Alexander Pope
1688-1744
  1. Les défauts naturels ne deviennent jamais honteux que lorsqu'avec trop d'art on s'efforce de les cacher ou de les faire passer pour des perfections. Nous avons pitié d'un boiteux parce qu'il ne dépend pas de lui de marcher droit ; mais nous nous en moquons quand, forcé de boiter tout bas, il se pique de savoir danser.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.5, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  2. Les vieillards disent communément qu'ils sont rebutés du monde lorsque c'est le monde qui est rebuté d'eux. Ne diraient-ils pas aussi qu'ils sont las de leurs maîtresses quand ils ne sont plus en état de faire l'amour ?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.5, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  3. Les associés deviennent souvent plus ennemis qu'amis ; la fidélité qu'ils se promettent n'est jamais à l'abri de l'inconstance ou de l'intérêt. Quand ils paraissent travailler pour le bien commun, ils le trahissent en secret pour leur avantage particulier.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.6, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  4. Les hommes trompent les femmes dans le commencement d'une intrigue, mais ils leur enseignent bientôt à les tromper eux-mêmes : ils deviennent semblables aux Joueurs qui, après avoir commencé par être dupes, apprennent l'art de duper les autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.6, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  5. Nous ne reconnaissons bien nos propres défauts que par réflexion sur ceux des autres. C'est ainsi qu'une femme ne s'aperçoit de sa laideur que par la réflexion de son miroir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.6, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  6. On ne doit pas s'entêter si fort de certains hommes dans lesquels on voit des qualités brillantes qu'il ne faille tourner le revers de la médaille pour en connaître un juste la véritable valeur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.6, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  7. Il y a souvent plus d'orgueil à refuser la louange qu'à la recevoir ; on ne la rejette que dans la vue d'être forcé à en accepter une plus grande. C'est ainsi qu'un abbé refuse un petit bénéfice quand il aspire à l'évêché.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.7, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  8. Aimer trop ou aimer trop peu, c'est pécher également contre le bon sens. N'aimer pas comme on le doit, c'est résister follement à la sagesse de la nature. Aimer plus que l'on ne doit, c'est sacrifier la raison à la nature extravagante.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.7, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  9. Les hommes sont rarement capables de suivre la droite raison pour elle-même ; il faut que la politique et l'intérêt les y portent sans qu'ils y pensent, et presque en dépit qu'ils en aient.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.7, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  10. Les trop grands compliments flattent moins qu'ils n'abusent. Les louanges excessives données à un homme en face font entendre qu'il a assez de faiblesse pour les exiger. C'est supposer en lui plus de vanité que de mérite et répandre sur son éloge une espèce de honte.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.7, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  11. Le plus paisible des gouvernements est toujours le plus heureux et le plus durable. Les rois ressemblent aux maris ; s'ils veulent régner et vivre en paix, ils doivent quelquefois se relâcher de leurs prérogatives.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.8, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  12. L'empire des femmes sur le coeur des hommes est si puissant qu'il ne tient qu'à elles de les rendre aussi vertueux qu'elles les rendent vicieux. Si elles étaient dévouées à la vertu, elles lui feraient plus de prosélytes que tous les prédicateurs.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.8, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  13. Notre amour propre ne nous aveugle pas moins sur nos propres défauts que notre envie et notre malignité nous aveuglent sur le mérite des autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.8, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  14. Une raillerie piquante est l'ouvrage de l'iniquité. Une plaisanterie ingénieuse est le fruit de la vraie sagesse.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.8, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  15. Les gens simples sont plus difficiles à manier par des gens d'honneur que par des gens sans probité, quoiqu'ils aient tout à espérer des uns et tout à craindre des autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.9, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  16. Un esprit né caustique glisse toujours sur le bon d'un ouvrage sans s'y arrêter ; il ne saurait s'en nourrir ; son vrai aliment est le mauvais.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.9, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  17. Il y a bien des prédicateurs qui ne mettent guère en pratique la doctrine qu'ils prêchent. Ces prétendus médecins des âmes ressemblent assez à ces charlatans qui prennent rarement eux-mêmes les remèdes qu'ils débitent au peuple.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.9, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  18. Les femmes sont presque toujours les dupes de l'encens que les hommes leur prodiguent. La reine Stratonique, qui n'avait pas un cheveu sur la tête, eut pourtant la générosité de donner six cents écus à un poète qui avait comparé sa chevelure à la violette.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.9, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  19. Dans toutes les disputes, le plus faible en raisonnements est toujours celui qui crie le plus fort ; il croit trouver dans sa poitrine ce qui lui manque dans la tête.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.9, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  20. Le flatteur tient un grand par l'oreille comme un dogue tient un pourceau qui ne lui peut échapper.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.10, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  21. Le sage qui vit dans le monde doit n'agir et ne se mouvoir que comme un homme qui est dans la presse ; il est forcé de se laisser entraîner au torrent. S'il y veut résister, il court risque d'être poussé, foulé aux pieds ou porté sur les épaules d'autrui malgré qu'il en ait.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.10, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  22. Un homme de mérite ne doit point négliger de le faire paraître jusque dans les plus petites choses. Les zéros seuls n'ont point de valeur par eux-mêmes ; mais s'ils sont précédés d'un nombre, ils le multiplient à l'infini.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.10, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  23. L'excès de clémence dans un prince est souvent une espèce de cruauté qui fait triompher le vice. Doit-il pour un bien particulier faire une injustice publique ? N'est-ce pas noircir la vertu pour blanchir le criminel ?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.10, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  24. Le maître qui a plus de domestiques est souvent le plus mal servi. On les peut comparer à de certains insectes : plus ils ont de pieds, plus leurs mouvements sont lents.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.11, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  25. Les faux amis, semblables à l'ombre du cadran, suivent assidûment le soleil de nos fortunes ; mais ils le quittent sitôt qu'ils le voient entrer sous le nuage.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.11, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  26. Si un fat paraît avoir de l'esprit, ce n'est jamais qu'à ceux qui n'en ont point.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.11, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  27. Il y a quelquefois dans l'esprit des peuples certaines dispositions qui donnent entrée à l'erreur et à l'imposture. Les empereurs qu'on a déifiés se sont trouvés dans ces circonstances ; Mahomet en a pris l'occasion, et Cromwel s'en est saisi.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.11, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  28. La tranquillité est à l'esprit ce que le sommeil est au corps. Mais combien les membres acquièrent de la vigueur dans une action modérée, les facultés de l'âme se fortifient par des fonctions raisonnables.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.11, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  29. Les vieillards donnent souvent d'excellents conseils à la jeunesse ; mais il y en a peu d'entre eux qui se puissent donner pour modèles.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.12, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  30. Les esprits déliés et légers sont les plus mauvais hommes d'affaires des grands seigneurs ; tels qu'un cheval de manège, ils sont peu propres à porter le fardeau.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.12, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  31. Une perte que fait un joueur peut être la source de sa fortune si par ce malheur il acquiert assez de force d'esprit pour prendre une ferme résolution de ne plus jouer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.12, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  32. À mesure que notre fortune augmente, notre vrai bonheur diminue, notre faiblesse s'accroît avec nos désirs. La conservation d'un grand bien et l'envie d'en acquérir un nouveau nous accablent de tant d'inquiétudes et de soucis que tout notre temps y est consommé et qu'il ne nous en reste pas même pour les plaisirs dont nous jouissions auparavant.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.12, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  33. Le mari trop sévère s'attire toujours ses propres disgrâces par les inquiétudes et par ses soupçons. La contrainte enfante l'amour de la liberté et l'esprit de liberté ne regarde qu'avec peine le joug de la fidélité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.12, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  34. L'espérance d'un bien qui n'arrive jamais ne laisse pas de procurer une espèce de bonheur ; c'est ainsi qu'un arbre satisfait la vue, quoiqu'il ne produise aucun fruit.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.13, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  35. Le temps a des béquilles comme des ailes ; il cloche pour quelques-uns tandis qu'il vole pour d'autres. Les plaisirs sont toujours montés sur ses ailes ; mais les chagrins plus paresseux marchent lentement avec lui.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.13, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  36. Quand nous voyons par écrit les choses qui se sont passées de notre temps et de notre connaissance, peu s'en faut que nous ne révoquions en doute la vérité de toutes les histoires.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.13, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  37. Le mariage recherche l'égalité ; s'il ne la trouve pas, il la produit.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.13, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  38. La puissance d'un souverain s'établit plus solidement par la justice que par la force. La justice est un fleuve qui s'accroît dans sa course : la force au contraire se perd en agissant, semblable à l'aiguillon que l'abeille laisse en sa piqûre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.13, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  39. Ceux qui méritent le moins de louanges en donnent toujours le moins qu'ils peuvent aux autres. Le pauvre en mérite, semblable au véritable pauvre, porte envie à tout ce que lui est supérieur et n'a pour objet que de réduire tout à son niveau.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.14, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  40. Trop de crainte et trop de sécurité sont une égale folie. La crainte nous fait apercevoir des malheurs qui peuvent ne pas arriver et la sécurité nous laisse surprendre par ceux que nous aurions pu prévenir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.14, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  41. Le plus court chemin pour arriver à la sagesse dans ce monde, c'est de ne penser qu'avec le petit nombre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.14, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  42. La modestie est la plus belle parure du corps et de l'esprit ; elle peut seule réparer le défaut de beauté dans les femmes, et de génie dans les hommes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.14, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  43. La coutume de pleurer les morts ne paraît pas fondée en raison. La mort des justes, qui devrait nous réjouir, nous attriste. Celle des scélérats, qui devrait nous attrister, nous réjouit. Dans ce monde on est exposé à tant de dangers qu'on ne devrait point souhaiter la vie aux gens de bien parce qu'ils peuvent le corrompre, et la miséricorde de Dieu est si grande qu'il serait plus censé de la souhaiter aux méchants pour qu'ils eussent le temps de se corriger.