Bernard Arcand
1945-2009
  1. Le sport mesure la valeur humaine en millimètres et en centièmes de seconde.
    (Le sport, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.19)
     
  2. Ce n'est pas l'intelligence qui nous distingue, mais la bêtise.
    (L'intelligence, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.50)
     
  3. Ceux qui ont fréquenté l'université savent qu'on y raconte beaucoup de sottises; et le dire tout haut suscitera des protestations qui ne viendront que confirmer l'affirmation.
    (L'intelligence, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.54)
     
  4. Heureux le touriste qui a tout vu avant l'arrivée des touristes!
    (Le tourisme, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.75)
     
  5. Accuser un enfant d'être amoureux, c'est la vengeance de l'adulte. C'est là que l'enfant deviendra à son tour gêné et honteux. Il semble bien que la courtoisie, comme l'amour, soient des vocations tardives.
    (Les enfants, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.87)
     
  6. Le téléphone est un outil qui nuit beaucoup à la communication. Grâce au téléphone, on a de moins en moins besoin de se parler.
    (Le téléphone, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.116)
     
  7. Le mal du pays est avant tout un mal de soi et on se sent dépaysé justement à l'endroit où l'on ne se retrouve plus.
    (Le mal du pays, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.126)
     
  8. Le mal du pays, c'est s'ennuyer de ces rares personnes qui nous comprennent à demi-mot.
    (Le mal du pays, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.126)
     
  9. Jamais on ne pourra oublier le lieu d'un bel amour, le décor d'une joie profonde ou le contexte d'une tendresse. C'est à travers de telles histoires que la géographie devient humaine.
    (Le mal du pays, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.129)
     
  10. L'être humain n'a aucun standard de qualité, hormis son besoin d'appartenance.
    (Le mal du pays, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.131)
     
  11. Une société qui invente le jardin zoologique est une société prête pour la télévision. Dès qu'on pense qu'il est intéressant de regarder des animaux hors de leur contexte naturel, il devient pensable de contempler le monde entier depuis son salon.
    (La télévision, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.196)
     
  12. [...] les soumis ont toujours moins de soucis [...]
    (Le chien et le loup, in Quinze lieux communs, éd. Boréal, p.204)
     
  13. [...] le statut d'expert impose d'apprendre les formules en latin qui guérissent parce que personne ne les comprend, d'assimiler et de manipuler toutes les manières de lier le ça au surmoi - ce qui explique bien des choses -, de s'exprimer en utilisant principalement des chiffres que personne n'aura la patience de recalculer au complet ou, tout bêtement, de parler en n'utilisant que des termes abscons ou abstrus.
    (Les experts, p.20, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  14. Dans certaines villes, il est même interdit aux humains d'approcher et de toucher les gros arbres. Ce qui est le cas aussi pour l'ours polaire du jardin zoologique.
    (Les gros arbres, p.33 De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  15. Pour arriver à penser qu'il est nécessaire d'emballer une noix de coco, il fallait un gérant d'épicerie littéralement emballé par l'emballage.
    (L'emballage, p.47, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  16. Une porte constitue toujours une sorte de frontière et Raymond Devos a raison de dire que nos passeports sont toujours des passe-portes
    (Les portes, p.64 De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  17. Fréquemment, nous pouvons reconnaître et dénoncer le mensonge, sans pour autant découvrir les secrets de la vérité ; savoir que quelqu'un ment ne nous apprend rien sur ce qu'il pense.
    (Le mensonge, p.78 De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  18. Dans la vie courante, nous sommes obligés de distinguer plusieurs degrés de mensonge, puisque le passage est lent et graduel entre l'embellissement, l'ornement, l'exagération, le camouflage, l'entourloupette, la contre-vérité, les promesses oubliées, le fallacieux, la menterie, le tromperie, le mensonge et la tricherie.
    (Le mensonge, p.80, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  19. Le cinéma est un hymne au mensonge fondé sur la croyance que les êtres humains sont réductibles à une projection sur deux dimensions.
    (Le mensonge, p.89, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  20. En général, il est bon, du moins de temps à autre, de se rappeler que les gens qui ont toujours semblé savoir quoi faire dans la vie [...] donnent couramment l'impression de n'avoir jamais besoin d'agenda.
    (L'agenda, p.100, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  21. [...] le stress est peut-être sur le point de se transformer en un beau mot sur lequel tous s'accordent sans réellement se comprendre.
    (Le stress, p.153, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  22. [...] les grands savants [...] sont souvent perçus comme des individus particulièrement calmes, qui dégagent une attitude sereine, couronnée parfois d'un léger sourire mystérieux. Tout le contraire des experts stressés et de certains universitaires agités qui s'excitent sur un air grave et qui souvent nous énervent.
    (Le stress, p.161, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  23. Par définition, la porte représente une censure et, comme n'importe quel secret, le huis clos fascine.
    (Les portes - 2è partie, p.167, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  24. [...] ce sont précisément les plus haut placés dans la société qui cherchent à sauver leur peau en se cachant en dessous de tout.
    (Le sous-sol, p.190, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  25. Toutes les pilules sont des sérums de vérité à la puissance desquels nous n'avons jamais la force de résister.
    (Les pilules, p.197, De la fin du mâle, de l'emballage et autres lieux communs, Éd. Boréal)
     
