Bertrand Russell
1872-1970
- [...] la plupart des notions inspirées par le sens du toucher sont un fatras de préjugés sans fondement scientifique, qu'il faut nous empresser de jeter par-dessus bord, si nous voulons nous faire une juste idée du monde.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.11 , 10|18 n° 233)
- [...] l'impression de se trouver "quelque part" est due au fait qu'à la surface de la terre, tous les objets quelque peu massifs veulent bien se tenir tranquilles.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.13 , 10|18 n° 233)
- L'histoire d'un physicien racontée par une particule bêta ressemblerait aux Voyages de Gulliver.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.46 , 10|18 n° 233)
- Si les paradoxes de la théorie de la relativité restreinte font figure de paradoxes, c'est que nous n'avons pas l'habitude de voir les choses de cette façon et que nous nous arrogeons le droit de penser que les choses vont de soi.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.57 , 10|18 n° 233)
- Ce que l'observation est capable de nous apprendre sur le monde extérieur constitue donc un savoir plus abstrait que nous ne le pensions jusque-là.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.99 , 10|18 n° 233)
- Il est intéressant de comprendre une bonne fois que la géométrie qu'on enseigne dans les écoles depuis les Grecs est en train de perdre son autonomie dans la hiérarchie des sciences et d'être annexée par la physique.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.99 , 10|18 n° 233)
- La science ne cherche pas à énoncer des vérités éternelles ou de dogmes immuables ; loin de prétendre que chaque étape est définitive et qu'elle a dit son dernier mot, elle cherche à cerner la vérité par approximations successives.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.134 , 10|18 n° 233)
- Dans toute discussion, le plus délicat est toujours de faire la différence entre une querelle de mots et une querelle de fond.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.147 , 10|18 n° 233)
- Il existe des lois qui ont bonne mine lorsqu'elles sont exprimées dans un certain langage, mais qui ne souffrent pas d'être traduites ; elles ne peuvent pas figurer parmi les lois de la nature.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.148 , 10|18 n° 233)
- Le divorce entre l'histoire et la géographie est dû au divorce entre l'espace et le temps.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.156 , 10|18 n° 233)
- Nous avons pris l'habitude d'invoquer les lois naturelles pour fonder nos actes. C'est, je crois, une belle erreur : l'imitation de la nature ne mène qu'à la servitude.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.162 , 10|18 n° 233)
- Lorsqu'un objet bouge dans un miroir, direz-vous que quelque chose l'a poussé ? [...] Le cosmos semble aussi "irréel" , aussi "diaphane" que le monde des miroirs, et, comme lui, il n'a que faire de la "force" pour se mouvoir.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.163 , 10|18 n° 233)
- [...] la particule [élémentaire] doit être pensée comme ÉTANT son histoire, et non pas comme une entité métaphysique AYANT une histoire.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.171 , 10|18 n° 233)
- [En parlant de l'observateur tel que défini dans la relativité] La subjectivité dont traite la relativité est une subjectivité d'ordre physique, qui peut se passer de cerveaux ou d'appareils sensoriels.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.178 , 10|18 n° 233)
- Il est curieux de constater - et la relativité n'est pas la seule à nous le montrer - qu'à mesure que le raisonnement progresse, il prétend de moins en moins être à même de prouver. Autrefois la logique était censée nous apprendre à raisonner ; à présent, elle enseigne plutôt à s'abstenir de raisonner.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.181 , 10|18 n° 233)
- [...] une émotion qui ne résiste pas à quelques malheureuses équations ne saurait être ni très sincère ni très rare.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.183 , 10|18 n° 233)
- Entre l'interprétation d'une symphonie, et la partition de cette symphonie, il existe une certaine ressemblance, dite de structure. La ressemblance est telle que, connaissant la "grammaire" musicale, vous êtes à même de déduire indifféremment la musique de la partition écrite, ou la partition écrite de la musique. Or voilà que vous êtes sourd de naissance, mais que vous avez toujours vécu en compagnie de musiciens. À force de parler et de lire sur les lèvres, vous finirez par comprendre que les partitions musicales sont les symboles de quelque chose dont l'essence intime est radicalement différente, mais dont la structure est la même. Vous ne pourrez jamais vous faire une idée de ce que peut représenter la musique, mais vous pourrez en faire toute la mathématique, puisque la mathématique de la musique est la même que la mathématique de la partition écrite. Eh bien c'est un peu comme cela que nous connaissons la nature. Nous savons en lire les partitions, et par le raisonnement nous pouvons apprendre sur elle tout ce que le sourd apprend sur la musique. Mais il a sur nous un avantage : il peut communiquer avec les musiciens. Nous, nous ne saurons jamais si la musique écrite dans nos partitions est sublime ou grotesque ; peut-être même, en dernière analyse... (mais c'est un doute que le physicien, au coeur même de son travail, n'a pas le droit de nourrir) peut-être nos partitions ne figurent-elles rien d'autre que le silence de leur propre écriture.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.184 , 10|18 n° 233)
- [...] nous ne savons presque rien, mais [...] c'est merveille d'en savoir tant, et plus encore d'acquérir un si grand pouvoir avec un si maigre savoir.