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.15, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  44. Il faut vivre en quelque façon parmi les hommes, comme les armées vivent dans le pays ennemi. Elles campent partout où elles arrivent, elles posent des sentinelles, et se tiennent toujours sur la défensive.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.15, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  45. Le style le plus précis est toujours le meilleur, soit qu'on parle vrai ou faux, bien au mal : le bon sens s'y fait mieux entendre, le frivole est moins ennuyeux, la bonne cause y est expliquée plus sensiblement et la mauvaise est moins ridicule.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.15, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  46. La fortune, semblable à la plupart des maîtresses, s'attache plus particulièrement à tromper ceux qui se sont abandonnés à elle de meilleure foi.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.16, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  47. Trop d'art répandu sur la beauté et sur l'esprit tourne plus à leur perte qu'à leur avantage.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.16, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  48. Les philosophes se couvrent de leurs distinctions, comme les dieux d'Homère, dans les batailles, couvraient d'une nuée ceux qu'ils voulaient sauver d'un péril inévitable.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.16, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  49. Rien n'est plus à craindre qu'un bigot irrité. C'est un animal colérique et vindicatif, parce qu'il pense que les fureurs sont divines et que la religion est blessée en sa personne.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.16, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  50. Les présents sont plus souvent des embûches à notre liberté que des secours à nos besoins. La gratitude est une espèce d'esclavage qui rend notre pauvreté encore plus mortifiante.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.16, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  51. Il y a des gens qui, à force d'avoir de l'esprit, n'ont pas le sens commun.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  52. Les méchants ressemblent au fer. Leur substance engendre une rouille qui les consume.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  53. Les avares se dérobent eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  54. Plus les hommes font des serments pour être crus, moins ils doivent l'être. Des serments prodigués en vain, contre la loi de Dieu, ne doivent point acquérir de crédit chez les hommes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  55. Il y a des terres où les plantes dégénèrent, où les artichauts deviennent des chardons, où la vigne ne produit que du vertus. Il y a de même des royaumes et des siècles où les esprits souffrent une pareille altération.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  56. La suspension du plaisir nous en rend le retour plus terrible. Les bonnes choses nous paraissent plus précieuses dans l'absence que dans la constance possession.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.17, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  57. Tel qui paraît savoir tout souvent ne sait véritablement rien. Il ressemble à l'oeil qui parcourt un grand nombre d'objets sans que la vue se fixe pleinement sur aucun en particulier.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.18, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  58. La meilleure recette pour vivre longtemps et chrétiennement est de ne point accorder une confiance aveugle aux prétendus médecins du corps et de l'âme. Ceux-là, en voulant régler nos constitutions par de trop fréquents remèdes, altèrent notre tempérament ; et les autres, par trop de raisonnements et de subtilités sur la loi, la dérangent si fort qu'il ne nous en reste presque aucune.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.18, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  59. La pauvreté n'a rien de plus dur en soi que de rendre l'homme ridicule.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.18, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  60. La réprimande est à l'esprit ce que la médecine est au corps. Si elle n'est donnée dans son temps, dans sa quantité et dans sa mesure, elle fait plus de mal que de bien.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.18, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  61. Si l'éclat de la réputation d'un héros attire l'envie de ses concurrents, elle donne au moins une émulation aux lâches. Un estomac dégoûté est excité à la vue d'un homme qui mange avec appétit.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.19, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  62. Comme la pierre, que la boule rencontre dans son chemin, procure quelquefois au joueur le gain de la partie, de même ce qui paraît être un obstacle à nos desseins en avance quelquefois le succès.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.19, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  63. La plus haute vertu et les plus grands talents, quoiqu'intérieurement admirés, sont les plus exposés à la calomnie. C'est ainsi que souvent les plus forts tempéraments sont la première proie de la maladie contagieuse.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.19, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  64. La félicité se trouve partout ; elle habite aux champs, à la ville, à la cour, dans les déserts, dans le tonneau de Diogène et dans le palais d'Alexandrie. Le sage la porte avec lui.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.19, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  65. La pitié que nous paraissons avoir pour les autres est quelquefois plus excitée pour notre propre intérêt que pour le leur. La crainte d'être exposés à de pareils malheurs est la source d'une compassion, que nous n'accordons qu'à nous-mêmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.19, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  66. Nous augmentons nos pertes, quand au lieu de songer à les réparer, nous nous livrons au dépit et à l'impatience ; semblables à ces enfants à qui on a volé quelques-unes de leurs babioles, et qui de colère jettent ce qu'on leur avait donné de précieux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.20, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  67. C'est une consolation satisfaisante dans la vie que de songer que tout y est sujet au changement.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.20, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  68. Les grandes actions des héros s'offrent rarement sous leur véritable face. L'épopée les élève avec ostentation, et la satire les rabaisse avec aigreur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.20, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  69. On appelle un ami de cour celui qui songe à perdre l'homme qu'il embrasse.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.20, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  70. L'esprit et les richesses ne rendent recommandable que par l'usage qu'on en sait faire. Un grand savoir peut être un défaut dans un pédant, comme un grand bien l'est dans un avare.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.20, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  71. La flatterie en face à un homme sage est aussi offensante que la calomnie derrière lui.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.21, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  72. L'espérance console le pauvre, rend la paix à l'infortuné, et donne la sécurité au riche.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.21, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  73. Il n'est rien de plus utile à un prince que de ménager l'amitié de ses voisins, et rien ne lui est plus pernicieux que de fonder sur elle la sûreté de son état. Le vrai moyen d'être leur ami est de les regarder toujours comme ennemis.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.2, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  74. Le jugement et l'imagination ont rarement dans le même temps de la solidité et de l'agrément. Le jugement n'est pas dans la maturité quand l'imagination est dans son brillant, et la vivacité de l'imagination est cessée quand le jugement est dans la force.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.21, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  75. Il est plus malaisé de commencer la fortune que de l'achever, comme il est plus difficile de faire quelque chose de rien que de quelque chose une plus grande.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.21, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  76. Sur le théâtre du monde l'homme joue presque toujours le rôle le plus opposé à son caractère ; il ne s'y trouve presque jamais dans sa véritable place. La profession qu'il a prise, ou qui lui est échue, ne lui convenait point ; il s'y déplaît, et plaît encore moins aux autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.22, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  77. Nous imputons au destin les fautes que notre faiblesse nous fait faire, et les disgrâces qui ne partent que de notre imprudence.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.22, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  78. On peut comparer les Hollandais à leur tourbe qui s'enflamme lentement, qu'il ne faut point hâter, mais qui étant une fois allumée tient longtemps son feu.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.22, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  79. L'hypocrite est plus coupable devant Dieu que l'athée. C'est un plus grand crime de ne pas craindre un Dieu, quand on en reconnaît un que lorsqu'on n'en reconnaît pas.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.22, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  80. Les hommes ambitieux, dont tous les efforts tendent à se rendre maîtres des autres, commencent ordinairement par en être les esclaves.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.2, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  81. Les présents que les pauvres font aux riches sont plutôt des pièges que des dons. Je les regarde comme une petite quantité d'eau qu'on jette sur une pompe sèche pour attirer l'eau d'une rivière.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.23, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  82. Nous devons de l'amitié aux honnêtes gens et à ceux qui nous aiment ; de l'estime aux savants ; du respect aux gens d'Église et aux personnes de qualité, et de l'amour aux belles femmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.23, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  83. Si le moindre des hommes est fait à l'image de Dieu, que font donc les princes dépositaires de son autorité?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.23, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  84. Les paradoxes ne sont pas la monnaie du peuple ; ils ne sont tout au plus que des médailles pour les curieux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.23, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  85. Les princes et surtout les potentats, semblables aux corps célestes, attirent sur leurs mouvements les yeux de tout le monde ; ils brillent du même éclat. Mais le repos n'est pas fait pour eux ; ils n'en peuvent prendre qu'aux dépens de tout l'univers.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.24, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  86. Nous nous trompons plus nous-mêmes par notre propre crédulité que les autres ne nous abusent par leur imposture.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.24, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  87. Les personnes âgées conseillent plus les jeunes par orgueil et par dépit que par une véritable tendresse ; plus pour leur paraître sages, que pour leur inspirer de sa sagesse. C'est pour un vieillard une douceur satisfaisante, de détourner un jeune homme des plaisirs dont lui-même n'est plus capable.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.24, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  88. Les plaisirs des vieillards et des jeunes gens sont bien opposés. Les jeunes se font des peines jusqu'à ce qu'ils aient passé par tous les plaisirs, et les vieux n'ont de plaisirs que quand ils sont exempts de peines.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.24, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  89. Il n'y a point de science qui soit plus nécessaire à l'homme que la médecine, qui soit plus obscure et où on ait fait moins de progrès.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  90. L'esprit sans jugement est un vaisseau sans lest qui est sans cesse en danger d'être renversé par la légèreté.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  91. La soumission à la providence est le seul remède aux revers ; en s'abandonnant à sa chute, on en rompt toute l'impétuosité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  92. Si nous n'avions point de défauts nous serions moins ingénieux à relever ceux des autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  93. Celui qui nous a fait une offense ne saurait jamais devenir notre ami. Il ne peut s'imaginer que nous puissions être le sien.