Karl Kraus
1874-1936
  1. Il y a deux sortes d'écrivains. Ceux qui le sont, et ceux qui ne le sont pas. Chez les premiers, le fond et la forme sont ensemble comme l'âme et le corps ; chez les seconds, le fond et la forme vont ensemble comme le corps et l'habit.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.9, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  2. On doit lire mes travaux deux fois pour s'en approcher. Mais je n'ai rien non plus contre le fait qu'on les lise trois fois. Mais je préfère qu'on ne les lise pas du tout, plutôt qu'une fois seulement. Je ne voudrais pas être responsable des congestions cérébrales d'un imbécile qui n'a pas le temps.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.16, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  3. On doit lire tous les écrivains deux fois, les bons et les mauvais. Les uns, on les reconnaîtra ; les autres, on les démasquera.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.16, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  4. Étapes de qui écrit : Au commencement, on n'y est pas habitué et, pour cette raison, ça va comme sur des roulettes. Mais ensuite, ça devient de plus en plus difficile ; et quand on s'est vraiment fait la main, alors il y a plus d'une phrase dont on ne vient pas à bout.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.17, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  5. Un aphorisme n'a pas besoin d'être vrai, mais il doit survoler la vérité. Il doit la dépasser d'un trait.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.18, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  6. L'un écrit parce qu'il voit ; l'autre, parce qu'il entend.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.19, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  7. Mais où est-ce que je prends donc tout ce temps pour ne pas lire tant de choses ?
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.21, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  8. Seule une langue qui a le cancer incline aux formations nouvelles.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.26, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  9. Pourquoi certain écrit-il ? Parce qu'il n'a pas assez de caractère pour ne pas écrire.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.28, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  10. On doit à chaque fois écrire comme si l'on écrivait pour la première et la dernière fois. Dire autant de choses que si l'on faisait ses adieux, et les dire aussi bien que si l'on faisait ses débuts.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.43, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  11. La capacité de douter, après s'être promptement décidé, est la plus haute et la plus virile.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.50, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  12. Qui ne pense pas pense qu'on n'aurait une pensée que lorsqu'on l'a et qu'on la revêt de mots. Il ne comprend pas qu'en vérité ne l'a que celui qui a le mot, dans lequel croît la pensée.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.55, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  13. La langue est la mère, non la fille, de la pensée.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.55, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  14. La langue sera la baguette qui trouve les sources de pensée.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.56, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  15. Une pensée n'est légitime que si on a le sentiment de se surprendre en flagrant délit de plagiat de soi.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.58, Éd. Mille et une nuits, n°198)
     
  16. Le moraliste doit toujours faire comme s'il venait au monde pour la première fois ; l'artiste, comme si c'était une fois pour toutes.
    (Aphorismes, trad. Roger Lewinter, p.60, Éd. Mille et une nuits, n°198)