Prosper Jolyot de Crébillon 
1707-1777
- Ce n'est point un forfait ; c'est imiter les dieux,
 Que de remplir son coeur du soin des malheureux.
 (Atrée et Thyeste, acte  2, sc. 1. (Plisthène), 1707)
 
- Tout m'est cher d'un héros que l'univers admire.
 (Atrée et Thyeste, acte  3, sc. 4. (Thyeste), 1707)
 
- Le coeur des malheureux n'est qu'un trop sûr oracle.
 (Atrée et Thyeste, acte  5, sc. 1 (Plisthène), 1707)
 
- Qui cède à la pitié mérite qu'on l'offense ;
 Il faut un terme au crime, et non à la vengeance.
 (Atrée et Thyeste, acte  5, sc. 4 (Atrée), 1707)
 
- Un ennemi qui peut pardonner une offense,
 Ou manque de courage, ou manque de puissance.
 (Atrée et Thyeste, acte 1, sc. 2 (Atrée), 1707)
 
- Que peut craindre un grand coeur quand sa vertu lui reste ?
 (Atrée et Thyeste, acte 1, sc. 4 (Plisthène), 1707)
 
- On doit des malheureux respecter la misère.
 (Atrée et Thyeste, acte 2, sc. 2 (Théodamie), 1707)
 
- L'amour, qui si souvent loin de nous nous entraîne,
 N'est point dans ses retours aussi prompt que la haine.
 (Atrée et Thyeste, acte 3, sc. 3 (Atrée), 1707)
 
- L'imprudence n'est pas dans la témérité,
 Elle est dans un projet faux et mal concerté.
 (Catilina, acte  3, sc. 6 (Catilina), 1748)
 
- À force de vouloir approfondir un coeur,
 Un faux jour a produit souvent plus d'une erreur.
 (Catilina, acte 1, sc. 1 (Lentulus), 1748)
 
- Qu'un grand coeur soit épris d'une amoureuse flamme,
 C'est l'ouvrage des sens, non le faible de l'âme ;
 Mais, dès que par la gloire il peut être excité,
 Cette ardeur n'a sur lui qu'un pouvoir limité.
 (Catilina, acte 1, sc. 1 (Catilina), 1748)
 
- Ses [le bien public] intérêts sacrés sont notre loi suprême,
 Et s'immoler pour eux, c'est vivre pour soi-même.
 (Catilina, acte 1, sc. 2 (Catilina), 1748)
 
- [...] L'amour est déchu de son autorité,
 Dès qu'il vient de l'honneur blesser la dignité.
 (Catilina, acte 1, sc. 4 (Catilina), 1748)
 
- [...] Un généreux courage
 Pardonne à qui le hait, mais point à qui l'outrage.
 (Catilina, acte 1, sc. 4 (Catilina), 1748)
 
- L'amour le mieux vengé, quelle que soit l'offense,
 Est souvent le premier à pleurer sa vengeance.
 (Catilina, acte 2, sc. 1 (Probus), 1748)
 
- Le feu des factions est facile à s'éteindre.
 (Catilina, acte 3, sc. 2 (Catilina), 1748)
 
- Le succès fut toujours un enfant de l'audace.
 (Catilina, acte 3, sc. 6 (Catilina), 1748)
 
- [...] La haine a souvent fait plus de faux coupables,
 Qu'un penchant malheureux n'en fait de véritables.
 (Catilina, acte 4, sc. 1 (Crassus), 1748)
 
- La rigueur n'a jamais produit le repentir :
 Ce n'est qu'en pardonnant qu'on nous le fait sentir.
 (Catilina, acte 4, sc. 1 (Crassus), 1748)
 
- On ne guérit jamais d'un violent soupçon ;
 L'erreur qui le fit naître en nourrit le poison ;
 Et, dans tout intérêt, la vertu la plus pure
 Peut être quelquefois suspecte d'imposture.
 (Catilina, acte 4, sc. 2 (Catilina), 1748)
 
- Fortune des héros, ce n'est pas sur les coeurs
 Que l'on te vit toujours mesurer tes faveurs.
 (Catilina, acte 5, sc. 6 (Catilina), 1748)
 
- [...] La mort n'est qu'un instant
 Que le grand coeur défie, et que le lâche attend.
 (Catilina, acte 5, sc. 6 (Catilina), 1748)
 
- Eh ! qui donc s'attendrit pour un infortuné ?
 (Electre, acte  3, sc. 2. (Électre), 1708)
 
- Que ne peut la valeur où le coeur s'intéresse ?
 (Électre, acte 2, sc. 1 (Électre), 1708)
 