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  94. Les hommes les plus subtils font les plus grandes bévues comme les chevaux les plus ardents font les plus dangereuses chutes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.25, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  95. Le seul avantage de la flatterie est qu'en entendant ce que nous ne sommes pas, nous apprenons au moins ce que nous devons être.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.26, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  96. En dépit de la nature, il y a des femmes qui se piquent de beauté, comme il y a des hommes qui se piquent de courage.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.26, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  97. Il n'y a rien de plus enjoué que le vrai sage, et rien de plus mélancolique qu'un homme agité de passions.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.26, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  98. Les sujets imputent aux ministres tous les malheurs de l'état, comme les malades s'en prennent à leur médecin du défaut de leur guérison ; lorsque les uns par impatience, et les autres par leur peu de régime, rendent souvent les arrangements et les remèdes infructueux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.26, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  99. L'absence refroidit les passions modérées au lieu qu'elle enflamme les plus violentes, telle que le vent qui éteint une bougie et qui excite la flamme d'un grand feu.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.26, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  100. L'humilité est quelquefois un orgueil artificiel dont l'objet est, en nous abaissant, d'être élevé par les autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.27, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  101. Le mensonge n'est pas moins la marque d'un pauvre esprit que la fausse monnaie l'est d'une bourse vide.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.27, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  102. La lecture d'un bon roman n'est point indigne d'un homme sensé. Un roman a quelquefois plus de fond de vérité que l'histoire. Les détails de l'un et de l'autre sont souvent imaginés ; mais le premier ne blesse point la vraisemblance lorsque la dernière la choque en mille endroits, et d'ailleurs est pleine d'obscurité et de contradictions.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.27, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  103. La plupart des gens du monde ressemblent aux petits merciers, qui ne sont curieux que des colifichets. Un discours philosophique les rebute.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.27, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  104. Une belle femme n'a pas moins à craindre d'une laide qu'un homme d'esprit d'un sot.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.27, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  105. Une femme n'est pas plus sûre de son amant quand sa beauté est passée qu'un homme l'est de son ami, quand la fortune est évanouie.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  106. Il y a des gens qui ne corrigent leur ouvrage que comme un serrurier qui, à force de vouloir perfectionner et polir une clef, la réduirait toute en limaille.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  107. La fierté qui avilit les hommes est estimable dans les femmes. Elle est l'enseigne de leur pudeur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  108. Le menteur connu pour menteur n'en impose plus qu'à lui seul.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  109. Le silence d'un homme sage est plus mortifiant qu'une réponse emportée.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  110. On fait souvent un déplorable usage des richesses ; l'avare les cache dans un trou, et le prodigue les verse à pleines mains dans le crible des Danaïdes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.28, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  111. Les voyageurs vantent les pays étrangers et décrient le leur. Ceux qui ne sont point sortis de chez eux pensent que tout ce qui est hors de leur horizon est barbare.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.29, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  112. La conscience d'un avare est semblable à la bourse ; elles s'élargissent toujours, et ne débordent jamais.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.29, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  113. L'humilité est le plus grand honneur que l'homme sait le maître de se procurer à soi-même, c'est la base de toutes les vertus et le fondement de la foi.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.29, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  114. On ne peut donner des consolations à un affligé dans les premiers moments de sa douleur qu'à force de l'en entretenir ; c'est une erreur de vouloir, par des objets étrangers, le distraire du seul objet dont la perte le remplit ; l'ouverture de la plaie avance le temps de la guérison.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.29, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  115. Les stoïciens voulaient faire en nous le contraire de ce que fit autrefois Deucalion: ce dernier, suivant la fable, changea les pierres en hommes, et les premiers par leur système voulaient changer les hommes en pierres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.29, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  116. Les Anciens n'excitent point notre jalousie ; nous devenons sans honte leurs imitateurs parce que nous ne les regardons pas comme nos rivaux ; l'envie est un venin, mais il n'a point de force quand il est sans chaleur et il n'agit point sur les morts. Les cadavres sont la nourriture des vers et des corbeaux ; mais ils ne le sont point des hommes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.30, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  117. Un don extorqué par importunité ressemble assez à une dette pour le paiement de laquelle un créancier rigoureux ne nous a point fait de quartier.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.30, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  118. Il y a des hargneux dans les parlements d'Angleterre qu'on peut comparer à ces dogues qui aboient sans cesse à la porte de la cour dans la seule vue d'y entrer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.30, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  119. Un peuple vertueux et une noblesse humiliée sont les moyens les plus propres pour assurer le repos d'un état.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.30, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  120. Il y a une espèce de gens qui ne voient que les défauts parce qu'ils sont eux-mêmes pleins de défauts. Ils blâment le soleil de blesser leurs yeux parce qu'ils ne s'aperçoivent pas que c'est la faute de leurs yeux et non pas du soleil.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.31, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  121. Comme les grands mangeurs souvent n'en deviennent pas plus gras, de même les pédants, farcis de toutes sortes de sciences, n'en ont pas des connaissances plus distinctes: ils ressemblent à ces estomacs surchargés qui ne peuvent achever la digestion.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.31, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  122. Ceux qui après avoir perdu tout le superflu ont encore le nécessaire ne doivent pas se plaindre de la fortune: elle les a déchargés seulement de ce qui mettait obstacle à leur bonheur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.31, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  123. Trop d'esprit dans une femme est pour elle une dangereuse qualité; il lui fait mépriser les bons conseils et hasarder des entreprises qui tôt ou tard échouent contre l'écueil de la faiblesse naturelle.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.31, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  124. La vaine gloire pour un bienfait que nous avons rendu est injurieuse à notre ami et préjudiciable à nous-mêmes. En parlant, nous exposons les besoins qu'il aurait voulu cacher ; et notre indiscrétion est la quittance de ce qu'il nous devait.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.32, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  125. Un homme qui flotte dans les principes s'expose également à l'attaque des deux partis auxquels il balance de s'attacher. Il ressemble à la chauve-souris qui tenant de deux natures réunies est mordue par les rats, et becquetée par les oiseaux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.32, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  126. On n'humilie jamais davantage un homme vain qui veut faire l'important qu'en faisant semblant de ne s'en pas apercevoir: son orgueil devient son tourment et notre propre vengeance.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.32, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  127. Le voyage laisse toujours aux jeunes gens une teinture des bonnes moeurs qu'ils ont remarquées chez les étrangers ; c'est ainsi qu'une eau courante contracte les qualités de la terre où elle coule.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.32, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  128. Il est dangereux de faire l'histoire des princes pendant leur vie. Tous les hommes font des fautes, mais ils ne veulent pas qu'on les leur remette sous les yeux ; il est plus sûr de parler des morts. Les éclipses du soleil, que nos yeux ne peuvent regarder sans préjudice, se découvrent avec sûreté, quand elles sont réfléchies dans les eaux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.33, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  129. Le bonheur se trouve toujours moins grand dans la jouissance qu'il ne l'a été dans l'espérance de le posséder.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.33, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  130. Trop de louanges, trop de civilités, trop de cérémonie, c'est une profusion d'encens qui entête.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.33, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  131. C'est une marque de petit génie et un défaut d'usage du monde que de se plaindre de ses malheurs. On s'attire plus de mépris que de pitié; on ne les impute qu'à notre mauvaise conduite et on donne le nom de faute à ce que nous appelons disgrâces.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.33, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  132. L'homme ne peut jamais parler de lui-même, soit en bien, soit en mal, qu'à son désavantage. S'il fait son éloge, il en rend la vérité suspecte ; s'il s'accuse lui-même, on le croit dépourvu de sens.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.33, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  133. Il y a quelquefois de la sagesse à laisser entrevoir des traits d'imprudence à ceux que nous voulons sonder. Cette feinte peut mieux nous servir à pénétrer leur caractère que toute notre raison n'aurait pu faire.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.34, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  134. L'effronterie de publier la faute qu'on a commise est aussi criminelle que la faute même.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.34, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  135. Un homme de mauvaises moeurs qui donne dans les écrits des préceptes de sagesse n'est pas moins ridicule que celui qui, louchant naturellement, se ferait peindre avec deux beaux yeux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.34, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  136. Plus les fragments de l'antiquité ont de siècles, plus ils nous paraissent respectables. Pourquoi notre vénération ne pèse-t-elle pas plus leur valeur véritable que le faible poids de leurs années.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.34, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  137. Un petit présent gagne un ami ; un grand bienfait souvent nous le fait perdre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.35, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  138. On gagne plus à cacher ses imperfections qu'à faire l'étalage de ses vertus.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.35, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  139. Les grands hommes ont quelque chose qui les fait reconnaître ; le port, l'action, l'air de tête, la contenance, tous les distingue du commun des hommes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.3, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  140. Il y a un art caché dans la simplicité qui donne une grâce à l'esprit et à la beauté que l'affectation et la parure ne lui peuvent donner.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.35, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  141. L'homme plein de valeur attire à soi les coeurs de tous les autres hommes, ou parce qu'ils l'admirent, ou parce qu'ils le craignent, ou parce qu'ils en profitent.