Arto Paasilinna
1942
  1. En un certain sens, les humains, ceux de sexe masculin en tout cas, étaient comparables à des véhicules d'occasion. On pouvait reconnaître le modèle et évaluer le kilométrage. Un observateur averti était capable de dire si les amortisseurs étaient encore bons, si l'embrayage patinait, si les cylindres étaient usés. Les hommes étaient comme des poids lourds : les vieux comme de vieux camions et les jeunes comme des camions neufs. Mais il y en avait aussi qui ressemblaient plutôt à des mobylettes ou à des scooters des mers.
    Les femmes, elles, à supposer qu'on puisse les comparer à des véhicules, étaient comme des voitures. Une femme jeune et jolie était une décapotable aux lignes fluides, mais si elle pratiquait avec trop d'ardeur la circulation nocturne, la carrosserie ne résistait pas : elle se couvrait de bosselures, la peinture s'écaillait, les béquets rouillaient. Un jour ou l'autre, pendant une marche arrière, un feu arrière se brisait et cela ne valait pas le coup de le changer.
    Il y avait aussi des voitures féminines qui ne vieillissaient jamais et restaient intemporelles année après année, tout au long de l'histoire de l'automobile. On les bichonnait avec amour et leurs formes suscitaient encore l'intérêt alors que les camions les plus robustes étaient partis à la casse depuis longtemps. Les héroïques mères de familles nombreuses, quant à elles, étaient des autobus parfaitement fiables, toujours à l'heure, qui ne laissaient jamais personne sur le bas-côté.

    (La cavale du géomètre, trad. Antoine Chalvin, p.19, Éd. Folio n°3393)
     
  2. L'homme est ainsi fait qu'il ne peut s'empêcher de taper dans un ballon qui approche. C'est dans le sang. Et quand un ballon s'éloigne, il se met à courir après.
    (La cavale du géomètre, trad. Antoine Chalvin, p.86, Éd. Folio n°3393)
     
  3. [...] son visage rayonnait d'une joie mauvaise.
    (La cavale du géomètre, trad. Antoine Chalvin, p.144, Éd. Folio n°3393)
     
  4. On demanda à Vatanen s'il avait l'intention de tuer et de manger le lièvre quand il aurait grandi. Vatanen déclara qu'il n'y songeait pas. On en conclut que personne bien sûr ne tuerait son propre chien, et qu'il est parfois plus facile de s'attacher à un animal qu'à un être humain.
    (Le lièvre de Vatanen, trad. Anne Colin du Terrail, p.23, Éd. Folio - hors commerce)
     
  5. Un écrit lié au temps est comme un sentier dans la neige : on ne s'en sert qu'en hiver ; le printemps l'emporte et en été il n'existe plus, on n'en a pas besoin, alors on l'oublie.
    (Prisonniers du paradis, trad. Antoine Chalvin, p.9, Folio n°3084)
     
  6. Jouer les fous n'est pas à la portée de n'importe qui. Il faut réfléchir et avoir de la suite dans les idées pour qu'on vous croie.
    (Le meunier hurlant, trad. Anne Colin du Terrail, p.97, Folio n°2562)
     
  7. Les hommes ne parlent jamais que de leurs affaires. S'ils sont gens de guerre, ils s'emballent pour des histoires de troupes et d'armes, s'ils sont poètes, ils parlent prosodie et lisent leurs vers, et s'ils sont médecins, [...] ils décrivent des maladies effroyables et pontifient sur leur traitement, comme si les plaies mortelles qui affligent l'humanité étaient un sujet de conversation éminemment passionnant.
    (La douce empoisonneuse, trad. Anne Colin du Terrail, p.51, Folio n°3830)
     
  8. Un officier [de l'armée] est comme un artiste de génie à qui l'on interdirait d'exposer.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.22, Folio n°4216)
     
  9. Quand la faillite entre par la porte, l'amour vole par la fenêtre.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.81, Folio n°4216)
     
  10. Le monde est ainsi fait, certains portent les péchés des autres.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.161, Folio n°4216)
     
  11. Les soldats sont comme les chiens, ils montent d'instinct la garde même quand ce n'est pas nécessaire.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.174, Folio n°4216)
     
  12. Les suicidaires conclurent d'une seule voix que si le plus grave dans la vie c'était bien la mort, ce n'était quand même pas si grave.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.275, Folio n°4216)