Claude Roy
1915-1997
  1. L'ennui est un avertissement, qu'on n'écoute jamais trop.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.19)
     
  2. Un homme atteint de certitudes aiguës.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.20)
     
  3. Le profit du voyage, c'est de découvrir ce qui demeure en place quand on ne reste pas en place. Le plaisir du voyage, ce sont les mille et un balanciers différents que les hommes ont inventés pour se tenir en équilibre sur le fil de la vie.
    L'ennui, c'est que peu de voyageurs voyagent. Ils se déplacent et se font transporter, tout au plus.

    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.28)
     
  4. Ce qui caractérise la différence entre le voyageur, espèce qui fut toujours rare et le demeure, et le touriste, c'est que le touriste ne cesse de pester contre le touriste. Les touristes, bien entendu, ce sont toujours les autres.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.29)
     
  5. Dis-moi       Qu'as-tu choisi ?       Qu'est-ce que tu veux
    garder ?       Que veux-tu conserver dans la tirelire à temps
    dans ton léger trésor d'instants sauvés ?

    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.32)
     
  6. Pourquoi j'aime écrire des poèmes :
    Parce que pour qu'un poème surgisse il faut avoir fait le silence et le lisse en soi, et que déjà cela est bon.
    [...] Et que c'est une façon presque décente et convenable de communiquer.

    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.35-36)
     
  7. Je ne demande pas seulement votre parole, mais votre silence aussi. Entendre derrière les mots ce qui n'est pas dit.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.42)
     
  8. Comme tout le monde, je crois, j'ai rêvé, je rêve parfois de la formule décisive, de ces mots entre les mots qui seraient les mots de la fin et la fin des mots.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.48)
     
  9. " J'ai mon idée là-dessus. " Il croit en effet la posséder, cette idée, en avare inquiet.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.49)
     
  10. Si pur, si certain, il n'avait même plus l'ombre d'un doute : il périt d'une insolation de certitudes.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.71)
     
  11. Les ornithologues sont ces grandes personnes qui passent leur vie à faire tout ce qu'on leur a défendu de faire quand ils étaient petits. Ils ont tout le temps le nez et la tête en l'air ; ils écoutent on ne sait qui et on ne sait quoi au lieu d'écouter les personnes importantes [...]
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.81)
     
  12. Je doute parfois de l'existence de l'Enfer, mais la lecture des journaux me guérit de cette incrédulité-là.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.90)
     
  13. Écrire pour communiquer le résultat d'une réflexion. Ou écrire pour parvenir à comprendre ce qu'on ne comprenait pas.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.90)
     
  14. Il y a les grands sentiments, les passions, l'amour, la haine, l'angoisse, la joie, la mort, l'illumination. Et puis il y a être vexé.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.101)
     
  15. Aime-toi, le ciel t'aimera.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.102)
     
  16. L'esprit, c'est comme l'argent : on en a en général au dépens d'autrui.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.102)
     
  17. Ce qu'on apprend d'important, il y a toujours le moment où on s'aperçoit qu'on le savait depuis toujours.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.105)
     
  18. Savoir est bon. Mais savoir où ranger son savoir pour le retrouver, cela est excellent.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.116)
     
  19. Essaie de te souvenir qu'on ne possède pas la raison. Ne pas discuter pour avoir raison, mais pour être, pour devenir raison. Ne pas avoir l'avantage, mais savoir davantage.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.117)
     
  20. L'expérience enseigne ce qu'elle a oublié d'enseigner quand il était encore temps.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.117)
     
  21. Aucun doute : la seule façon vraiment intéressante de faire de la musique (ou de la littérature, ou de la peinture, ou du cinéma) c'est celle de maître Wang et de maître Nabokov : ne pas faire semblant, mais faire renaître, ou naître...
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.122)
     
  22. Les écrivains n'ont qu'une excuse, écrire les livres qu'ils avaient envie de lire.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.124)
     
  23. Ces intelligents très stupides, qui comprennent tout, sauf qu'ils ne comprennent rien d'essentiel.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.125)
     
  24. Depuis que je n'attends rien il arrive à chaque instant ce que je n'attendais pas.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.127)
     
  25. Ma bibliothèque est comme un tonneau, au choix à moitié vide ou à moitié pleine. Je la regarde heureux, en savourant tout ce qui me reste à lire. Ou malheureux, en me disant que je ne vivrai sûrement pas assez longtemps pour avoir tout lu.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.137)
     
  26. Le mal ce n'est pas de ne pas tenir ses promesses : c'est d'abord d'avoir fait des promesses impossibles à tenir.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.149)
     
  27. La faute de français anémie une langue.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.162)
     
  28. Il est atteint de certitudes et d'arthrose de la pensée.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.169)
     
  29. Une idée m'est venue. J'aurais aimé savoir d'où.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.169)
     
  30. Toutes ces pensées qui n'ont personne pour les penser.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.170)
     
  31. La peur est une maladie. Qui peut désapprouver quelqu'un d'être malade ?
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.177)
     
  32. Est-ce une éclipse ?       Est-ce la fin ?
    Comment savoir à quoi peut ressembler l'absence
    dont on entend parler depuis le tout début ?
    Faut-il fermer les yeux ?       Ne plus prêter l'oreille ?
    Qui nous préviendra que la fin est venue ?
    Tu étais là       Tu n'y es plus       Tu oublies d'être
    Tu oublieras d'avoir été.