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.35, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  142. La chasse est l'image de la guerre. Ce plaisir est d'autant plus noble qu'il met en oeuvre l'empire naturel que les hommes ont sur les bêtes. Il accoutume le corps aux fatigues ; il dispose le coeur à ne point craindre le péril ; il l'enflamme pour la victoire,et les dépouilles des bêtes sont des trophées élevés à la valeur de ceux qui les tuent.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.35, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  143. L'homme est souvent contraire à lui-même. Il est si passionné pour la vie qu'il croit n'en avoir jamais assez ; et en même temps il fait une si grande profusion de son temps qu'il croit en avoir beaucoup de trop.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.36, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  144. Ce n'est point une honte d'être né homme privé; mais il y en a à le devenir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.36, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  145. Les traits lancés contre l'honneur s'émoussent sur les âmes basses ; ils font une profonde plaie dans les coeurs généreux. Cependant c'est souvent moins pour eux que pour les autres qu'ils cherchent à se venger ; la seule blessure qui ne se guérit jamais est celle qu'on fait à l'intérêt.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.36, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  146. L'ardeur démesurée de nos désirs fait souvent échouer toutes nos espérances.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.36, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  147. Les envieux se punissent eux-mêmes. Le dépit qu'excite en eux la satisfaction des autres devient leur propre bourreau.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.37, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  148. L'homme privé, qui devient homme public, ne voit plus les choses du même oeil. L'aspect de la ville n'est point celui de la cour ; le point de son objet est changé.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.37, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  149. Celui qui est toujours dans la défiance est rarement trompé. Les hommes prudents ne croient point ce qu'ils voient et doutent même de ce qu'ils ont cru.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.37, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  150. Les ingrats sont à leurs bienfaiteurs ce qu'un imprudent fait à un arbre dont il coupe toutes les branches qui mettaient sa maison à l'abri de la tempête.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.37, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  151. L'art de se taire est la plus grande preuve de bon sens, soit qu'on ait à vivre avec des sages ou avec des fous.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.37, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  152. Le vêtement fut fait pour cacher le corps ; il sert à présent à découvrir l'âme. Il fut inventé pour couvrir notre honte ; il montre aujourd'hui notre orgueil. Dieu vêtit l'homme quand il fut dépouillé de la justice originelle et il devint esclave du péché, et l'homme se glorifie présentement des enseignes de son esclavage,comme si elles étaient des trophées de ses victoires.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.38, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  153. L'exemple des fous est plus utile à un homme sage, que le conseil des sages n'est avantageux aux fous.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.38, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  154. On ne peut jamais arriver à la véritable gloire par le chemin de la vanité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.38, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  155. L'amour est le désir le plus pressant du coeur humain, le plus fort attrait de la Nature et le plus redoutable écueil de la vertu.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.38, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  156. Les procureurs et les médecins s'exercent également sur tous les hommes ; les uns prolongent les procès et les autres font durer les maladies jusqu'à la ruine totale de la fortune et du tempérament.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.38, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  157. La cour est une loterie où les hommes prennent part dans l'espoir du gain. C'est un lieu où celui qui pousse le plus fort avance le plus ; où l'on se rend esclave pour parvenir à commander; où l'on se dit ami sans l'être et où la vérité ne peut se hasarder qu'aux dépens de l'intérêt.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.39, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  158. Être trop mécontent de soi-même, c'est une faiblesse; en être trop satisfait, c'est une témérité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.39, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  159. Nous pouvons nous sonder nous-mêmes; mais nous ne pouvons jamais parvenir à nous connaître à fond. Ainsi nous réduisons tous nos soins moins à paraître ce que nous sommes que ce que nous devrions être.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.39, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  160. C'est souvent par les degrés des plus grandes fautes que les hommes sont montés à la plus haute sagesse.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.39, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  161. Un grand fond de jugement est souvent un obstacle aux grands succès. Il empêche d'entreprendre des choses que l'audace ou l'imprudence auraient fait réussir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.39, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  162. Il n'appartient qu'à un esprit supérieur et de se cacher aux autres, et de les pénétrer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.40, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  163. Toute notre étude à la recherche du vrai ne sert qu'à nous montrer combien notre ignorance naturelle nous en éloigne.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.40, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  164. L'autorité excessive ressemble au vent; s'il est trop fort, il renverse. Les petits doivent moins rechercher l'amitié des grands que craindre de les avoir pour ennemis. Celui qui veut regarder des figures colossales ne doit pas les approcher de trop près; leur point de vue est dans l'éloignement.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.40, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  165. Nous aimons ceux qui veulent nous imiter; nous haïssons ceux qui veulent nous égaler. L'imitation est un signe d'estime; le désir d'égaler est une jalousie.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.40, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  166. La contradiction doit plus réveiller notre attention que notre colère. Elle est l'âme de la conversation et l'homme d'esprit gagne beaucoup avec elle.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.40, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  167. Les qualités de l'esprit ont plus de droit sur notre vénération que tous les avantages des dignités, de la naissance et de la fortune.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.41, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  168. Si, en souffrant un affront, on acquérait l'estime des hommes, il y aurait bien de la gloire à le dissimuler. Mais la patience produit un effet tout contraire; elle fait passer pour un sot ou pour un lâche celui qui n'a pas eu l'esprit de s'apercevoir d'une offense ou le courage de s'en venger.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.41, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  169. Une demi-liberté dans un État en cause la ruine tôt ou tard. Les peuples, pour être heureux, doivent être ou totalement libres, ou totalement soumis.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.41, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  170. Pour être parfaitement brave, ce n'est point assez de ne point redouter l'épée des hommes; il ne faut craindre ni leur langue ni leur plume.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.41, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  171. C'est un défaut assez commun de n'être point satisfait de sa fortune et de l'être de sa conduite.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.42, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  172. La religion sans moeurs fait un hypocrite; les moeurs sans religion font le philosophe. Un chrétien ne doit être ni l'un ni l'autre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.42, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  173. Celui qui fait violence par nécessité a lui-même éprouvé auparavant la violence de la nécessité. C'est la plus odieuse de toutes les lois, et la plus rigoureuse de toutes les justices.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.42, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  174. Les grands vivent presque sans réflexion, et sans acquérir par eux-mêmes aucune connaissance. Les hommes médiocres s'instruisent, pour donner une teinture aux grands de ce qu'ils n'ont ni le temps, ni la patience d'apprendre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.42, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  175. On n'a guère à craindre d'un homme qui menace beaucoup en paroles, le silence est plus dangereux. Quand la colère enflamme trop l'esprit, elle enflamme moins le coeur; tout est porté au-dehors, tout s'exhale par la bouche et tout s'échappe des mains. C'est une mine qui a pris vent, elle ne peut plus faire de brèche.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.42, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  176. Cent belles actions ne font presque jamais dans le monde oublier une action honteuse.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.43, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  177. Il est plus dur de perdre quelque chose par la tromperie que par la violence. La dernière est moins mortifiante et la première est bâtie par la sagacité d'autrui sur les fondements de notre imprudence.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.43, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  178. Les femmes ne se donnent jamais en spectacle impunément. L'honneur est une couleur délicate qui craint l'air; c'est un cristal qui se salit au moindre souffle. Il y a de la prudence à fuir les occasions où la vertu peut recevoir des atteintes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.43, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  179. Rien n'est plus capable de nous empêcher de profiter d'un bon conseil que de ne le pas voir accompagné d'un bon exemple.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.43, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  180. Nous n'attribuons souvent qu'à notre prudence ce que nous ne devons qu'à la fortune. Mais bientôt son instabilité fait le procès à notre présomption.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.43, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  181. Souvent plus il y a de têtes dans un conseil, plus il y a de confusion. Plusieurs petites pierres peuvent élever une tour; mais plusieurs esprits ne font ordinairement qu'un mauvais édifice.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.44, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  182. On ne reconnaît d'ordinaire un bienfait que pour sa propre réputation. L'affectation de la reconnaissance doit du moins adoucir la dureté de l'ingratitude.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.44, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  183. Les maximes sont à l'esprit ce que les béquilles sont au corps qui n'a pas la force de se soutenir. Les esprits supérieurs n'ont pas besoin des premières, comme les corps robustes méprisent l'assistance des autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.44, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  184. La colère n'a point de commerce avec la prudence; c'est la compagne de l'audace. Elle ne regarde son objet que du côté qu'elle lui peut nuire sans le voir du côté qu'elle peut en être offensée.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.44, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  185. Quand les grands hommes se piquent de qualités qu'ils n'ont pas, il est dangereux de leur montrer qu'ils se trompent ; c'est leur faire perdre l'ambition de devenir ce qu'ils n'ont pu être encore.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.45, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  186. Les erreurs n'ont pas un cours moins long que les plus solides vérités. On les embrasse aussi aveuglément, on les soutient avec autant d'obstination, et le temps et l'habitude les fortifient à tel point qu'il n'y reste plus de retour au vrai.