Citations ajoutées le 16 avril 2006

Christian Bobin

  1. [...] les vrais artistes trouvent leur force dans ce qui les accable. D'un empêchement à vivre ils font une grâce.
    (L'équilibriste, p.19, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  2. [Les livres] viennent, ne l'oublions pas, des arbres. Parfois ils s'en souviennent : certaines phrases de certains livres bruissent comme les feuilles de l'acacia.
    (L'équilibriste, p.20, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  3. Le printemps se moque de conclure. Il ouvre et ne termine jamais. Il est dans sa nature d'être sans fin.
    (L'équilibriste, p.28, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  4. Si nous regardions bien, si nous regardions calmement, nous serions effrayés par la souveraineté de la moindre pâquerette : elle est là, toute bête, tout jaune. Pour être là, elle a dû traverser des morts et des déserts. Pour être là, toute menue, elle a dû livrer des guerres sans pitié.
    (L'équilibriste, p.29, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  5. Nous nous accoutumons trop vite à ce que nous avons. Dieu merci, le printemps vient parfois remettre du désordre dans tout ça, nous découvrons que nous n'avons jamais rien eu à nous et cette découverte est la chose la plus joyeuse que je connaisse.
    (L'équilibriste, p.31, Le temps qu'il fait, 1998)
     
  6. Pour lire un roman, il faut deux ou trois heures. Pour lire un poème, il faut une vie entière.
    (L'équilibriste, p.34, Le temps qu'il fait, 1998)
     

Jean Echenoz

  1. [...] un aéroport n'existe pas en soi. Ce n'est qu'un lieu de passage, un sas, une fragile façade au milieu d'une plaine, un belvédère ceint de pistes où bondissent des lapins à l'haleine chargée de kérosène, une plaque tournante infestée de courants d'air qui charrient une grande variété de corpuscules aux innombrables origines - grains de sable de tous les déserts, paillettes d'or et de mica de tous les fleuves, poussières volcaniques ou radioactives, pollens et virus, cendre de cigare et poudre de riz.
    (Je m'en vais, p.10, Les Éditions de Minuit, n°17, 1999)
     
  2. Il est, chacun peut l'observer, des personnes au physique botanique. Il en est qui évoquent des feuillages, des arbres ou des fleurs [...] quant à lui, toujours mal habillé, rappelle ces végétaux anonymes et grisâtres qui poussent en ville, entre les pavés déchaussés d'une cour d'entrepôt désaffecté, au creux d'une lézarde corrompant une façade en ruine. Étiques, atones, discrets mais tenaces, ils ont, ils savent qu'ils n'ont qu'un petit rôle dans la vie mais ils savent le tenir.
    (Je m'en vais, p.28, Les Éditions de Minuit, n°17, 1999)
     
  3. [La moitié féminine se divise] en deux populations : celles qui, juste après qu'on les quitte, et pas forcément pour toujours, se retournent quand on les regarde descendre l'escalier d'une bouche de métro, et celles qui, pour toujours ou pas, ne se retournent pas.
    (Je m'en vais, p.128, Les Éditions de Minuit, n°17, 1999)
     
  4. Le corps se transforme en passant une frontière, on le sait aussi, le regard change de focale et d'objectif, la densité de l'air s'altère et les parfums, les bruits se découpent singulièrement jusqu'au soleil lui-même qui a une autre tête.
    (Je m'en vais, p.185, Les Éditions de Minuit, n°17, 1999)
     

Jérôme Porée

  1. [...] sage est l'homme qui ne voit, dans la faiblesse et le déclin du corps « envieilli », que les effets secondaires mais inévitables du gouvernement providentiel du monde.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.9, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  2. Qui veut, peut ? Encore faut-il pouvoir vouloir.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.11, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  3. Perdre la mémoire est se perdre ; c'est littéralement, comme l'écrit Montaigne, se dérober à soi.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.12, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  4. La souffrance que constitue le très grand âge - et qui en fait un modèle pour la conception d'un handicap global -  est la souffrance d'indignité.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.25, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  5. L'homme qui promet est l'homme qui peut dire : « Je me souviendrai ». Il est l'homme qui, par son acte, fait de l'avenir le gardien du passé.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.32, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  6. Le passé n'est rien sans l'acte présent du souvenir.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.34, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)
     
  7. L'homme est entier en chacun de ses souvenirs. C'est pourquoi, comme le dit Montaigne, il marche entier vers son croît et son décroît.
    (Il y a tant de defauts en la vieillesse, tant d'impuissance (Montaigne), p.35, Éd. Pleins Feux, coll. Variations, n°17, 2005)