    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.186)
     
  33. On meurt plus facilement d'un trop plein d'idées trop claires, plutôt que d'un excès d'idées trop embrouillées.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.199)
     
  34. Il faudrait essayer de ne pas accorder trop de réalité à la réalité. Le monde a grand besoin que nous doutions un peu de son existence.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.215)
     
  35. [...] la passion d'amour n'a pas besoin pour brûler à haute flamme de la présence réelle.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.221)
     
  36. L'amour c'est aussi cette façon d'être deux à ne pas être ensemble, distance qu'il ne faut pas nier, mais savoir reconnaître.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.237)
     
  37. C'est parfois trop demander, vouloir être aimé pour soi-même.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.238)
     
  38. Écrire pour démontrer est ennuyeux, écrire pour se montrer est dérisoire : il faudrait n'écrire que pour dire.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.238)
     
  39. C'est une grande vertu, dont tous les humains ne sont peut-être pas capables, de pouvoir souffrir de se croire mal-aimé et d'en vouloir punir celui qu'on soupçonne d'être mal-aimant.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.245)
     
  40. [...] l'amour qui réchauffe et vivifie, n'est pas celui qui brûle et consume.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.251)
     
  41. On est plus détendu en rêve qu'éveillé : le rêveur n'a pas d'idées fixes.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.253)
     
  42. Le temps porte conseil : en général celui de ne rien faire.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.254)
     
  43. Il ne lit pas pour écouter les pensées des autres mais pour imposer silence aux siennes.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.254)
     
  44. À sociétés sans pitié, romans impitoyables.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.266)
     
  45. Mais qui est vraiment avec nous ?       Seulement ceux qu'on aime.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.274)
     
  46. Les littératures sont les témoins de l'impatience humaine : elles inventent des lois avant même qu'on ait pu entrevoir les lois de la nature.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.288)
     
  47. Le travail de l'écrivain, c'est de relier. Pas seulement de relier un lecteur à un auteur, une œuvre à un public, et dans le cas de très grandes voix, une parole à un peuple, et un peuple par une parole. Relier, c'est aussi établir une communication ou une corrélation qui n'avaient été, au mieux, qu'entrevues et pressenties.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.291)
     
  48. Ne te presse pas : cela oppresse.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.292)
     
  49. [...] le savoir ne réside pas seulement dans les livres, les laboratoires, les fiches, mais dans et par l'amitié, celle des hommes, celles des bêtes et des étoiles.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.303)
     
  50. Est-ce que le génie, dans l'exil ou la paix, ce ne serait pas de pouvoir garder l'étonnement, qui ne prend jamais l'habitude ?
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.315)
     
  51. Le Tout ne serait-il que l'envers du Rien ?
    Mais le Rien est peut-être un autre nom du Tout ?
    Qui a parlé ?       C'est moi peut-être
    ou bien personne       ou bien celui

    qui passe       qui s'éloigne       et qui déjà se tait.

    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.344)
     
  52. Le bonheur de l'âge, c'est de se laisser glisser doucement du rôle d'acteur au poste de spectateur.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.346)
     
  53. Il y a mieux encore que le calme de la solitude : la présence silencieuse de l'être aimé, tout près. On est seul, en sachant qu'on pourrait ne pas l'être.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.352)
     
  54. Se souvenir simultanément que chaque être est unique au monde et que des milliards et des milliards sont exactement comme nous.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.352)
     
  55. On se fait à tout, même à soi.
    (Les rencontres des jours, Folio n° 2878, p.353)
     
  56. Le souvenir d'un bonheur n'est bénéfique que lorsque celui qui se souvient est encore heureux. Dans le malheur il n'est pas une consolation ou un refuge, mais la brûlure d'un regret sans espoir.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.22)
     
  57. [...] une colère objective.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.41)
     
  58. L'habitude qu'ont les mères et les bonnes de tout faire pour les garçons, c'est agréable pour la paresse, mais c'est souvent agaçant pour la dignité.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.49)
     
  59. [...] la bonne lenteur pédagogique, la lente patience d'expliquer clairement.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.54)
     
  60. Qui croit a besoin de croire [...]
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.72)
     
  61. Les besoins de l'âme ne sont pas moins forts que ceux de l'organisme, quoique aussi difficiles à définir et à prévoir.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.72)
     
  62. Savoir très précisément qui on hait [...] laisse une grande ressource de bienveillance - ou d'indifférence.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.83)
     
  63. Les vraies guerres se passent souvent comme les guerres pour jouer. On commence par faire la guerre. On trouve ensuite une raison de la faire.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.105)
     
  64. Écrire l'histoire des aveuglements des hommes, ce serait peut-être le plus efficace des traités de la tolérance et de la prudence...
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.128)
     
  65. L'humanité déploie une ingéniosité admirable dans l'art d'inventer de faux problèmes pour n'avoir pas à affronter et résoudre les vrais, combattant les hérésies plutôt que la disette ou les famines, chassant les sorcières plutôt que combattant la peste, persécutant les juifs plutôt que desserrant les pièges de l'économie.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.128)
     
  66. L'amour rend aimable, pas seulement les aimés, pas seulement les amants.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.129)
     
  67. La faiblesse de ceux que nous aimons nous les livre.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.135)
     
  68. [...] l'héroïsme n'est pas une garantie de vérité, ni le courage forcément lié à l'intelligence.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.144)
     
  69. [...] la jeunesse qui a le don de la colère et la faiblesse de l'impatience ; la vieillesse qui a parfois le don de la lucidité et souvent la faiblesse de la résignation.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.145)
     
  70. La maladie fausse le jugement et calomnie la vie. La santé fausse peut-être aussi le regard, et embellit trop les choses ?
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.146)
     
  71. Qui dit que l'enfer n'existe pas ? Il s'ouvre sous nos pas chaque fois que nous pensons : "J'aurais dû..."
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.168)
     
  72. [...] toute théorie du mal fait plus de mal que l'existence même du mal.
    (L'ami lointain, Gallimard nrf, p.174)
     
  73. Il y a au fond de tous nos attachements la certitude que nous en serons un jour détachés. L'amour est une invention de la mort.
    (Le malheur d'aimer, p.11, Folio n°580)
     
  74. On peut jurer, on peut se jurer de toujours vivre avec un être. Non de toujours le désirer, non de toujours le supporter. Ni même d'avoir mal quand il se sera détourné - le premier.
    (Le malheur d'aimer, p.18, Folio n°580)
     
  75. L'homme est l'animal dont le plaisir est de faire ce qui ne lui fait pas plaisir.
    (Le malheur d'aimer, p.19, Folio n°580)
     
  76. Ce qui n'est que sentimental est toujours indécent.
    (Le malheur d'aimer, p.23, Folio n°580)
     
  77. Les sentiments sont comme les mots historiques. La plupart du temps ils viennent à l'esprit après coup.
    (Le malheur d'aimer, p.26, Folio n°580)
     
  78. Il est rare que ce qui nous importe nous apparaisse d'abord très beau. La beauté, la plupart du temps, c'est à nos yeux ce que nous reconnaissons, ce qui est pour nous familier, et sans trouble.
    (Le malheur d'aimer, p.37, Folio n°580)
     