  26. Il n'est rien de plus sain que de dire n'importe quoi au beau milieu d'un monde où trop de gens sérieux ne se le permettent plus.
    (Avant-propos, p.7, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  27. Quand vous entendrez : " Ciel, mon mari ", dites-vous bien que c'est l'enfer.
    (Le ciel, p.51, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  28. Le plus bel avantage d'un ciel, c'est de nous laisser croire que nous sommes attendus. Ce sont donc les chemins du ciel qui sont intéressants, car, une fois qu'on est arrivé, il n'y a évidemment rien à ajouter.
    (Le ciel, p.53, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  29. Les méchants fournissent des excuses à bien des infidélités.
    (Les méchants, p.74, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  30. On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
    (Les méchants, p.74, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  31. Si le battement d'aile d'un papillon peut déclencher un ouragan à l'autre bout de la planète, il vaudrait mieux se retenir et ne plus jamais éternuer.
    (Les méchants, p.95, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  32. Il faudrait se convaincre qu'on est en parfaite forme lorsqu'on atteint la capacité de faire à peu près tout pas très bien, ou quand on réussit à conserver ce poids magique qui est très précisément à 10 kilos du bonheur.
    (Être en forme, p.163, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  33. Car la paresse est un mode de conditionnement physique tout à fait recommandable, comme le prouve le sourire de Bouddha, lequel témoigne d'une excellente forme.
    (Être en forme, p.166, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  34. On le sait, les chicanes sont bonnes pour la santé, tandis que les discussions fatiguent. Car dès que la chicane commence, on peut se reposer, la discussion est terminée : tout à été dit, il suffit désormais de savoir et de montrer qu'on n'aime pas l'autre.
    (La chicane, p.174, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  35. [...] être intelligent et aller loin, c'est en gros être capable de faire les mêmes choses qu'un peu tout le monde, mais différemment.
    (La différence, p.197, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  36. En somme, les cartes routières et les cartes maritimes ne sont pas si différentes des cartes de crédit. Les premières guident les voyages dans l'espace, tandis que les secondes permettent le déplacement dans le temps.
    (Les cartes, p.205, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  37. Car la fidélité est une machine à arrêter le temps. Elle a pour effet d'identifier clairement le durable et de distinguer, à travers tout le chaos de la vie quotidienne, ce qui pourra résister à tout. [...] Ainsi on comprend pourquoi les humains ont inventé la notion d'éternité : pour se convaincre que la fidélité était pensable.
    (La fidélité, p.223, De nouveaux lieux communs, Éd. Boréal)
     
  38. Comme si la parole ne suffisait plus aux hommes de peu de foi, il faut désormais le voir en photo pour le croire. On était certain, autrefois, parce que c'était écrit « noir sur blanc » dans un journal, on dit maintenant : « Je l'ai vu à la télévision. »
    (La photo, p.38, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  39. Car une photo a toujours pour effet de fixer le temps sur une pellicule, où certains craignent de faire l'impitoyable découverte du temps perdu.
    (La photo, p.40, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  40. Dans nos sociétés avancées, les vedettes qui distribuent leur photo se montrent généreuses et font plaisir aux admirateurs en leur offrant une partie d'elles-mêmes. Les vedettes et leurs admirateurs conçoivent la photo comme une forme sophistiquée de don. Une conception qu'ils partagent avec les primitifs. La puissance de la photographie et de la pensée sauvage n'a jamais été démentie.
    (La photo, p.42, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  41. Photographier une personne, c'est affirmer qu'elle nous intéresse.
    (La photo, p.49, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  42. En parlant des amoureux :
    Leur plus grand désir serait de voir le temps se figer, et c'est pourquoi ils n'ont rien de plus pressé que d'agripper leur appareil photo et de photographier leur bonheur. C'est la seule façon fiable de faire durer la passion.

