Denis Diderot
1713-1784
  1. Mes pensées sont mes catins.
    (Le neveu de Rameau, p.11, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  2. [...] si l'on peut être homme d'esprit et grand joueur d'échecs [...], on peut être aussi un grand joueur d'échecs et un sot [...].
    (Le neveu de Rameau, p.11, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  3. [...] personne n'a autant d'humeur, pas même une jolie femme qui se lève avec un bouton sur le nez, qu'un auteur menacé de survivre à sa réputation.
    (Le neveu de Rameau, p.14, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  4. [...] je crois que si le mensonge peut servir un moment, il est nécessairement nuisible à la longue, et qu'au contraire la vérité sert nécessairement à la longue bien qu'il puisse arriver qu'elle nuise dans le moment. D'où je serai tenté de conclure que l'homme de génie qui décrie une erreur générale, ou qui accrédite un grande vérité, est toujours un être digne de notre vénération.
    (Le neveu de Rameau, p.19, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  5. [...] si tout ici bas était excellent, il n'y aurait rien d'excellent.
    (Le neveu de Rameau, p.24, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  6. Je n'en ai jamais entendu louer un seul que son éloge ne m'ait fait secrètement enrager.
    (Le neveu de Rameau, p.25, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  7. Pourrir sous du marbre, pourrir sous de la terre, c'est toujours pourrir.
    (Le neveu de Rameau, p.37, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  8. LUI : [...] dans ce pays-ci, est-ce qu'on est obligé de savoir ce qu'on montre ?
    MOI : Pas plus que de savoir ce qu'on apprend.

    (Le neveu de Rameau, p.41, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  9. En passant de moi à un bon maître, comme ils n'avaient rien appris, du moins ils n'avaient rien à désapprendre.
    (Le neveu de Rameau, p.47, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  10. Plus l'institution des choses est ancienne, plus il y a d'idiotismes ; plus les temps sont malheureux, plus les idiotismes se multiplient.
    (Le neveu de Rameau, p.52, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  11. Tenez, vive la philosophie, vive la sagesse de Salomon : boire du bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, se reposer dans des lits bien mollets ; excepté cela, le reste n'est que vanité.
    (Le neveu de Rameau, p.56, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  12. La reconnaissance est un fardeau, et tout fardeau est fait pour être secoué.
    (Le neveu de Rameau, p.57, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  13. La soirée n'est jamais plus belle pour moi que quand je suis content de ma matinée.
    (Le neveu de Rameau, p.59, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  14. [...] il ne faut pas toujours approuver de la même manière ; on serait monotone, on aurait l'air faux, on deviendrait insipide.
    (Le neveu de Rameau, p.69, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  15. Celui qui a besoin d'un protocole n'ira jamais loin ; les génies lisent peu, pratiquent beaucoup et se font d'eux-mêmes.
    (Le neveu de Rameau, p.73, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  16. Il vaut mieux écrire de grandes choses que d'en exécuter de petites.
    (Le neveu de Rameau, p.74, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  17. On avale à pleine gorgée le mensonge qui nous flatte, et l'on boit goutte à goutte une vérité qui nous est amère.
    (Le neveu de Rameau, p.76, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  18. S'il importe d'être sublime en quelque genre, c'est surtout en mal. On crache sur un petit filou, mais on ne peut refuser une sorte de considération à un grand criminel. Son courage vous étonne ; son atrocité vous fait frémir. On prise en tout l'unité de caractère.
    (Le neveu de Rameau, p.94, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  19. [...] nous comptons tellement sur nos bienfaits, qu'il est rare que nous cachions notre secret à celui que nous avons comblé de nos bontés.
    (Le neveu de Rameau, p.96, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  20. Et qu'est-ce qu'une bonne éducation, sinon celle qui conduit à toutes sortes de jouissances sans péril et sans inconvénient ?
    (Le neveu de Rameau, p.123, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  21. Rien de stable dans ce monde : aujourd'hui au sommet, demain au bas de la roue. De maudites circonstances nous mènent, et nous mènent fort mal.
    (Le neveu de Rameau, p.130, Livre de Poche Nos1653|1654)
     
  22. Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.493, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  23. Est-ce qu'on est maître de devenir ou de ne pas devenir amoureux ? Et quand on l'est, est-on maître d'agir comme si on ne l'était pas ?
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.498, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  24. Tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas est écrit là-haut. Savez-vous, monsieur, quelque moyen d'effacer cette écriture ? Puis-je n'être pas moi ? Et étant moi, puis-je faire autrement que moi ? Puis-je être moi et un autre ? Et depuis que je suis au monde, y a-t-il eu un seul instant où cela n'ait pas été vrai ? Prêchez tant qu'il vous plaira, vos raisons seront peut-être bonnes ; mais s'il est écrit en moi ou là-haut que je les trouverai mauvaises, que voulez-vous que j'y fasse ?
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.498, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  25. [...] nos deux théologiens disputaient sans s'entendre, comme il peut arriver en théologie [...]
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.499, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  26. [...] la prudence est une supposition, dans laquelle l'expérience nous autorise à regarder les circonstances où nous nous trouvons comme causes de certains effets à espérer ou à craindre pour l'avenir.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.504, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  27. [...] qui peut se vanter d'avoir assez d'expérience ? Celui qui s'est flatté d'en être le mieux pourvu, n'a-t-il jamais été dupe ? Et puis, y a-t-il un homme capable d'apprécier juste les circonstances où il se trouve ?
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.504, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  28. Ils continuèrent leur route, allant toujours sans savoir où ils allaient, quoiqu'ils sussent à peu près où ils voulaient aller ; trompant l'ennui et la fatigue par le silence et le bavardage, comme c'est l'usage de ceux qui marchent, et quelquefois de ceux qui sont assis.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.505, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  29. JACQUES : On ne fait jamais tant d'enfants que dans les temps de misère.
    Le Maître : Rien ne peuple comme les gueux.

