Goethe
1749-1832
  1. Tout homme qui marche peut s'égarer.
    ( Faust, p. 20 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  2. Ah ! Dieu ! l'art est long, et notre vie est courte !
    ( Faust, p. 28 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  3. C'est une grande jouissance que de se transporter dans l'esprit des temps passés, de voir comme un sage a pensé avant nous, et comment, partis de loin, nous l'avons si victorieusement dépassé.
    ( Faust, p. 29 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  4. Mais le monde ! le cœur et l'esprit des hommes !... Chacun peut bien désirer d'en connaître quelque chose.
    ( Faust, p. 29 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  5. Ce qui ne sert point est un pesant fardeau, mais ce que l'esprit peut créer en un instant, voilà ce qui est utile !
    ( Faust, p. 32 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  6. Le miracle est l'enfant le plus chéri de la foi.
    ( Faust, p. 34 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  7. La main qui samedi tient un balai, est celle qui dimanche vous caresse le mieux.
    ( Faust, p. 37 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  8. [...] l'homme, ce petit monde de folie [...]
    ( Faust, p. 51 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  9. Qu'est-ce que le monde peut m'offrir de bon ? Tout doit te manquer, tu dois manquer de tout ! Voilà l'éternel refrain qui tinte aux oreilles de chacun de nous, et ce que, toute notre vie, chaque heure nous répète d'une voix cassée.
    ( Faust, p. 57 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  10. [...] un bon vivant qui philosophe est comme un animal qu'un lutin fait tourner en cercle autour d'une lande aride, tandis qu'un beau pâturage vert s'étend à l'entour.
    ( Faust, p. 65 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  11. [...] chacun n'apprend que ce qu'il peut apprendre ; mais celui qui sait profiter du moment, c'est là l'homme avisé.
    ( Faust, p. 70 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  12. Mon bon ami, toute théorie est sèche, et l'arbre précieux de la vie est fleuri.
    ( Faust, p. 71 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  13. Aie confiance en toi-même, et tu sauras vivre.
    ( Faust, p. 72 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  14. Les pauvres gens ne soupçonnent jamais le diable, quand même il les tiendrait à la gorge.
    ( Faust, p. 78 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  15. Naturellement, quand un Dieu se met à l'œuvre pendant six jours, et se dit enfin bravo à lui-même, il en doit résulter quelque chose de passable.
    ( Faust, p. 93 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  16. [...] une parfaite contradiction est aussi mystérieuse pour les sages que pour les fous.
    ( Faust, p. 98 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  17. Un regard de toi, une seule parole m'en dit plus que toute la sagesse de ce monde.
    ( Faust, p. 121 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  18. [...] je ne trouve rien de plus ridicule au monde qu'un diable qui se désespère.
    ( Faust, p. 134 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  19. Écraser l'innocent qui résiste, c'est un moyen que les tyrans emploient pour se faire place en mainte circonstance.
    ( Faust, p. 176 Éd. Maxi-Poche Classiques Étrangers)
     
  20. Il n’est rien de sensé qui n’ait été déjà pensé, on doit seulement tâcher de le penser encore une fois.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.1, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  21. Comment peut-on se connaître soi-même ? Jamais par la méditation, mais bien par l’action. Cherche à faire ton devoir et tu sauras ce que tu vaux.
    Mais qu’est-ce que ton devoir ? L’exigence du jour.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.1, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  22. L’humanité doit être considérée comme un homme immortel qui incessamment réalise des idées nécessaires, et par là domine l’accidentel.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  23. Plus j’avance dans la vie, plus j’ai de chagrin de voir l’homme, qui est destiné à être le roi de la nature et à s’affranchir lui et les siens de la puissante nécessité, devenu l’esclave de quelque préjugé absurde, faire précisément le contraire de ce qu’il veut, et, parce qu’il n’a pas su coordonner l’ensemble de sa vie, s’égarer misérablement dans les détails.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  24. Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es ; dis-moi de quoi tu t’occupes, je te dirai ce que tu deviendras.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  25. Chaque homme doit penser à sa manière ; car il trouve toujours sur son chemin une vérité ou quelque chose de vrai qui le soutient dans le cours de la vie ; seulement il ne doit pas s’y abandonner, mais se contrôler lui-même. L’instinct dans sa simplicité primitive ne suffit pas à l’homme.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.2, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  26. Une activité sans bornes, de quelque nature qu’elle soit, finit toujours par faire banqueroute.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  27. Dans les oeuvres de l’homme, comme dans celles de la nature, c’est principalement le but qui mérite notre attention.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  28. Les hommes se trompent sur eux-mêmes et sur les autres, parce qu’ils prennent les moyens pour le but ; car alors un excès d’activité fait tout manquer, ou produit le contraire de ce qu’on attendait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  29. Ce que nous méditons, ce que nous entreprenons, devrait être déjà si parfait, si pur, si beau, que le monde ne pût que le gâter. Nous conserverions ainsi l’avantage de n’avoir partout qu’à redresser ce qui est mal, ou à rétablir ce qui est détruit.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.3, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  30. Il est difficile d’apprécier une erreur complète, une moitié et un quart d’erreur, d’en démêler le vrai, et de le mettre à la place qui lui convient.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  31. Il n’est pas toujours nécessaire que la vérité prenne une forme positive ; il suffit qu’elle flotte vaguement dans les esprits et qu’elle trouve un écho dans notre âme, comme le son mélancolique d’une cloche se répand dans les airs.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  32. Des idées générales, jointes à une grande prétention, mettent sur la route des plus affreux malheurs.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  33. Souffler n’est pas jouer de la flûte. Il faut encore remuer les doigts.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.4, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  34. Les botanistes ont une classe de plantes qu’ils appellent incompletæ ; on peut dire de même qu’il y a des hommes imparfaits et incomplets. Ce sont ceux dont les désirs et les efforts ne sont pas proportionnés à ce qu’ils sont capables de faire et de produire.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  35. L’homme le plus médiocre peut être complet s’il sait se tenir dans les bornes de sa capacité et de son talent. Mais les plus brillantes qualités de la nature sont obscurcies, effacées et anéanties, si cette juste mesure, nécessaire en tout, vient à manquer. Ce mal se fait souvent sentir dans les temps où nous sommes ; car qui pourrait satisfaire aux exigences toujours croissantes d’une époque qui veut que tout se réalise avec la plus grande rapidité ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  36. Les hommes prudents et actifs qui connaissent leur force et s’en servent avec mesure et circonspection, seuls iront loin dans les affaires du monde.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.5, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  37. C’est une grande faute de se croire plus que l’on est, et de s’estimer moins qu’on ne vaut.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  38. Je rencontre de temps en temps un jeune homme chez lequel je ne voudrais rien changer. Mais j’éprouve un sentiment pénible en voyant tant de jeunes gens disposés à se laisser entraîner par le torrent du siècle, et je ne me lasserai pas de faire remarquer que des rames ont été mises entre les mains de l’homme, dans sa barque fragile, afin qu’il ne s’abandonne pas aux caprices des vagues, mais se laisse gouverner par sa raison.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  39. Mais comment un jeune homme peut-il parvenir, par lui-même, à considérer comme blâmable et mauvais ce que tout le monde fait, approuve, encourage ? Pourquoi, en cela aussi, ne se laisserait-il pas entraîner par son naturel ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.6, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  40. Je regarde comme le plus grand mal de notre siècle, qui ne laisse rien mûrir, cette avidité avec laquelle on dévore à l’instant tout ce qui paraît. On mange son blé en herbe. Rien ne peut assouvir cet appétit famélique qui ne met en réserve pour l’avenir. N’avons-nous pas des journaux pour toutes les heures du jour ? Un habile homme en pourrait encore intercaler un ou plusieurs. Par là tout ce que chacun fait, entreprend, compose, même ce qu’il projette, est traîné sous les yeux du public. Personne ne peut éprouver une joie, une peine, qui ne serve au passe-temps des autres. Et ainsi chaque nouvelle court de maison en maison, de ville en ville, de royaume en royaume, et enfin d’une partie du monde à une autre, avec une effrayante rapidité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.7, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  41. Il n’est pas plus possible d’arrêter le mouvement moral du siècle que celui des machines à vapeur. L’agitation du commerce, la circulation du papier-monnaie, l’accroissement des dettes pour payer les dettes, voilà le milieu dans lequel vit aujourd’hui un jeune homme. Heureux celui que la nature a doué d’un esprit assez modéré et paisible pour ne pas faire au monde des demandes exagérées, et pour conserver la liberté de ses déterminations.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  42. Dans chaque circonstance l’esprit du jour pèse sur lui, et rien n’est plus nécessaire que de lui faire remarquer de bonne heure le but vers lequel doit se diriger sa volonté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  43. L’importance des mots et des actions les plus simples augmente avec le nombre de nos années. Pour peu que je regarde autour de moi, je ne puis m’empêcher de faire remarquer quelle différence il y a entre franchise, confiance, et indiscrétion. Il n’existe entre ces termes, à proprement parler, aucune différence ; mais seulement une légère transition de ce qui ne compromet pas à ce qui compromet gravement nos intérêts ; cette distinction demande à être remarquée ou plutôt sentie.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.8, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  44. C’est sur ce point que nous devons exercer notre tact, autrement nous courons risque de perdre insensiblement la faveur des hommes par les mêmes moyens qui nous l’ont fait obtenir.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  45. C’est ce que l’on comprend bien par soi-même dans le cours de la vie, mais après de nombreuses leçons que nous payons fort cher ; malheureusement, nous ne pouvons les épargner à ceux qui viennent après nous.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  46. Le rapport des arts et des sciences à la vie réelle est très-différent, selon leur degré de culture, les temps et mille autres circonstances ; ce qui fait qu’il est très-difficile de se former une idée exacte de l’ensemble.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.9, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  47. La poésie produit ses plus grands effets à l’origine des sociétés lorsqu’elles sont encore entièrement barbares ou à demi civilisées, à l’époque d’un changement de civilisation, ou lorsqu’elles entrevoient la supériorité d’une culture étrangère, de sorte qu’on peut dire que l’attrait de la nouveauté y trouve toujours sa place.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  48. La musique, du moins celle qui mérite ce nom, se passe plus facilement de la nouveauté ; et même plus elle est ancienne, plus on y est accoutumé, plus elle produit d’effet.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  49. La dignité de l’art apparaît peut-être à son plus haut degré dans la musique, parce qu’elle n’a point de matériaux dont on soit obligé de tenir compte. Elle est tout entière forme et fond. D’ailleurs, elle élève et anoblit tout ce qu’elle exprime.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.10, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  50. La musique est religieuse ou profane. Religieuse elle répond tout-à-fait à sa dignité, et ici elle exerce sa plus grande influence sur la vie, influence qui reste toujours la même dans tous les temps, à toutes les époques. Le caractère essentiel de la musique profane devrait être la gaîté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  51. Une musique qui mêle ensemble le religieux et le profane est impie, et une musique bâtarde, qui se plaît à exprimer des émotions faibles, sentimentales et mélancoliques, est absurde. Car elle n’est pas assez grave pour être religieuse et le caractère du genre opposé lui manque : la gaîté.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  52. La sainteté dans la musique d’église et une gaîté pleine de verve dans les mélodies populaires sont les deux bases de la vraie musique. Ces deux caractères produisent inévitablement leur effet : le recueillement et la danse. Leur mélange gâte tout. La faiblesse est fade ; et, lorsque la musique veut s’appliquer à la poésie didactique, descriptive, ou d’un genre analogue, elle devient froide.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.11, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  53. La sculpture ne produit véritablement son effet que lorsqu’elle touche à la perfection. Le médiocre peut bien imposer par plusieurs causes, mais les oeuvres médiocres de ce genre font plutôt illusion qu’elles ne plaisent réellement. La sculpture doit donc chercher aussi un intérêt dans les sujets qu’elle représente, et elle le trouve en perpétuant l’image des hommes illustres ; mais encore doit-elle ici atteindre à un haut degré de perfection, si elle veut être vraie et conserver sa dignité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.12, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  54. La peinture est le moins exigeant, le plus commode de tous les arts : le moins exigeant, parce qu’en raison des moyens qu’elle emploie et de l’objet qu’elle représente, lors même qu’elle n’est qu’une oeuvre manuelle, et à peine un art, elle se fait encore bien venir et nous plaît ; ensuite, parce qu’une exécution technique, bien que dépourvue de talent, excite l’admiration des hommes d’un esprit cultivé comme des ignorants, de sorte qu’il suffit d’approcher jusqu’à un certain point de l’art pour être bien accueilli dans une sphère supérieure. La vérité dans les couleurs, dans le dessin, dans la perspective, nous fait déjà plaisir ; et comme l’oeil d’ailleurs est habitué à tout voir, il n’est pas blessé par une forme laide ou même par une image hideuse, comme l’oreille est choquée par un son faux. On tolère les plus mauvaises peintures parce qu’on est accoutumé à voir des objets plus difformes encore. Il suffit donc au peintre d’être artiste seulement jusqu’à un certain degré, pour trouver un public plus nombreux que le musicien qui a un talent égal. Au moins, le peintre médiocre peut toujours travailler seul, au lieu que le musicien faible est obligé de s’associer à d’autres musiciens pour produire quelque effet par l’ensemble.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.12, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  55. Dans l’examen des productions de l’art, doit-on comparer ou non ? Nous pouvons répondre à cette question de la manière suivante : Le véritable connaisseur doit comparer ; l’idéal est présent à son esprit ; il a saisi l’idée qui peut et doit être représentée ; l’amateur, qui n’en est encore qu’à former son jugement, fera plus de progrès si, s’abstenant de comparer, il étudie le mérite particulier de chaque ouvrage ; par là se forme peu à peu le sentiment et l’intelligence en général. Comparer, pour les non-connaisseurs, est chose commode qui dispense de juger.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.14, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  56. Trouver partout le bien et l’apprécier, c’est en cela que se montre l’amour de la vérité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.14, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  57. Le sens historique se révèle chez l’homme de tact et d’un esprit exercé, qui, dans l’appréciation des contemporains, de leurs mérites réels et accesssoires, sait faire entrer le passé en ligne de compte.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  58. Le plus grand avantage que nous retirons de l’histoire, c’est l’enthousiasme qu’elle excite.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p. 15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  59. L’originalité provoque l’originalité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  60. On doit penser que, parmi les hommes, il en est beaucoup dont l’esprit est stérile, et qui veulent cependant dire quelque chose de remarquable. C’est ce qui fait que l’on entend des choses si singulières.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  61. Les penseurs profonds et sérieux sont dans une mauvaise position vis-à-vis du public.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.15, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  62. Si l’on veut que je prête l’oreille à l’opinion d’autrui, qu’elle soit exprimée nettement. Je trouve en moi assez de problèmes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  63. La superstition est inhérente à l’homme. Si l’on veut la bannir complètement, elle se réfugie dans les plis et les recoins les plus singuliers de l’âme, d’où elle sort pour reparaître tout à coup lorsqu’on se croit le plus sûr de soi.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  64. Il y a beaucoup de choses que nous connaîtrions bien mieux si nous ne voulions pas les connaître avec tant d’exactitude. Notre vue ne saisit bien les objets que sous un angle de quarante-cinq degrés.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  65. Le microscope et le télescope troublent, à proprement parler, la pureté du sens de la vue.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.16, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  66. Je me tais sur bien des choses, car je ne veux pas porter le trouble dans l’esprit des hommes, et je suis très satisfait lorsqu’ils se réjouissent sur des points dont je suis loin d’être content.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  67. Tout ce qui affranchit notre esprit sans nous donner les moyens de maîtriser nos passions est pernicieux.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  68. Ce qui intéresse les hommes dans un ouvrage d’art, c’est ce qu’il est et non comment il produit son effet ; ils peuvent comprendre le premier point en s’attachant aux détails ; mais ils ne peuvent saisir le second dans l’ensemble. Aussi, fait-on ressortir les endroits remarquables. Après un examen attentif, l’impression produite par l’ensemble se fait bien finalement sentir, mais on n’en a pas conscience.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.17, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  69. Cette question : De quelle idée le poète s’est-il inspiré ? Appartient encore au premier point de vue. Le comment c’est ce que personne ne sait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  70. L’art seul, et en particulier la poésie, impose des limites à l’imagination. Il n’y a rien de terrible comme l’imagination sans le goût.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  71. Le maniéré est un faux idéal, un idéal où la personnalité se montre seule. Aussi, ne peut-il se passer facilement de l’esprit.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  72. Le point essentiel pour le philologue est la concordance des idées dans les monuments conservés par l’écriture.Un manuscrit est donné ; il s’y trouve des lacunes réelles, des fautes matérielles qui produisent des interruptions dans le sens, et en général tous les défauts qu’on peut reprocher à un manuscrit. Maintenant s’offre une seconde copie, une troisième ; pour les comparer il faut s’attacher à la liaison logique des idées et à la pensée générale. Il y a plus, un pareil travail exige de lui que, par la seule pénétration de son esprit, sans secours extérieur, il sache saisir de plus en plus la concordance de toutes les parties. Un tact particulier, la faculté de pouvoir s’identifier avec son auteur, qui n’existe plus, lui sont nécessaires ; il lui faut même jusqu’à un certain degré de l’imagination et de l’invention. On ne doit donc pas savoir mauvais gré au philologue s’il se mêle de porter son jugement sur les matières de goût, quoiqu’il ne soit pas toujours heureux dans ses aperçus.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.18, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  73. Le poète a pour but la représentation ; il atteint au plus haut degré de l’art lorsqu’il rivalise avec la réalité, c’est-à-dire lorsque ses tableaux sont tellement animés par l’esprit, que chacun les croit avoir sous les yeux. À son plus haut point de perfection, la poésie paraît toute extérieure ; plus elle se retire dans le monde intérieur, plus elle est en danger de se perdre. Représenter le sentiment intérieur sans le revêtir d’une forme matérielle empruntée au monde extérieur, ne pas animer et spiritualiser la forme extérieure, sont les deux extrêmes par lesquels on entre dans la prose.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.19, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  74. L’éloquence a le privilège de s’emparer de tous les avantages de la poésie et de tous ses droits. Elle se les approprie, en use et en abuse pour obtenir dans la vie sociale certains avantages extérieurs et passagers tantôt avoués tantôt réprouvés par la morale.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.20, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  75. Lord Byron est un talent qui s’est développé dans toute sa grandeur naturelle, malgré son caractère sauvage et insociable.