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.45, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  187. Les petits et frivoles amusements corrompent autant le discernement et le goût que les plus criminelles passions corrompent l'esprit et le coeur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.45, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  188. Les liaisons de la plupart des hommes ne sont qu'un commerce passager et qui ne dure pas plus que les occasions qui l'ont rendu nécessaire.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.45, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  189. Le mérite n'a de véritable approbateur que le succès. Sans lui il perd son éclat: ou on le méprise comme inutile, ou on le plaint comme malheureux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.45, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  190. Tandis que l'homme avec crainte se défie du soin de la providence dans les affaires temporelles, il se repose avec trop de confiance sur la miséricorde dans tout ce qui regarde l'éternité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.46, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  191. Pourquoi le corps redoute-t-il la mort? Elle le délivre de mille infirmités. Pourquoi l'âme ne la souhaite-t-elle pas? Elle la conduit à l'immortalité. La mort ne doit effrayer que les méchants, qui ont tout à craindre, et qui n'ont rien à espérer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.46, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  192. Nous travaillons plus dans nos études à nous remplir la tête de choses inutiles qu'à cultiver notre esprit et à éclaircir nos doutes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.46, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  193. Nous demandons tous les jours au ciel les grâces dont nous traversons le succès. Nous l'invoquons, mais nous l'empêchons d'agir; il semble que nous ne l'implorions que pour n'être pas exaucés.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.46, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  194. Nous prenons souvent un repentir qui ne vient que de notre inconstance, ou du mauvais succès de nos passions, pour le remords d'une sincère et réelle pénitence.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.46, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  195. Une armée entière ne garderait pas un prince, si peu de personnes ne le peuvent garder. Un petit nombre lui suffira s'il a l'amour de tous, et tous seront peu s'il en a la haine.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.47, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  196. La vengeance ne procède jamais que de la faiblesse d'une âme qui n'a pas la force de supporter une injure.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.47, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  197. Le prince doit faire craindre les hommes, mais il ne doit pas se faire craindre des hommes. La crainte de ses lois est un enfant de sa justice; la crainte de sa personne est un fruit de sa cruauté. Quand il fait craindre, c'est pour faire du bien; quand il se fait craindre, c'est ordinairement pour faire du mal.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.47, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  198. Tout est incertain dans la vie ; il n'y a de certain que la mort. Cependant nous agissons comme si de toutes choses la mort seule était incertaine.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.47, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  199. Le plaisir dont on est sûr de se repentir ne peut jamais être parfait.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  200. Les occasions ne manquent point aux hommes; mais les hommes manquent les occasions. La sagesse est de les attendre et de les saisir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  201. Il y a des folies sérieuses et concertées avec un certain air de sagesse qui sont mille fois plus impertinentes que ce qu'on nomme véritables folies.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  202. Il y a autant de faiblesse à feindre avec ses égaux, qu'il y a d'imprudence à ne pas feindre avec ceux qui sont au-dessus de soi.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  203. Nous nous étonnons de voir des gens de la lie du peuple s'élever et s'anoblir. et nous en parlons avec mépris comme si nous ne trouvions pas dans les grandes maisons un commencement à l'élévation quand il nous est permis de fouiller dans l'Antiquité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  204. Le moment de la mort nous est sagement caché par la providence pour nous obliger à y songer toute notre vie.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.48, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  205. C'est une erreur de donner le nom de prudence à une longue délibération. Les plus grandes affaires échouent parce que les occasions pressent et que les hommes sont trop lents. On s'amuse à raisonner sur l'événement présent quand le présent est déjà devenu passé. Il y a dans toutes choses une heure du berger à saisir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.49, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  206. Les désirs que les passions déréglées nous inspirent sont semblables aux envies indiscrètes d'un malade. Les uns et les autres ne peuvent se satisfaire sans dommage ou sans danger.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.49, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  207. On perd le goût des plaisirs du monde à mesure que l'on fait des progrès dans la vertu; comme on méprise les amusements de la jeunesse à proportion qu'on avance en âge.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.49, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  208. L'homme d'esprit ne fait point de faute en croyant peu; l'imprudent en fait presque toujours en croyant trop; Dieu seul est la vérité qu'on doit croire et il nous enseigne de ne point croire les hommes parce qu'ils sont menteurs.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.49, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  209. Une grande réputation est semblable à une grande dépense; il est difficile de les soutenir l'une et l'autre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.50, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  210. Les hommes heureux croient avoir enchaîné la fortune pour toujours et qu'elle ne peut plus leur échapper; comme si l'étoile qui se lève le matin au zénith de notre tête ne devait pas le soir se trouver au nadir de nos pieds.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.50, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  211. L'amour peut gouverner un coeur jusqu'à ce qu'il ait senti l'aiguillon de l'ambition, de la colère et de la vengeance. C'est un fil de soie qui peut retenir un cheval jusqu'à ce qu'il ait senti l'éperon.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.50, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  212. La mort, depuis la perte de la justice originelle, est devenue un bien dans le monde; elle tient en respect les hommes heureux et fait l'espoir des infortunés. Elle entre dans l'harmonie du monde et elle ne peut faire aucun mal.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.50, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  213. Tout ce qui n'est pas absolument mauvais passe dans la conversation; tout ce qui n'est pas parfaitement bon déplaît dans un ouvrage qu'on expose aux yeux du public.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.51, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  214. Ce n'est qu'au moment de la mort que les hommes sont capables de bien réfléchir sur l'abus qu'ils ont fait de la vie. Ils se livrent alors à des chagrins qui ne font aucun effet sur ceux qui en sont témoins, et qu'ils oublient eux-mêmes, s'ils recouvrent leur santé.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.51, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  215. La gloire n'est qu'une opinion dictée par l'amour propre qui nous flatte de mériter les égards des hommes pendant notre vie, et leur vénération après notre mort.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.51, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  216. Rien n'est plus admirable que la philosophie des sages de notre temps. Sont-ils faibles, ils blâment la violence. Sont-ils dans la bassesse, ils déclament contre la grandeur. Sont-ils pauvres, ils louent la pauvreté; ils ne se contentent de peu que parce qu'ils ne peuvent avoir beaucoup. Tous leurs raisonnements ne prennent leur source que dans l'amour propre dont l'objet est de mépriser les autres et de les faire admirer eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.51, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  217. Il y a bien des choses commencées dont on ne peut voir la fin. Il y en a beaucoup plus encore de finies qui ne devraient jamais avoir été commencées.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.52, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  218. L'envie diminue le bonheur d'un honnête homme parce qu'il se voit l'objet du désespoir des autres.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.52, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  219. Il serait aisé de satisfaire la nature si les hommes ne se faisaient pas une nécessité de satisfaire à ce qui n'est pas nécessaire. Que nous sert d'habiter un palais quand toute maison nous met à l'abri? À quoi bon des mets délicats lorsque les plus communs peuvent suffire? Mais ce n'est pas assez qu'un de nos sens soit rempli, il faut que tous soient satisfaits et le vice par là n'a plus de bornes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.52, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  220. L'adversité ne nous paraîtrait pas fâcheuse si nous la considérerions comme la privation de quelque chose qui ne nous devait point appartenir, qui ne nous convenait point et qui pouvait nous devenir préjudiciable.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.52, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  221. Beaucoup de choses dans ce monde ressemblent à un fleuve qui n'est rien dans sa naissance et qui devient grand dans sa course; d'autres au contraire sont semblables au vent dont le commencement est très fort et dont la fin est très faible.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.53, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  222. Nous sommes plus ou moins malheureux suivant le degré de force dont nous pouvons supporter les infortunes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.53, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  223. Les esprits éminents ne se forment que dans les grands états et dans les grandes villes comme les grands poissons ne se grossissent que dans la mer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.53, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  224. La raison n'aurait pas tant de peine à soutenir certaines propositions si elle n'avait pas de doutes sur leur vérité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.53, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  225. Si nous étions sages, l'espérance ne nous flatterait point ; le danger ne nous effraierait pas et les traverses ne nous jetteraient point dans le désespoir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.53, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  226. Nos besoins, semblables à la tête d'une hydre, renaissent à mesure qu'ils expirent ; notre industrie continuelle à y subvenir forme un cercle pareil à celui que fait un cheval qui pour écraser, ou du grain, ou des fruits dans une pile, retourne sans cesse sur ses pas.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.54, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  227. Un coeur à l'épreuve de tous les revers est une arme à feu de fine trempe qui supporte un coup foudroyant, sans en ressentir d'impression.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.54, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  228. Pour justifier nos actions, nous alléguons moins les règles du vrai que l'usage du temps et la coutume établie. C'est ainsi que les vieillards, qui ont survécu à leur bon sens, n'appuient leurs décisions que sur l'autorité de leurs années.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.54, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  229. L'esprit, par le secours duquel nous définissons et expliquons toutes choses, ne se peut lui-même ni définir, ni expliquer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.54, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  230. Les louanges que nous donnons aux grands ne sont que des pièges pour les tromper. Nous leur supposons un mérite qu'ils n'ont point ; ils se le persuadent ; l'encens leur monte à la tête et leur ivresse ne leur permet plus de penser que rien n'est rendu à leur personne, mais que notre seul intérêt encense leurs richesses et leurs dignités.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.54, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  231. Je regarde un homme sans esprit en possession de bons livres comme un extravagant qui s'expose en bonne compagnie.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.55, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  232. Un vieillard n'est pas moins attentif à faire valoir sa carcasse que ne l'est un bon laboureur à bien exploiter sa ferme. Ils sont toujours l'un et l'autre prêts à renouveler leur bail.