Charles Pinot Duclos
1704-1772
  1. Les préjugés mêmes doivent être discutés et traités avec circonspection.
    (Considérations sur les moeurs, p. 83, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  2. Il y a peu d'hommes assez sûrs et assez satisfaits de l'opinion qu'ils ont d'eux-mêmes, pour être indifférents sur celle des autres; et il y en a qui en sont plus tourmentés que des besoins de la vie.
    (Considérations sur les moeurs, p. 125, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  3. À l'égard des réputations de probité, il est étonnant qu'il n'y en ait pas plus d'établies, attendu la facilité avec laquelle on l'usurpe quelquefois. On ne voyait jadis que des hypocrites de vertu; on trouve aujourd'hui des hypocrites de vice. Des gens ayant remarqué qu'une vertu austère n'est pas toujours exempte d'un peu de dureté, parce qu'on est moins circonspect quand on est irréprochable, et qu'on s'observe moins quand on ne craint pas de se trahir; ces gens tirent parti de leur férocité naturelle, et souvent la portent à l'excès, pour établir la sévérité de leur vertu : leurs déclarations contre l'impudence sont des preuves continuelles de la leur. Qu'il y a de ces gens dont la dureté fait toute la vertu! L'étourderie est encore une preuve très équivoque de la franchise; on ne devrait se fier qu'à l'étourderie de ceux à qui elle est souvent préjudiciable.
    (Considérations sur les moeurs, p. 141, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  4. Les lettres ne donnent pas précisément un état; mais elles en tiennent lieu à ceux qui n'en ont pas d'autre, et leur procurent des distinctions que des gens qui leur sont supérieurs pas le rang n'obtiendraient pas toujours.
    (Considérations sur les moeurs, p. 198, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  5. Ce qui constitue l'homme de lettres n'est pas uen vaine affiche, ou la privation de tout autre titre; mais l'étude, l'application, la réflexion et l'exercice.
    (Considérations sur les moeurs, p. 214, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  6. La réflexion sert de sauvegarde au caractère, sans le corriger, comme les règles en servent au génie, sans l'inspirer.
    (Considérations sur les moeurs, p. 239, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  7. Dans les choses purement intellectuelles nous ne ferions jamais de faux jugements, si nous avions présentes toutes les idées qui regardent le sujet dont nous voulons juger. L'esprit n'est jamais faux, que parce qu'il n'est pas assez étendu, au moins sur le sujet dont il s'agit, quelqu'étendue qu'il pût avoir d'ailleurs sur d'autres matières; mais dans celles où nous avons intérêt, les idées ne suffisent pas à la justesse de nos jugements. La justesse de l'esprit dépend alors de la droiture du coeur, et du calme des passions; car je doute qu'une démonstration mathématique parût une vérité à quelqu'un dont elle combattrait une passion forte ; il y supposerait du paralogisme.
    (Considérations sur les moeurs, p. 240, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  8. Le vrai bienfaiteur cède à son penchant naturel qui le porte à obliger, et il trouve dans le bien qu'il fait une satisfaction qui est à la fois, et le premier mérite et la première récompense de son action ; mais tous les bienfaits ne partent pas de la bienfaisance. Le bienfaiteur est quelquefois aussi éloigné de la bienfaisance que le prodigue l'est de la générosité ; la prodigalité n'est que trop souvent unie avec l'avarice; et un bienfait peut n'avoir d'autre principe que l'orgueil.
    (Considérations sur les moeurs, p. 263, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  9. On n'est pas toujours obligé d'avoir ses parents pour amis; mais il est décent de vivre avec eux comme s'ils l'étaient et de cacher au public toutes les dissensions domestiques.
    (Les confession du comte de *** in Oeuvres complètes, vol. 2, p. 105, Janet et Cotell, 1820)
     
  10. Dans l'histoire, comme dans l'optique, l'éloignement rapproche les objets entr'eux.
    (Mémoire sur les épreuves, p. 521, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.1, Delaunay, Paris, 1806)
     
  11. Raisonner est se servir de deux jugements pour en faire un troisième : comme lorsqu'ayant jugé que toute vertu est louable, et que la patience est une vertu, j'en conclus que la patience est louable.
    (Remarques sur la grammaire, p. 52, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.8, Janet et Cotell, 1821)
     
  12. C'est, je le répète, sur l'état du paysan que je juge d'un gouvernement que je n'ai ni le temps ni le moyen de connaître.
    (Voyage en Italie, p. 25, in Oeuvres complètes de Duclos, Vol.7, Éd. Renouard, Paris, 1806)
     
  13. Plus l'esprit est faible, plus il imagine de chimères.
    (Histoire de Louis IX, in Oeuvres T.II., p. 332, Guérin, 1745)
     
  14. Les rois pardonnent rarement à ceux qu'ils craignent.
    (Histoire de Louis IX, in Oeuvres T.III., p. 38, Delaunay, 1806)
     