    Sous ce rapport il n’y a peut-être personne qui puisse lui être comparé.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.20, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  76. Le mérite propre de ce qu’on appelle les chants populaires, c’est d’être inspirés immédiatement par la nature. Cet avantage, le poète dont le talent est cultivé par l’art pourrait l’avoir, s’il savait en profiter.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  77. Mais il est un point sur lequel les premiers ont toujours l’avantage. Le talent simplement naturel l’emporte sur les esprits cultivés par le laconisme de l’expression.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  78. La lecture de Shakespeare est dangereuse pour les talents naissants. Il les force à le reproduire et ils s’imaginent se produire eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  79. On ne peut juger l’histoire que quand on la trouve dans sa propre vie. Il en est ainsi d’une nation tout entière. Les Allemands ne savent juger la littérature que depuis qu’ils ont eux-mêmes une littérature.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.21, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  80. On ne vit réellement que quand on jouit de la bienveillance des autres.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  81. La dévotion n’est pas un but, mais un moyen pour arriver par le calme le plus pur de l’âme au plus haut degré de perfectionnement moral.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  82. Aussi, peut-on remarquer que ceux qui considèrent la dévotion comme le but sont pour la plupart des hypocrites.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  83. Quand on est vieux on doit agir plus que quand on était jeune.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  84. Un devoir rempli laisse toujours dans l’âme un sentiment qui ressemble au remords : celui de n’avoir pas assez fait.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  85. Il n’y a que celui qui ne nous aime pas qui puisse bien connaître nos défauts ; aussi, pour les découvrir, il faut oublier que l’on aime, mais tout juste assez pour le but qu’on se propose.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.22, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  86. Le plus haut degré de bonheur consiste à nous perfectionner et à effacer nos défauts.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  87. Nous ne reconnaissons la puissance qu’autant qu’elle nous est utile. Nous reconnaissons celle du prince, parce que nous voyons la propriété assurée sous son nom. Nous attendons de lui protection contre les événements qui nous menacent au dedans et au dehors.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  88. Le ruisseau est l’ami du meunier à qui il est utile, et il aime à faire tourner son moulin. Que lui sert-il de couler nonchalamment dans la vallée ?
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  89. Celui qui se contente de la pure expérience et la prend pour guide possède déjà beaucoup de vérité. L’enfant qui grandit en sait déjà beaucoup dans ce sens.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.23, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  90. La théorie, en elle-même, n’est utile qu’en ce qu’elle nous fait croire à l’enchaînement des phénomènes.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  91. Toute vérité abstraite est mise à la portée du sens commun par les applications, et ainsi le sens commun s’élève, par la pratique et l’observation, jusqu’à l’abstraction.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  92. Celui qui vise trop haut, celui qui se plaît dans les questions compliquées, est exposé à s’égarer.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  93. Juger par analogie n’est pas une méthode à blâmer ; l’analogie a cet avantage qu’elle n’exclut rien, et ne se propose pas, à proprement parler, un but final ; au contraire, l’induction est dangereuse, parce qu’elle a toujours un but devant les yeux, et en poursuivant elle entraîne avec soi l’erreur et la vérité.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.24, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  94. L’intuition, dans le sens vulgaire, c’est-à-dire un coup d’oeil juste pour saisir les affaires du monde, est le partage du sens commun.
    L’intuition pure du monde extérieur et intérieur est très-rare.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  95. Le premier de ces deux genres d’intuition se manifeste avec le sens pratique, par l’action prompte et soudaine ; le second, par des symboles, principalement par les rapports mathématiques, par les nombres et les formules, par le langage primitif figuré, comme poésie du génie, comme proverbe du sens commun.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  96. C’est par la tradition que le passé agit sur nous. La tradition ordinaire doit s’appeler historique. Une tradition plus élevée, qui s’adresse à l’imagination, est mythique. Si dans cette dernière on veut en trouver une troisième, en y cherchant un sens, elle devient mystique ; elle prend même facilement le caractère sentimental, tant il est vrai que nous ne nous approprions véritablement que ce qui parle à notre coeur.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.25, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  97. Les causes auxquelles nous devons faire attention lorsque nous voulons obtenir un véritable succès sont :
    Celles qui préparent ;
    Celles qui accompagnent ;
    Celles qui agissent simultanément, ou comme auxiliaires ;
    Celles qui accélèrent ;
    Celles qui augmentent la force ;
    Celles qui font obstacle ;
    Celles qui produisent de nouveaux effets.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.26, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  98. Dans la spéculation, comme dans l’action, on doit distinguer le possible de l’impossible ; sans cela on fait peu de progrès dans la vie comme dans les sciences.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.26, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  99. « Le sens commun est le génie de l’humanité. »
    Le sens commun, que l’on peut regarder comme le génie de l’humanité, doit être considéré avant tout dans ses manifestations. Or, si nous examinons à quoi l’humanité s’applique, nous trouverons ce qui suit :
    L’humanité a des besoins qui sont les conditions de sa nature ; s’ils ne sont pas satisfaits, elle se montre impatiente ; sont-ils satisfaits, elle paraît indifférente. L’homme se meut entre ces deux états, et il emploie sa raison, ce qu’on appelle vulgairement la raison humaine, à pourvoir à ses besoins. A-t-il atteint ce but, alors naît pour lui la nécessité de combler le vide de l’indifférence. S’il se referme ici dans d’étroites limites, dans les bornes nécessaires, il peut y réussir encore ; mais si les besoins s’élèvent, s’ils sortent du cercle des choses communes, le sens commun ne suffit plus ; il n’est plus génie. La région de l’erreur est ouverte à l’homme.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.27, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  100. Il n’arrive en ce monde rien de déraisonnable que la raison et le hasard ne puisse redresser, rien de raisonnable que la déraison et le hasard ne puisse faire manquer.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  101. Toute grande idée, aussitôt qu’elle apparaît, exerce une domination tyrannique. Aussi les avantages se changent bientôt en désavantages. On peut défendre chaque institution pour peu qu’on sache se rappeler et démontrer que tout ce qu’on a pu dire d’elle primitivement, on peut encore le dire maintenant.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  102. Il existe dans ce monde deux puissances pacifiques : le droit et la convenance.
    Le droit a pour objet le délit, la police ce qui est de convenance publique.
    Le droit délibère et décide, la police surveille et ordonne. Le droit a rapport aux individus, la police à l’intérêt général.

    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.28, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  103. L’histoire des sciences est un grand concert dans lequel on distingue successivement la voix des différents peuples.
    (Maximes et réflexions (Première partie), trad. Sigismond Sklower, p.29, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  104. Si l’homme doit faire tout ce qu’on exige de lui, il doit aussi s’estimer plus qu’il n’est.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.31, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  105. Il y a des livres qui paraissent écrits, non pour l’instruction du lecteur, mais pour lui apprendre que l’auteur savait quelque chose.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.31, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  106. Il est beaucoup plus facile de se placer au point de vue d’un homme qui est dans une erreur complète que de se mettre à la place de celui qui se fait illusion, séduit par une demi-vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  107. Le plaisir que la médiocrité dans les arts fait éprouver aux Allemands vient de la nullité prétentieuse. La nullité ne peut souffrir ce qui est bien ; autrement elle reconnaîtrait son néant.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  108. Il est triste de voir comment un homme extraordinaire lutte souvent avec lui-même, avec les circonstances malheureuses de sa vie et avec son siècle, sans jamais parvenir à la fortune. Bürger en est un exemple déplorable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  109. La plus grande marque d’estime qu’un auteur puisse donner au public est de produire non pas ce qu’on attend de lui, mais ce qu’il croit bon et utile, eu égard à son propre talent, et au degré de culture des esprits auxquels il s’adresse.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.32, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  110. La sagesse n’est que dans la vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  111. Si je me trompe, tout le monde peut s’en apercevoir ; si je mens, il n’en est pas de même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  112. L’Allemand possède la liberté de penser, et c’est pour cela que, lorsqu’il manque de goût et de liberté d’esprit, il ne s’en aperçoit pas.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  113. Le monde n’est-il pas déjà assez rempli d’énigmes, pour qu’on ne transforme pas en énigmes les choses les plus simples.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  114. Le plus petit cheveu fait ombre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  115. La libéralité obtient la faveur générale, surtout si l’humilité l’accompagne.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.33, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  116. Avant l’orage la poussière qui va disparaître pour longtemps se soulève pour la dernière fois avec violence.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  117. Les hommes ont beaucoup de mal à se connaître, même lorsqu’ils sont animés de la meilleure intention. Comment y parviendraient-ils avec la mauvaise volonté qui défigure tout.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  118. Les hommes se connaîtraient mieux les uns les autres si chacun ne voulait être l’égal de son semblable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  119. Les personnages distingués sont dans une position plus défavorable que les autres hommes ; comme on ne se compare pas à eux, on les observe.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  120. Dans le monde, l’essentiel n’est pas de connaître les hommes, mais d’être plus habile pour le moment présent que celui qui est en face de nous. Toutes les foires et les charlatans en fournissent l’exemple.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.34, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  121. Il n’y a pas de grenouilles partout où il y a de l’eau, mais il y a de l’eau partout où l’on entend des grenouilles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  122. Celui qui ne sait aucune langue étrangère ne sait pas sa propre langue.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  123. L’erreur nous va bien tant que nous sommes jeunes ; mais il ne faut pas la traîner avec soi jusque dans la vieillesse.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  124. Tous les travers qui vieillissent sont comme les matières qui rancissent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  125. Les prétentions déraisonnables et despotiques du cardinal Richelieu ont fait que Corneille s’est trompé sur lui-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  126. Il n’y a personne qui n’ait, dans son caractère un côté qui mis au jour, ne pourrait manquer de déplaire.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.35, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  127. Lorsque l’homme vient à réfléchir sur son physique ou sur son moral, il se trouve ordinairement malade.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  128. La nature demande que l’homme s’étourdisse quelquefois sans dormir. De là vient le plaisir de fumer, de boire des liqueurs fortes et de prendre de l’opium.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  129. L’essentiel pour l’homme moral est de faire le bien sans s’inquiéter du résultat.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  130. Plus d’un homme donne des coups de marteau sur le mur en croyant frapper juste sur la tête du clou.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  131. Les mots français ne viennent pas du latin écrit, mais du latin parlé.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.36, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  132. Un fait accidentel où nous ne découvrons pour le moment ni une loi de la nature ni un effet de la liberté, nous l’appelons un accident de la vie commune.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  133. Écrire l’histoire est une manière de se débarrasser du passé.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  134. Ce que l’on ne comprend pas, on ne le possède pas.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  135. Les faveurs ne sont le symbole de la souveraineté que pour les hommes faibles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  136. Il n’y a rien de commun qui, exprimé d’une manière bizarre, ne paraisse humoristique.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  137. Il n’y a personne à qui il ne reste assez de forces pour exécuter ce dont il est convaincu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  138. La mémoire peut toujours nous abandonner pourvu que le jugement ne nous manque pas dans l’occasion.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.37, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  139. Les poètes inspirés par la nature sont des talents dont la verve naïve et originale est repoussée par une époque raffinée. Comme ils ne peuvent éviter de tomber souvent dans le trivial, on s’imagine facilement qu’ils sont rétrogrades. Mais, au contraire, ce sont des esprits régénérateurs, qui provoquent de nouveaux progrès.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  140. Le jugement d’une nation n’est formé que du moment où elle peut se juger elle-même. Mais cette haute prérogative elle ne l’obtient que fort tard.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  141. Les hommes sont contrariés de voir que la vérité soit si simple ; ils devraient se rappeler qu’il n’est pas facile de l’appliquer aux besoins de la vie pratique.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.38, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  142. Une école doit être considérée comme un homme qui s’entretient avec lui-même pendant des siècles et qui est infatué de sa personne quelque absurde et ridicule qu’elle soit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  143. Tous les adversaires d’une idée nouvelle remuent des charbons ardents qui jetés çà et là mettent le feu dans des endroits où il n’aurait pas pris.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  144. L’homme ne serait pas sur la terre le plus parfait des êtres, s’il n’était pas trop parfait pour elle.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  145. Les plus anciennes découvertes peuvent rentrer dans l’oubli. Quelle peine n’a-t-il pas fallu à Tycho pour faire admettre le cours régulier des comètes qui avait été reconnu depuis longtemps par Sénèque.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  146. Combien de temps n’a-t-on pas disputé sur les antipodes ?
