Yoko Ogawa
1962
  1. Une démonstration véritablement juste forme un équilibre harmonieux entre la souplesse et une solidité à toute épreuve. Il existe tout un tas de démonstrations qui, même si elles ne sont pas fausses, sont ennuyeuses, grossières et irritantes. Vous comprenez ? De la même façon que personne n'est capable d'expliquer pourquoi les étoiles sont belles, c'est difficile d'exprimer la beauté des mathématiques.
    (La formule préférée du professeur, trad. Rose-Marie Makino-Fayolle , p.27, Babel n°860)
     
  2. On attrape les mathématiques avec l'intuition, comme un martin-pêcheur fond soudainement sur l'eau par réflexe, dès qu'il aperçoit l'éclat d'une nageoire dorsale dans la lumière.
    (La formule préférée du professeur, trad. Rose-Marie Makino-Fayolle , p.29, Babel n°860)
     
  3. Résoudre un problème dont la solution existe obligatoirement, c'est un peu comme faire avec un guide une randonnée en montagne vers un sommet que l'on voit. La vérité ultime des mathématiques se dissimule discrètement à l'insu de tous au bout d'un chemin qui n'en est pas un. En plus, il n'est pas sûr que cet endroit soit un sommet. Ce peut être une gorge entre deux falaises abruptes ou un fond de vallée.
    (La formule préférée du professeur, trad. Rose-Marie Makino-Fayolle , p.51, Babel n°860)
     
  4. Dans mon imagination, le créateur de l'univers faisait de la dentelle quelque part tout au bout du ciel. Avec un fil si fin qu'il laissait passer la lumière. Le dessin n'existait que dans la tête de son créateur, personne ne pouvait s'en emparer, ni prévoir le motif qui allait suivre. L'aiguille se déplaçait sans arrêt. La dentelle se poursuivait à l'infini, faisait des vagues, ondulait au vent. On ne pouvait s'empêcher de vouloir la prendre pour l'exposer à la lumière. En extase, au bord des larmes, on la caressait de la joue. Et l'on souhaitait pouvoir représenter avec ses propres mots les motifs ajoutés. Un minuscule fragment suffirait, si l'on pouvait le faire sien et le rapporter sur la terre.
    (La formule préférée du professeur, trad. Rose-Marie Makino-Fayolle , p.168, Babel n°860)
     
  5. Aux échecs, l'homme se révèle dans la forme de ses sacrifices plutôt que dans l'attaque.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.42, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  6. À l'intérieur d'un échiquier, on peut voyager bien plus loin qu'en prenant l'avion, tu sais.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.51, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  7. Il ne faut jamais déplacer une pièce sans raison. Tu vois ? Il faut bien réfléchir. Sans renoncer, avec persévérance, et c'est à partir du moment où tu penses que rien ne va plus qu'il faut réfléchir encore plus et te décider. C'est cela l'important. Le hasard n'est jamais un allié. Arrêter de réfléchir c'est perdre.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.55, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  8. [Le Petit Joueur d'échecs demande pourquoi on n'utilise pas de lettre pour noter le mouvement d'un pion.]
    Le pion est la vie des échecs. On n'a pas besoin de le symboliser avec un signe, un pion est un pion.

    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.59, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  9. Sur l'échiquier apparaît tout du caractère de celui qui déplace les pièces. Sa philosophie, ses émotions, son éducation, sa morale, son ego, ses désirs, sa mémoire, son avenir, tout. On ne peut rien dissimuler. Les échecs sont un miroir qui donne une idée de ce qu'est l'homme.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.74, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  10. On a toujours envie de se justifier longuement pour donner un sens à son jeu. On ajoute soi-même des commentaires. C'est idiot. La bouche est bien quelque chose qu'on a en trop.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.265, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  11. Ceux qui ont une bouche quand ils l'ouvrent ne parlent que d'eux-mêmes. Moi, moi, moi. Le plus important c'est toujours moi. Mais aux échecs, on n'a pas besoin de soi, tu sais. Ce qui apparaît sur un échiquier est impossible à expliquer avec des mots humains. Se raconter avec sa bouche stupide, c'est comme si on gribouillait dessus.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.266, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  12. Les gens qui jouent aux échecs sont si beaux.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.277, Actes Sud/Leméac, 2013)
     
  13. Devant l'échiquier personne ne peut tricher avec soi-même.
    (Le Petit Joueur d'échecs, trad. Martin Vergne, p.286, Actes Sud/Leméac, 2013)