(ABC de la relativité, trad. Pierre Clinquart, p.186 , 10|18 n° 233)
- Il existe deux types de travail : le premier consiste à déplacer une certaine quantité de matière se trouvant à la surface de la terre, ou dans le sol même ; le second, à dire à quelqu'un d'autre de le faire. Le premier type de travail est désagréable et mal payé ; le second est agréable et très bien payé. Le second type de travail peut s'étendre de façon illimitée : il y a non seulement ceux qui donnent des ordres, mais aussi ceux qui donnent des conseils sur le genre d'ordres à donner. Normalement, deux sortes de conseils sont donnés simultanément par deux groupes organisés : c'est ce qu'on appelle la politique. Il n'est pas nécessaire pour accomplir ce type de travail de posséder des connaissances dans le domaine où l'on dispense des conseils : ce qu'il faut par contre, c'est maîtriser l'art de persuader par la parole et par l'écrit, c'est-à-dire l'art de la publicité.
(Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.11, Éditions Allia, 2002 )
- La notion de devoir, du point de vue historique s'entend, fut un moyen qu'ont employé les puissants pour amener les autres à consacrer leur vie aux intérêts de leurs maîtres plutôt qu'aux leurs.
(Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.16, Éditions Allia, 2002 )
- [...] il est indispensable que l'éducation soit poussée beaucoup plus loin qu'elle ne l'est actuellement pour la plupart des gens, et qu'elle vise en partie, à développer des goûts qui puissent permettre à l'individu d'occuper ses loisirs intelligemment. [...] Les plaisirs des populations urbaines sont devenus essentiellement passifs : aller au cinéma, assister à des matchs de football, écouter la radio, etc. Cela tient au fait que leurs énergies actives sont complètement accaparées par le travail.
(Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.33, Éditions Allia, 2002 )
- La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l'aisance et de la sécurité, non d'une vie de galérien. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.
(Éloge de l'oisiveté, trad. Michel Parmentier, p.38, Éditions Allia, 2002 )
- [...] philosopher, c'est spéculer sur des sujets où une connaissance exacte n'est pas possible.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.7, idées/nrf n°17)
- Imaginer le monde, en reculer les bornes par l'hypothèse, voilà donc un usage possible de la philosophie.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.9, idées/nrf n°17)
- La véritable affaire du philosophe, ce n'est pas de changer le monde, c'est de le comprendre.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.13, idées/nrf n°17)
- Si vous êtes certain, vous vous trompez certainement, parce que rien n'est digne de certitude ; et on devrait toujours laisser place à quelque doute au sein de ce qu'on croit ; et on devrait être capable d'agir avec énergie, malgré ce doute.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.17, idées/nrf n°17)
- Les hommes découvrent que pour la difficile entreprise de comprendre le monde - ce qui devrait être le but implicite de tout philosophe - il faut de la longueur de temps, et un esprit sans dogmatisme.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.20, idées/nrf n°17)
- Cette idée qu'on ne peut changer la nature humaine, quelle sottise !