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.39, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  147. Il faut laisser à certains esprits leurs idiotismes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  148. Il y a des productions dans notre époque qui sont nulles sans être précisément mauvaises. Elles sont nulles parce qu’elles manquent d’idées. Elles ne sont pas mauvaises parce que l’auteur a eu devant les yeux la forme générale des bons modèles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  149. Tout devient inintelligible pour celui qui a peur des idées.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  150. Nous avons raison d’appeler nos maîtres ceux dont nous apprenons toujours. Mais tous ceux dont nous apprenons ne méritent pas ce titre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  151. Tout ce qui est lyrique doit être très raisonnable dans l’ensemble, mais dans les détails un peu déraisonnable.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  152. Vous ressemblez à la mer qui prend différents noms, et n’est toujours en définitive que de l’eau salée1.
    [1] Goethe s'adresse à ses adversaires.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.40, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  153. On dit propria laus sordet, cela peut être ; mais le blâme qui vient d’autrui, lorsqu’il est injuste, quel odeur a-t-il ? Pour cela, le public n’a pas de nez.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  154. Le roman est une épopée subjective dans lequel l’auteur se permet de traiter le monde à sa manière. La question est seulement de savoir s’il a une manière à lui ; le reste se trouve de soi-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  155. Il existe des natures problématiques qui ne sont jamais à la hauteur de leur position et n’en sont jamais satisfaites. De là cette lutte intérieure dans laquelle leur vie se consume sans leur permettre aucune jouissance.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.41, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  156. Ce qu’on peut appeler véritablement le bien se fait en grande partie clam, vi et precario.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  157. Un gai compagnon dans un voyage à pied vaut un carosse1.
    1Sans doute faudrait-il lire carrosse. Mais pour en être bien certain, il faudrait comparer avec la citation en allemand. [GGJ]

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  158. La boue devient brillante lorsque le soleil luit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  159. Le meunier s’imagine que le blé ne croit que pour faire tourner son moulin.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  160. Il est difficile de conserver son égalité d’humeur à tous les instants de la vie. Les moments indifférents nous causent de l’ennui, les bons nous pèsent et les mauvais nous accablent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  161. L’homme le plus heureux est celui qui sait mettre en rapport la fin de sa vie avec le commencement.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.42, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  162. L’homme est singulièrement en contradiction avec lui-même. Quand il s’agit de son bien, il ne veut souffrir aucune contrainte, et pour ce qui lui porte préjudice, il endure toute espèce de violence.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  163. Nous voyons l’avenir par un seul côté, le passé nous apparaît sous plusieurs faces.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  164. Rien n’est plus ordinaire aux imprévoyants que de chercher des expédients pour sortir d’embarras.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  165. Les Indous du désert font voeu de ne pas manger de poisson.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  166. Une vérité insuffisante exerce son influence pendant quelques [sic] temps ; mais au lieu d’une manifestation plus parfaite de la vérité, paraît une erreur brillante. Le monde s’en contente et se fait illusion ainsi pendant des siècles.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.43, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  167. C’est rendre un très grand service à la science que de rechercher et de développer les vérités incomplètes que possédaient déjà les anciens.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  168. Il en est des opinions hasardées comme des pions qu’on met en avant dans le jeu d’échecs : elles peuvent être battues ; mais elles ont contribué au gain de la partie.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  169. Il est aussi certain qu’étonnant que la vérité et l’erreur découlent de la même source. Aussi, souvent on ne peut toucher à l’erreur sans nuire en même temps à la vérité.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  170. La vérité appartient à l’homme, l’erreur au temps. C’est ce qui a fait dire d’un homme extraordinaire : « Le malheur des temps a causé son erreur, mais la force de son âme l’en a fait sortir avec gloire ».
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.44, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  171. Chacun a ses originalités dont il ne peut se débarrasser ; cependant, plus d’un homme se perd par ses originalités souvent les plus innocentes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  172. Celui qui n’a pas une haute opinion de lui-même est beaucoup plus qu’il ne croit.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  173. Dans l’art et dans la science, aussi bien que dans l’action et la pratique, l’essentiel est de saisir nettement les objets, et de les traiter conformément à leur nature.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  174. Si, parmi les hommes avancés en âge, il en est qui, malgré beaucoup d’esprit et de bon sens, estiment peu la science, cela vient de ce qu’ils ont été trop exigeants envers elle et envers eux-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  175. Je plains les hommes qui parlent sans cesse de l’instabilité des choses de ce monde, et se perdent dans la contemplation de leur néant. Ne sommes-nous pas ici-bas pour rendre impérissable ce qui est de sa nature périssable ? Or cela ne peut arriver si nous ne savons estimer ce qui passe comme ce qui est éternel.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.45, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  176. Un seul phénomène, une seule expérience ne prouvent rien. C’est l’anneau d’une grande chaîne, et il n’a de valeur qu’autant qu’il n’en est pas séparé. Celui qui, voulant vendre un collier de perles, ne montrerait que la plus belle, disant que les autres sont d’une égale beauté, et demanderait à être cru sur parole, trouverait difficilement un acheteur.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  177. On doit de temps en temps répéter sa confession de foi, déclarer ce qu’on approuve, ce que l’on condamne ; nos adversaires ne s’en font pas faute.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  178. Dans notre époque, personne ne doit se taire ni céder en rien ; on doit parler et se remuer, non pas pour vaincre, mais pour se maintenir à son poste ; que ce soit avec la majorité ou avec la minorité, peu importe.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.46, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  179. Il se rencontre souvent des occasions où une oeuvre d’art me déplaît au premier coup d’oeil, parce que je ne suis pas encore en état de la juger ; mais si je remarque en elle un mérite, je l’étudie davantage, et alors je fais une foule de découvertes qui me font le plus grand plaisir ; j’aperçois dans ces choses de nouvelles qualités, et en moi de nouvelles capacités.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.47, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  180. Ce que les Français appellent tournure est une certaine prétention tempérée par la grâce. On voit par là que les Allemands manquent tout à fait de tournure ; leur prétention est raide et pleine de morgue ; la grâce chez eux est douce et humble ; l’un exclut l’autre, et ces deux qualités ne peuvent aller ensemble.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.47, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  181. La foi est un capital secret et toujours en réserve, comme il existe des caisses d’épargne pour les jours de détresse ; et ici le croyant prend lui-même en secret ses intérêts.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  182. Le véritable obscurantisme ne consiste pas à s’opposer à la propagation des idées vraies, claires et utiles, mais à en répandre de fausses.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  183. Jusqu’ici je me suis occupé, avec persévérance, de la biographie des hommes plus ou moins illustres. J’en suis venu à penser que, dans le tissu de la société, les uns peuvent être considérés comme la trame, les autres comme la chaîne. Les premiers font la largeur du tissu ; les seconds donnent la force, la solidité, et peut-être aussi la forme. Les ciseaux des Parques déterminent la longueur à laquelle tout le reste doit se soumettre.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.48, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  184. Les livres aussi ont leur histoire qu’on ne peut leur enlever :
    « Celui qui n’a pas mangé son pain arrosé de ses larmes ; celui qui n’a pas passé de tristes nuits assis sur sa couche, en versant des pleurs ; celui-là ne vous connaît pas, ô puissances célestes ! »
    Ces lignes, remplies d’une profonde douleur, une reine vertueuse et adorée les répétait souvent dans un cruel exil, et plongée dans un abîme de maux1. Elle aimait le livre qui contient ces paroles et d’autres tristes enseignements ; elle en tirait une consolation dans son infortune. Qui songe à une pareille influence qui peut ainsi s’étendre jusque dans l’éternité ?
    1La reine Louis, femme du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.49, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  185. On voit avec le plus grand plaisir, dans la salle d’Apollon de la villa Aldobrandini, à Frascati, avec quel bonheur le Dominicain encadrait les métamorphoses d’Ovide dans le paysage le plus convenable. À cette vue on se rappelle volontiers que les événements les plus heureux produisent une impression doublement agréable, lorsqu’ils sont placés dans une contrée enchanteresse. Les événements indifférents eux-mêmes acquièrent une grande importance, grâce à la beauté du lieu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  186. La vérité est un flambeau, mais un flambeau immense ; aussi nous clignons de l’oeil en passant devant lui, de peur de nous brûler.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  187. « Les hommes sensés ont beaucoup de principes communs. » (Eschyle)
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  188. Un défaut particulier à des hommes, d’ailleurs fort sensés, c’est de ne pas savoir tenir compte de ce que disent les autres. Or il ne s’agit pas de ce que ceux-ci devraient dire, mais de ce qu’ils disent.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.50, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  189. Tout homme, parce qu’il est doué de la parole, croit pouvoir parler sur la langue.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  190. Il suffit de vieillir pour devenir plus indulgent. Je ne vois pas commettre une faute que je n’aie commise moi-même.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  191. Les heureux du monde croient-ils que le malheureux doit périr devant eux avec la même grâce que la populace romaine exigeait des gladiateurs ?
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  192. Quelqu’un consultait Timon sur l’instruction de ses enfants. Faites-leur enseigner, dit-il, ce qu’ils ne comprendront jamais.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  193. On regarde par habitude une montre qui s’est arrêtée, comme si elle marchait ; ainsi, on considère la figure d’une belle femme comme si elle aimait encore.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.51, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  194. La haine est un déplaisir actif, l’envie un déplaisir passif ; aussi, ne doit-on pas s’étonner que l’envie se change si souvent en haine.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  195. Le rythme a quelque chose d’enchanteur. Il nous fait croire que le sublime nous appartient.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  196. Le dilettantisme sérieux et la science traitée mécaniquement deviennent de la pédanterie.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  197. Personne ne peut contribuer au progrès de l’art, si ce n’est les grands maîtres. Les protecteurs contribuent à faire avancer l’artiste, mais l’art n’y gagne pas toujours.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  198. Le style de Shakespeare est riche en figures extraordinaires qui proviennent d’idées abstraites personnifiées. Elles ne nous conviendraient certainement pas ; mais chez lui elles sont tout à fait à leur place, parce que de son temps tous les arts étaient dominés par l’allégorie. Il trouve aussi des comparaisons où nous n’irions pas les chercher. Par exemple il prendra pour terme de comparaison un livre. Quoique la découverte de l’imprimerie remontât déjà à plus d’un siècle, un livre paraissait néanmoins encore une chose sacrée, comme nous le voyons par les reliures du temps ; de même aussi un livre était pour le noble poète un objet digne d’amour et de vénération. Nous, au contraire, nous nous contentons de brocher les livres et nous n’avons plus de respect ni pour la reliure ni pour son contenu.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.52, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  199. La plus folle de toutes les erreurs est celle de ces braves jeunes gens qui s’imaginent perdre leur originalité en reconnaissant des vérités que d’autres ont déjà reconnues avant eux.
    La beauté ne peut jamais avoir la conscience d’elle-même.

    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.53, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  200. On a accordé à la poésie subjective ou sentimentale les mêmes droits qu’à la poésie objective et descriptive. Et c’était une nécessité ; car autrement il eût fallu rejeter entièrement la poésie moderne. On pouvait prévoir alors que s’il naissait des génies poétiques ils s’attacheraient plutôt aux sentiments de la vie intime qu’aux pensées générales de l’humanité. Il est arrivé en effet jusqu’à un certain point que l’on a une poésie sans figures, et à laquelle cependant on ne peut refuser entièrement son approbation.