  79. Tu es une hypocrite, dit-il. On l'est toujours un peu si on est poli, dit-elle.
    (Le malheur d'aimer, p.40, Folio n°580)
     
  80. Il est toujours malsain de s'en vouloir : on est tenté aussitôt d'en vouloir aux autres.
    (Le malheur d'aimer, p.46, Folio n°580)
     
  81. Désenchanté sans être amer, il n'avait jamais consenti aux facilités du scepticisme : loin de croire qu'il n'y a rien à croire, il croyait seulement qu'il faut croire plus de choses qu'on ne l'imagine au début.
    (Le malheur d'aimer, p.55, Folio n°580)
     
  82. Ce qui rend commode le travail des auteurs de tragédies, c'est que leurs héros ne pensent qu'à ce qui leur arrive.
    (Le malheur d'aimer, p.57, Folio n°580)
     
  83. Les paroles en l'air et le papier pour rien composent l'inutile fumier des jours.
    (Le malheur d'aimer, p.59, Folio n°580)
     
  84. Il y a un goût de vivre qui n'est qu'une bonne volonté involontaire du corps : nous n'y sommes pour rien. Un certain trop-plein d'existence irrite celui qui le vit : c'est une griserie de l'être, aussi irresponsable que l'ivresse.
    (Le malheur d'aimer, p.61, Folio n°580)
     
  85. A-t-on remarqué déjà qu'une passion naissante peut se confondre avec un remords vague, et le mécontentement de soi ?
    (Le malheur d'aimer, p.62, Folio n°580)
     
  86. L'âme a horreur du vague, qui, d'ailleurs est son élément.
    (Le malheur d'aimer, p.63, Folio n°580)
     
  87. [...] être envieux, c'est en réalité n'avoir aucun désir assez fort. On envie quand on n'a envie de rien.
    (Le malheur d'aimer, p.67, Folio n°580)
     
  88. Ceux qui plaignent les désillusionnés doivent croire que ce qu'ils nomment illusion est simplement une vérité plus agréable que les vérités vraies.
    (Le malheur d'aimer, p.75, Folio n°580)
     
  89. La plupart des mensonges sont de politesse, même vis-à-vis de soi.
    (Le malheur d'aimer, p.76, Folio n°580)
     
  90. Il ressentait cette sensation de soi que donne la possession d'un être par qui on est un peu possédé, la légère distance qui succède à un beau gaspillage de tendresse et de volupté.
    (Le malheur d'aimer, p.83, Folio n°580)
     
  91. On dit des autres qu'ils ont du goût quand ils goûtent ce que nous goûtons.
    (Le malheur d'aimer, p.89, Folio n°580)
     
  92. Qui aime se découvre un peu cannibale.
    (Le malheur d'aimer, p.89, Folio n°580)
     
  93. Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Ils s'en inventent.
    (Le malheur d'aimer, p.92, Folio n°580)
     
  94. L'amour est un plaisir qui varie les plaisirs.
    (Le malheur d'aimer, p.92, Folio n°580)
     
  95. Le bonheur rend les sots satisfaits : ils croient l'avoir mérité.
    (Le malheur d'aimer, p.93, Folio n°580)
     
  96. Le vrai malheur rend le vrai bonheur presque inimaginable.
    (Le malheur d'aimer, p.97, Folio n°580)
     
  97. Tout ce qui nous arrive de bien nous semble, depuis toujours, bizarrement, plus immérité que le malheur.
    (Le malheur d'aimer, p.99, Folio n°580)
     
  98. Le plaisir n'est peut-être pas le bonheur, mais il apprend aussi à être heureux, ou à vouloir l'être.
    (Le malheur d'aimer, p.111, Folio n°580)
     
  99. [...] l'agrément d'être aimée pour ce qu'on a d'aimable est aussi rare que le piquant d'être aimée pour ce qu'on a de haïssable.
    (Le malheur d'aimer, p.113, Folio n°580)
     
  100. Aimer un seul être rend pourtant tous les êtres aimables, leur accorde de beaux restes. La passion comblée nous rend fugitivement semblables à ce que serait un dieu dans ses meilleurs moments, qui verrait les hommes tels qu'ils sont, et les aimerait pour ce qu'ils sont, malgré ce qu'ils sont.
    (Le malheur d'aimer, p.117, Folio n°580)
     
  101. La mort, à la fin d'une vie, mettons que c'est un point - un point final. Mais ce qui est désagréable, c'est quand un point final se pose sur une ligne de points de suspension.
    (Le malheur d'aimer, p.121, Folio n°580)
     
  102. [...] l'amour commence par l'envie de tout se raconter, pour se terminer par : " Qu'as-tu fait aujourd'hui ? - Rien. "
    (Le malheur d'aimer,p.140, Folio n°580)
     
  103. Aimer plus longtemps qu'on aime, c'est toujours... en remettre.
    (Le malheur d'aimer, p.149, Folio n°580)
     
  104. Moi, je chercherai à t'oublier. Je serai soulagée d'y parvenir, et triste d'y avoir réussi.
    (Le malheur d'aimer, p.150, Folio n°580)
     
  105. Si on n'était fidèle qu'à ceux qui le méritent, on ne le serait même pas à soi-même.
    (Le malheur d'aimer, p.151, Folio n°580)
     
  106. Il est plus facile d'être un voyageur ou un savant que d'être un ami, un amant. Plus aisé d'aimer les hommes vaguement que d'aimer à la perfection un seul être imparfait.
    (Le malheur d'aimer, p.152, Folio n°580)
     
  107. Avoir décidé (ou que les choses aient décidé pour vous) guérit soudain du vertige d'avoir à décider.
    (Le malheur d'aimer, p.153, Folio n°580)
     
  108. [...] journal intime [...] livret de caisse d'épargne du temps qui passe.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.12, Folio n°1700)
     
  109. Dans la vie publique, comme dans la vie personnelle, le même phénomène toujours me fascine : l'art qu'apportent les hommes à ne pas voir ce qui les blesserait, à ne pas savoir ce qui les dérangerait, à croire l'incroyable qui les arrange.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.12, Folio n°1700)
     
  110. Enfants, quand nous nous étonnons ou nous insurgeons, il y a toujours quelqu'un qui a vécu pour nous dire d'un ton suffisant ou apitoyé :« Tu verras plus tard. » Mais les gens qui ont réellement vécu, on s'aperçoit avec soulagement qu'ils non pas vu. Enfin pas ce qu'on leur annonçait.
    J'ai des doutes sur les vertus éducatives des épreuves. Si les gens qui en ont vu de toutes les couleurs devenaient tous d'excellents coloristes, ça se saurait.