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.49, idées/nrf n°17)
- Il me semble que seuls des hommes cruels ont pu inventer l'enfer. Avec des sentiments humains, on n'aurait pas pris plaisir à imaginer des gens condamnés à souffrir éternellement, sans aucune chance de rémission, pour avoir agi sur terre contre la morale de leur tribu. Pareille façon de voir ne pouvait être celle de gens honnêtes.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.74, idées/nrf n°17)
- Si un acte ne fait de mal à personne il n'y a pas de raison pour qu'on le condamne.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.76, idées/nrf n°17)
- [La propagande] est mauvaise quand elle mêle la mauvaise opinion et la bonne. Mais elle n'est pas mauvaise en soi. Ou alors il faudrait dire que toute l'éducation est mauvaise, puisque l'éducation est une manière de propagande.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.92, idées/nrf n°17)
- [Il y a quatre ingrédients du bonheur] que je juge importants. Le premier, c'est peut-être la santé. Le deuxième, les moyens voulus pour être à l'abri du besoin. Le troisième, d'heureux rapports avec les autres. Le quatrième, la réussite dans le travail.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.98, idées/nrf n°17)
- Une chose est à déconseiller si l'on veut être heureux : se tracasser. De ce côté-là, j'ai fait des progrès en vieillissant, et j'en suis beaucoup plus heureux. Pour éviter de me tourmenter, je me suis fait un système bien pratique. Je dis : « Voyons, qu'est-ce qui pourrait vraiment arriver de pire ? » Et ensuite je pense : «Après tout, ce ne serait pas si grave - dans cent ans ; et même je crois que ça n'aurait aucune importance. » Quand vous vous astreignez à penser ainsi, vous finissez par vous tracasser beaucoup moins. Si nous nous faisons du souci, c'est que nous n'aimons pas regarder en face les possibilités désagréables.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.104, idées/nrf n°17)
- [...] il est très important, quand on veut être heureux, de s'intéresser à autre chose que soi-même.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.110, idées/nrf n°17)
- [...] plus mes cheveux sont blancs, et plus les gens croient ce que je leur dis.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.111, idées/nrf n°17)
- Un poète, un peintre, un architecte qui satisfont leurs contemporains ne sont généralement pas de grands novateurs ; les grands novateurs déplaisent souvent à leurs contemporains.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.131, idées/nrf n°17)
- Depuis les temps les plus reculés, nous voyons, chaque fois que l'humanité fait un grand pas en avant, qu'elle le doit à des individus ; et presque toujours, ces individus rencontrent une opposition farouche de la société.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.136, idées/nrf n°17)
- On n'est jamais sûr de rien, mais il y a tout de même un principe qui peut être utile. C'est de n'agir que d'après ce que nous croyons être la vérité. On peut se tromper, on peut faire un geste malheureux : à ce moment-là, il faut s'arrêter.
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.152, idées/nrf n°17)
- À la fin des fins, il faut s'apercevoir que le bonheur d'un homme, dans ce monde moderne où tout se tient de si près, n'existe que s'il s'accommode du bonheur de son voisin, même si c'est un voisin détesté...
(Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.179, idées/nrf n°17)
- [La philosophie] n'est pas une connaissance exacte, car cela, c'est la science. Il ne s'agit pas non plus d'une crédulité sans fondement, comme celle des sauvages. C'est quelque chose qui se situe entre ces deux extrêmes et que l'on pourrait peut-être appeler « l'art de la conjecture rationnelle ».
