Karl R. Popper
1902-1994
  1. [...] La controverse entre l'empirisme classique de Bacon, Locke, Berkeley, Hume et Stuart Mill et le rationalisme ou intellectualisme classique de Descartes, Spinoza et Leibniz. Dans cette controverse, en effet, l'école anglaise soutenait que le fondement ultime de toute connaissance, c'est l'observation, tandis que l'école continentale affirmait que c'est la vision intellectuelle des idées claires et distinctes.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.15, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  2. Je chercherai à monter, tout particulièrement, que ni l'observation ni la raison ne peuvent être définies comme la source de la connaissance, ainsi qu'on a prétendu le faire jusqu'ici.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.17, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  3. Mais quelles sont alors les sources de notre connaissance?
    La réponse, me semble-t-il, est celle-ci : il existe toutes sortes de sources, mais aucune d'elles ne fait autorité.

    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.127, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  4. L'erreur fondamentale que commet la doctrine des sources épistémologiques ultimes, c'est de ne pas distinguer assez clairement les problèmes d'origine des problèmes de validité. Il se peut que, dans le cas de l'historiographie, les deux types de questions se rejoignent quelquefois. Trouver l'origine de certaines sources est parfois le seul ou le principal moyen que l'on ait de tester la validité d'une assertion historique. Mais, généralement, les deux problèmes ne se recouvrent pas, et nous n'éprouvons pas la validité d'une assertion ou d'une information en en déterminant les sources ou l'origine ; nous testons celles-ci selon une méthode plus directe, l'examen critique du contenu de l'assertion - ou des faits qui en sont l'objet.
    Par conséquent, les questions que pose l'empiriste, « Comment le savez-vous ? Quelle est la source de votre affirmation ? », sont mal posées. Ce n'est pas qu'elles soient formulées de manière incorrecte ou trop peu rigoureuse, c'est leur principe même qui est à récuser : elles appellent en effet une réponse de nature autoritariste.

    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.129, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  5. [...] La question que pose traditionnellement la théorie politique, « Qui doit gouverner ? », celles-ci appelant des réponses autoritaristes comme « les meilleurs », « les plus sages », « le peuple » ou « la majorité » (la question incite d'ailleurs à formuler des alternatives stupides comme « Qui doit avoir le pouvoir: les capitalistes ou les travailleurs ? », alternative analogue à celle qui demande « Quelle est la source ultime de la connaissance : l'intellect ou les sens ? »). La question politique traditionnelle est mal posée [...] et il faudrait lui substituer une question tout à fait différente : « Comment organiser le fonctionnement des institutions politiques afin de limiter autant que faire se peut l'action nuisible de dirigeants mauvais ou incompétents - qu'il faudrait essayer d'éviter, bien que nous ayons toutes les chances d'avoir à les subir quand même ? »
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.132, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  6. La question des sources de la connaissance, comme bien des questions d'inspiration autoritariste, est en effet d'ordre généalogique. Elle demande l'origine de notre savoir, étayée par cette croyance que la connaissance peut tirer sa légitimité de son pedigree.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.134, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  7. Les progrès du savoir sont essentiellement la transformation d'un savoir antérieur.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.146, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  8. La clarté et la distinction ne constituent pas des critères de la vérité, mais des traits tels que l'obscurité ou la confusion sont susceptibles d'être des indices d'erreur.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.147, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  9. La vocation essentielle de l'observation et du raisonnement, voire de l'intuition et de l'imagination, est de contribuer à la critique de ces conjectures aventurées à l'aide desquelles nous sondons l'inconnu.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.149, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))
     
  10. Là réside en effet la source majeure de notre ignorance : le fait que notre connaissance ne peut être que finie, tandis que notre ignorance est nécessairement infinie.
    (Des sources de la connaissance et de l'ignorance, trad. Michèle-Irène et Marc B. de Launay , p.151, Rivages/Poche n°241, 1998 (rééd.))