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.55, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  233. Trop d'abondance accable la santé comme un trop grand poids de fruits accable la branche qui les porte.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.55, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  234. Les mauvais critiques sont les ennemis des bons esprits comme les athées le sont des vrais croyants. Leur haine n'a d'autre principe que la stérilité de leurs conceptions. Ils crèvent de dépit de voir qu'un autre ait pensé ce qu'ils étaient incapables d'imaginer, semblables à ces femmes stériles qui souffrent à la vue d'une femme féconde.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.55, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  235. Nous admirons quelquefois dans un ministre d'état un projet dont l'art nous paraît merveilleux jusqu'à ce qu'il soit découvert ; mais dès que nous en connaissons les ressorts, ce n'est plus qu'un tour de cartes que nous rougissons de n'avoir pas pénétré.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.56, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  236. Quand on perd le sens froid dans un combat, on avance bientôt sa défaite. La perte de la tête emporte celle du bras ; et on est vaincu par sa propre faiblesse avant de l'avoir été par la valeur d'autrui.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.56, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  237. Le vin enfante la joie dans le coeur de l'homme ; mais l'excès abrège la vie comme la chaux mise au pied d'un arbre ne lui fait pousser des fleurs avant la saison que pour le faire plutôt mourir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.56, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  238. L'indocilité des peuples est souvent la cause de la sévérité du souverain. César eût été le meilleur de tous les princes s'il eût commandé aux sujets de Cyrus ou de Trajan.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.56, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  239. Ce n'est pas une moindre folie d'être effrayé d'un malheur qu'il est impossible d'éviter que de se promettre une chose dont il est possible que nous ne pourrons jamais jouir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.57, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  240. Une plaisanterie usée est semblable à un habit qu'un autre a déjà porté: l'une expose la disette d'esprit, et l'autre la disette d'argent.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.57, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  241. On doit fuir toutes sortes de louanges. Celle d'un homme de bien nous donne de la vanité; celle d'un méchant nous décrédite.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.57, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  242. On n'a de véritable foi qu'en soumettant la raison comme il n'y a pas de meilleur moyen de jouir de la lumière au point du jour que d'éteindre sa bougie.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.57, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  243. Le seul secret pour se venger des injures est de ne les point mériter et de les mépriser. Elles tournent alors à la honte de celui qui les a proférées.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.57, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  244. Il n'y a pas moins de sagesse que de religion à ne vouloir point rechercher ce que la providence a eu dessein de nous cacher.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.58, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  245. La voix du peuple est à notre réputation ce que le vent est à la flamme.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.58, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  246. Un ministre a quelquefois intérêt pour sa propre sûreté d'exciter des mouvements dans l'état comme un poisson trouble l'eau quand il craint d'être surpris.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.58, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  247. Il y a dans toutes les sectes des empoisonneurs qui ne s'occupent jour et nuit qu'à faire avaler aux autres le venin qu'ils ont avalé eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.58, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  248. L'argent a des charmes: il repaît notre vanité; il jette sur la roture un vernir de noblesse. Mais son éclat, semblable à celui du ver-luisant, n'est qu'une vaine lumière qui éblouit les yeux des autres, sans échauffer leurs coeurs et sans attirer leur estime.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.58, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  249. Toute la sagesse de notre vie consiste à bien penser et à acquérir des connaissances. La médiation donne de la justesse aux pensées ; la pratique du monde les perfectionne. Celui qui n'étudie que dans la solitude est semblable à un homme qui porte beaucoup d'argent sur lui, mais qui ne sait à quoi l'employer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.59, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  250. Nous méprisons le public, nous condamnons son jugement et cependant nous n'ambitionnons rien tant que de mériter son approbation. Faut-il que nous fondions tout ce que nous croyons valoir sur ceux que nous croyons ne nous valoir pas?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.59, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  251. Les héros et les poètes ne seraient-ils point engendrés du vent comme quelques auteurs ont prétendu que l'avaient été des chevaux d'Espagne?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.59, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  252. Le vice a tant de partisans que les amis de la vertu ont besoin de toutes leurs forces pour se garantir des assauts d'une si puissante faction.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.59, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  253. Comme les bêtes connaissent mieux que les hommes ce qui leur est propre, de même ceux qui n'ont que la science du monde connaissent mieux ce qui convient à l'homme que les pédants qui avec mille connaissances inutiles ignorent ce qu'il est nécessaire de savoir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.60, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  254. Les médisants sont semblables aux sangsues. Ils ne se nourrissent que des mauvaises qualités des hommes comme les autres ne vivent que de mauvais sang.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.60, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  255. La société fait naître l'amitié; l'amitié produit la familiarité; la familiarité engendre le mépris, et le mépris enfin se change en haine déclarée.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.60, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  256. Les flatteurs et les escrocs ressemblent assez aux lutteurs. Ils se retournent de tous les sens pour abattre ceux qu'ils attaquent.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.60, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  257. Les pauvres d'esprit sont par leur faiblesse à l'abri de tous les assauts comme les pauvres de fortune le sont par leur disette.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.60, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  258. Les femmes dans la dispute aiment à être contredites. C'est les offenser que de ne pas prendre garde à ce qu'elles disent ; elles souffrent plus volontiers un démenti qu'un silence mortifiant.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.61, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  259. Quand nous voyons des hommes supérieurs aux autres hommes, nous sommes portés à croire qu'ils ont quelque chose au-dessus de l'humanité. Nous tirons une fausse conséquence de leur puissance à leur nature. Au-delà de l'entendue de l'oeil on croit voir un infini.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.61, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  260. Le bon conseil est la pilule de l'esprit. Plus elle est amère et difficile à avaler, plus son opération est sûre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.61, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  261. Les spéculations d'un esprit fantastique ne sont pas moins l'origine de l'athéisme ou de la fausse piété que le désir de trop savoir le fut de la chute de l'homme et de la perte de sa félicité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.61, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  262. La vengeance est plus la perte de l'honneur que la réparation puisqu'il n'y a rien dans la nature et dans la religion de si honorable et de si grand, que de pardonner.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.62, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  263. Nous prêtons de l'argent à nos amis précisément comme les enrôleurs distribuent l'argent du roi plutôt pour enchaîner leur liberté que pour subvenir à leurs besoins.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.62, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  264. Le seul moyen d'apaiser l'envie que nous portons aux autres est d'augmenter notre mérite et de nous rendre dignes ou de ce que nous désirons, ou de ce que nous craignons de perdre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.62, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  265. Les gens vifs le sont aisément des amis par leur caractère enjoué et amusant. Les flegmatiques en font moins ; mais ils sont plus constants dans leurs amitiés.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.62, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  266. L'affectation de la sincérité est une fraude plus criminelle que la tromperie ouverte.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.62, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  267. La fureur et les emportements de nos ennemis doivent être une leçon pour nous ; elles nous servent plus qu'elles ne nous nuisent. Les juges s'en irritent, le public en est révolté et notre modération nous aplanit un chemin vers le triomphe avec plus de facilité.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.63, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  268. Ceux qui contrefont les princes dans le coin de leur monnaie les trompent moins qu'ils ne trompent leurs sujets ; mais ceux qui les contrefont en face par l'abus de leur autorité osent les tromper eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.63, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  269. Les fautes des particuliers ne s'étendent pas ordinairement au-delà de leurs personnes. C'est une apoplexie qui tue son homme. Les fautes des grands s'étendent au-delà d'eux-mêmes. C'est une contagion qui répand son venin sur tout ce qui les environne.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.63, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  270. Si la mendicité est un déshonneur, il n'y en a pas d'une espèce plus basse que celle d'un pauvre auteur qui demande la charité dans sa préface.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.63, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  271. Les vertus de nos ancêtres deviennent un reproche pour nous si nous ne leur ressemblons pas. En dégénérant de leurs bonnes qualités, nous mettons nos titres en question, et nous donnons lieu de douter que notre naissance soit légitime.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.64, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  272. Quand, en modérant nos désirs, nous pouvons faire notre bonheur, pourquoi importuner le ciel par des voeux toujours nouveaux? C'est demander à la providence un compte qu'elle ne nous doit point et plus qu'elle ne nous veut donner.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.64, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  273. Les auteurs et les lecteurs se rendent mutuellement justice. Les auteurs condamnent l'ignorance des lecteurs, et le lecteurs blâment la présomption des auteurs ; ils se payent tous deux avec une monnaie assez égale.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.64, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  274. Un homme de finance remplit sa conscience d'iniquités à mesure qu'il vide d'argent sa caisse pour survenir à sa magnificience.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.64, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  275. C'est une satisfaction bien touchante que d'être possesseur d'une belle femme ; mais la nature semble avoir voulu réprimer l'orgueil des sens en mettant beaucoup de danger où elle a mis beaucoup de plaisir.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.65, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  276. Ô funeste beauté! vous ne servez à qui vous possède qu'à vous faire désirer par qui ne vous possède pas! Fragiles agréments du corps, devriez-vous souiller l'éternelle beauté de l'âme? Ou vous faites pécher, ou l'on pèche avec vous.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.65, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  277. Combien la nature a-t-elle sauvé de gens que l'art de la médecine avait abandonnés? Et combien ce même art en a-t-il tué que la nature aurait sauvé?