    (Maximes et réflexions (Deuxième partie), trad. Sigismond Sklower, p.54, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  201. Il est beaucoup plus facile de reconnaître l’erreur que de trouver la vérité. La première est à la surface, et chacun peut aisément la saisir ; la seconde est à une profondeur où il n’est pas donné à tout le monde de pénétrer.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.55, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  202. Nous ne vivons que par le passé, et le passé nous perd.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.55, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  203. Quand nous voulons apprendre quelque chose de grand, nous sommes obligés de faire un retour sur notre misérable nature, et par cela même nous avons appris quelque chose.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.56, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  204. La superstition est la poésie de la vie ; c’est pourquoi il n’est pas mal que le poète soit superstitieux.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.56, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  205. La vie de l’homme a beau être commune et paraître se contenter des choses les plus vulgaires, elle lui impose toujours secrètement des exigences plus élevées, et le force à trouver les moyens de les satisfaire.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.56, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  206. On ne doit jamais souhaiter des liaisons qui ne sont pas convenables ; mais, pour celui qui s’y trouve engagé, elles sont la pierre de touche de son caractère et de sa force d’âme.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.56, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  207. Un honnête homme, d’un esprit borné, pénètre souvent les artifices des faiseurs les plus rusés.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.56, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  208. Celui qui ne se sent pas capable d’aimer, doit apprendre à flatter. Sans cela, il ne peut réussir.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  209. On ne peut ni se protéger ni se défendre contre la critique ; il faut la braver, et à la fin elle se lasse.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  210. La foule ne peut se passer des hommes de talent ; cependant les hommes supérieurs lui sont toujours à charge.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  211. Celui qui rapporte mes fautes, lors même qu’il serait mon valet, est mon maître.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  212. Si l’on impose à quelqu’un des devoirs, et qu’on ne veuille lui accorder aucun droit, il faut le bien payer.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  213. Ce qu’on appelle l’aspect romantique d’une contrée, est un sentiment paisible du sublime, sous la forme du passé, ou, ce qui est la même chose, de la solitude, de l’absence et de la mort.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.57, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  214. Le magnifique chant d’église Veni creator spiritus est un appel au génie. Aussi agit-il puissamment sur les âmes fortes et élevées.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.58, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  215. Le beau est une manifestation des lois secrètes de la nature, qui, sans cette révélation, seraient toujours restées inconnues.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.58, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  216. Je puis promettre la franchise et non l’impartialité.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.58, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  217. L’ingratitude est une espèce de faiblesse. Je n’ai jamais vu d’hommes supérieurs ingrats.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.58, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  218. La vraie mesure dans tout ce qui tend à la perfection, sous le rapport du bien et du juste, est très rare. Un excès de prudence produit ordinairement des retards. La témérité engendre la précipitation.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.58, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  219. Les paroles et les images sont des termes corrélatifs qui se cherchent sans cesse, comme nous nous apercevons dans les tropes et les comparaisons. Aussi, tout ce qui, dans la parole et le chant, s’adresse à l’esprit par l’intermédiraire de l’oreille, devrait également frapper les yeux. Et ainsi nous voyons dans la législation et la médecine des peuples enfants, dans la Bible et les anciens alphabets, le mot et l’image se correspondre toujours. Exprimait-on par la parole ce qui ne pouvait se peindre aux yeux ? Peignait-on aux yeux ce qui ne pouvait s’exprimer par la parole ? Tout était dans l’ordre. Mais souvent on commettait une méprise, et on se servait de la parole au lieu de la figure ; de là naquirent ces monstrueux équivoques d’un langage mystique et symbolique.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.59, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  220. Une collection d’anecdotes et de maximes est pour l’homme du monde le plus grand trésor, lorsqu’il sait semer les premières avec habileté dans la conversation et se rappeler les dernières à propos.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.60, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  221. On dit à l’artiste : Étudiez la nature. Mais ce n’est pas une petite difficulté que de tirer le noble du commun et de donner le caractère de la beauté à ce qui est informe.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.60, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  222. Où l’intérêt cesse se perd aussi la mémoire.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.60, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  223. Le monde est une cloche fêlée, elle fait du bruit mais elle ne sonne pas.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.60, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  224. On doit supporter avec beaucoup de bienveillance l’importunité des jeunes dilettantes. Ils deviennent en avançant en âge les vrais admirateurs de l’art et des grands maîtres.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.60, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  225. Lorsque les hommes deviennent tout-à-fait méchants, ils n’ont pas de plus grand plaisir que de contempler le mal d’autrui.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  226. Les hommes sensés sont les meilleurs dictionnaires de conversation.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  227. Il y a des hommes qui ne se trompent jamais : parce qu’ils ne se proposent rien de sensé.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  228. La connaissance de mes rapports avec moi-même et avec le monde extérieur est ce que j’appelle vérité : aussi chacun peut avoir sa vérité à lui, et cependant la vérité est toujours la même.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  229. Celui à qui la nature commence à dévoiler ses secrets éprouve un désir irrésistible de connaître son plus digne interprète, l’art.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  230. Le temps est lui-même un élément.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.61, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  231. L’homme ne comprend jamais combien il est anthropomorphique.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  232. Une différence qui n’offre aucun sens à la raison n’est pas une différence.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  233. La transformation d’une consonne dans une autre peut provenir d’un défaut dans l’organe ; le changement des voyelles en diphtongues vient de l’affectation.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  234. On ne peut vivre pour tout le monde, surtout pour ceux avec lesquels on ne voudrait pas vivre.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  235. L’appel à la postérité nait d’un sentiment pur et vif de l’immortalité.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  236. Lorsque j’entends parler des idées libérales, je suis étonné de voir combien les hommes aiment à se repaître de mots vides de sens. Une idée ne peut être libérale ; qu’elle soit puissante, excellente ; que par là elle remplisse sa mission divine d’être utile à l’humanité, à la bonne heure. Encore moins une idée abstraite peut-elle être libérale ; car elle a une tout autre destination. Où donc doit-on chercher ce qu’on appelle libéral ? Dans les sentiments ; c’est à dire dans la partie la plus intime de l’âme humaine. Les intentions sont rarement libérales, parce qu’elles émanent immédiatement de la personne, de ses rapports avec la société et de ses besoins. Nous n’en disons pas davantage ; on peut apprécier d’après cela ce qu’on entend tous les jours.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.62, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  237. Nous voyons toujours avec nos yeux et notre imagination ; la nature seule sait ce qu’elle veut et ce qu’elle a voulu.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.63, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  238. Donnez-moi un point d’appui, disait Archimède. Cherche toi-même le tien, a dit un autre. Moi je dirai : Garde celui que tu as.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.63, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  239. L’observateur de la nature cherche les causes les plus générales, et attribue les phénomènes semblables à une cause générale, mais on pense rarement à la cause prochaine.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.63, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  240. Il n’arrive jamais à un homme sensé d’avoir une petite folie.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  241. Dans tout objet d’art, grand ou petit, considéré jusque dans les plus petits détails, tout dépend de la conception.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  242. Il y a une poésie sans figures qui n’est qu’une figure.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  243. La perfection est inépuisable.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  244. On ne croit savoir que quand on sait peu ; avec la science augmente le doute.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  245. Ce sont les erreurs de l’homme qui le rendent particulièrement digne d’intérêt.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.64, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  246. Bonus vir semper tiro
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.65, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  247. Arrêté par l’envie et la haine l’observateur ne voit que la surface des choses, même lorsqu’il est doué d’une grande sagacité ; mais si, à cette qualité, se joignent la bienveillance et l’amour, alors il pénètre très avant dans la connaissance du monde et du coeur humain. Il peut même espérer d’en dévoiler les mystères.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.65, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  248. On devrait souhaiter à tout homme sensé une certaine dose de poésie. Ce serait le vrai moyen de lui donner de la dignité et de la grâce, quelle que fût sa position.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.65, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  249. Les matériaux de l’art sont à la portée de tous. L’idée n’appartient qu’à l’esprit original, et la forme est un secret presque pour tout le monde.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.65, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  250. Les hommes ne sympathisent qu’avec ce qui est plein de vie. La jeunesse se forme dans le commerce de la jeunesse.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.65, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  251. De quelque manière que ous considérions le monde il aura toujours deux côtés : l’un lumineux, l’autre ténébreux.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.66, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  252. L’erreur se reproduit toujours davantage dans la conduite des hommes. On ne doit donc pas se lasser de répéter la vérité dans ses discours.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.66, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  253. À Rome il y a, indépendamment des Romains, tout un peuple de statues ; de même, en dehors du monde réel, il y a un monde imaginaire bien plus puissant que le premier, et au milieu duquel vivent la plupart des hommes.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.66, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  254. Les hommes sont comme la mer Rouge : à peine la verge les a-t-elle séparés qu’ils se réunissent.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.66, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  255. Les pensées reviennent, les convictions s’enracinent ; les états passent sans laisser de traces.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.67, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  256. De tous les peuples ce sont les Grecs qui ont rêvé le plus beau rêve de la vie.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.67, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  257. Les traducteurs peuvent être considérés comme des entremetteurs qui nous vantent les attraits d’une belle à moitié voilée ; ils excitent en nous un irrésistible désir de voir l’original.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.67, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  258. Nous reconnaissons volontiers la supériorité des anciens, mais non pas celle de la postérité. Il n’y a qu’un père qui n’envie pas à son fils la supériorité du talent.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.67, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  259. Reconnaître son infériorité en général n’est pas un grand mérite ; mais, dans une ligne descendante, mettre au-dessus de nous ce qui est au-dessous !...Notre principale habileté consiste à sacrifier notre existence pour exister.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.67, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  260. Notre principale habileté consiste à sacrifier notre existence pour exister.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  261. Tout ce que nous faisons est une fatigue ; heureux celui qui ne se fatigue pas.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  262. L’espérance est la seconde âme du malheureux.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  263. Il y a aussi dans l’homme la volonté de servir ; c’est pour cela que la chevalerie chez les Français s’appelait servage.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  264. Au théâtre, la jouissance de l’ouïe et de la vue absorbent la réflexion.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  265. L’expérience a un champ illimité ; la théorie ne peut se perfectionner et s’étendre dans la même proportion : à la première, l’univers est ouvert en tout sens : la seconde reste enfermée dans les limites des facultés humaines. Aussi toutes les opinions se reproduisent-elles nécessairement, et, chose singulière, malgré les progrès de l’expérience, une théorie étroite peut reprendre faveur.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.68, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  266. C’est toujours le même monde que nous contemplons, que nous étudions ; ce sont toujours les mêmes hommes qui vivent dans le vrai ou dans le faux ; plus souvent dans le dernier que dans le premier.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.69, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  267. La vérité répugne à notre nature ; il n’en est pas de même de l’erreur, par une raison toute simple. La vérité exige que nous reconnaissions les limites de nos facultés. L’erreur, au contraire, nous flatte en nous persuadant que notre esprit n’a pas de bornes.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.69, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  268. Depuis bientôt vingt ans, les Allemands s’occupent d’idées transcendantes ; quand ils s’en apercevront, ils se trouveront bien extraordinaires.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.69, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  269. De tout temps ce sont les individus qui ont travaillé au progrès de la science, et ce n’est pas au siècle qu’il faut l’attribuer. C’est le siècle qui a fait périr Socrate par le poison ; c’est le siècle qui a brûlé Jean Huss. Les siècles sont toujours restés les mêmes.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.70, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  270. La vraie symbolique consiste à représenter le général sous une forme particulière, et celle-ci non comme un rêve ou une ombre, mais comme une révélation vivante et actuelle de l’absolu.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.70, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  271. La supériorité est souvent prise pour de l’égoïsme.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.70, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  272. Aussitôt que cessent les bonnes oeuvres vient la sentimentalité chez les protestants.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.70, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  273. Tout ce qui est spinosisme dans la production poétique, devient machiavélisme dans la réflexion.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.70, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  274. Il faut payer cher ses erreurs, et encore est-on bien heureux si on le peut.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.71, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  275. Nihil rerum mortalium tam instabile ac fluxum est quam fama potentiae non sua ui nixae.
    [GGJ : Tacite Annal. 13,19. Voir ici.]

    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.71, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  276. Il y a deux sortes de faux artistes, les dilettantes et les spéculateurs. Les premiers font de l’art pour leur plaisir, les seconds par intérêt.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.71, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  277. Je suis naturellement sociable ; aussi dans plusieurs entreprises littéraires, j’ai trouvé des collaborateurs, et je me suis fait moi-même collaborateur ; j’ai eu ainsi le bonheur de me voir vivre en eux, et eux en moi.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.71, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  278. Toute ma vie intérieure se révèle comme une méthode vivante d’invention, qui, reconnaissant une règle inconnue, s’efforce de la trouver ou de l’introduire dans le monde extérieur.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.71, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  279. Il y a une réflexion enthousiaste qui est du plus haut prix, pourvu qu’on ne se laisse pas entraîner par elle.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.72, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  280. L’erreur est à la vérité ce que le sommeil est à la veille. J’ai remarqué qu’on revient de l’erreur à la vérité comme délassé par le sommeil.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.72, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  281. Chacun souffre alors qu’il ne travaille pas pour lui-même. On travaille pour les autres afin de jouir avec eux.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.72, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  282. Nous apprenons seulement des livres que nous ne pouvons juger. L’auteur d’un livre que nous pouvons juger devrait apprendre de nous.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.72, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  283. Aussi la Bible est un livre qui exercera une éternelle influence ; car tant que le monde existera, on ne verra personne oser élever la voix et dire : Je la conçois dans ses parties. Quant à nous, nous dirons modestement : Dans son ensemble ce livre est vénérable, et dans ses détails applicable.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.73, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  284. La pensée mystique est un développement transcendant de l’intelligence qui se sépare d’une partie du monde réel et croit le laisser loin derrière elle. Plus est grand et important l’objet auquel on renonce, plus sont riches les productions mystiques.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.73, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  285. La poésie orientale mystique a ce grand avantage que l’adepte, en renonçant à la richesse du monde, l’a toujours à sa disposition. Il se trouve ainsi toujours au milieu de l’abondance à laquelle il renonce, et nage dans les voluptés dont il voudrait s’affranchir.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.73, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  286. Un homme d’esprit a dit : La nouvelle mystique est la dialectique du coeur ; elle frappe et séduit les esprits, parce qu’elle exprime des choses auxquelles l’homme ne peut arriver par la voie ordinaire du raisonnement, de l’intelligence et de la religion. Celui qui se croit assez de courage et de force pour l’étudier, sans se laisser étourdir, peut se précipiter dans cet antre de Trophonius, toutefois à ses risques et périls.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.74, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  287. Les Allemands devraient rester pendant trente ans sans prononcer le mot sentiment. Alors on verrait renaître peu-à-peu le sentiment ; maintenant il est synonyme d’indulgence pour les faiblesse des autres et pour les siennes propres.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.74, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  288. Certains caractères érigent leur faiblesse en loi. Des hommes qui connaissent bien le monde ont dit : L’habileté accompagnée de la peur est invincible. Les hommes faibles ont souvent des idées révolutionnaires. Ils pensent qu’ils se trouveraient mieux s’ils n’étaient pas gouvernés, sans songer qu’ils sont incapables de gouverner ni eux-mêmes ni les autres.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.74, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  289. La lutte des anciennes et des nouvelles idées, de l’esprit de stabilité ou de conservation et de l’esprit d’innovation est perpétuelle. L’ordre finit par engendrer la routine. Pour détruire celle-ci, on veut renverser le premier. Plus tard il arrive un moment où l’on sent la nécessité de rétablir l’ordre. Écoles classique et romantique, privilèges des corporations, liberté du commerce, maintien et morcellement de la propriété, c’est toujours la même lutte qui en engendre une autre. La plus grande habileté du souverain consiste à rendre cette lutte moins acharnée et à balancer l’un par l’autre les deux principes opposés, sans en détruire aucun. Mais un pareil résultat n’est pas accordé à l’homme et ne parait pas dans les vues de la divinité.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.75, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  290. Quel est le meilleur système d’éducation ? Réponse : celui des Hydriotes. Insulaires et marins ils prennent leurs enfants dans leur navire et les habituent ainsi au service de la mer. Ceux-ci, lorsqu’ils se distinguent, ont part aux bénéfices ; ils prennent par là intérêt au commerce, aux échanges, au butin et deviennent d’excellents matelots, d’habiles commerçants et des pirates intrépides. De cette foule peuvent sortir des héros qui de leur main attacheront le brandon destructeur au vaisseau amiral de la flotte ennemie.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.76, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  291. Tout ce qui est parfait nous fait sortir des limites de notre intelligence, parce que nous ne nous sentons pas encore arrivés à cette hauteur. Ce n’est que quand une idée est entrée dans le cercle de notre développement intellectuel, et que nous l’avons appropriée aux forces de notre esprit et de notre âme, que nous en apercevons la valeur.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.76, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  292. Il n’est pas étonnant que la médiocrité nous plaise plus ou moins ; car elle nous laisse en repos ; elle nous donne le même sentiment agréable que si nous nous trouvions avec nos égaux.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.77, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  293. Ne cherchez pas à corriger un esprit commun, il restera toujours le même.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.77, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  294. Il y a tant d’hommes d’un vrai mérite dispersés dans ce monde, et qui vivent dans la même époque ! Mais malheureusement ils ne se connaissent pas.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.77, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  295. Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous apprend à nous gouverner nous-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.77, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  296. Il peut arriver quelquefois que des malheurs publiés et domestiques viennent frapper l’homme à coups redoublés d’une manière terrible ; seulement, l’impassible destin, en frappant les épis, ne touche que la paille. Les grains ne s’en ressentent pas et sautent sur l’aire çà et là, sans se soucier s’ils doivent aller au moulin ou au champ.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.78, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  297. Les meilleures pièces de Shakespeare manquent dans quelques endroits de facilité. Elles sont en quelque sorte plus qu’elles ne devraient être ; et, par cela même, elles révèlent le grand poète.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.78, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  298. La plus grande probabilité de voir nos voeux accomplis laisse encore un doute ; c’est pourquoi, quand nos espérances se réalisent, nous sommes toujours surpris.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.78, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  299. Nous sommes obligés de prêter aux arts de toutes les époques ; mais nous restons toujours débiteurs de l’art grec.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  300. Vis superba formæ, belle expression de Johannes secundus.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  301. La sentimentalité des Anglais est humoristique et tendre ; celle des Français est commune et pleure facilement ; celle des Allemands est naïve et naturelle.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  302. L’absurde, représenté sous une forme élégante, excite à la fois la répugnance et l’admiration.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  303. On a dit de la bonne société : sa conversation est instructive ; son silence est encore une leçon.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  304. Il n’y a rien de terrible comme de voir agir l’ignorance.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.79, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  305. On doit se tenir à distance de la beauté et de l’esprit, si l’on ne veut pas devenir leur esclave.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  306. Le mysticisme est la scholastique du coeur, la dialectique du sentiment.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  307. On ménage les vieillards comme on ménage les enfants.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  308. Le vieillard perd un des plus grands droits de l’humanité : celui d’être jugé par ses pairs.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  309. Il m’est arrivé dans les sciences ce qui arriverait à un homme qui, s’étant levé de grand matin, attendrait avec impatience que l’aurore et le jour vinssent dissiper les ténèbres ; et qui, lorsque le soleil aurait paru, se trouverait aveuglé par l’éclat de ses rayons.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  310. On dispute beaucoup et on diputera encore longtemps sur les avantages et les inconvénients de la propagation de la Bible. Il m’est évident qu’elle sera nuisible comme elle l’a été jusqu’à présent, si l’on en fait un usage dogmatique et fantastique ; elle sera utile comme enseignement qui s’adresse à l’esprit et au coeur.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.80, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  311. Les forces primitives de la nature qui se développent de toute éternité ou dans le temps, agissent incessamment ; mais leur action est-elle utile ou nuisible ? C’est une question accidentelle.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.81, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  312. L’idée est éternelle et unique. Nous avons tort de parler ici au pluriel ; toutes les choses que nous connaissons, et dont nous pouvons parler ne sont que les manifestations de l’idée. Nos conceptions n’ont un sens et ne peuvent s’exprimer qu’autant qu’elles sont une forme de l’idée absolue.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.81, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  313. Dans les traités d’esthétique on a tort de dire l’idée du beau. Par là on restreint le domaine du beau qui, cependant, ne doit pas être conçu sous une forme déterminée. On peut avoir une notion abstraite du beau, et celle-ci peut être communiquée.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.82, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  314. La manifestation de l’idée, sous la forme du beau, est aussi fugitive que celle du sublime, de ce qu’on appelle le spirituel, l’agréable, le comique. C’est pour cela qu’il est si difficile de parler de ces sortes de sujets.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.82, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  315. Si l’on veut traiter la théorie du beau d’une manière didactique, on doit passer sous silence tout ce qui s’adresse au sentiment ; ou n’en parler qu’au moment où on touche au point culminant, et où l’esprit des auditeurs est préparé. Mais comme cette condition ne peut être bien remplie, la plus haute prétention de celui qui enseigne dans une chaire publique, devrait être de présenter à l’esprit de ses auditeurs les idées dans un si grand nombre d’images vivantes, qu’ils fussent capables de saisir tout ce qui est bon, beau, grand et vrai, et de l’accueilllir avec un vif intéret, sans s’en apercevoir et s’en rendre compte. L’idée fondamentale dont tout le reste n’est que le développement, s’insinue ainsi dans leur âme, et y prend une forme vivante.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.82, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  316. Quand on considère les hommes d’un esprit cultivé, on trouve qu’ils ne sont capables de comprendre le principe de toutes choses que dans une seule, ou du moins dans un petit nombre de ses manifestations, et cela suffit. Le talent est développé dans la pratique, et il n’est pas besoin de prendre connaissance des théories particulières. Le musicien peut, sans préjudice, ignorer le sculpteur, et réciproquement.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.83, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  317. Dans l’art, on doit tout ramener au point de vue pratique, et par conséquent faire en sorte que les diverses manifestations de l’idée du beau que l’artiste est appelé à réaliser, conservent, malgré leur affinité, leur indépendance réciproque, et ne se contrarient pas mutuellement. La peinture, la sculpture et la mimique ont entre elles des rapports indestructibles. Cependant, l’artiste attaché à un de ces arts doit bien se garder de recevoir des autres une atteinte funeste. Le sculpteur peut se laisser séduire par le peintre, celui-ci par l’acteur mimique, et tous trois brouiller tellement les genres, qu’aucun d’eux ne conserve son originalité.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.84, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  318. La danse mimique devrait, à proprement parler, servir de base à tous les arts figuratifs. Si le charme qu’elle exerce sur les sens est très vif, il est momentané et fugitif. Aussi cet art, pour produire ce charme, doit-il pousser ses moyens à l’extrême. C’est là ce qui effraie heureusement les autres artistes. Cependant, avec de la prudence et de la circonspection, ils trouveraient ici beaucoup à prendre.
