Josef Winkler
1953
  1. Dans la jarre où se préparait à partir des ossements d'animaux abattus le brouet d'os à l'odeur putride dont on badigeonnait le pourtour des yeux, des oreilles, les naseaux et le ventre des chevaux pour les protéger des mouches, des taons et des moustiques, reposent, tout au fond, les os des bras, arrachés dans une tranchée sur un champ de bataille, à un homme qui, avant la Deuxième Guerre mondiale, avait traîné jusqu'à la forêt une statue de Jésus de taille humaine et l'avait jetée par-dessus une cascade.
    (Quand l'heure viendra (Incipit), trad. Bernard Banoun , p.13, Verdier, 2000)
     
  2. Les habitants du village veulent qu'un ébéniste complète dans les règles de l'art le Jésus invalide accroché dans la salle funéraire nouvellement construite, qui fut jadis retiré tout trempé d'un torrent, ils veulent qu'on recolle des bras sur son torse afin qu'il puisse, quand l'heure viendra, tendre la main vers le défunt et que, par-dessus les cornes pointues et les ailes du Diable déployées battant au-dessus de l'air brûlant de l'Enfer, il l'emporte au-delà de la mer de flammes et l'aide à gagner au plus vite la patrie céleste. Notre sacrifice est accompli, Grand Dieu, nous Vous remercions, à nous tous Vous avez accordé Votre Grâce.
    (Quand l'heure viendra (Excipit), trad. Bernard Banoun , p.197, Verdier, 2000)