- Ainsi que le héros brille par ses exploits,
 La grandeur des bienfaits doit signaler les rois.
 (Électre, acte 2, sc. 4 (Égisthe), 1708)
 
- [...] Les remords d'un coeur né vertueux,
 Souvent, pour le punir, vont plus loin que les dieux.
 (Électre, acte 3, sc. 5 (Tydée), 1708)
 
- N'accusez pas des dieux la sagesse suprême ;
 [...]
 Gardons-nous de vouloir, faibles et curieux,
 Pénétrer des secrets qu'ils voilent à nos yeux.
 (Électre, acte 3, sc. 5 (Palamède), 1708)
 
- [...] Qui veut, peut braver leur [aux Dieux] puissance ;
 Mais ne peut pas, qui veut éviter leur vengeance.
 (Idomenée, acte  1, sc. 2. (Idoménée), 1705)
 
- Aux seuls infortunés le trépas se refuse...
 (Idoménée, acte  3, sc. 7. (Sophronyme), 1705)
 
- Que l'amour soit en nous ou penchant ou vengeance,
 La faiblesse des coeurs fait toute sa puissance.
 (Idomenée, acte 2, sc. 3 (Sophronyme), 1705)
 
- Peu digne du haut rang où le ciel l'a fait naître,
 Un roi n'est qu'un esclave où l'amour est le maître.
 (Idoménée, acte 2, sc. 3 (Sophronyme), 1705)
 
- Ne cherchons point des dieux à troubler le silence.
 (Idoménée, acte 2, sc. 6 (Idoménée), 1705)
 
- Mais peut-on sans trembler opprimer ce qu'on aime ?
 (Idoménée, acte 3, sc. 1 (Érixène), 1705)
 
- [...] Le sang de son peuple est le vrai sang des rois.
 (Idomenée, acte 3, sc. 7 (Idoménée), 1705)
 
- Le Ciel veut moins de nous l'offrande que le coeur.
 (Idoménée, acte 4, sc. 4 (Sophronyme), 1705)
 
- Il est beau de mourir pour apaiser les dieux.
 (Idoménée, acte 5, sc. 1 (Idamante), 1705)
 
- La mort est-elle un mal ? la vie est-elle un bien ?
 (Idoménée, acte 5, sc. 2 (Idoménée), 1705)
 
- Tullie : Que cherchez-vous ici, généreux Clodomir ?
 Clodomir : Ce que les malheureux cherchent tous, à mourir.
 (le Triumvirat, acte  1, sc. 2 (Tullie/Clodomir), 1754)
 
- La mort pour un Romain n'est que la fin d'un songe.
 (le Triumvirat, acte 1, sc. 3 (Tullie), 1754)
 
- Que peut craindre un Romain des caprices du sort,
 Tant qu'il lui reste un bras pour se donner la mort ?
 (le Triumvirat, acte 1, sc. 3 (Tullie), 1754)
 
- [...] La douceur
 Peut, ainsi que la gloire, habiter un grand coeur.
 (le Triumvirat, acte 1, sc. 4 (Cicéron), 1754)
 
- Plus le malheur est grand, plus il est grand de vivre.
 (le Triumvirat, acte 1, sc. 4 (Cicéron), 1754)
 
- [...] Une ardente vengeance
 A souvent confondu le crime et l'innocence ;
 À des yeux prévenus le mal paraît un bien,
 Et la haine est injuste et n'examine rien.
 (le Triumvirat, acte 2, sc. 1 (Octave), 1754)
 
- [...] Une ardente vengeance
 A souvent confondu le crime et l'innocence.
 (le Triumvirat, acte 2, sc. 1 (Octave), 1754)
 
- Un meurtre, quel qu'en soit le prétexte ou l'objet,
 Pour les coeurs vertueux fut toujours un forfait.
 (le Triumvirat, acte 2, sc. 3 (Cicéron), 1754)
 
- Dès qu'il faut obéir, le parti le plus sage
 Est de savoir se faire un heureux esclavage.
 (le Triumvirat, acte 2, sc. 3 (Octave), 1754)
 
- Si du sort des tyrans vous bravez les hasards,
 Il naîtra des Brutus autant que des Césars.
 (le Triumvirat, acte 2, sc. 5 (Tullie), 1754)
 
- La honte suit toujours un lâche désespoir.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 1 (Sextus), 1754)
 
- Il vaut mieux se flatter d'un espoir téméraire,
 Que de céder au sort, dès qu'il nous est contraire.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 1 (Sextus), 1754)
 
- Un amant méprisé ne fait point de jaloux.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 4 (Tullie), 1754)
 