    (Maximes et réflexions (Troisième partie), trad. Sigismond Sklover , p.84, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  319. Mme Roland sur l’échafaud demanda qu’il lui fût permis d’écrire les pensées remarquables qui s’étaient présentées à son esprit dans le fatal trajet. Il est à regretter que sa demande ne lui ait pas été accordée, car, à ce moment suprême de la vie, des esprits fermes, qui conservent leur sang-froid, ont souvent des pensées extraordinaires ; ce sont comme des anges qui descendent éclatants de lumière sur les sommets du passé.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.88, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  320. On dit souvent qu’il faut éviter dans la vie une activité trop multipliée et surtout, à mesure que l’on avance en âge, ne pas se créer de nouvelles occupations. Mais on a beau se donner des conseils à soi-même et aux autres, vieillir c’est entrer dans une nouvelle sphère d’activité ; tous les rapports changent, et l’on doit, ou cesser complètement d’agir, ou, de bon gré et en connaissance de cause, accepter le nouveau rôle qui nous est donné.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.88, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  321. Je n’ose rien dire de l’absolu dans le sens spéculatif ; mais je puis affirmer que celui qui le reconnaît dans ses manifestations et l’a toujours présent à l’esprit, en retire un grand avantage.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.88, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  322. Vivre dans l’idéal, c’est traiter l’impossible comme s’il était possible. La même analogie se fait remarquer pour le caractère. mais si l’idée et le caractère se rencontrent, alors naissent des événements tels que le monde ne revient pas de sa surprise pendant des siècles.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.88, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  323. Napoléon, qui vivait toujours dans l’idéal, n’en avait cependant pas conscience ; il niait l’idéal, et lui refusait toute réalité, tandis qu’il en poursuivait avec ardeur la réalisation. Mais sa raison si lucide et incorruptible ne pouvait supporter perpétuellement cette contradiction intérieure, et ses paroles sont de la plus haute importance, lorsque dans les occasions où il y est pour ainsi dire forcé, il s’exprime sur ce sujet de la manière la plus originale et la plus intéressante.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.89, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  324. Il considère l’idée comme un être de raison qui n’a, il est vrai, aucune réalité ; mais qui, lorsqu’il s’évanouit, laisse après lui un residuum (caput mortuum) à qui nous ne pouvons refuser entièrement la réalité. Si cette opinion nous paraît passablement choquante et matérialiste, il s’exprime tout autrement lorsqu’il s’entretient avec ses amis. Il parle alors avec conviction et confiance des suites inévitables de sa vie et de ses actions. Il avoue volontiers que la vie engendre la vie, qu’une idée féconde exerce son influence sur toutes les époques. Il se plaît à reconnaître qu’il a donné une impulsion nouvelle, une nouvelle direction à la marche du monde.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.89, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  325. C’est une chose vraiment digne d’être remarquée que les hommes dont le trait caractéristique était une tendance très exclusive vers l’idéal, éprouvaient une aversion extrême pour le fantastique. Tel était Hamann, qui ne pouvait supporter qu’on lui parlât des choses d’un autre monde. Il s’exprime là-dessus quelque part, dans un paragraphe qu’il changea quatorze fois.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.90, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  326. La littérature est le fragment des fragments. La plus petite partie de ce qui a été fait et dit, a été écrit, et de ce qui a été écrit la plus faible partie est restée.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.91, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  327. Et cependant quoique la littérature soit incomplète, on y trouve mille répétitions ; ce qui montre combien sont bornés l’esprit et la destinée de l’homme.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.91, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  328. Cette question : La prééminence appartient-elle à l’historien ou au poète ? ne doit pas même être soulevée ; ils ne rivalisent pas plus entre eux que l’athlète à la course et l’athlète au pugilat. Chacun a droit à sa couronne.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.91, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  329. Il en est des livres comme de nos nouvelles connaissances. Au premier moment nous sommes très satisfaits, lorsque nous trouvons en eux des sentiments qui sont conformes aux nôtres, lorsque l’auteur sympathise avec quelque point essentiel de notre existence ; mais lorsque nous faisons plus ample connaissance apparaissent toutes les différences. Et dans ce cas, une conduite sage consiste principalement, non pas à se retirer aussitôt, comme il arrive dans la jeunesse, mais au contraire à s’attacher fortement aux principes sur lesquels on s’accorde, à s’expliquer complètement sur les différences, sans pour cela renoncer à ses opinions.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.91, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  330. La plus grande difficulté dans les observations psychologiques vient de ce qu’on doit toujours considérer parallèlement l’intérieur et l’extérieur, ou plutôt les combiner ensemble. C’est un mouvement continuel de systole et diastole, l’inspiration et la respiration de l’être vivant. Si l’on ne peut encore se prononcer sur ce point, il mérite un examen attentif.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.92, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  331. Mes rapports avec Schiller avaient pour principes notre direction bien déterminée vers le même but, la communauté de nos travaux et la différence des moyens par lesquels nous tâchions d’atteindre à ce but.
    Au sujet d’une différence délicate qui s’offrit à nous dans un de nos entretiens et qui me rappelle un passage d’une de ses lettres, je fis les observations suivantes : « Il y a une grande différence pour le poète à chercher le particulier en vue du général et à voir le général dans le particulier. Du premier point de vue naît l’allégorie où l’objet particulier est considéré seulement comme exemple, comme image de l’idée générale. Le second est à proprement parler le caractère propre de la poésie ; elle exprime une idée particulière sans penser à l’idée générale, ou sans l’indiquer. Celui qui saisit vivement cet objet particulier possède en même temps l’idée générale sans le savoir, ou il le sait seulement plus tard.

    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.93, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  332. L’amitié ne peut s’engendrer que d’une manière pratique et c’est par là seulement qu’elle devient durable. Une inclination, l’amour même, tout cela ne produit pas l’amitié. La vraie amitié, l’amitié qui agit et se révèle par des effets, consiste en ce que nous suivions la même voie dans la vie ; que mon ami favorise mes desseins et moi les siens, que nous marchions ensemble sans nous détourner, quelle que soit d’ailleurs notre manière de penser et de vivre.
    (Maximes et réflexions (Quatrième partie), trad. Sigismond Sklover , p.94, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  333. On prend chacun dans le monde pour ce qu’il se donne ; mais il faut se donner pour quelque chose. On supporte plus volontiers les gens incommodes que les hommes insignifiants.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.95, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  334. On peut tout imposer à la société ; mais seulement pour un temps.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.95, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  335. Nous n’apprenons pas à connaître les hommes lorsqu’ils viennent à nous ; nous devons aller à eux pour savoir ce qu’ils sont.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.96, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  336. Je trouve assez naturel que nous ayons beaucoup à redire sur les personnes qui viennent nous voir, et que, lorsqu’elles nous ont quittés, nous ne les jugions pas avec beaucoup de bienveillance ; car nous avons pour ainsi dire, le droit de les apprécier d’après notre mesure. Les hommes sages et bienveillants eux-mêmes ont de la peine, en pareil cas, à s’abstenir d’un jugement sévère.
    Au contraire, lorsque nous sommes chez les autres et que nous les voyons avec leur entourage, leurs habitudes, les choses que leur position rend nécessaires et inévitables ; lorsqu’enfin nous les voyons agir, il faudrait être bien peu sensé et avoir bien de la mauvaise volonté pour trouver ridicule ce qui devrait plutôt nous paraître, sous plus d’un rapport, digne d’estime.

    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.96, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  337. On doit chercher à gagner, par la conduite et les bonnes mœurs, ce qu’on ne pourrait obtenir autrement que par la force, et même ce que la force ne donne pas toujours.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.97, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  338. La société des femmes est l’élément des bonnes mœurs.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.97, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  339. Comment le caractère qui constitue l’originalité dans l’homme peut-il se maintenir avec le savoir-vivre ?
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.97, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  340. Le savoir-vivre, loin de nuire à l’originalité, devrait lui prêter un nouveau lustre.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.97, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  341. La familiarité, à la place du respect, est toujours ridicule. On ne déposerait jamais son chapeau après avoir fait les premiers compliments, si l’on savait combien cela paraît comique.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.97, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  342. Il n’y a aucun signe extérieur de politesse qui n’ait un principe moral. La bonne éducation serait celle qui donnerait à la fois le signe et le principe.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.98, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  343. La conduite sociale est un miroir dans lequel chacun montre son image.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.98, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  344. Il existe une politesse du cœur ; elle est parente de l’amour ; c’est d’elle que naissent les manières les plus aisées dans la société.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.98, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  345. Une dépendance volontaire est la position la plus belle ; mais comment serait-elle possible sans l’amour ?
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.98, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  346. Nous ne sommes jamais plus éloignés de l’objet de nos désirs que quand nous nous imaginons le posséder.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.98, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  347. On n’est jamais plus esclave que quand on se croit libre sans l’être.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.99, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  348. Celui qui ose se déclarer libre sent dans le moment même sa dépendance ; celui qui ne craint pas de se déclarer dépendant se sent libre.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.99, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  349. Il n’y a pas d’autre moyen de se défendre contre la supériorité d’autrui que d’aimer.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.99, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  350. C’est quelque chose de terrible pour un homme distingué que de voir un sot tirer vanité de ses rapports avec lui.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.99, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  351. Il n’y a pas de grand homme, dit-on, pour le valet de chambre ; mais cela vient simplement de ce que le grand homme ne peut être reconnu que par ses pairs. Le valet de chambre saura probablement bien apprécier ses égaux.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.99, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  352. La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n’est pas immortel.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.100, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  353. Les plus grands hommes tiennent toujours à leur siècle par quelque faiblesse.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.100, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  354. On croit généralement les hommes plus dangereux qu’ils ne sont. Les sots et les hommes sensés sont également inoffensifs ; il n’y a que la demi-sottise et la demi-sagesse qui soient dangereuses.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.100, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  355. L’art est le plus sûr moyen de se soustraire aux exigences du monde, et cependant il n’y a pas de liaisons plus sûres que celles dont l’art est le principe.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.100, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  356. Dans la plus haute prospérité et dans le dernier degré de malheur, nous avons toujours besoin de l’artiste.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.100, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  357. Voir le difficile traité facilement nous donne l’idée de l’impossible.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  358. Les difficultés croissent à mesure qu’on approche du but.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  359. Si nous regardons volontiers devant nous, c’est que nous nous plaisons secrètement à arranger au gré de nos désirs ce qui flotte vaguement dans l’avenir.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  360. Nous nous trouvons rarement dans une grande réunion sans penser que le hasard, qui a ainsi rassemblé tant de personnes, doit aussi y avoir amené nos amis.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  361. On a beau vivre retiré, on devient, sans s’en apercevoir, créancier ou débiteur.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  362. Lorsque nous rencontrons quelqu’un qui nous doit de la reconnaissance, nous nous le rappelons sur-le-champ. Combien de fois rencontrons-nous des personnes à qui nous devons de la reconnaissance, sans y penser ?