    (Permis de séjour 1977-1982, p.18, Folio n°1700)
     
  111. J'ai allumé un feu
    Je m'y chauffe les mains
    Le feu s'éteindra

    Partir et ne rien dire.

    (Permis de séjour 1977-1982, p.33, Folio n°1700)
     
  112. Il vaut mieux que deux soient ensemble
    Et si possible toi et moi

    (Permis de séjour 1977-1982, p.35, Folio n°1700)
     
  113. Le miracle, somme toute, est la chose du monde la mieux partagée. Heureusement pour l'homme, précaire miracle.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.43, Folio n°1700)
     
  114. Les hommes ont beaucoup moins besoin d'avoir des lumières sur les âges révolus que d'utiliser la lumière qui peut venir du fond des âges éclairer leur présent.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.45, Folio n°1700)
     
  115. Un jour où il s'était surpris à être plus affirmatif qu'à l'accoutumée, Yves Bonnefoy murmure en souriant :« J'ai commis le péché de réponse. » Si tous ceux qui ont commis ce péché s'en accusaient, même à mi-voix, quel tumulte, quel grondement de tonnerre !
    (Permis de séjour 1977-1982, p.69, Folio n°1700)
     
  116. Tout ce qu'on pourrait conseiller, si les conseils avaient ici un sens, c'est d'aimer de préférence qui on aimera toujours lorsqu'on ne l'aimera plus. L'amour crée la tendresse, qui survit à l'amour.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.71, Folio n°1700)
     
  117. Un vivant, c'est une énigme qui se pose des questions, une devinette qui se pose des devinettes, un questionneur-questionné.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.72, Folio n°1700)
     
  118. J'écris comme je lis, pour essayer de vivre mieux, dans tous les sens du mot mieux : pour sentir plus de choses, et plus profondément, pour observer mieux et plus attentivement, pour comprendre mieux les gens et les choses, pour y voir plus clair et me tirer au clair, pour donner et recevoir, recevoir et donner, pour « faire passer », pour tenter de savoir vivre et pour apprendre à me tenir de mieux en mieux. [...] La passion d'écrire, ce n'est pas une façon de vivre un peu moins pour créer un peu plus. Cela devrait être un art d'éclairer (pour soi et les autres) un peu plus la vie, afin de vivre davantage.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.78, Folio n°1700)
     
  119. La dissertation (ou composition) française est l'art de remplir une copie avec des phrases sans intérêt, mais correctes et élégantes, sur un sujet qui n'intéresse absolument ni le scripteur ni le lecteur.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.80, Folio n°1700)
     
  120. Rien n'est plus vrai ni plus durable que la fragilité des sentiments, l'éphémère des émotions et les sensations fugitives.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.85, Folio n°1700)
     
  121. Permis de conduire
    Un examen pour le permis de conduire les peuples.

    (Permis de séjour 1977-1982, p.97, Folio n°1700)
     
  122. Car le besoin de ne pas croire la vérité quand elle est insoutenable est aussi fort que le besoin de croire l'illusion ou le mensonge quand ils sont « réconfortants ».
    (Permis de séjour 1977-1982, p.124, Folio n°1700)
     
  123. Schubert a le génie si modeste que les innocents et les savantissimes sont tentés de confondre en lui la merveilleuse facilité de l'art avec un art de la facilité.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.137, Folio n°1700)
     
  124. Revenir, bien plus vieux mais beaucoup plus libre, sur les lieux d'un très ancien malheur pourrait faire croire au bonheur de maintenant.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.153, Folio n°1700)
     
  125. Vieillir, c'est sûrement ça aussi : changer de peur.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.159, Folio n°1700)
     
  126. On se défait plus facilement qu'on se refait...
    (Permis de séjour 1977-1982, p.163, Folio n°1700)
     
  127. Rien n'est plus difficile cependant que la louange, et rien n'est plus périlleux que l'approbation.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.190, Folio n°1700)
     
  128. Si on aime vraiment, et si on sait rire vraiment, le résultat est le même : on s'oublie, ou du moins on s'efface. Le moi est haïssable, de qui n'aime que son moi. Le moi est haïssable, qui se prend au sérieux, parce qu'il ne voit que lui-même et sans aucune distance. L'amour rend gai, et souvent l'amour fou rejaillit en fou rire parce que les amants rient d'être libérés d'eux-mêmes - par l'autre.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.199, Folio n°1700)
     
  129. La vraie littérature est une exposition. L'écrivain s'expose, dans le sens où un soldat s'expose à la mort, et dans le sens où on expose une chose à la vue d'autrui.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.200, Folio n°1700)
     
  130. « La vérité est triste », disait Renan. Il a sûrement raison. Kostas était la preuve par un que si la vérité est généralement triste, la recherche de la vérité donne du bonheur malgré tout.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.225, Folio n°1700)
     
  131. La logique, c'est comme la loi : si on l'appliquait parfaitement, ce serait la mort.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.232, Folio n°1700)
     
  132. [La normalisation est] un mot qu'aiment les dictatures de bureaucrates.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.241, Folio n°1700)
     
  133. Ce qui est profond est rarement bien éclairé. [...] L'ennui, c'est que les prétentieux s'étant aperçus que ce qui est profond n'est pas immédiatement clair, se sont avisés souvent qu'en étant pas clairs ils risqueront de passer pour profonds.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.254, Folio n°1700)
     
  134. Les choses [de G. Perec], le livre le plus exact et profond sur le vertige contemporain de la consommation.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.255, Folio n°1700)
     
  135. L'histoire de la culture considérée comme une annexe de la généalogie, rien de plus sot.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.255, Folio n°1700)
     
  136. Regarder la vérité en face est un excellent programme. Mais si je veux être honnête, je constate que dans la situation la plus simple, par exemple une banale prise de sang, je suis incapable d'appliquer ce principe. Si je regarde en face l'aiguille qu'on m'introduit dans la veine et mon sang qui remplit lentement la seringue, il y a neuf chances sur dix pour que je « tombe dans les pommes ». Si je détourne obstinément ma vue de la petite opération, je sens qu'on dénoue le garrot de caoutchouc, c'est déjà fini, et je vais très bien. Qu'est-ce que que la mort, après tout ? Une prise de sang poussée jusqu'à ses conséquences extrêmes.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.260, Folio n°1700)
     