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.65, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  278. Les hommes d'un génie supérieur n'ont souvent pas de plus grand ennemi que leur génie même. On les redoute, on est en garde contre eux, on ne les croit point, et cette incrédulité a été fatale à des familles, à des républiques, et à des royaumes entiers.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.65, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  279. L'envieux est un peintre malin et ignorant, qui se plaît à défigurer les traits de la vertu ; non seulement il en supprime les beautés, mais il la charge d'imperfections ; et sous ces fausses couleurs, il expose sa mauvaise copie au public pour la faire haïr de ceux qui ne connaissent point l'original.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin, p.66, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  280. On voit avec quelque peine un citoyen s'élever au-dessus d'un autre citoyen ; mais on admire un grand qui semble né pour nous commander. C'est ainsi qu'on ne verrait qu'avec impatience un pavot s'élever au milieu des autres fleurs tandis qu'un oranger, qui en est entouré, flatte agréablement nos regards.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.66, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  281. L'homme ne connaît point parfaitement le degré de sa valeur avant d'en avoir fait l'épreuve: il se trouve souvent dans l'action plus grand qu'il n'avait cru, ou inférieur à ce qu'il avait présumé.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.66, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  282. On n'a point sujet de se plaindre si le souvenir d'un bienfait dure autant que le bienfait même ; mais la reconnaissance est un enfant qui meurt souvent avant son père.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.66, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  283. Le favori qu'un prince avait élevé dans les plus hautes dignités, est souvent celui qu'il accable le plus sous le poids de sa haine. C'est ainsi qu'un arbre chér, dont l'ombrage nous servait de rempart contre les chaleurs de l'été est celui que nous abattons pour nous garantir des rigueurs de l'hiver.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.67, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  284. Le repos est une imperfection dans tout ce qui peut croître ; sans mouvement il n'y a point d'augmentation. Les semences des plantes ensevelies honorablement dans les vases d'or ne sauraient germer si elles ne sont mises en action par les sels agissants de la terre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.67, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  285. Il y a des hommes qui font des miracles de tout, parce qu'ils ignorent la cause seconde ; il y en a d'autres qui nient tous les miracles parce qu'ils ignorent la cause première.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.67, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  286. Quiconque a obligé une fois ne doit point cesse d'obliger ; celui qui veut lier un autre par des services n'y doit point laisser d'intervalle ; si les anneaux ne sont point enchâssés les uns dans les autres, ils ne forment point de chaîne.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.67, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  287. Les grands ministres se relèvent rarement de leur chûte, leur disgrâce se proportionne à leur saveur passée ; les hommes ordinaires se relèvent plus aisément. L'homme et l'ange sont tombés, l'homme est rentré en grâce, l'ange n'y est point rentré parce que la nature de l'homme n'avait pas été si favorisée que celle de l'ange.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.68, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  288. Le service qu'on reçoit d'un inférieur fait peu d'honneur si on ne le reconnaît pas par une récompense très supérieure ; ne l'égaler qu'au bienfait reçu, c'est s'égaler au bienfaiteur.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.68, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  289. Le respect qu'un prince s'attire est l'âme de son gouvernement ; mais le prince n'est plus qu'un cadavre quand il tombe dans le mépris.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.68, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  290. La nouveauté est une lumière qui attire et charme tous les yeux ; les hommes portent volontiers leurs regards sur le soleil levant ; l'esprit s'endort sur les choses connues et ne se réveille que sur celles qu'il ne connaît point.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.68, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  291. La présomption qu'on a de vaincre est presque toujours le signal de la victoire ; l'armée qui craint sa défaite est à demi vaincue ; celle qui croit devoir vaincre combat jusqu'à l'extrémité; celle qui en doute n'attaque point l'ennemi, et se défend mal.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.69, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  292. On donne souvent le nom d'injustice à la force employée pour l'exécution d'une loi légitime ; l'homme n'aime point à obéir quelque juste que soit la violence.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.69, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  293. C'est une grande science dans un prince que de savoir se modérer au sein de la victoire, ou de se rendre à la nécessité des conjonctures fâcheuses. Mais il y en a plus qui ont ruiné leurs affaires par la honte de céder que par l'avidité de vaincre.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.69, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  294. Les grands hommes parlent aussi modestement de leurs actions que les hommes médiocres font sonner haut le moindre de leurs avantages. C'est ainsi que les grandes et profondes rivières roulent avec majesté leurs eaux dans le silence tandis que les petits ruisseaux coulent à grand bruit à travers les cailloux.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.69, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  295. L'homme sage ne porte point sa dépense au-delà de son revenu, il respecte toujours son fond ; quand une fois la plaie y a été faite, il s'y engendre une gangrène qui achève de tout dévorer.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.70, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  296. La probité n'est pas toujours à l'épreuve de la tentation ; on fait souvent sans scrupule ce que l'on peut faire sans crainte.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.70, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  297. Le jeu est la plus dangereuse de toutes les passions ; c'est un sable mouvant où s'engouffre l'édifice de la plus haute fortune.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.70, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  298. On parvient plus dans le monde par le manège que par l'esprit ; le mérite est une épée sans pointe quand l'adresse et le bonheur ne l'accompagnent pas.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.70, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  299. La jalousie ressemble au miroir, qu'on approche des lèvres d'un homme mourant pour s'assurer qu'il vit encore: son haleine le marque aussitôt.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux / Graphie moderne G. Jobin , p.70, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  300. Le goût pour l'harmonie est un signe moral de prédestination ; quiconque y est sensible ne peut être ami du péché. Le péché a décomposé toutes les consonances humaines ; il a révolté les parties inférieures contre les supérieures ; il a introduit tous les maux, et enfin la mort la dernière et la plus grande de toutes les dissonances.
    (Maximes et réflexions morales, trad. Jean de Serré de Rieux. Graphie moderne G. Jobin, p.71, Impr. G. Smith, Londres, 1739)
     
  301. Un sot est plus affairé que l'abeille la plus diligente. De tels instruments sont pourtant nécessaires aux politiques. Il en est peut-être des états comme des horloges, qui demandent plusieurs poids de plomb pour aider et pour rendre régulier le mouvement des parties les plus déliées et les plus nécessaires.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.66, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  302. La modestie ne peut jamais produire que de bons effets, et par rapport à nous-mêmes, et vis-à-vis du public. Un homme qui prétend à peu, vit tranquille; un glorieux, au contraire, est continuellement dans la gêne, pour paraître ce qu'il n'est pas. Si nous avons du génie et des talents, notre modestie est ce qui le prouve le mieux aux autres; si nous sommes dépourvus de lumières et d'esprit, notre modestie est encore le meilleur moyen de cacher ce qui nous manque de ce côté-là. Car, de même que la pudeur peut quelquefois faire prendre une fille publique pour une honnête femme, ainsi la modestie peut faire prendre un sot pour un homme d'esprit.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.66, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  303. Excuser dans nous-mêmes les sottises que nous ne pouvons souffrir dans autrui, c'est aimer mieux être sot soi-même que de voir les autres tels.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.67, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  304. Un homme ne devrait jamais rougir d'avouer qu'il a tort; car en faisant cet aveu, c'est comme s'il disait qu'il est plus sage aujourd'hui qu'il ne l'était hier.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.67, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  305. Le meilleur moyen de prouver les lumières et la netteté de son esprit, c'est de convenir de ses défauts; de même qu'un ruisseau qui découvre la bourbe qu'il a au fond, nous montre mieux la transparence et la pureté de ses eaux.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.67, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  306. Nos passions sont comme des accès de fièvre ardente. Quoiqu'elles nous rendent plus forts dans le moment même de l'accès, cependant elles nous rendent plus faibles après.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.68, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  307. Ce que Cicéron dit de la guerre peut s'appliquer à la dispute. La guerre devrait être toujours tellement ménagée, qu'on se souvînt qu'elle n'a pour but que la paix. Mais généralement parlant, les vrais disputeurs sont comme les vrais chasseurs, dont tout le plaisir est dans la poursuite.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.68, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  308. Ceux qui sont continuellement occupés à observer les actions des autres ressemblent à ceux qui sont toujours hors de leur maison, et qui vont dans celles d'autrui où ils arrangent tout, tandis que la leur tombe en ruine.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.68, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  309. Les vieillards qui vantent continuellement le passé, voudraient presque nous persuader qu'il n'y avait point de sots de leur temps ; mais malheureusement ils sont restés pour prouver le contraire.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.68, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  310. Il faut de nécessité ou se moquer du monde, ou se fâcher contre lui. Si nous nous en moquons, on dit que nous sommes orgueilleux; si nous nous fâchons, on nous accuse de misanthropie.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.68, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  311. Le monde se scandalise si l'on rit de quelque événement qu'il regarde comme très sérieux. Supposons que j'aie demain la tête tranchée, et que tout le monde en parle, ne puis-je pas en rire, et penser que voilà bien du bruit pour une tête ?
