé.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  446. Un malade est flatté et presque consolé si on lui persuade que son infirmité est un cas extraordinaire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  447. Dire du mal de soi est le seul moyen de parler de soi sans ennuyer les autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  448. On ne nous pardonne de nous mettre en scène dans un récit que si nous prenons soin d'y donner à notre rôle quelque nuance de ridicule. L'amour-propre de l'auditeur cesse d'être jaloux si le nôtre semble un peu sacrifié.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  449. L'orgueil, c'est la conscience exaltée par l'idée du Moi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  450. La conscience sans Dieu, c'est l'orgueil.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  451. L'orgueil est un flatteur, la conscience est un juge.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  452. Il faut rendre justice à l'orgueil: s'il n'inspire pas des vertus, il épargne au moins des bassesses.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  453. L'orgueilleux se préoccupe moins d'être supérieur aux autres que de ne pas être inférieur à son idéal.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  454. L'orgueil est sincère, c'est la vanité qui ment.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  455. La vanité rend l'homme content de soi; l'orgueil le rend difficile à contenter.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  456. L'orgueilleux peut se suffire à lui-même ; le vaniteux a besoin de l'admiration des autres.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  457. Il entre toujours dans l'orgueil un peu de vanité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  458. L'orgueilleux le plus convaincu de sa supériorité se plait encore à s'entendre louer par un sot.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  459. L'homme de génie dédaigne la foule, et c'est pour obtenir le suffrage de la foule qu'il sacrifie sa vie à son génie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  460. Nous montrer flatté, c'est laisser voir qu'au fond nous ne croyons pas mériter l'hommage qui nous flatte.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  461. Se vanter d'avoir des amis haut placés, c'est avouer qu'on ne se juge pas l'égal de ses amis.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  462. Par vanité on accepte des siluations humiliantes. Pour approcher un personnage en vue, on se fait son complaisant ou son valet.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  463. Prendre la livrée d'un grand, c'est montrer plus de vanité que d'orgueil.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  464. L'envie naît de l'impuissance de la vanité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  465. L'envie a sa source dans le coeur qui l'éprouve: l'homme le plus comblé peut la ressentir, le plus disgracié peut l'inspirer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  466. L'envie est la plus involontaire et la plus flatteuse des flatteries.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  467. L'homme est encore plus fier d'inspirer l'envie que l'affection : il lui semble qu'on le traite en égal quand on l'aime, en supérieur quand on l'envie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  468. L'envieux s'attaque surtout à ses égaux. Plus grand ou plus petit que lui, on l'offusque moins : il songe moins à se comparer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  469. L'amour-propre est l'orgueil appliqué aux petites choses qui se voient.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  470. On n'a pas d'amour-propre vis-à-vis de soi-même : on sait trop à quoi s'en tenir !
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  471. On confesse volontiers les péchés flatteurs.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  472. Une confidence est difficile à garder quand elle flatte notre amour-propre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  473. Pavé de l'ours : le compliment qui s'adresse à notre voisin.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  474. Un compliment nous caresse toujours, même et surtout quand nous sentons qu'il n'est pas tout à fait mérité.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  475. On est crédule autant de fois qu'on rencontre un flatteur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  476. Le flatteur n'est pas seul coupable; il a le flatté pour complice.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  477. Tous les plaideurs protestent qu'ils défendent leur dignité plus que leur bourse.
    L'amour-propre parait un mobile plus avouable que l'intérêt.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  478. Nous acceptons plus facilement les privations qu'impose la ruine quand elles sont secrètes. Notre amour-propre, que nous qualifions de dignité, nous tient au coeur plus que notre bien-être.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  479. On affecte volontiers la résignation quand le malheur est immérité : elle ne coûte rien à l'amour-propre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  480. Une blessure au coeur altère moins la bonne humeur qu'une blessure à l'amour-propre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  481. Notre amour-propre accepte avec moins de déplaisir la haine que la pitié.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  482. Nos torts nous irritent plus que ceux d'autrui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  483. Juger, c'est se poser en supérieur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  484. Chacun, dit-on, est seul juge de son honneur. Seul, en effet, chacun sent ce que son amour-propre ne lui pardonnerait pas d'avoir supporté.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  485. Le succès d'un ami nous flatte et nous blesse : notre amour-propre prend sa part d'une gloire née près de nous, et s'étonne qu'elle ne soit pas tombée sur nous.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  486. Ce qui tient le plus au coeur de l'homme, plus que l'intérêt, plus même que la joie d'être heureux, c'est la gloire d'avoir raison.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  487. Nous éprouvons une sorte de dépit de ne pas voir se réaliser le malheur que nous avons prédit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  488. S'il nous plait de nous critiquer nous-même, nous sommes froissé d'être contredit.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  489. Prouver à son interlocuteur qu'on a raison n'est qu'une joie : lui prouver qu'il a tort est un triomphe.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  490. « C'est un devoir de dire la vérité à ses amis. » Telle est la devise de chacun de nous quand c'est lui qui fait la leçon à son ami.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  491. Que de gens se plaisent à faire le bien parce que, pour eux, faire le bien n'est qu'une occasion de faire la leçon à celui qu'ils secourent !