  137. Nos théâtres intérieurs n'ont jamais de problèmes de distribution : nous sommes toujours prêts à fournir dix personnages.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.263, Folio n°1700)
     
  138. Cette littérature de commentateurs, interprètes, glossateurs, herméneuticiens, sémiologues, si curieusement suffisants qu'ils finissent par croire qu'ils sont aussi les créateurs de l'oeuvre à partir de laquelle ils glosent et causent.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.331, Folio n°1700)
     
  139. L'enfer, ce n'est pas les autres : c'est le miroir qui au menteur fait douter de toute parole, au voleur craindre d'être volé, qui inspire à l'envieux l'angoisse de se voir envié par tous. L'enfer, c'est la part d'enfer qui est en nous.
    (Permis de séjour 1977-1982, p.332, Folio n°1700)
     
  140. Mais je découvre ce que je savais déjà : c'est mourir avant l'heure que de faire des économies de vie. Le bonheur (du moins le mien), ce n'est pas de gagner du temps : c'est de savoir le perdre. Pouvoir écouter patiemment la longue confidence d'un inconnu bavard. Se mettre en retard de son propre travail pour donner un coup de main ou d'esprit à quelqu'un qui en a besoin. Donner impulsivement l'objet qu'on aimait bien à quelqu'un à qui ça fait plus plaisir de l'avoir qu'à vous. Et (aussi) prendre son temps, muser dans l'air du temps, traîner gaiement, bayer aux corneilles (oiseaux charmants, d'ailleurs, dont je ne sais pourquoi les ignorants prétendent qu'ils « croassent », corneilles joueuses dont on a grand tort de dire du mal, voltigeurs joyeux qu'on calomnie trop aisément).
    Dans la biologie-physique-et-chimie de l'être humain, une saine économie, c'est de ne pas faire d'économies. Calculer sa dépense est un mauvais calcul. Qui craint de se dépenser se tarit.

    (Permis de séjour 1977-1982, p.359, Folio n°1700)
     
  141. Aide-toi : ça pourra aider le Ciel.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.15, Folio n°2388)
     
  142. Il faudrait chaque fois se redire qu'on ne discute pas pour avoir raison, mais pour devenir raison. Pas pour avoir l'avantage mais pour savoir davantage. Dans Platon, la phrase si belle que Socrate dit à Philèbe : « Ne nous entêtons pas à savoir qui de nous deux a raison, mais rallions-nous tous deux au point de vue qui nous apparaîtra comme le plus juste. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.19, Folio n°2388)
     
  143. À un critique qui reprochait aux écrivains comme lui de décrire les maux de la société mais de ne pas suggérer de remèdes, Trifonov répond : « Nous ne sommes pas les médecins. Nous sommes la douleur. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.31, Folio n°2388)
     
  144. Une de mesures du progrès moral me semble être l'augmentation ou la diminution du nombre des êtres vivants à qui on ne demande pas leurs avis.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.32, Folio n°2388)
     
  145. Le planète connaît deux ostracismes : le bannissement, qui chasse les hommes de leur patrie, les exile. Et l'interdiction de s'exiler, qui exile sur place.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.42, Folio n°2388)
     
  146. L'enfance protégée est le luxe des êtres protégés : le chat sauvage ne ronronne plus dès qu'il a atteint l'âge adulte.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.42, Folio n°2388)
     
  147. Les écrivains sont une espèce curieuse dont l'activité consiste à se donner et à donner à leurs semblables de petits bonheurs en décrivant avec la plus minutieuse exactitude de grands malheurs.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.43, Folio n°2388)
     
  148. La littérature constitue un très vieux ressac de paroles obstinées.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.43, Folio n°2388)
     
  149. Les tyrans veulent tout à la fois : des esclaves, et qui soient libres. Librement esclaves.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.60, Folio n°2388)
     
  150. [...] la conclusion d'Ilya Prigogine : « Le problème de la vérité doit partir du fait que notre rapport au réel contient un élément essentiel de construction. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.70, Folio n°2388)
     
  151. [...] les êtres humains ne croient pas ce qui est, ce qu'ils voient, ce qu'ils savent. Ils croient ce qu'ils veulent croire, ont besoin de croire.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.71, Folio n°2388)
     
  152. Quand quelqu'un vous dit : « Je lui ai envoyé ses quatre vérités », il y a beaucoup de chances qu'il n'ait pas « envoyé » quatre vérités, ni trois, ni deux, ni une, mais simplement quatre méchancetés déguisées en vérité.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.76, Folio n°2388)
     
  153. « Il n'y a pas d'amour, dit Pierre Reverdy : il n'y a que des preuves d'amour. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.83, Folio n°2388)
     
  154. Il ne suffit pas d'avoir entendu parler de la vérité. Il faut qu'elle nous soit devenue vraie.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.88, Folio n°2388)
     
  155. On n'aime l'odeur que de qui on aime.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.90, Folio n°2388)
     
  156. Le révérend H. M. Wilkinson lui [en parlant de Darwin] avait annoncé qu'il avait trouvé une libellule vivante emprisonnée entre deux feuilles de sun-dew. Il se mit à étudier ces fleurs, à cinquante-deux ans. Le livre a trois cent soixante-dix pages. C'est un beau livre.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.91, Folio n°2388)
     
  157. Les dictionnaires, les encyclopédies, les manuels, c'est une assurance, des provisions mises en réserve en prévision des trous noirs d'ignorance qui, inexorablement, s'ouvriront sous nos pas.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.100, Folio n°2388)
     
  158. Ces grands penseurs politiques, prophètes, qui à force de prévoir ne voient plus rien.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.101, Folio n°2388)
     
  159. Ma bêtise ne me saute aux yeux qu'en me relisant : encore faut-il avoir écrit.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.101, Folio n°2388)
     
  160. L'homme a des yeux pour voir, des oreilles pour entendre. Il excelle aussi à en faire l'usage le plus pervers quand il ne veut pas voir, ne veut pas entendre, ne veut pas savoir.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.130, Folio n°2388)
     