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.101, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  363. On ne parlerait pas souvent dans le monde, si l’on savait combien souvent on comprend mal les autres.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.102, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  364. Celui qui parle longtemps seul devant les autres, sans flatter ses auditeurs, excite leur aversion.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.102, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  365. Chaque mot qui sort de notre bouche peut être contredit.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.102, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  366. Les conversations dont le fond est la contradiction ou la flatterie sont également mauvaises.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.102, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  367. Les réunions les plus agréables sont celles où règne entre tous les membres une politesse naturelle qui n’exclut pas la gaîté.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.102, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  368. Les hommes ne révèlent nulle part mieux leur caractère, que dans ce qu’ils trouvent ridicule.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.103, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  369. Le ridicule naît d’un contraste moral entre des objets hétérogènes fortuitement réunis, et sans que leur existence en paraisse compromise.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.103, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  370. L’homme vulgaire rit souvent sans sujet, par le simple effet d’une satisfaction intérieure qu’il ne peut contenir.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.103, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  371. À un degré inférieur, la raison trouve presque tout risible ; à un degré supérieur, presque rien.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.103, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  372. On se laisse reprocher ses défauts, on supporte les punitions, on souffre patiemment tous les désagréments qu’ils nous attirent ; mais nous ne pouvons nous décider à y renoncer.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.103, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  373. Certains défauts sont nécessaires à notre manière d’être individuelle. Nous serions très fâchés si nos anciens amis venaient à se dépouiller de certaines originalités.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  374. On dit d’un homme, lorsqu’il fait quelque chose contre sa manière et ses habitudes : il mourra bientôt.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  375. Quels sont les défauts que nous devons conserver et même cultiver en nous ? Ceux qui flattent les autres plus qu’ils ne leur nuisent.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  376. Les passions sont des défauts ou des vertus poussées seulement à l’excès.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  377. Nos passions sont de véritables phénix. Lorsqu’une ancienne est consumée, une nouvelle renaît aussitôt de ses cendres.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  378. Les grandes passions sont des maladies sans espérance, ce qui pourrait les guérir les rend plus dangereuses encore.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.104, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  379. La passion s’exalte et s’adoucit également par l’aveu. Le juste milieu n’est peut-être en rien plus désirable que dans la confiance et la réserve à l’égard des personnes que nous aimons.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.105, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  380. Citer les morts à notre tribunal ne peut jamais être conforme à l’équité. La vie n’est-elle pas une expiation ? Qui a le droit, si ce n’est Dieu, de leur demander compte ? La postérité doit s’occuper de leurs œuvres et de leurs actions, plutôt que de leurs fautes et de leurs souffrances.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.105, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  381. Les défauts ne nous montrent que l’homme ; les bonnes qualités révèlent l’individu ; nous avons tous en commun les imperfections et les malheurs. Ce qui nous distingue, ce sont nos vertus.
    (Maximes et réflexions (Cinquième partie), trad. Sigismond Sklover , p.105, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  382. Personne ne doit et ne peut dévoiler les mystères de l’existence humaine ; il y a sur le chemin de la vie des pierres contre lesquelles tout voyageur vient heurter. C’est au poète de les signaler.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.107, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  383. Ce ne serait pas la peine de vivre jusqu’à soixante-dix ans si toute la sagesse du monde n’était que folie devant Dieu.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.107, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  384. La vérité ressemble à Dieu ; elle n’apparaît pas immédiatement. Nous devons la deviner sous ses manifestations.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.108, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  385. Le véritable disciple apprend à connaître l’inconnu par le connu ; et se rapproche ainsi du maître.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.108, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  386. Mais les hommes ne peuvent facilement dégager l’inconnu, car ils ne savent pas que leur raison suit les mêmes procédés que la nature.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.108, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  387. Les dieux nous apprennent à imiter leurs propres oeuvres. Cependant, nous ne savons que ce que nous faisons ; nous ne connaissons pas ce que nous imitons.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.108, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  388. Les hommes se sont créé eux-mêmes des lois, sans savoir sur quoi ils les portaient ; mais l’ordre qui règne dans la nature est l’ouvrage des dieux.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.108, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  389. Ce que les hommes ont établi de bien ou de mal n’est pas toujours conforme au but ; mais ce que font les Dieux, que cela paraisse bon ou mauvais, est toujours à sa place.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.109, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  390. Je veux montrer que les arts de l’homme ressemblent aux phénomènes de la nature qui s’accomplissent d’une manière visible ou mystérieuse.
    Il en est ainsi de l’art divinatoire ; il connaît le passé dans ce qui se révèle à nos yeux ; il voit ce qui est caché ; le présent lui révèle l’avenir ; dans la mort il surprend la vie, et il trouve un sens à ce qui n’en a pas.
    C’est ainsi que l’homme instruit connaît toujours bien la nature de l’homme, tandis que l’ignorant la voit tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, et chacun d’eux la reproduit à sa manière.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.109, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  391. Si du rapprochement des deux sexes naît un enfant, on peut dire que le connu a engendré l’inconnu. D’un autre côté si l’intelligence encore obscure de l’enfant reçoit des idées claires, il devient homme et apprend à connaître l’avenir par le présent.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.110, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  392. Sans vouloir comparer le principe vital, qui est périssable, à l’âme immortelle, il y a cependant aussi de la raison dans ce qui est purement vivant. Ainsi, l’estomac sait très bien s’il a faim ou s’il a soif.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.111, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  393. C’est ainsi que l’art de lire dans l’avenir a du rapport avec la nature humaine. Pour l’observateur éclairé, ils sont tous deux toujours d’accord. Cette harmonie échappe à l’esprit borné.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.111, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  394. Le fer se ramollit dans la forge par l’action du feu qui lui enlève les matières superflues. Lorsqu’il est purifié, on le bat et on le rend flexible, puis on lui donne de la solidité par la trempe. Il en est de même de l’éducation.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.111, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  395. Puisque nous sommes persuadés que celui qui contemple le monde intellectuel et possède la véritable idée du beau peut aussi connaître leur principe qui se dérobe aux regards des sens, tâchons, selon nos forces, de nous rendre compte à nous-mêmes, autant que ce sujet est susceptible de clarté, de la manière dont nous pouvons contempler la beauté de l’esprit et de l’univers.
    Supposons donc que nous ayons sous les yeux deux blocs de pierre, l’un informe, l’autre façonné par l’art, une statue représentant un personnage humain ou divin. Si c’est une divinité, ce sera, si l’on veut, une Grâce ou une Muse ; si c’est un personnage humain, ce ne sera pas tel homme en particulier, mais plutôt un idéal, qui réunit tous les traits de la beauté épars dans la nature.
    Cette pierre, dont l’art a su tirer une belle représentation, vous paraît belle ; cependant, ce n’est pas la pierre qui est belle, car autrement cet autre bloc serait beau lui-même ; c’est que le premier possède une forme qui lui a été donnée par l’art.
    La matière n’avait pas d’elle-même cette forme ; celle-ci était dans l’imagination de l’artiste avant de passer dans la pierre. Et cependant, elle n’était pas dans l’artiste parce qu’il avait des yeux et des mains, mais parce qu’il avait le génie de l’art.
    Ainsi, l’imagination de l’artiste renferme encore une idée supérieure de la beauté ; car la forme idéale qu’il conçoit ne passe pas dans la pierre ; elle reste dans son imagination, et fait naître une seconde forme inférieure, qui ne conserve pas sa pureté, et ne répond pas complètement aux yeux de l’artiste, mais seulement autant que la matière rebelle obéit à l’art.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.111, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  396. Mais si l’art réalise des idées qu’il tire de lui-même et de son propre fond, et cela d’après un type fourni par la raison qui l’inspire dans toutes ses créations, il est donc vrai que c’est l’intelligence qui possède cette beauté supérieure de l’art, beauté plus vraie et plus parfaite que tout ce qui s’offre à nos regards.
    En effet, puisque la forme en passant dans la matière se projette au-dehors, elle devient plus faible que celle qui reste immobile dans son principe. Car ce qui s’éloigne du centre sort de soi-même ; ainsi la force qui procède de la force, la chaleur communiquée par la chaleur, de même la beauté qui émane de la beauté. La cause productive doit donc être supérieure à ses effets. Ce n’est pas la musique dans son enfance qui a fait le musicien, mais la vraie musique, la musique idéale qui engendre cette musique dont les sons frappent nos oreilles.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.113, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  397. Si quelqu’un se croyait en droit de mépriser les arts parce qu’ils imitent la nature, on pourrait lui répondre que la nature elle-même à des modèles qu’elle imite. En outre, les arts n’imitent pas précisément les objets tels que nous les avons sous les yeux ; ils remontent à ces idées de la raison qui sont les lois de la nature et auxquelles elle se conforme dans ses oeuvres. Il y a plus, l’art tire beaucoup de lui-même, et d’un autre côté ajoute beaucoup à la nature ; il lui donne ce qui lui manque en perfection, parce que c’est lui qui possède la vraie beauté. Phidias a pu représenter Jupiter, quoiqu’il n’en trouvât pas le modèle autour de lui ; mais il concevait par la pensée le Dieu tel qu’il devait se manifester aux regards des hommes.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.114, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  398. On ne doit pas en vouloir aux idéalistes anciens et modernes de ce qu’ils prennent si vivement à coeur de faire prévaloir l’être unique d’où tout est sorti, où tout doit rentrer. Car le principe qui répand la vie et l’ordre dans la nature est peut-être tellement confondu avec ses manifestations qu’il peut à peine conserver son existence indépendante. D’un autre côté, nous devenons trop exclusifs, lorsque nous refoulons le principe formateur des êtres et la forme la plus haute dans une unité qui se dérobe aux sens et à la conscience.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.115, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  399. La nouvelle philosophie de nos voisins de l’ouest prouve que les hommes ont beau faire, et les nations aussi bien que les hommes, ils reviennent toujours à leur caractère primitif. Et comment en serait-il autrement, puisque c’est lui qui détermine leur nature et leur manière de vivre ?
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.115, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  400. Les Français ont abandonné le matérialisme, et dans l’explication du principe du monde ils ont reconnu davantage la nécessité de faire intervenir l’esprit et la vie. Ils se sont affranchis du sensualisme et ont accordé à la nature humaine un développement libre et spontané. Ils admettent en elle une puissance créatrice et ne cherchent plus à expliquer les arts par l’imitation de la nature extérieure. Puissent-ils persévérer dans cette voie.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.116, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  401. Une philosophie éclectique n’est pas possible ; mais il peut y avoir des philosophes éclectiques.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.116, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  402. Un éclectique, c’est celui qui choisit dans tout ce qui l’environne, dans tout ce qui se passe autour de lui, ce qui est conforme à sa nature et se l’approprie.
    Il faut entendre dans le même sens tout ce qui s’appelle culture et perfectionnement, au point de vue à la fois théorique et pratique.
    Deux philosophes éclectiques pourraient par conséquent être deux adversaires déclarés, si, nés avec des dispositions opposées, ils s’étaient approprié, chacun de son côté, dans tous les systèmes, ce qui convient à leur caractère. Il suffit de jeter un coup d’oeil autour de soi pour voir que chaque homme se comporte toujours ainsi, et par conséquent ne comprend pas pourquoi il ne peut ramener les autres à son opinion.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.116, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  403. Il est rare que le vieillard le plus avancé en âge devienne pour lui-même un personnage historique, et que ses contemporains lui apparaissent sous le même aspect. Aussi ne peut-il s’entendre avec personne.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.117, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  404. Si on y regarde de plus près, on trouvera que pour l’historien lui-même, l’histoire n’est pas facilement de l’histoire. Chaque écrivain décrit les évènements du passé comme ceux dont il est témoin.
    Le chroniqueur ne reproduit que ce qui est renfermé dans son étroit horizon, les évènements particuliers de sa ville natale, de son convent, aussi bien que ceux de son époque.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.118, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  405. Les maximes des anciens, que l’on a coutume de répéter si souvent, ont une tout autre signification que celle qu’on a pu leur donner dans les temps postérieurs.
    Celle-ci, par exemple : « Nul ne doit entrer dans l’école des philosophes, s’il ne connaît la géométrie », ne signifie pas : on doit être mathématicien pour être philosophe.
    La géométrie est ici considérée dans ses premiers éléments, comme nous la trouvons dans Euclide, et telle qu’on l’enseigne aux commençants. Elle est alors la meilleure préparation et même l’introduction naturelle à la philosophie.
    Lorsqu’un enfant commence à comprendre que le point visible a pour principe le point mathématique invisible ; que le plus court chemin d’un point à un autre doit être conçu comme ligne droite, avant que cette ligne soit tracée sur le papier, il éprouve déjà un sentiment d’orgueil et de satisfaction intérieure ; et ce n’est pas sans raison ; car la source de toute pensée abstraite lui est ouverte ; l’idée et la réalité potentià et actu lui sont clairement révélées ; le philosophe ne lui découvrira rien de nouveau, et quant au géomètre, le principe de toute pensée abstraite lui est donné.
    Si nous prenons ensuite ce mot remarquable : onnais-toi toi-même ; nous ne devons pas l’interpréter dans un sens ascétique. Ce n’est nullement l’heautognosie de nos modernes hypocondristes, humoristes et heautontumorumènes. Il veut dire tout simplement fais attention à toi-même, prends une certaine connaissance de toi-même ; afin de savoir comment tu dois te conduire vis-à-vis de tes semblables et du monde. Pour cela, il n’est pas nécessaire de se torturer l’esprit pour trouver un sens psychologique profond. Tout homme sensé sait par expérience ce que cela doit signifier ; c’est en effet un conseil salutaire dont chacun peut tirer le plus grand avantage dans la vie pratique.
    Qu’on se mette bien dans l’esprit que ce qui a fait la grandeur des Écoles de l’antiquité, et en particulier de celle de Socrate, c’est qu’elles se proposaient pour but le principe et la règle de toute la vie et de la conduite humaine ; elles ne s’attachaient pas à de vaines spéculations, mais à la vie pratique et à l’action.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.118, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  406. Puisque la base de l’éducation dans nos écoles est l’antiquité, dont la connaissance exige l’étude des langues grecque et latine, nous devons nous féliciter de ce que ces études, si nécessaires pour une plus haute culture intellectuelle, ne soient jamais rétrogrades.
    Si nous nous plaçons en face de l’antiquité, et que nous nous proposions sérieusement de nous former à son école, il nous semble que nous devenons hommes alors pour la première fois.
    Le maître qui enseigne le latin dans les écoles, lorsqu’il essaie à écrire ou à parler cette langue, s’élève à ses propres yeux et se croit un homme plus important qu’il n’oserait se l’imaginer dans ses occupations journalières.
    L’esprit né pour la poésie et les arts plastiques se sent, en présence de l’antiquité, dans une disposition idéale pleine de charme.
    Encore aujourd’hui les chants homériques ont la vertu de nous délivrer, au moins pour un instant, du terrible fardeau que les traditions de plusieurs milliers d’années ont amassé sur nos têtes.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.121, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  407. De même que Socrate appela l’attention de l’homme sur lui-même, afin qu’il se rendit compte de sa nature par un procédé tout simple ; de même, Platon et Aristote procèdent en face de la nature comme deux esprits destinés à se la soumettre, l’un par son génie et son imagination, l’autre par son esprit observateur et sa méthode. Ainsi, chaque fois que, dans le système général de la science ou dans ses détails, nous nous approchons de ces trois grands hommes, c’est un événement qui nous cause la joie la plus vive, et qui a toujours la vertu de contribuer au plus haut degré à notre développement intellectuel.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.122, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  408. Pour échapper à la multiplicité des détails, au morcellement et à la confusion qui règnent dans les sciences physiques chez les modernes, on doit toujours se poser cette question : Comment aurait fait Platon en présence de la nature, si, malgré son unité fondamentale, elle lui était apparue avec cette variété de phénomènes ?