    (Jacques le Fataliste et son maître, p.511, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  30. [...] il se laisse exister : c'est sa fonction habituelle.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.515, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  31. Nous croyons conduire le destin ; mais c'est toujours lui qui nous mène.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.520, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  32. Tous les jours on couche avec des femmes qu'on n'aime pas, et l'on ne couche pas avec des femmes qu'on aime...
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.522, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  33. S'il faut être vrai, c'est comme Molière, Regnard, Richardson, Sedaine ; la vérité a ses côtés piquants, qu'on saisit quand on a du génie.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.526, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  34. Je n'aime pas à parler des vivants, parce qu'on est de temps en temps exposé à rougir du bien et du mal qu'on en a dit ; du bien qu'ils gâtent, du mal qu'ils réparent.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.544, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  35. Si l'on ne dit presque rien dans ce monde, qui soit entendu comme on le dit, il y a bien pis, c'est qu'on n'y fait presque rien, qui soit jugé comme on l'a fait.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.544, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  36. - Vous êtes fort bien vêtu contre votre usage ; pourquoi sous cet habit, qui est très propre, une chemise sale ?
    - C'est que je n'en ai qu'une.
    - Et pourquoi n'en avez-vous qu'une ?
    - C'est que je n'ai qu'un corps à la fois.

    (Jacques le Fataliste et son maître, p.554, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  37. - Et [comment se portent] vos enfants ?
    - À merveille !
    - Et celui qui a de si beaux yeux, un si bel embonpoint, une si belle peau ?
    - Beaucoup mieux que les autres ; il est mort.

    (Jacques le Fataliste et son maître, p.554, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  38. [La jalousie] est un sentiment que l'amitié n'éteint pas toujours. Rien de si difficile à pardonner que le mérite.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.556, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  39. La bravoure est tantôt plus, tantôt moins considérée ; plus elle est commune, moins on en est vain, moins on en fait l'éloge.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.557, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  40. Le Maître :[...] dis-moi ce que tu as essayé.
    Jacques : De me moquer de tout. Ah ! si j'avais pu y réussir !
    Le Maître : À quoi cela t'aurait-il servi ?
    Jacques : À me délivrer du souci, à n'avoir plus besoin de rien, à me rendre parfaitement maître de moi, à me trouver aussi bien la tête contre une borne, au coin de la rue, que sur un bon oreiller. Tel je suis quelquefois ; mais le diable est que cela ne dure pas, et que dur et ferme comme un rocher dans les grandes occasions, il arrive souvent qu'une petite contradiction, une bagatelle me déferre ; c'est à se donner des soufflets. J'y ai renoncé ; j'ai pris le parti d'être comme je suis ; et j'ai vu, en y pensant un peu, que cela revenait presque au même, en ajoutant : Qu'importe comme on soit ? C'est une autre résignation plus facile et plus commode.

    (Jacques le Fataliste et son maître, p.574, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  41. Je ne sais ce que c'est que des principes, sinon des règles qu'on prescrit aux autres pour soi.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.579, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  42. [...] goûter le plaisir délicieux de pérorer.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.597, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  43. [...] il n'y a que les femmes qui sachent aimer ; les hommes n'y entendent rien...
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.599, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  44. Un des inconvénients de l'infortune, c'est la méfiance qu'elle inspire : les indigents craignent d'être importuns.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.623, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  45. [...] l'honneur et la vertu, quand elle est vraie, n'ont point de prix aux yeux de ceux qui ont le bonheur de les posséder.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.639, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  46. [...] les hommes faibles sont les chiens des hommes fermes.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.668, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  47. Le peuple est avide de spectacles, et y court, parce qu'il est amusé quand il en jouit, et qu'il est encore amusé par le récit qu'il en fait quand il en est revenu.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.670, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  48. Sais-tu qui sont les mauvais pères ? ce sont ceux qui ont oublié les fautes de leur jeunesse.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.700, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  49. Si mon ouvrage est bon, il vous fera plaisir ; s'il est mauvais, il ne fera point de mal.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.714, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  50. Il est bon que les expressions les moins usitées, les moins écrites, les mieux tues soient les mieux sues et les plus généralement connues.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.715, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  51. Voilà le train de la vie ; l'un court à travers les ronces sans se piquer ; l'autre a beau regarder où il met le pied, il trouve des ronces dans le plus beau chemin, et arrive au gîte écorché tout vif.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.736, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  52. Le Maître : Sais-tu ce que tu fais là ? une chose très commune et très impertinente.
    Jacques : J'en suis bien capable.
    Le Maître : Tu te plains d'avoir été interrompu, et tu interromps.

    (Jacques le Fataliste et son maître, p.736, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  53. Un mot, un geste m'en ont quelquefois plus appris que le bavardage de toute une ville.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.752, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  54. J'ai remarqué une chose assez singulière ; c'est qu'il n'y a guère de maximes de morale dont on ne fît un aphorisme de médecine, et réciproquement peu d'aphorismes de médecine dont on ne fît une maxime de morale.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.755, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  55. Mon maître, on passe les trois quarts de sa vie à vouloir, sans faire.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.759, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)
     
  56. [...] on ne peut s'intéresser qu'à ce qu'on croit vrai.
    (Jacques le Fataliste et son maître, p.777, in Oeuvres romanesques, Classiques Garnier 1962)