  161. J'ai voyagé parfois pour me changer les idées, ou me guérir de mes sentiments. Je voudrais ne plus voyager que pour les vérifier.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.143, Folio n°2388)
     
  162. Le voyageur voit. Le touriste toure.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.144, Folio n°2388)
     
  163. On reconnaît les touristes à ce qu'il ne cesse de pester contre les touristes.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.144, Folio n°2388)
     
  164. L'esprit, c'est comme l'argent. Ceux qui en ont l'ont en général aux dépens d'autrui.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.146, Folio n°2388)
     
  165. Un paradoxe, c'est une vérité qui a mis une robe du soir un peu excentrique.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.147, Folio n°2388)
     
  166. Chesterton disait que le monde est plein de vérités chrétiennes devenues folles. Il est encore plus peuplé aujourd'hui de vérités psychanalytiques devenues gâteuses.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.157, Folio n°2388)
     
  167. [...] du premier cri au dernier soupir, l'homme est un souffle pensant.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.157, Folio n°2388)
     
  168. Bien sûr, l'argent ne fait pas le bonheur, mais il aide à acheter des livres.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.162, Folio n°2388)
     
  169. L'amour des livres peut être plus fort que le goût pour une vie qui en serait privée.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.164, Folio n°2388)
     
  170. Morte est la demeure où n'entrent pas chaque jour un nouveau livre et un nouveau visiteur, de nouveaux amis.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.172, Folio n°2388)
     
  171. L'asile est la consigne de la gare sociale où l'on dépose les colis encombrants.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.184, Folio n°2388)
     
  172. Le printemps est presque toujours moins beau au printemps qu'en hiver. La liberté est presque toujours moins séduisante quand on est libéré que sous la tyrannie.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.191, Folio n°2388)
     
  173. L'image, opium du peuple.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.195, Folio n°2388)
     
  174. Il vaut mieux éviter d'être content de soi. Mais être content avec soi ne serait pas mal. Je veux dire se regarder clair, se voir avec ses défauts et ses manques, mais amicalement.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.201, Folio n°2388)
     
  175. Le vrai pardon c'est l'oubli parce que l'oubli suppose le plus profond pardon. Celui qui vous tient à la merci de sa mémoire a-t-il vraiment pardonné ?
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.201, Folio n°2388)
     
  176. Un bon écrivain d'un pessimisme noir est un déprimé que l'expression de sa dépression empêche d'être déprimé.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.204, Folio n°2388)
     
  177. L'honnêteté : la plus rare aujourd'hui, c'est celle qui consiste à écouter et comprendre ce que dit vraiment l'autre ou l'adversaire, au lieu de réfuter une caricature.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.205, Folio n°2388)
     
  178. [...] la poésie, cette activité gratuite par excellence, ajoute aux charmes essentiels de l'inutilité la force inattendue de l'extrême utilité.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.222, Folio n°2388)
     
  179. Une raison qui saute trop vite aux yeux rend aveugle.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.231, Folio n°2388)
     
  180. Une nuit si noire qu'elle rend l'obscurité visible.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.232, Folio n°2388)
     
  181. L'égalité commence le jour où un Blanc peut dire à un Noir tout ce qu'il pense sans s'autocensurer parce qu'il parle à un Noir. Et vice versa.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.232, Folio n°2388)
     
  182. On appelle « homme de la rue » celui qui est comme tout le monde mais un peu plus comme tout le monde que tout le monde.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.232, Folio n°2388)
     
  183. La preuve de l'existence de Dieu par les résultats des sondages.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.234, Folio n°2388)
     
  184. Nous remportons d'importantes victoires. L'ennemi perpètre d'atroces massacres.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.234, Folio n°2388)
     
  185. À en juger par ce qu'ils font de la vie mortelle, la plupart des vivants ne semblent pas assez mûrs pour une vie éternelle.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.242, Folio n°2388)
     
  186. « Le pouvoir rend fou. Le pouvoir absolu rend absolument fou. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.249, Folio n°2388)
     
  187. Il y a deux hommes en moi, l'aveugle, et celui qui aide l'aveugle à traverser la route.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.250, Folio n°2388)
     
  188. Préférer toujours l'ombre à la proie, les lèvres à la coupe, l'ours à la peau de l'ours et les moyens aux fins.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.250, Folio n°2388)
     
  189. Le football aujourd'hui, c'est le blitz à la portée des sous-développés qui ne pratiquent pas le terrorisme direct.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.261, Folio n°2388)
     
  190. L'Histoire : ce qui se passe entre le Bang et la Bombe.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.288, Folio n°2388)
     
  191. Mon expérience des hauts fonctionnaires m'en a fait rarement rencontrer qui expriment des inquiétudes métaphysiques.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.301, Folio n°2388)
     
  192. Comme le dit Octavio Pas : « L'idéal du diable c'est l'indifférence universelle. » L'indifférence et l'ignorance du monde extérieur se partagent l'esprit des deux tiers des citoyens américains d'aujourd'hui.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.334, Folio n°2388)
     
  193. La métaphysique, art de se payer de mots.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.339, Folio n°2388)
     
  194. Le silence éternel de ces espaces infinis me repose du bruit de la télévision.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.342, Folio n°2388)
     
  195. « Où avez-vous mal ? », demande le docteur. On n'ose pas répondre : « J'ai mal à l'espoir. »
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.342, Folio n°2388)
     
  196. Les idées vraiment claires n'oublient pas l'ombre dont elles viennent.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.342, Folio n°2388)
     
  197. Un atrabilaire invente l'Enfer, un épicurien le Paradis, et un centriste invente le Purgatoire.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.344, Folio n°2388)
     
  198. L'amour est un tranquillisant, mais il est recommandé de prendre garde aux effets secondaires.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.344, Folio n°2388)
     
  199. C'est quelqu'un qui visite sa vie en étranger, très poli, en essayant de ne pas déranger, s'excusant de passer.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.346, Folio n°2388)
     
  200. Professeurs qui entrent dans un poème comme dans un moulin.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.354, Folio n°2388)
     
  201. Résumons la chose : langes, draps, linceul.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.356, Folio n°2388)
     
  202. Il ne se contredit pas suffisamment pour être vraiment intéressant.
    (La fleur du temps, journal 1983-1987, p.366, Folio n°2388)
     