    Nous croyons pouvoir affirmer que, par cette méthode, on parviendrait à organiser les connaissances humaines jusque dans leurs dernières divisions, et que, sur cette base, on pourrait élever l’édifice de chaque science et en poser le faîte, quels que soient les secours et les obstacles que présente l’activité intellectuelle du siècle. C’est peut-être une recherche que nous devons nous proposer chaque jour, si nous ne voulons pas rejeter la meilleure méthode et adopter la plus mauvaise.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.123, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  409. On vante le dix-huitième siècle parce qu’il s’est livré principalement à l’analyse ; la tâche du dix-neuvième consiste maintenant à découvrir les fausses synthèses qui règnent dans la science, et à analyser de nouveau ce qu’elles renferment.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.124, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  410. Il n’existe que deux vraies religions : l’une reconnaît et adore le Dieu saint qui habite en nous et autour de nous, invisible et sans formes ; l’autre l’adore sous la forme la plus belle. Tout ce qui est intermédiaire entre ces deux cultes est idolâtrie.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.124, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  411. Comme l’encens ranime le charbon qui s’éteint, de même la prière ranime l’espérance dans le coeur de l’homme.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.126, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  412. Je suis persuadé qu’on sent toujours davantage la beauté de la Bible à mesure qu’on l’entend mieux ; c’est-à-dire quand l’on voit que chaque mot, compris d’abord d’une manière générale et appliqué à nous-même, a un sens particulier immédiat pour chaque individu et qui se prête à toutes les circonstances et tous les lieux.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.126, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  413. En y regardant de près, nous devons chercher tous les jours à nous réformer et à protester contre les autres quoique non dans un sens religieux.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.126, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  414. Une chose à laquelle nous devons travailler tous les jours sans relâche et pour laquelle nous devons faire sans cesse de nouveaux efforts, c’est de mettre notre langage le plus possible en harmonie immédiate avec nos sentiments, nos perceptions, nos pensées, avec ce que nous éprouvons, imaginons et concevons par la raison.
    Que chacun s’examine, et il trouvera que cela est plus difficile qu’il ne croit ; car malheureusement pour l’homme les mots ne sont que des à-peu-près. Il pense la plupart du temps mieux qu’il ne parle.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.126, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  415. Efforçons-nous sans cesse, par la clarté et la précision, de bannir les termes faux, impropres, inintelligibles qui se rencontrent ou se glissent dans nos discours et dans ceux des autres.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.127, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  416. Avec les années augmentent les épreuves.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.127, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  417. Aussitôt que je cesse d’être moral, je perds toute autorité.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.128, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  418. La censure et la liberté de la presse seront toujours en lutte... Le pouvoir tient à ne pas être contrarié dans ses desseins et ses actes par des gens qui élèvent la voix pour le contredire. Ceux-ci veulent proclamer des principes qui légitiment leur désobéissance.
    Cependant, on doit remarquer que le parti qui se prétend opprimé, cherche de son côté à étouffer la liberté de la presse ; c’est surtout lorsqu’il conspire et qu’il ne veut pas que ses complots soient trahis.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.128, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  419. On n’est jamais trompé ; on se trompe soi-même.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.128, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  420. Nous avons dans notre langue un mot qui exprime la différence entre le peuple considéré d’une manière abstraite, et le peuple proprement dit (Volkheit - Volk). C’est le même rapport qu’entre l’enfance et l’enfant (Kindheit - Kind). Le précepteur doit écouter l’enfance et non l’enfant. Le législateur et l’homme qui gouverne doivent entendre de même la voix du peuple. Le peuple ainsi conçu exprime toujours la même chose. Il est sage, raisonnable ; ses intentions sont pures et vraies. Le peuple, comme on l’entend vulgairement, ne sait ce qu’il veut. C’est dans le premier sens que la loi peut être l’expression de la volonté générale des peuples, volonté que la foule ne manifeste jamais, que le politique éclairé comprend, à laquelle l’homme sage sait se conformer, et que le bon prince se plaît à satisfaire.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.128, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  421. De quel droit gouvernons-nous ? Ce n’est pas la question. Nous gouvernons. Que le peuple ait le droit de nous renverser, c’est ce dont nous nous inquiétons peu ; nous prenons garde seulement que cette idée ne lui vienne à l’esprit.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.129, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  422. Si l’on pouvait abolir la mort, il n’y aurait rien à dire. Abolir la peine de mort serait difficile. Mais si cela arrivait, on serait bientôt forcé de la rétablir.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.130, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  423. Si la société se démet du droit d’infliger la peine de mort, chacun se fera immédiatement justice à lui-même, et la sanguinaire vendetta viendra frapper aux portes.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.130, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  424. Toutes les lois sont faites par des vieillards et par des hommes. Les jeunes gens et les femmes veulent l’exception ; les anciens la règle.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.130, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  425. Ce n’est pas l’homme de bon sens, mais le bon sens, l’homme raisonnable, mais la raison qui nous gouvernent.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.130, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  426. Louer quelqu’un, c’est se rendre son égal.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.130, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  427. Le patriotisme est étranger à l’art et à la science. Tous deux appartiennent, comme toutes les nobles productions de l’esprit humain, au monde entier, et ils ne peuvent être perfectionnés que par un concours général et libre de tous les hommes d’une même époque, travaillant les yeux fixés sans cesse sur les chefs-d’oeuvre et les découvertes du passé.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.131, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  428. L’avantage inappréciable que les étrangers retirent de notre littérature, en l’étudiant aujourd’hui pour la première fois, est de se préserver de toutes les maladies par où elle a dû passer pendant la période de son développement, qui a duré près d’un siècle ; et, s’ils savent en profiter, de se former eux-mêmes de la manière la plus désirable.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.131, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  429. Que sont la plupart des tragédies, sinon les passions mises en vers de gens qui s’embarrassent fort peu des choses extérieures ?
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.132, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  430. Yorik Sterne est l’écrivain le plus charmant qui ait existé. En le lisant, on sent son âme s’épanouir et prendre un essor libre ; son humour est inimitable ; et toute espèce d’humour n’a pas la vertu d’alléger l’âme.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.132, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  431. La vue est le plus noble de nos sens. Les quatre autres ne nous instruisent que par l’organe du tact. Nous entendons, nous sentons, nous odorons, nous palpons tous les objets par le toucher. La vue occupe un rang infiniment plus élevé ; elle a quelque chose de subtil par où elle s’éloigne de la matière et se rapproche des capacités de l’esprit.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.132, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  432. Si nous nous mettions à la place des autres, l’envie et la haine que nous éprouvons si souvent à leur égard disparaîtraient ; et si nous mettions les autres à notre place, l’orgueil et la prétention en seraient beaucoup diminués.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.132, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  433. Quelqu’un a comparé la méditation et l’action à Rachel et à Lia ; l’une était plus féconde et l’autre plus gracieuse.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.133, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  434. Après la santé et la vertu, il n’y a rien de plus précieux au monde que le savoir, et rien n’est plus facile à acquérir. Toute la difficulté consiste à être calme et à savoir dépenser le temps que, du reste, nous ne pouvons mettre en réserve.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.133, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  435. Si l’on pouvait mettre de côté du temps comme de l’argent, ce serait une excuse pour l’oisiveté de la moitié des hommes, mais non pas une excuse complète ; car ce serait ressembler à un ménage qui vivrait du capital sans s’occuper des intérêts.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.133, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  436. Les nouveaux poètes mettent beaucoup d’eau dans leur encre.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.134, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  437. Parmi les nombreuses sottises que l’on entend débiter dans les écoles, je n’en connais pas de plus ridicules que les discussions sur l’authenticité des écrits et des ouvrages de l’antiquité. Est-ce l’auteur ou son ouvrage que nous admirons ou que nous devons blâmer ? C’est seulement l’auteur que nous avons sous les yeux. Que nous importe le nom lorsque nous étudions une oeuvre d’esprit ?
    Quel est celui qui voudrait soutenir que nous avons sous nos yeux Virgile ou Homère lorsque nous lisons les écrits qui leur sont attribués ? Mais c’est l’écrivain que nous avons devant nous, et que demandons-nous de plus ? Les savants qui attachent tant d’importance à des choses si futiles ne me paraissent pas plus sages qu’une très belle dame qui me demandait un jour en souriant avec beaucoup de grâce : quel est donc l’auteur des drames de Shakespeare ?

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.134, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  438. Il faut mieux faire la chose la plus insignifiante du monde que de passer une demi-heure sans rien faire.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.135, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  439. Le courage et la modestie sont les vertus qu’on peut le moins révoquer en doute ; car elles sont d’une nature telle que l’hypocrisie ne peut les imiter. Elles ont encore cette propriété de se manifester toutes deux de la même manière et sous les mêmes traits.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.135, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  440. La plus insupportable engeance de voleurs, ce sont les sots ; ils nous volent à la fois notre temps et notre bonne humeur.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.135, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  441. Le respect de nous-même est la règle de notre moralité. Le respect de nos semblables, celle de notre conduite envers eux.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.135, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  442. L’art et la science sont des mots que l’on emploie souvent, et dont on comprend rarement la différence précise. On les emploie souvent l’un pour l’autre.
    Je n’aime pas les définitions qu’on en donne. J’ai vu quelquefois la science comparée à l’esprit de saillie ; l’art, à l’humeur. Je trouve en ceci plus d’imagination que de philosophie. Il y a bien là une idée de la différence qui les sépare, mais nullement de leur caractère propre.
    Je pense qu’on pourrait appeler la science la connaissance du général, le savoir abstrait ; l’art, au contraire, serait la science réalisée et mise en action. La science représenterait la raison, et l’art son mécanisme. Aussi, peut-on appeler également l’art la science pratique. D’après cela la science serait le théorème, et l’art le problème.
    On m’objectera peut-être qu’on regarde aussi la poésie comme un art, et cependant il n’y a en elle rien de mécanique ; mais je nie qu’elle soit un art. Elle est encore moins une science. Les arts et la science sont du domaine de l’entendement. Il n’en est pas de même de la poésie. Celle-ci est due à l’inspiration. Elle était déjà conçue dans l’âme avant de se développer. On ne doit l’appeler ni art ni science, mais génie.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.136, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  443. Encore aujourd’hui, tout homme d’un esprit cultivé devrait toujours avoir à la main les ouvrages de Sterne, afin que le dix-neuvième siècle comprît ce dont nous sommes redevables à cet écrivain, et ce que nous pourrons lui devoir par la suite.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.137, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  444. Dans le développement successif des littératures, ce qui a exercé une grande influence à une époque antérieure, s’éclipse momentanément, et les productions nouvelles qui en sont nées obtiennent la prédominance. C’est pour cela que l’on fait bien de jeter de temps en temps un coup d’oeil en arrière. Ce qui est original en nous se conserverait mieux et sous une forme plus vivante, si nous ne perdions pas de vue nos ancêtres.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.137, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  445. L’étude de la littérature grecque et romaine doit rester toujours à la base de la haute culture intellectuelle.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.138, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  446. Les antiquités chinoises, indiennes, égyptiennes, ne sont toujours que des curiosités. On fait très bien de les étudier et avec elles l’histoire du monde ; mais elles sont pour nous de peu d’utilité en ce qui concerne la culture esthétique et morale de nos facultés.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.138, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  447. Des esprits très éclairés ne remarquent pas qu’ils veulent expliquer les principes qui servent de base à l’expérience, et où par conséquent la raison doit se reposer.
    Cependant, cela même peut avoir ses avantages, car sans cela peut-être les recherches de la science s’arrêteraient trop tôt.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.140, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  448. À l’époque où nous vivons, pour réussir chacun doit embrasser une carrière spéciale, soit un art libéral, soit une profession. Le savoir seul ne suffit pas. Dans le tourbillon du monde, avant qu’on ait acquis une connaissance superficielle sur toute chose, la vie s’est écoulée.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.140, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  449. Les plus grandes difficultés sont où nous ne les cherchons pas.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.141, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  450. [Sterne] nomme Shandeisme l’impossibilité de s’arrêter deux minutes de suite sur un sujet sérieux.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.142, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  451. Notre participation aux affaires publiques n’est que de la politique de cabaret.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.144, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  452. Rien ne doit être estimé plus haut que le prix d’un jour.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.144, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  453. Les auteurs les plus originaux de notre époque ne le sont pas parce qu’ils disent quelque chose de nouveau, mais seulement parce qu’ils sont capables de répéter les choses déjà dites comme si elles ne l’avaient jamais été.
    Par conséquent, la plus belle preuve d’originalité consiste à savoir donner à la pensée d’autrui de si riches développements qu’il n’eût été facile à personne de voir combien elle était féconde.

    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.145, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  454. Une foule de pensées naissent et se développent par l’effet de la culture générale des esprits, comme les rameaux se couvrent de fleurs au printemps. Dans la saison des roses, on voit partout fleurir des roses.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.145, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  455. Tout dépend des sentiments. Où le sentiment existe, la pensée ne peut manquer de se développer ; tel est le sentiment, telle est la pensée.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p146., Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  456. Il est impossible de rien reproduire avec une exacte impartialité. On pourrait dire que le miroir fait exception, et cependant il ne nous présente jamais notre figure véritablement telle qu’elle est. Dans le miroir, notre image est retournée. Ce qui est à droite est à gauche. Cette comparaison peut s’appliquer à toutes les réflexions que nous faisons sur nous-mêmes.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.146, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  457. Au printemps et en automne, il arrive rarement qu’on songe au coin du feu ; et cependant si, par hasard, nous venons à passer devant un foyer allumé, nous nous arrêtons comme captivés par la sensation agréable que nous éprouvons. Il y a quelque chose d’analogue dans toutes les tentations.
    (Maximes et réflexions (Sixième partie), trad. Sigismond Sklover , p.146, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  458. La première et la dernière chose qu'on doive exiger du génie, est l'amour de la vérité.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 147, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  459. Celui qui est et reste vrai pour lui-même et pour les autres, possède la plus belle qualité des plus grands talents.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 147, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  460. Les grands talents sont les plus beaux moyens de conciliation entre les hommes.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 148, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  461. Le génie jouit d'une sorte d'ubiquité ; il devance et suit l'expérience ; il la devance dans les conceptions générales ; il la suit dans les faits particuliers.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 148, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  462. Il y a un scepticisme pratique qui s'efforce sans cesse de se vaincre lui-même et d'arriver, par une expérience méthodique, à une espèce de certitude restreinte.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 148, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  463. Le caractère général d'un tel esprit [scepticisme pratique] est la tendance à chercher en tout si telle propriété appartient réellement à tel objet ; et cela, dans le but de pouvoir appliquer avec certitude, dans la vie pratique, ce qui a été démontré par l'expérience.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 148, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  464. Un esprit doué d'activité et de vivacité, qui dans la pratique poursuit toujours un but immédiat, est ce qu'il y a de plus distingué sur la terre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 148, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  465. La perfection est la loi du ciel ; y aspirer, la loi de l'homme.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 149, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  466. On doit distinguer deux choses dans l'homme : ce qu'il a reçu de la nature, et ce qu'il a acquis par lui-même.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 149, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  467. L'homme est suffisamment pourvu des moyens nécessaires pour satisfaire tous les véritables besoins de sa condition terrestre, s'il se fie à ses sens et les perfectionne de manière à ce qu'ils méritent toujours sa confiance.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 149, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  468. Ce ne sont pas les sens qui nous trompent ; mais le jugement.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 149, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  469. L'animal est instruit par ses organes, l'homme instruit les siens et les gouverne.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 149, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  470. Anaxagore enseignait que les animaux ont la raison active, mais non la raison passive, qui sert en même temps d'interprète au raisonnement.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 150, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  471. Caractère juif : Energie, principe de tout, — but immédiat. Pas un juif, si petit, si chétif qu'il soit, qui ne montre de l'énergie et de la résolution ; mais pour un but terrestre, temporel, l'intérêt du moment.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 150, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  472. Le langage juif a quelque chose de pathétique.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 150, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  473. Toute tendance à l'idéal est suspecte, principalement chez les femmes. Quoiqu'il en soit, tout homme de talent s'entoure d'un sérail où l'on traite d'idées religieuses, morales et esthétiques.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 150, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  474. Toute grande idée qui apparaît dans le monde comme un évangile, est d'abord un scandale pour le peuple des sots et des pédants, et une folie aux yeux des esprits cultivés, mais superficiels.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 150, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  475. Toute idée apparaît d'abord dans le monde comme un hôte étranger, et lorsqu'elle commence à se réaliser, il est difficile de la distinguer d'un rêve et d'une chimère de l'imagination.