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.1, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Les opinions des gens ont pour fonction première d'assurer leur confort intellectuel ; la vérité, pour la plupart d'entre eux, est une considération secondaire.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.2, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Celui qui veut devenir philosophe a tout avantage à acquérir une vaste connaissance des mathématiques.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.6, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Ce serait admirable de voir dans nos écoles un certain pourcentage de musulmans et de bouddhistes que l'on encouragerait à défendre leurs religions respectives contre la majorité des élèves d'obédience chrétienne. Voilà qui affaiblirait peut-être la force des convictions irrationnelles de chaque côté.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.18, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Les actions de l'Homme n'ont plus cette signification cosmique qu'on leur attribuait à l'époque de l'astronomie ptolémaïque, mais elles restent tout ce qu'il nous est donné de connaître du Bien et du Mal. Il est quelque peu ridicule de rechercher, à l'instar d'Osymandias, roi des rois, la grandeur personnelle si l'on considère que le pouvoir ou la gloire que peut atteindre un être humain est tellement microscopique que cela ne vaut guère même le plus petit effort. En revanche, les buts impersonnels, comme d'essayer de comprendre le monde autant qu'il est possible, de créer du beau ou de contribuer au bonheur humain, ne semblent pas risibles, car c'est ce que nous pouvons faire de mieux. Il est ainsi possible de retirer de la prise de conscience de notre manque d'importance une certaine forme de paix, en sorte qu'il peut devenir moins difficile de profiter de la bonne fortune sans s'en glorifier et de supporter la mauvaise sans désespérer.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.29, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- On peut définir la logique comme l'art de faire des inférences.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.31, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- [...] Dans la plupart des universités, on continue d'enseigner aux débutants la doctrine du syllogisme qui, en plus d'être inutile et compliquée, fait obstacle à la bonne compréhension de la logique. Si vous voulez devenir logicien, il y a un conseil sur lequel je ne saurais trop insister et qui est le suivant : n'apprenez PAS la logique formelle classique. Celle-ci constituait, à l'époque d'Aristote, un effort louable, mais c'était aussi le cas de l'astronomie ptolémaïque : enseigner, de nos jours, l'une ou l'autre, c'est faire preuve d'un passéisme ridicule.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.32, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- [...] ce que les textes de loi sont au juriste, les Écritures le sont au théologien.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.33, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- [...] la magie et la sorcellerie sont des explications commodes lorsqu'on s'aperçoit que l'on a tiré des inductions erronées.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.41, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Il y aura toujours des gens qui détesteront les mathématiques, même si elles sont très bien enseignées. Ces gens-là ne devraient pas essayer de devenir mathématiciens et leurs professeurs devraient les en dispenser après qu'ils ont fait la preuve qu'ils étaient incapables d'en maîtriser les rudiments. Cependant, si les mathématiques étaient bien enseignées, il y aurait bien moins de gens pour les détester qu'il n'y en a actuellement.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.64, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Au début, tout enseignement des mathématiques devrait se faire à partir de problèmes pratiques qui seraient aussi des problèmes faciles et de nature à intéresser l'enfant. Quand j'étais jeune (il se peut que les choses n'aient pas changé à cet égard), les problèmes étaient tels que personne n'aurait pu même vouloir les résoudre. Par exemple, A, B et C se déplacent d'un point X vers un point Y. A est à pied, B est à cheval et C est à vélo. A fait un somme à divers intervalles, le cheval de B se met à boiter et C fait une crevaison. A prend deux fois plus de temps qu'il n'en aurait pris à B si le cheval de ce dernier ne s'était pas mis à boiter, et C arrive une demi-heure après que A serait arrivé s'il ne s'était pas endormi, et ainsi de suite. Il y a là de quoi dégoûter même le plus zélé des élèves.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.64, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- L'algèbre n'est qu'une arithmétique généralisée.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.72, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Ce que les mathématiques ont de curieux, c'est que, malgré leur grande utilité pratique, elles semblent, au niveau des détails, n'être guère plus qu'un jeu frivole. On a peu de chances de devenir bon en mathématiques si on ne prend pas plaisir à jouer le jeu.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.74, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)
- Enfin, les mathématiques procurent, à ceux qui sont à même de les apprécier, de très grands plaisirs auxquels aucun moraliste ne saurait trouver à redire. On éprouve à manipuler des symboles le même genre de plaisir que l'on retire des échecs, mais c'est un plaisir honorable puisqu'il ne s'agit pas d'un simple jeu, mais d'une activité utile. En effet, le sentiment d'avoir compris quelque chose aux phénomènes naturels donne un aperçu de la puissance de la pensée ; par ailleurs, le travail des grands mathématiciens recèle une sorte de beauté limpide qui laisse entrevoir ce dont les êtres humains sont capables lorsqu'ils se libèrent de leur lâcheté, de leur férocité et de leur asservissement aux contingences de l'existence corporelle.
(L'Art de philosopher, trad. Michel Parmentier
, p.94, PUL, coll. Zêtêsis, 2005)