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.69, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  312. Le plus grand avantage qu'il y ait à passer pour un bel esprit est que ce titre nous donne une pleine liberté de faire impunément des sottises.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.69, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  313. Toutes les fois que je trouve beaucoup de reconnaissance dans un homme dénué des biens de la fortune, je tiens pour certain que, s'il était riche, il serait aussi généreux qu'il est reconnaissant.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.69, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  314. Les fleurs de rhétorique, dans les sermons et dans les discours graves, sont comme les fleurs bleues et rouges dans un champ de bled. Elles sont agréables à ceux qui n'y viennent que pour s'amuser, mais nuisibles à celui qui veut tirer du profit de sa moisson.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.69, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  315. Celui qui dit un mensonge ne sent pas le travail qu'il entreprend, car il faut qu'iI en invente mille autres pour soutenir le premier.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  316. Donner des conseils n'est souvent que s'attribuer le privilège de dire soi-même des sottises, sous prétexte d'empêcher les autres d'en faire.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  317. Un homme qui se mêle toujours des affaires des autres, ressemble à celui qui observe trop curieusement le travail des abeilles : il en est souvent piqué pour sa curiosité.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  318. Un homme extrêmement occupé peut parler de la philosophie; celui qui n'a point d'affaires peut la pratiquer.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  319. Il y a plusieurs solitaires qui ont quitté le monde, seulement comme Eve quitta Adam, pour aller converser en particulier avec le diable.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  320. Toute la différence qu'il y a entre ce qu'on appelle bonne compagnie et compagnie ordinaire est que les mêmes choses se disent dans une petite chambre ou dans un grand salon, à une petite table ou une grande, devant deux chandelles ou devant vingt bougies.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.70, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  321. Deux femmes deviennent rarement intimes, si ce n'est aux dépens d'une troisième. Elles s'unissent entr'elles comme les rois de l'ancien temps se liguaient entr'eux. Ils sacrifiaient quelque pauvre animal pour prélude de leur alliance : de même deux femmes, après avoir mis en pièces quelqu'une de leur sexe, s'unissent d'une vive amitié.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.71, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  322. Faire emplette de livres qu'on est incapable d'entendre et de goûter, les acheter seulement parce qu'ils ont été mis au jour par un auteur célèbre, c'est comme si un homme achetait des habits qui ne lui iraient pas, par la raison que ces habits ont été faits par un fameux tailleur.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.71, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  323. Il est aussi offensant de parler avec esprit quand on est avec des sots, qu'il serait impoli de parler à l'oreille. Le sot est également blessé de ces deux choses, parce qu'il ignore également ce qu'on dit.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.71, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  324. Les vieilles gens sont comme les vieilles chroniques, pour la plupart. Elles renferment des récits ennuyeux, mais vrais, du temps passé, et ne valent la peine d'être consultées que pour cela.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.72, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  325. L'esprit de la conversation n'est autre chose que la promptitude, la vivacité des pensées et la facilité de l'expression, ou, pour parler le langage des sages-femmes, une conception prompte et une délivrance aisée.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.72, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  326. Nous devrions ménager nos pensées dans nos poèmes, comme les bergers en usent avec des fleurs lorsqu'ils composent une guirlande. Ils choisissent d'abord les plus belles, ensuite ils les mettent à la place qui leur convient; de sorte qu'elles donnent du lustre aux autres. C'est ainsi que les plumes, dans les couronnes indiennes, sont tellement arrangées, que chacune réfléchit sur sa voisine, une partie de sa couleur et de sa beauté.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.72, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  327. Comme de beaux enfants font plus de tort à un père laid, que des enfants laids eux-mêmes, parce qu'alors ils lui ressemblent : de même de belles pensées, employées par un méchant écrivain, lui font plus de déshonneur que ses propres pensées mauvaises. Quand nous rencontrons un pauvre superbement vêtu, nous voyons évidemment que ses habits ne lui appartiennent pas.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.72, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  328. Faites lire vos ouvrages à vos ennemis, si vous voulez les corriger; car votre ami est tellement un autre vous-même, que son jugement se rapportera au vôtre.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.73, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  329. Les femmes regardent les amants du même oeil que des cartes. Elles s'en servent pour jouer pendant quelque temps ; et lorsqu'elles ont gagné, elles les jettent, en demandent de neuves, et souvent perdent avec ces neuves tout ce qu'elles avaient gagné avec les vieilles.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.73, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  330. Une femme galante traite les hommes comme un habile joueur d'échecs en use avec ses pions. Elle ne s'attache pas assez à un seul, pour n'avoir pas l'oeil sur un autre qui pourrait lui procurer de plus grands avantages.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.73, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  331. Les femmes sont comme des énigmes, et, en général, elles ont cela de commun avec les énigmes, qu'elles cessent de plaire après qu'on les a devinées.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.74, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  332. Un homme qui voit une belle femme n'a pas plus de raison de souhaiter d'être son mari, qu'un homme qui aurait admiré les pommes d'or du jardin des Hespérides, en aurait eu de désirer d'être le dragon qui les gardait.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.74, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  333. Le mot d'honneur dans la bouche d'une femme est comme le mot de probité dans celle d'un malhonnête homme. Ces mots sont toujours les plus employés par ceux en qui la chose est la plus suspecte.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.74, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  334. Ce qui est généralement regardé comme vertu dans les femmes, est bien différent de ce que l'on regarde comme tel dans les hommes. Ce qu'on appelle une femme vertueuse, serait un homme bien médiocre.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.74, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  335. Une famille n'est, le plus souvent, qu'une république de gens qui cherchent à se nuire. Les liens du sang, ou de l'alliance, ne sont autre chose que des intérêts opposés qui se combattent. Le fils souhaite la mort de son père; le plus jeune des frères celle de son aîné; l'aîné regarde avec envie les dots de ses soeurs, et les donne à regret. Quand quelqu'un d'eux se marie, c'est une nouvelle source de divisions et d'animosités. Il n'y a rien de plus naturel et de plus raisonnable que de s'attendre à de pareilles suites; et cependant je ne sais pourquoi nous sommes tous portés à croire qu'il n'y a de vrai bonheur, de vraie tranquillité que dans le sein des familles.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.74, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  336. Il est impossible qu'un homme de mauvais naturel aime le bien public. Car comment pourrait-il aimer un million d'hommes, lui qui n'a jamais aimé personne ?
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.75, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  337. Il ne faut, pour rendre d'une seule religion tous les gens sensés et désintéressés, que les faire converser ensemble tous les jours.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.75, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  338. Le moyen le plus court et le plus sûr d'acquérir la réputation d'un homme sage et prudent, c'est, lorsque quelqu'un vous dit son sentiment, d'y souscrire.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.75, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  339. Les gens qui méritent le moins qu'on leur rende service sont ceux qui en demandent le plus, et qui importunent davantage.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  340. Les conversations les plus agréables sont composées de civilités et de faussetés.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  341. Quelques gens se font une réputation d'esprit, à cause d'une certaine gaîté étourdie, qui ne mérite pas plus le nom d'esprit que l'ivresse.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  342. Quiconque a flatté son ami avec succès, doit se regarder comme un malhonnête homme, et son ami comme un sot.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  343. On peut voir le peu de cas que Dieu fait des richesses par les gens à qui il les donne.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  344. Le cri général est contre l'ingratitude ; mais ces clameurs sont déplacées. Le cri général devrait être contre la vanité. Il n'y a que de malhonnêtes gens qui soient capables d'une ingratitude marquée et volontaire. Mais il n'y a presque personne qui ne pense qu'il a fait plus que celui à qui il a rendu service ne méritait ; tandis que ce dernier, de son côté, croit qu'il a reçu beaucoup moins qu'il ne lui était dû.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.76, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  345. La plupart des décisions des casuistes, qui ne tendent qu'à multiplier les péchés, peuvent être appelées des additions et des corrections aux dix commandements.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.77, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  346. Les femmes, en général, aiment mieux les tragédies que les comédies. En voici peut-être la raison : c'est que dans les tragédies, leur sexe, pour l'ordinaire, est adoré, déifié; au lieu que dans les comédies il est tourné en ridicule.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.77, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  347. La réputation d'avare s'acquiert plus par des économies dans de petites choses qu'en s'épargnant des dépenses considérables. Une légère somme par an exempterait bien des gens de la honte de passer pour avares.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.77, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  348. L'esprit de quelque personne est comme une lanterne sourde qui ne sert qu'à celui qui la porte, et qui n'éclaire que son chemin.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.77, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  349. Il arrive quelquefois que les plus honnêtes gens sont ceux dont la réputation est le plus en butte aux traits de la calomnie : comme nous voyons communément que les meilleurs fruits sont ceux qui ont été becquetés par les oiseaux et rongés par les vers.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.77, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  350. Ce peuple immense, qui accourt à la capitale, est comme l'affluence des esprits animaux au coeur ; c'est une marque que le corps est en danger, que la constitution est menacée.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.78, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  351. Nous sommes souvent étonnés de voir des gens qui ont fait les actions les plus basses, pleins d'orgueil et de vanité. Nous ne faisons pas attention que le remords d'avoir fait des bassesses, et la honte d'en entendre parler, entrent dans la composition de ce que nous appelons orgueil.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.78, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  352. Les hommes les plus décisifs sont les plus crédules, puisqu'ils ne s'en rapportent qu'à eux-mêmes, et qu'ils ne consultent que leurs flatteurs les plus faux et leur ennemi le plus mortel, qui est leur amour-propre.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.78, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  353. C'est une vérité certaine qu'on n'est jamais plus tranquille ni moins trompé qu'en vivant avec des gens d'un bon esprit. Il en coûte beaucoup plus de peine pour être admis et pour se conserver dans une mauvaise compagnie que dans une bonne. Comme la mauvaise a plus de vanité que d'esprit et de raison, il faut bien des soins pour lui plaire, et ce n'est pas une petite affaire que d'entretenir un sot en bonne humeur avec lui-même et avec les autres.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.78, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  354. Il en est des petites âmes comme des petites bouteilles qui ont le goulot étroit; moins elles renferment de liqueur, plus elles font de bruit en la répandant.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.79, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  355. On voit un grand nombre de personnes capables de faire une action sage : on en voit un plus grand nombre capables de faire une action pleine d'esprit et d'adresse : mais bien peu sont capables de faire une action généreuse.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.79, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  356. Un athée n'est qu'un fou ridicule qui se moque de la divinité. Un hypocrite se fait un jeu plus grave et plus affreux de Dieu et de la religion. Il trouve plus aisé de se baisser pour se mettre à genoux, que de se lever pour faire une bonne action ; semblable à un impudent débiteur, qui va chaque jour trouver son créancier et lui parler familièrement, sans lui payer jamais ce qu'il lui doit.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.79, Trad. ?, Paris, 1800.)
     
  357. Un homme qui se trouve sur le bord de l'eau pour la passer, est entouré d'une multitude de bateliers : chacun s'empresse autour de lui, chacun lui offre ses services ; enfin il semble que toute affaire cesse en sa faveur, et qu'on n'est occupé que de lui. Ce même homme, dès qu'il est arrivé à l'autre bord, ne cause plus de bruit, personne ne prend garde à lui, et on le laisse aller tout seul. C'est l'image d'un ministre, lorsqu'il entre en place, et lorsqu'il en sort.
    (Mélanges - Pensées diverses in Oeuvres choisies de Pope, T.3, p.80, Trad. ?, Paris, 1800.)