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  492. Le moraliste découvre l'égoïsme dans toutes les actions des hommes, et il s'en console par le plaisir de le décrire.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  493. L'égoïste n'est pas l'homme qui pense à lui, mais celui qui ne pense qu'à lui.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  494. L'égoïsme nous est si profondément naturel que tout l'exalte en nous : le malheur, la prospérité, même l'affection, même le sacrifice.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  495. Nos intérêts dictent nos opinions et inspirent notre conduite. L'honnête homme ne se l'avoue pas ; le fripon le sait et passe outre.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  496. Le sentiment que l'on éprouve pour soi-même n'est pas de l'affection : c'est une sorte de dévouement sans borne et sans frein.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  497. L'homme qui professe le plus ouvertement l'égoïsme n'oserait pas l'enseigner à un enfant.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  498. L'égoïste n'aime pas les lectures tristes : il ne consent à s'attendrir que sur ses propres douleurs.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  499. Le bonheur rend bon ; la prospérité rend égoïste.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  500. L'homme à qui tout a réussi croit volontier que la vie est facile.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  501. Il ne suffit pas à notre égoïsme que notre voisin nous sacrifie ses désirs et ses goûts nous exigeons encore qu'il y renonce avec bonne grâce. Nous voulons ignorer qu'il se sacrifie.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  502. Donner tout notre coeur à un seul être, ce n'est pas anéantir en nous l'égoïsme, c'est le transformer.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  503. Preférer à soi celui de qui l'on attend le bonheur, c'est encore de l'égoïsme.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  504. Il n'est pas d'égoïsme plus implacable que celui que l'on étend à ce qui n'est pas soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  505. Il y a des vertus égoïstes, celles qui ne servent qu'à soi, et à ceux qu'aime soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  506. Une mauvaise passion devient irrésistible quand elle peut se masquer sous l'apparence d'un bon sentiment.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  507. Le devoir de mon voisin, c'est le sacrifice que j'attends de lui pour me servir. Mon devoir, c'est le sacrifice que je consens à faire, parce qu'il me servira.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  508. La loyauté désire du respect de soi-même : la délicatesse suppose en outre le respect des autres.
    L'égoïste pourra être loyal rarement il sera délicat.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  509. L'égoïste pose en axiome que « faire le bien est un métier de dupe ». L'axiome est vrai pour lui, qui, dans le service rendu, voit uniquement le profit ou la reconnaissance qu'il en attend.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  510. Prendre un peu de peine pour en épargner beaucoup aux autres est un effort que la charité, l'affection, la reconnaissance obtiennent difficilement du plus serviable, quand il ne s'y joint pas un léger intérêt personnel.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  511. Les heureux, qui ont près d'eux tout ce qu'ils aiment, et les égoïstes qui n'aiment qu'eux attendent le facteur avec indifférence.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  512. Que peut-il manquer à ma femme? Elle a tout ce qu'il me faut.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  513. Pour se débarrasser de l'égoïste, lui parler de soi.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  514. Que l'égoïste est heureux ! il possède sans partage l'affection absolue du seul être qui lui est cher.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  515. Nos instincts sont égoïstes ils viennent de la bête, qui lutte pour vivre, et qui sait qu'elle doit mourir.
    Nos élans sont généreux ils viennent de l'ange, qui est prisonnier dans la bête, et qui sent qu'il doit survivre.
    C'est l'honneur de la volonté de faire obéir l'instinct à l'élan, la bête à l'ange.

    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)
     
  516. L'égoïsme peut donner la jouissance ; l'élan généreux peut seul donner le bonheur.
    (Remarques et Pensées, Société d'éditions littéraires et artistiques, Paris, 1901)