    (La photo, p.53, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  43. [...] l'éditorial [d'un journal] explique tout de suite ce qu'il faudrait penser.
    (La photo, p.59, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  44. Devant votre porte, un gazon trop long sera interprété comme un signe de négligence, l'indice d'une surcharge de travail, d'une maladie passagère ou d'un deuil familial. Pis encore, une preuve de paresse. La pelouse est un véritable champ du signe.
    (La pelouse, p.65, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  45. Les promeneurs qui respectent la pelouse sont des êtres dominés. Ils refusent d'admettre que la pensée humaine demeure tout aussi sauvage que les herbes de la préhistoire.
    (La pelouse, p.74, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  46. « Donnez à un homme un poisson et vous le nourrirez pour un jour. Enseignez-lui à pêcher et vous le nourrirez pour la vie. »
    Et après ? Enseignez-lui à faire pêcher les autres à sa place et vous le rendrez prospère. Montrez-lui comment s'enrichir et vous verrez que, tôt ou tard, il prodiguera ses conseils au tiers-monde, se croyant philosophe.

    (Le poisson, p.93, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  47. [...] le milieu scolaire demeure l'endroit privilégié où l'enfant construit sa personnalité propre et son identité sociale. C'est le plus souvent à l'école que l'enfant se cherche en faisant l'expérience de ses relations avec les autres : est-il le dernier à être choisi au sein de l'équipe de ballon-chasseur ? a-t-il du succès lors de l'élection du représentant de classe ? est-ce que les autres rient quand il leur fait une grimace ? se moque-t-on de lui à la récréation ? Voilà autant de questions essentielles dont les réponses enseigneront peu à peu à l'enfant qui il est. Est-il populaire, aimable, admiré ? Modérément marginal, différent ou handicapé ? Un peu trop gros, un peu trop laid, boutonneux ou niaiseux ? Rien de tout cela n'est simple ni facile pour personne. L'écolier affronte l'apprentissage de la vie en société. Cela aussi, on le sait très bien.
    (L'enseignement, p.115, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  48. Tout le savoir du monde paraît bien secondaire quand l'éducation est reconnue pour ce qu'elle est : une expérience de séduction à l'extérieur de la famille. En d'autres termes, si l'on voulait être franc, il faudrait considérer l'école comme l'une des conséquences de l'interdit de l'inceste. On doit y trouver ce que la maison n'a pas le droit d'offrir.
    (L'enseignement, p.119, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  49. Mais on sait, la mode vieillit mal et les snobs ont souvent été les gardiens fanatiques de bons goûts qui n'avaient aucun avenir.
    (Le scotch tape, p.128, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  50. La télévision promet la transparence, la télévision est populaire et nous restons collés à nos appareils, nous ne pouvons plus nous en séparer. La télévision est un scotch tape.
    (Le scotch tape, p.134, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  51. De nos jours, les cadeaux se sont multipliés et ont beaucoup grossi : le jouet le moindrement sérieux exige désormais au moins six megs de mémoire vive, soit l'équivalent du contenu de la bibliothèque d'Alexandrie.
    (Le scotch tape, p.140, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  52. Que l'on fasse l'amour ou du bricolage, le calme et le silence améliorent la réflexion et la qualité de l'expérience. Il faut sérieusement haïr quelqu'un pour le tuer en silence, il faut aimer profondément pour faire l'amour sans mot dire ni dire un mot. Il faut être bien sûr de soi et de ses convictions pour agir dans le calme, loin de la spontanéité apparente du vacarme.
    (Les bibliothécaires, p.159, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  53. L'humanité n'a jamais profité des conseils d'experts en orientation professionnelle.
    (La divination, p.177, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  54. [...] il faut d'abord être convaincu que l'argent importe beaucoup pour arriver à croire que perdre son temps constitue un appauvrissement.
    (Le gaspillage, p.205, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  55. On arrive ainsi à mettre le doigt sur l'une des grandes distinctions fondamentales entre l'humain et l'animal. Plus important que l'intelligence, la parole, le rire et la conscience, c'est le fait que l'être humain se pense bon. Et l'on dira plus tard que c'était justement ce qui le rendait si dangereux.
    (Le gaspillage, p.218, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)