  15. Les princes ne sont pas assez heureux pour avoir des amis; et, dans leurs derniers moments, ils ne trouvent pas toujours de l'obéissance.
    (Considérations sur le goût, p. 465, in Oeuvres complètes de Duclos, T.2, Colnet, Paris, 1806)
     
  16. Une méprise très commune, c'est de confondre le luxe avec le goût.
    (Considérations sur le goût, p. 118, in Oeuvres complètes de Duclos, T.10, Colnet, Paris, 1806)
     
  17. Les hommes savent que les politesses qu'ils se font ne sont qu'une imitation de l'estime.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.32, Janet-Cotelle, 1823)
     
  18. Une des premières vertus sociales est de tolérer dans les autres ce qu'on doit d'interdire à soi-même.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.32, Janet-Cotelle, 1823)
     
  19. Le mérite a sa pudeur comme la chasteté: tel se donne naïvement un éloge, qui ne le recevrait pas d'un autre sans rougir ou sans embarras.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.39, Janet-Cotelle, 1823)
     
  20. Les âmes sensibles ont plus d'existence que les autres : les biens et les maux se multiplient à leur égard.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.51, Janet-Cotelle, 1823)
     
  21. La fidélité aux lois, aux moeurs et à la conscience fait l'exacte probité.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.52, Janet-Cotelle, 1823)
     
  22. La vertu, supérieure à la probité, exige qu'on fasse le bien, et y détermine.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.52, Janet-Cotelle, 1823)
     
  23. La probité est la vertu des pauvres; la vertu doit être la probité des riches.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.54, Janet-Cotelle, 1823)
     
  24. Le désir d'occuper une place dans l'opinion des hommes a donné naissance à la réputation, la célébrité et la renommée, ressorts puissants de la société, qui partent du même principe, mais dont les moyens et les effets ne sont pas totalement les mêmes.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.64, Janet-Cotelle, 1823)
     
  25. La modestie est le seul éclat qu'il soit permis d'ajouter à la gloire.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.74, Janet-Cotelle, 1823)
     
  26. Si les réputations se forment et se détruisent avec facilité, il n'est pas étonnant qu'elles varient, et soient souvent contradictoires dans la même personne. Tel a une réputation dans un lieu, qui dans un autre en a une toute différente; il a celle qu'il mérite le moins, et on lui refuse celleà laquelle il a le plus de droit.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.75, Janet-Cotelle, 1823)
     
  27. Les hommes ont plus de timidité dans l'esprit que dans le coeur; et les esclaves volontaires font plus de tyrans que les tyrans ne font d'esclaves forcés.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.85, Janet-Cotelle, 1823)
     
  28. L'agrément est devenue si nécessaire, que la médisance même cesserait de plaire si elle en était dépourvue. Il ne suffit pas de nuire, il faut surtout amuser; sans quoi le discours le plus méchant retombe plus sur son auteur que sur celui qui en est le sujet.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.103, Janet-Cotelle, 1823)
     
  29. Comme la mode est parmi nous la raison par excellence, nous jugeons des actions, des idées et des sentiments sur leur rapport avec la mode. Tout ce qui n'y est pas conforme est trouvé ridicule.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.111, Janet-Cotelle, 1823)
     
  30. Le ridicule consiste à choquer la mode ou l'opinion, et communément on les confond assez avec la raison ; cependant ce qui est contre la raison est sottise ou folie; contre l'équité c'est crime.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.111, Janet-Cotelle, 1823)
     
  31. Le ridicule est le fléau des gens du monde [...]
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.112, Janet-Cotelle, 1823)
     
  32. L'orgueil est le premier des tyrans ou des consolateurs.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.129, Janet-Cotelle, 1823)
     
  33. L'amour des lettres rend assez insensible à la cupidité et à l'ambition, console de beaucoup de privations, et souvent empêche de les connaître ou de les sentir.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.144, Janet-Cotelle, 1823)
     
  34. L'orgueil humilié et rampant est toujours de l'orgueil.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.172, Janet-Cotelle, 1823)
     
  35. La colère est une haine ouverte et passagère ; la haine une colère retenue et suivie.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.181, Janet-Cotelle, 1823)
     
  36. La vraie sensibilité serait celle qui naîtrait de nos jugements, et qui ne les formerait pas.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.181, Janet-Cotelle, 1823)
     
  37. Le respect n'est autre chose que l'aveu de la supériorité de quelqu'un.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.183, Janet-Cotelle, 1823)
     
  38. Le meilleur des gouvernements n'est pas celui qui fait les hommes les plus heureux, mais celui qui fait le plus grand nombre d'heureux.
    (Considérations sur les moeurs de ce siècle, p.192, Janet-Cotelle, 1823)
     
  39. Le malheur de ces gens qui savent tout est de ne jamais rien prévoir.
    (Acajou et Zirphile, in Oeuvres T.8, p. 378, Renouard, 1806)