  203. Un passant qui presque au terme de la route demande encore son chemin. Un voyageur qui ne peut faire halte avant la nuit tombée, et que l'étonnement de vivre maintient éveillé. Je crains de trop ressembler à ce vers d'Angélus Silésius : « Je ne sais pas ce que je suis, je ne suis pas ce que je sais. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989 (Incipit), p.13, Gallimard/nrf, 1990)
     
  204. [...] le mathématicien Jean-Yves Girard : « Le théorème de Gödel est une réfutation d'un modèle mécanique de la science, de la pensée, du monde. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.14, Gallimard/nrf, 1990)
     
  205. Ce que j'aime notamment chez les chats c'est qu'ils vous interdisent de se croire leur propriétaire.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.15, Gallimard/nrf, 1990)
     
  206. La nature ayant déployé une imagination monstrueuse dans l'invention des maladies, l'homme a voulu faire mieux. Il y est parvenu sans peine : les supplices.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.15, Gallimard/nrf, 1990)
     
  207. Ne donner que ce qu'on a, quelle pauvreté !
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.16, Gallimard/nrf, 1990)
     
  208. Dire de certains qu'ils végètent c'est calomnier l'herbe et les choux.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.16, Gallimard/nrf, 1990)
     
  209. Je réfléchis à cette phrase d'Arthur Schnabel que m'a citée Michèle Schaparan, dont l'enregistrement de deux sonates de Schubert, qu'elle vient de publier, est une merveille : « Je ne donne pas les notes mieux que les autres, mais pour les silences entre les notes, je suis incomparable. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.26, Gallimard/nrf, 1990)
     
  210. Croire qu'une photo, c'est le simple produit d'un système optique, d'une ouverture de diaphragme, d'une émulsion, d'un temps de pose, erreur. Une photo, ça se fait aussi avec des sentiments, une certaine idée de la vie. Une bonne photo, ça peut être un hasard, un coup de chance. Mais cent belles photos, c'est le portrait d'un homme.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.26, Gallimard/nrf, 1990)
     
  211. Le courage n'est pas une vertu en soi. Le seul courage intéressant, c'est le courage intelligent, le courage pour de vraies raisons.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.28, Gallimard/nrf, 1990)
     
  212. [...] une idée chrétienne devenue folle : faisons souffrir autrui, ça le rendra meilleur.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.31, Gallimard/nrf, 1990)
     
  213. Se déplacer dans le monde avec des bottes de sept lieues, diminuer à volonté la douleur des êtres rencontrés - tout cela est à portée de la main : il suffit d'être un grand écrivain. L'Enchateur Merlin ne se promène plus avec son livre de recettes de philtres et sa baguette magique ; il écrit tout simplement des romans, des poèmes et des pièces de théâtre.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.32, Gallimard/nrf, 1990)
     
  214. C'est dans le plus profond silence qu'on entend ce que dit le silence.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.37, Gallimard/nrf, 1990)
     
  215. Les journaux intimes sont aussi menteurs que le journal du matin : il faut, pour déchiffrer leur auteur, les lire entre les lignes.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.48, Gallimard/nrf, 1990)
     
  216. Il y a exactement autant de motifs de trouver du plaisir à exister que de bons arguments pour juger la vie difficilement supportable.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.48, Gallimard/nrf, 1990)
     
  217. Voir, de ses yeux voir, se fait de plus en plus rare : on regarde pour nous.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.55, Gallimard/nrf, 1990)
     
  218. À cause de la mort, nous les hommes, nous habitons tous une cité sans remparts. (Épicure, Sentences vaticanes, 31.)
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.56, Gallimard/nrf, 1990)
     
  219. Job accuse Dieu. Le moderne accuse la Société. Concept encore plus vague.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.67, Gallimard/nrf, 1990)
     
  220. Le péché mortel ce n'est pas la luxure, c'est le viol ; ce n'est pas de sentir en soi des bouffées de l'agressivité naturelle (et saine) de l'être humain, c'est de la retourner ou de la détourner en haine, en racisme, en puissance sadique, etc. Le péché, ce n'est pas de succomber à la gourmandise, mais c'est de manger la part de pain de ceux qui n'en ont pas assez. Le mal n'est pas une essence, c'est une façon d'être vis-à-vis de ses semblables.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.68, Gallimard/nrf, 1990)
     
  221. Dans un État économe, on change les statues mais on conserve les socles.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.72, Gallimard/nrf, 1990)
     
  222. Musil dans ses Essais ne cesse de ressentir un étonnement premier, « l'étonnement qu'inspire le fait de pouvoir à la fois exploiter notre prochain et le plaindre, nous soumettre à lui et ne pas prendre cette soumission au sérieux, ou encore parler d'un meurtre avec effroi, et de mille avec sérénité. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.80, Gallimard/nrf, 1990)
     
  223. Les adjudants, les dirigeants, les philosophes, les idéologues, les penseurs m'ont tous dit qu'ils allaient m'apprendre à vivre. Mais après les avoir écoutés cinq minutes, j'ai préféré rester autodidacte.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.83, Gallimard/nrf, 1990)
     
  224. Il reste à développer l'introspection chez les ordinateurs.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.83, Gallimard/nrf, 1990)
     
  225. Reviens, Noé. On a besoin de ton arche.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.83, Gallimard/nrf, 1990)
     
  226. Tout a été dit, mais à tant de sourds et à tant d'oublieux que c'est comme si rien n'avait été dit.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.101, Gallimard/nrf, 1990)
     
  227. « On serait bien heureux si on pouvait s'abandonner soi-même comme on peut abandonner les autres. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.116, Gallimard/nrf, 1990)
     
  228. Un esprit de famille citerne plutôt que de la famille source.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.119, Gallimard/nrf, 1990)
     
  229. Quel est l'imprudent qui a dit : « Cette planète est la vôtre. Faites comme chez vous » ? On voit le résultat.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.119, Gallimard/nrf, 1990)
     
  230. Il semble que plus la vie des hommes était courte, moins ils se pressaient, et plus ils avaient le temps.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.132, Gallimard/nrf, 1990)
     
  231. La première et décisive étape dans la voie de la déshumanisation des hommes, c'est l'absurde, c'est le système du « aucun sens ».
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.140, Gallimard/nrf, 1990)
     
  232. Si moderne que déjà démodé.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.144, Gallimard/nrf, 1990)
     
  233. La déraison ne manque jamais de raisons. Elle en a mille.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.148, Gallimard/nrf, 1990)
     