- Un amant méprisé ne fait point de jaloux.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 4 (Tullie), 1754)
 
- Se laisser prévenir est moins une vertu,
 Que l'imbécillité d'un courage abattu.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 5 (Philippe), 1754)
 
- Le destin n'a point mis de sentiments égaux
 Dans l'âme de l'esclave et celle du héros.
 (le Triumvirat, acte 3, sc. 5 (Philippe), 1754)
 
- [...] Fuir n'est un déshonneur
 Que pour ceux dont on peut soupçonner la valeur.
 (le Triumvirat, acte 3,sc. 4 (Tullie), 1754)
 
- Ce n'est qu'en se pliant à la nécessité,
 Que l'on peut des tyrans tromper l'autorité :
 Un torrent n'a jamais causé plus de ravage,
 Que lorsqu'à son courant on ferme le passage.
 (le Triumvirat, acte 4, sc. 2 (Mécène), 1754)
 
- Celle [la pitié] de tes pareils [d'un tyran] à la fois déshonore,
 Et celui qu'elle épargne, et celui qui l'implore.
 (le Triumvirat, acte 4, sc. 4 (Cicéron), 1754)
 
- Si, pour nous accabler de maux et de douleurs,
 La terre a ses tyrans, le Ciel a ses vengeurs.
 (le Triumvirat, acte 4, sc. 4 (Cicéron), 1754)
 
- Ainsi que ses vertus chacun a ses lauriers.
 (le Triumvirat, acte 4, sc. 6 (Cicéron), 1754)
 
- Lorsqu'on ne peut plus vivre il faut savoir mourir.
 (le Triumvirat, acte 4, sc. 6 (Cicéron), 1754)
 
- ... Les coeurs remplis d'ambition
 Sont sans foi, sans honneur, et sans affection :
 Occupés seulement de l'objet qui les guide,
 Ils n'ont de l'amitié que le masque perfide ;
 Prodigues de serments, avares des effets,
 Le poison est caché même sous leurs bienfaits.
 (le Triumvirat, acte 4. sc. 4. (Cicéron), 1754)
 
- Ce n'est pas en fuyant qu'on dispute un empire.
 (le Triumvirat, acte 5, sc. 3 (Tullie), 1754)
 
- Il n'est point de fierté que le sort n'humilie.
 (le Triumvirat, acte 5, sc. 3 (Tullie), 1754)
 
- Un affront vit toujours sur le front qui l'endure.
 (le Triumvirat, acte 5, sc.2 (Mécène), 1754)
 
- Quand du moindre intérêt le coeur est combattu,
 Sa générosité n'est plus une vertu.
 (Pyrrhus, acte 1, sc. 4 (Hélénus), 1726)
 
- Les coeurs nourris de sang et de projets terribles,
 N'ont pas toujours été les coeurs les moins sensibles.
 (Pyrrhus, acte 1, sc. 5 (Hélénus), 1726)
 
- Le peuple, en ce qui flatte ou choque sa manie,
 Trouve de la justice ou de la tyrannie.
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 1 (Néoptolème), 1726)
 
- [...] La seule valeur défend mal un État.
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 1 (Néoptolème), 1726)
 
- Un monstre doit causer plus d'horreur que de crainte.
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 2 (Glaucias), 1726)
 
- [...] Combien de trônes sont remplis
 Par les usurpateurs qui s'y sont établis !
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 2 (Néoptolème), 1726)
 
- [...] L'honneur et la gloire
 Ne suivent pas toujours le char de la victoire.
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 4 (Hélénus), 1726)
 
- Héros qui, pour tout bien, recherchez la victoire,
 Qu'un peu de sang perdu couvrit souvent de gloire ;
 Pour en savoir le prix, c'est peu d'être guerrier,
 Il faut avoir un coeur à lui sacrifier.
 (Pyrrhus, acte 2, sc. 5 (Hélénus), 1726)
 
- Inspira-t-on jamais l'amour par la frayeur ?
 (Pyrrhus, acte 3, sc. 2 (Éricie), 1726)
 
- Le crime est toujours crime ; et jamais la beauté
 N'a pu servir de voile à sa difformité.
 (Pyrrhus, acte 4, sc. 4 (Pyrrhus), 1726)
 
- Funeste ambition, détestable manie,
 Mère de l'injustice et de la tyrannie,
 Qui de sang la première a rempli l'univers,
 Et jeté les  humains dans l'opprobre et les fers ;
 C'est toi dont les fureurs, toujours illégitimes,
 Firent naître à la fois les sceptres et les crimes.
 (Pyrrhus, acte 5, sc. 1. (Éricie), 1726)
 