    C'est là ce qu'on a appelé idéologie dans le bon et mauvais sens ; c'est pour cela aussi que les hommes positifs éprouvent tant d'antipathie pour les idéologues.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 151, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  476. On peut reconnaître l'utilité d'une idée et ne pas savoir encore parfaitement s'en servir.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 151, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  477. Je crois à un Dieu. C'est une belle parole ; mais reconnaître Dieu dans ses oeuvres, savoir où et comment il se manifeste, c'est la véritable félicité sur cette terre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 151, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  478. Keppler disait : Mon désir le plus élevé est de sentir en moi-même, au fond de mon âme, ce Dieu qui se trouve partout dans le monde extérieur. Le grand homme sentait, sans le comprendre clairement, qu'entre le principe divin qui résidait en lui et la divinité répandue dans l'univers, il y avait un rapport intime.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 152, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  479. La raison critique a rejeté la preuve téléologique 1 de l'existence de Dieu ; mais ce qui ne vaut rien comme preuve, doit valoir comment sentiment, et nous en appelons à ce sujet à tous les travaux des hommes religieux, depuis la brontothéologie jusqu'à la niphothéologie. Ne devons-nous pas sentir dans l'éclair, le tonnerre et la tempête la présence d'une puissance supérieure ? dans le parfum des fleurs et dans la douce haleine du printemps, un être qui manifeste son influence bienfaisante ?
    1 Par les causes finales. y Google

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 152, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  480. Ouvrages apocryphes. Il serait important de recueillir de nouveau tout ce que l'on connaît déjà historiquement sur ces livres, et de démontrer que les écrits apocriphes dont les églises chrétiennes ont été inondées dans les premiers siècles de notre ère, et dont notre canon souffre encore maintenant, sont les principales causes pour lesquelles le christianisme, en aucun moment de l'histoire politique et religieuse, n'a pu se développer dans toute sa beauté et sa pureté.
    Le mal incurable de ces disputes religieuses consiste en ce que les uns veulent ramener les plus hauts intérêts de l'humanité à des fables et à des mots vides de sens, tandis que les autres pensent trouver une base solide là où personne ne peut se reposer.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 153, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  481. La foi, l'amour et l'espérance sentirent dans un moment de calme et de mutuelle sympathie un instinct plastique qui les porta à créer une charmante statue, une Pandore dans un sens plus élevé : la patience.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 154, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  482. Partout où brûlent des lampes ou des cierges il y a des taches ; les flambeaux du ciel répandent seuls une lumière pure.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 154, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  483. Les contemporains ne méritent pas que nous fassions quelque chose pour eux ; car les hommes qui vivent aujourd'hui peuvent mourir au premier moment. C'est pour le passé et l'avenir que nous devons travailler ; pour le passé, afin de reconnaître ses services, pour la postérité afin d'augmenter sa valeur.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 154, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  484. Que chacun se demande avec quel instrument il peut et doit agir sur son siècle.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 154, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  485. Que personne ne s'imagine avoir été attendu comme un sauveur.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 155, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  486. Le caractère, dans les grandes et les petites choses se montre lorsque l'homme poursuit avec constance la réalisation d'un but qu'il se sent capable d'atteindre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 155, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  487. Celui qui veut agir ne doit songer qu'à l'à-propos du moment. On parvient ainsi à vaincre facilement les difficultés. C'est l'avantage des femmes lorsqu'elles savent le comprendre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 155, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  488. Le présent est une espèce de public; il faut le tromper et lui faire croire qu'on travaille pour lui ; alors il nous laisse tranquille et continuer secrètement l'oeuvre que doit admirer la postérité.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 155, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  489. Rien de plus déplorable que la tendance à l'absolu dans ce monde où tout a des limites. Cela contient peut-être moins que jamais en 1830.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 155, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  490. Avant la révolution tout était tendance ; depuis tout est devenu exigence.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 156, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  491. Existe-t-il un âge mûr pour les nations ? C'est là une question singulière. Je répondrai oui, si tous les hommes pouvaient naître à trente ans ; mais la jeunesse sera toujours imprudente et la vieillesse timide. L'âge mûr, placé entre deux, aura beaucoup de peine à plaire à l'une et à l'autre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 156, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  492. Si l'on reste quelques mois sans lire les journaux, et qu'on en reprenne ensuite la lecture, on reconnaît alors combien on perd de temps avec ces papiers. Le monde a toujours été divisé en partis. Pendant la lutte le journalisme les agace, entretient les affections et les haines, jusqu'à ce qu'enfin la victoire se décide; alors ou adore le fait accompli comme une divinité.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 156, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  493. La femme qui a le plus de mérite est celle qui est en état de remplacer le père auprès des enfants, lorsqu'il est absent.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 157, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  494. La vanité est une ambition toute personnelle ; ce n'est pas pour ses qualités réelles, ses mérites et ses actions, que l'on veut être estimé, honoré et recherché, mais pour soi-même ; aussi y la vanité convient-elle surtout à la beauté frivole.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 157, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  495. On m'a reproché vivement, quoique d'une manière aimable et gracieuse, d'avoir publié plutôt mes pensées sur la littérature étrangère que mes jugements sur la nôtre; et cependant rien n'est plus naturel. Les étrangers ignorent mes critiques ; ne s'en souviennent pas ou ne s'en offensent pas. On n'est pas impoli de loin ; mais, dans le voisinage comme dans la bonne compagnie, il ne faut rien dire de choquant ; chaque critique serait considérée comme une insulte.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 157, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  496. Le classique est la santé, le romantique la maladie.
    Ovide restait classique même dans l'exil ; ce n'est pas en lui-même qu'il cherchait la cause de son malheur, mais dans son éloignement de la capitale du monde.
    Le romantique s'est précipité dans l'abîme qu'il s'est creusé lui-même. Il n'est guère possible de se figurer rien de plus hideux que certaines productions modernes.
    Les Français et les Anglais ont encore été plus loin que nous dans ces excès. Des corps qui pourrissent de leur vivant, et se plaisent à contempler la décomposition de tous leurs membres ; des morts qui vivent encore pour en faire périr d'autres et nourrissent leurs cadavres de la substance de» vivants ; voilà où en sont aujourd'hui nos écrivains. Dans l'antiquité, ces phénomènes apparaissent comme des cas extraordinaires de maladie; chez les modernes, ils sont devenus endémiques et épidémiques.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 158, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  497. La littérature se corrompt dans la même proportion que les hommes.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 159, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  498. Quel temps extraordinaire que celui où l'on est réduit à envier les morts.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 159, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  499. Le vrai, le bon, et le parfait sont simples et toujours les mêmes, quelle que soit la forme sous laquelle ils apparaissent. Au contraire, l'erreur qui provoque le blâme, est au plus haut degré, multiple et diverse. Elle né se borne pas à lutter contre le bon et le vrai ; elle se combat de ses propres mains ; elle est en contradiction avec elle-même. Aussi, dans toute littérature, le blâme doit l'emporter sur l'éloge.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 159, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  500. Chez les Grecs, dont la poésie et la rhétorique avaient un caractère simple et positif, l'éloge paraît plus souvent que le blâme. Il en est autrement chez les Latins. À mesure que la poésie et l'éloquence déclinent, le blâme augmente dans la même proportion, et l'éloge diminue.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 160, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  501. Il y a des enthousiastes empyriques qui s'extasient sur certaines productions nouvelles, louables d'ailleurs, comme s'il ne s'était rien vu de pareil au monde.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 160, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  502. Sacountala 1 : C'est ici que le poète apparaît dans l'exercice de sa plus haute prérogative. Comme représentant de l'état le plus voisin de la nature, d'une délicatesse de moeurs exquise, de la tendance morale la plus pure, de la plus noble majesté, du culte de la divinité le plus sérieux, il ose se permettre des oppositions communes et des contrastes bizarres.
    1 La Reconnaissance de Sacountala, drame sanscrit de Calidasa.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 160, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  503. Henri IV de Shakespeare : Si tous les écrits de cette espèce, qui sont parvenus jusqu'à nous, étaient perdus, on pourrait, au moyen de cette pièce, rétablir parfaitement la poésie et la rhétorique.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 161, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  504. Mythologie. — Luxe de croyance.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 161, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  505. Dans une traduction, il faut aller jusqu'à l'intraduisible, C'est alors seulement qu'on s'aperçoit combien une langue nous est étrangère, ainsi que la nation qui la parle.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 161, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  506. Les questions les plus importantes qui s'adressent au sentiment comme à l'intelligence, à l'expérience comme à la réflexion, ne doivent se traiter que de vive voix ; et cependant un mot à peine prononcé, n'existe plus pour l'auditeur, si les suivants ne le lui rappellent par l'enchaînement des pensées. Qu'on fasse attention à une conversation du monde : si la parole n'est pas morte lorsqu'elle arrive à l'auditeur, il la tue par les contradictions, les définitions, les restrictions, les observations et les divagations si naturelles dans la conversation. La parole écrite est encore plus maltraitée.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 162, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  507. Chacun ne veut lire que les ouvrages auxquels il est accoutumé ; il demande, sous une forme nouvelle, les idées qui lui sont déjà connues et familières. Les ouvrages écrits ont néanmoins l'avantage d'être durables et de pouvoir attendre le moment où il leur sera donné d'agir sur le monde.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  508. La raison et la déraison ont à souffrir ici-bas les mêmes contradictions.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  509. Ce que l'on dit verbalement doit s'adresser au présent ; ce qu'on écrit doit être destiné à l'avenir,
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  510. La dialectique est le perfectionnement de l'esprit de contradiction, qui a été donné à l'homme afin qu'il apprit à connaître la différence des choses.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  511. Avec les hommes qui partagent véritablement nos idées on ne peut se brouiller pour longtemps ; on se réconcilie toujours.
    Au contraire, avec ceux dont les sentiments sont opposés aux nôtres, on cherche vainement à rester d'accord ; il survient toujours quelque cause de rupture.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  512. Nos adversaires croient nous réfuter en répétant leurs opinions sans faire attention à la nôtre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 163, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  513. Un esprit vraiment libéral est celui qui sait reconnaître le mérite.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 164, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  514. Un problème difficile à résoudre pour les jeunes talents, c'est de reconnaître le mérite de leurs contemporains plus âgés, sans se laisser entraîner par leurs défauts.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 164, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  515. Il y a des hommes qui s'étudient à découvrir les défauts de leurs amis. Il n'en résulte aucun avantage. Pour moi, j'ai toujours fait attention au mérite de mes adversaires, et j'en ai profité.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 164, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  516. Le public veut être traité comme une femme; on ne doit lui dire que ce qu'il veut entendre.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 164, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  517. À chaque âge de l'homme correspond une certaine philosophie. L'enfant paraît réaliste ; car il est aussi convaincu de l'existence des pommes et des poires que de la sienne. Il est naturel que le jeune homme, tourmenté par ses passions se replie sur lui-même. Il devient idéaliste. Quant à l'homme fait, au contraire, tout concourt à le rendre sceptique. Il fait bien de douter si les moyens qu'il a choisis pour arriver à son but sont justes. Avant et pendant l'action il doit contenir son intelligence, pour ne pas avoir à se repentir plus tard d'avoir fait un mauvais choix. Le vieillard incline toujours vers le mysticisme ; il voit que tant de choses dépendent du hasard, que la folie réussit et que la raison échoue ; que le bonheur et le malheur se font équilibre dans le monde. La vieillesse la plus avancée se repose dans celui qui a été, qui est et qui sera toujours.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 164, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  518. Lorsqu'on vieillit il faut savoir s'arrêter avec conscience à un certain degré.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 165, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  519. Il ne convient pas à un vieillard de suivre les opinions du jour, pas plus que la mode dans les habits.
    Mais on doit savoir où l'on est et connaître la tendance des autres.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 166, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  520. La mode est une tradition momentanée. Or, toute tradition entraîne avec elle une certaine nécessité : celle de s'y conformer.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 166, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  521. On s'est occupé longtemps de la critique de la raison ; je désirerais une critique du bon sens. Ce serait un véritable service rendu à l'espèce humaine, si l'on pouvait montrer au sens commun jusqu'à l'évidence, quelles sont ses véritables limites ; et c'est tout ce qu'il faut pour les besoins de la vie.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 166, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  522. Tout bien considéré la philosophie n'est que le sens commun en langage amphigourique.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 166, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  523. Le sens commun, dont la sphère est la vie pratique, ne se trompe que quand il veut résoudre des problêmes trop élevés; mais aussi on trouve rarement une haute théorie dans le cercle où il se développe.
    Car si l'on met de côté des problêmes qu'on ne pourrait résoudre que par les lois propres à la nature vivante, les explications mécaniques reviennent sans cesse à l'ordre du jour.
    Dans ce qui concerné la pratique, un sens droit et ferme est la plus haute raison, parce que, vis-à-vis du bon sens, la raison n'a pas de plus haute fonction à remplir que de lui donner cette fermeté.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 167, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  524. Tous les philosophes empyriques ont pour but l'idée, et ne peuvent la découvrir sous la diversité des faits. Tous les théoriciens la cherchent dans le réel, et n'y peuvent la retrouver.
    Ces deux éléments, l'idéal et le réel, se trouvent réunis dans la vie, dans toute action, et dans l'art. On l'a dit souvent, mais peu de personnes savent en profiter.

    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 167, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  525. Les philosophes, en particulier, se trompent lorsqu'ils cherchent séparément la cause et l'effet. Toutes deux forment un phénomène indivisible. Celui qui sait reconnaître la vérité de ce principe, est bien près de la vraie méthode. Le procédé génétique nous met déjà sur une meilleure voie, quoiqu'il ne suffise pas.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 168, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  526. Tous les hommes pratiques cherchent à mettre le monde sur un plan horizontal ; les esprits spéculatifs sur un plan vertical. Jusqu'à quel point cela peut-il leur réussir ? C'est leur affaire.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 168, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  527. C'est seulement lorsqu'on ne voit pas de terme à sa pensée, qu'il fout penser.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 169, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  528. Il en est de l'histoire comme de l'étude de la nature et de toutes les sciences profondes, présentes, passées et futures ; plus l'esprit pénètre avant dans les problêmes, plus ceux-ci deviennent difficiles. Celui qui ne redoute rien et qui marche hardiment, sent, à mesure qu'il avance, les hautes facultés de son esprit se développer, et goûte une jouissance délicieuse.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 169, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  529. Celui qui doit se livrer à l'étude d'une science spéciale, ne peut manquer d'être trompé ou de se tromper lui-même, à moins que des circonstances indépendantes de sa volonté ne l'aient forcé d'embrasser cette carrière. Qui voudrait être médecin, s'il prévoyait tous les désagréments qui l'attendent ?
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 169, Brockhaus et Avenarius, 1842)
     
  530. Celui qui rencontre de bonne heure des obstacles parvient à une liberté tranquille ; celui qui ne rencontre des obstacles que plus tard, ne connaît qu'une liberté amère.
    (Maximes et réflexions (Septième partie), trad. Sigismond Sklower, p. 170, Brockhaus et Avenarius, 1842)