  234. [...] le journalisme, c'est la littérature au péril de ce que les automobilistes appellent « l'angle mort ». Au jour le jour, la lumière du jour laisse toujours une zone d'ombre.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.149, Gallimard/nrf, 1990)
     
  235. Pour rester au frais, rien de tel que l'ombre d'un doute.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.151, Gallimard/nrf, 1990)
     
  236. Il joue de la corde sensible, mais faux.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.151, Gallimard/nrf, 1990)
     
  237. Je ne trouve aucune trace d'un droit de propriété des hommes sur la terre. Juste un droit de passage.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.158, Gallimard/nrf, 1990)
     
  238. C'est cela aussi, écrire : se sentir le délégué de ceux qui ne voient pas ce que nos yeux ou notre imagination voient, et le leur donner à voir, avec des mots.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.159, Gallimard/nrf, 1990)
     
  239. L'oubli du mal est un mal aussi grand que le mal.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.161, Gallimard/nrf, 1990)
     
  240. Autrefois il y avait de grandes différences entre les gens intelligents, d'espèces diverses, et d'aussi grandes différences entre les sots, dont les bêtises ne se ressemblaient pas. Aujourd'hui, les imbéciles sont tous sur le même modèle, sottise télévisuelle et esprits d'aérogares.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.161, Gallimard/nrf, 1990)
     
  241. On s'en souviendra, de ce terrain vague, la terre.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.219, Gallimard/nrf, 1990)
     
  242. Le despotisme naît parfait. L'intérêt de la démocratie c'est qu'elle est toujours imparfaite et constamment perfectible.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.220, Gallimard/nrf, 1990)
     
  243. Avant de vivre, on souhaiterait qu'on nous communique le cahier des charges. Mais on ne nous le donne qu'à la sortie. Trop tard.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.226, Gallimard/nrf, 1990)
     
  244. Je ne suis pas revenu de tout, mais de beaucoup de choses. Ce qui ne m'empêche pas, dans l'attente du dernier autobus de nuit, de courir m'intéresser à de nouveaux savoirs.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.227, Gallimard/nrf, 1990)
     
  245. L'amphigouri cachant le creux est plus fréquent que l'expression claire d'une pensée profonde.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.227, Gallimard/nrf, 1990)
     
  246. Aimer, c'est accepter de s'abandonner, c'est donner prise.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.239, Gallimard/nrf, 1990)
     
  247. Celui qui souffre de la souffrance d'autrui, c'est que son imagination le met dans la situation de celui qu'il plaint, qu'il se met à sa place. Et c'est l'imagination aussi qui se met en mouvement pour essayer de trouver un remède au mal et à la souffrance, que ce soit une loi nouvelle ou un médicament, une institution ou une réforme, un partage ou une révolution. Il est vrai que la pitié sans l'imagination ne serait qu'une paralysie de l'âme. Mais c'est l'imagination qui transforme la compassion en action. Elle n'est pas « la folle du logis », elle en est la reine.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.243, Gallimard/nrf, 1990)
     
  248. La religion avait ses mystères. L'État a le « secret-défense » et la bureaucratie ses cachotteries.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.244, Gallimard/nrf, 1990)
     
  249. [...] c'est quand on a perdu espoir sans avoir lâché prise, qu'on n'attend plus rien sans avoir renoncé à lutter.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.248, Gallimard/nrf, 1990)
     
  250. [...] l'art très grave d'être léger.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.255, Gallimard/nrf, 1990)
     
  251. Le délire interprétatif est cette maladie de l'intelligence où toutes les erreurs sont vraies et toutes les vérités des erreurs.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.256, Gallimard/nrf, 1990)
     
  252. Cette manie qu'a Shakespeare d'écrire à coup de citations. Et, de plus, archiconnues.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.266, Gallimard/nrf, 1990)
     
  253. Une oeuvre très profonde, mais seulement en surface.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.267, Gallimard/nrf, 1990)
     
  254. Toute cette jeunesse que la jeunesse gaspille, et qui profiterait tellement mieux aux personnes âgées.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.277, Gallimard/nrf, 1990)
     
  255. Quand tu écris, garde à portée de la main le fusil à tuer les adjectifs.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.277, Gallimard/nrf, 1990)
     
  256. L'enfance est terminée quand on n'a plus besoin de se rassurer par la répétition. La jeunesse est terminée quand on revient au repos de la répétition.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.277, Gallimard/nrf, 1990)
     
  257. L'extrême plaisir d'être pris pour un imbécile par une canaille.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.278, Gallimard/nrf, 1990)
     
  258. Chez la plupart, les questions qu'ils se posent, ou l'absence de questions, sont plus révélatrices que les réponses.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.278, Gallimard/nrf, 1990)
     
  259. Il faudrait vivre avec la mort comme les Vénitiens avec l'inondation, prêt pour elle, mais sans en faire trop d'histoires.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.291, Gallimard/nrf, 1990)
     
  260. [...] Gabrielle Rollin confesse en souriant : « Ce que je dis est vrai, même si je perfectionne un peu. »
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.302, Gallimard/nrf, 1990)
     
  261. Si tous les humains n'étaient pas un peu les romanciers de leur propre existence, leur vie serait un terrible embrouillamini. Il y a heureusement dans les destins les raccords imaginaires, cette assurance sur l'irréalité de la réalité.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.302, Gallimard/nrf, 1990)
     
  262. Conseil aux utopistes : limitez vos ambitions. Conseil aux administrateurs : élevez vos ambitions.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.306, Gallimard/nrf, 1990)
     
  263. Il faudrait s'entraîner à choisir avec soin ses ignorances, ses oublis et ses indifférences. Mais les employés de notre inconscient s'en chargent, pas si mal.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.322, Gallimard/nrf, 1990)
     
  264. Essayer de voir les choses comme elles sont sans les prendre comme elles restent.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.334, Gallimard/nrf, 1990)
     
  265. De son premier mois à l'armée, T. est revenu le crâne rasé en boule, s'étant entendu injurier toute la journée, ayant crevé de froid la nuit. Son adjudant a décidé d'en faire « un homme ». L'armée semble toujours persuadée que pour « faire un homme », il faut l'humilier.
    (L'étonnement du voyageur, 1987-1989, p.335, Gallimard/nrf, 1990)