- Le malheur rend souvent le crime nécessaire.
 (Pyrrhus, acte 5, sc. 5 (Néoptolème), 1726)
 
- Puisqu'un remords suffit pour apaiser les dieux,
 Les rois ne doivent pas en exiger plus qu'eux.
 (Pyrrhus, acte 5, sc. 5 (Pyrrhus), 1726)
 
- L'amour n'a pas toujours respecté la nature.
 (Rhadamiste et Zénobie, acte 1, sc. 2. (Arsame), 1711)
 
- Non, il n'est point de coeur si grand, si magnanime,
 Qu'un amour malheureux n'entraîne dans le crime.
 (Rhadamiste et Zénobie, acte 3, sc. 3. (Rhadamiste), 1711)
 
- Que l'hymen est puissant sur les coeurs vertueux !
 (Rhadamiste et Zénobie, acte 4, sc. 2 (Zénobie), 1711)
 
- [...] L'amour jusqu'ici n'a point connu de maître.
 (Sémiramis, acte 2, sc. 1. (Agénor), 1717)
 
- Un guerrier généreux que la vertu couronne,
 Vaut bien un roi formé par le secours des lois ;
 Le premier qui le fut n'eut pour lui que sa voix.
 (Sémiramis, acte 2, sc. 4 (Agénor), 1717)
 
- La reine m'offre ici l'empire avec sa main ;
 Puisque vous m'y forcez, ce sera dès demain,
 Ne fût-ce qu'à dessein, seigneur, de vous instruire
 Un soldat n'en est pas moins digne de l'empire.
 (Sémiramis, acte 2, sc. 4 (Agénor), 1717)
 
- On n'est point criminel pour être ambitieux.
 (Sémiramis, acte 3, sc. 2. (Bélus), 1717)
 
- Dès que le crime seul cause tous nos malheurs,
 Il ne doit plus trouver de pitié dans les coeurs.
 (Sémiramis, acte 5, sc. 4 (Sémiramis), 1717)
 
- La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois.
 (Xercès, acte 1, sc. 1. (Artaban), 1714)
 
- Pour prévenir les maux qui vous glacent de crainte,
 On peut, sans s'abaisser, aller jusqu'à la feinte.
 (Xercès, acte 1, sc. 2 (Artaban), 1714)
 
- [...] Les lois
 Sont le plus ferme appui de la grandeur des rois.
 (Xercès, acte 1, sc. 2 (Artaban), 1714)
 
- Les promesses des rois sont des décrets des dieux.
 (Xercès, acte 1, sc. 7 (Amestris), 1714)
 
- Frein par qui les tyrans sont même retenus,
 Serments sacrés des rois, qu'êtes-vous devenus ?
 (Xercès, acte 1, sc. 7 (Amestris), 1714)
 
- Plaindre un amant trahi, c'est s'avouer heureux.
 (Xercès, acte 1, sc. 8 (Darius), 1714)
 
- C'est d'un amour constant la vertu qui décide,
 Et non la beauté seule avec un coeur perfide.
 (Xercès, acte 2, sc. 2 (Barsine), 1714)
 
- Qui ne veut que haïr ne veut pas qu'on le plaigne.
 (Xercès, acte 2, sc. 8 (Darius), 1714)
 
- Le crime et la vertu n'ont-ils donc qu'un langage ?
 (Xercès, acte 3, sc. 3 (Amestris), 1714)
 
- Je ne puis estimer qui me veut sacrilège.
 (Xercès, acte 3, sc. 7 (Darius), 1714)
 
- Dès que le sort nous garde un succès favorable,
 Le sceptre absout toujours la main la plus coupable ;
 Il fait du parricide un homme généreux :
 Le crime n'est forfait que pour les malheureux.
 (Xercès, acte 4, sc. 2 (Artaban), 1714)
 
- C'est ainsi que de nous disposant à son gré,
 L'amour sait de nos coeurs s'emparer par degré ;
 Et, d'appât en appât conduisant la victime,
 Il la fait à la fin passer de crime en crime.
 (Xercès, acte 4, sc. 4. (Darius), 1714)
 
- L'innocence a toujours confondu l'imposture.
 C'est un droit qu'en naissant elle a reçu des dieux.
 (Xercès, acte 4, sc. 7 (Amestris), 1714)
 
- Ce n'est point par des pleurs que l'on peut émouvoir
 Un coeur qui ne connaît amour, lois, ni devoir.
 (Xercès, acte 5, sc. 2 (Artaban), 1714)