Citations ajoutées le 20 août 2005

  
Milan Kundera

  1. [...] ces « fonctionnaires de la littérature » que sont selon lui [Fielding] les critiques [...]
    (Le rideau, p.21, Gallimard/nrf, 2005)
     
  2. La seule chose qui nous reste face à cette inéluctable défaite qu'on appelle la vie est d'essayer de la comprendre. C'est là la raison d'être de l'art du roman.
    (Le rideau, p.23, Gallimard/nrf, 2005)
     
  3. L'un de nos plus grands problèmes n'est-il pas justement l'insignifiance ? N'est-ce pas elle, notre sort ? Et si oui, ce sort est-il notre chance ou notre malheur ? Notre humiliation ou, au contraire, notre soulagement, notre évasion, notre idylle, notre refuge ?
    (Le rideau, p.25, Gallimard/nrf, 2005)
     
  4. Seul le roman a su découvrir l'immense et mystérieux pouvoir du futile.
    (Le rideau, p.35, Gallimard/nrf, 2005)
     
  5. Pour démontrer leur compétence d'experts, [les professeurs de littératures étrangères] s'identifient ostensiblement au petit contexte national des littératures qu'ils enseignent. Ils adoptent ses opinions, ses goûts, ses préjugés. Aucun espoir : c'est dans les universités à l'étranger qu'une oeuvre d'art est le plus profondément embourbée dans sa province natale.
    (Le rideau, p.51, Gallimard/nrf, 2005)
     
  6. La possessivité de la nation à l'égard de ses artistes se manifeste comme un terrorisme du petit contexte qui réduit tout le sens d'une oeuvre au rôle que celle-ci joue dans son propre pays.
    (Le rideau, p.53, Gallimard/nrf, 2005)
     
  7. [...] une certaine partie des héritiers de Rimbaud a compris cette chose inouïe : aujourd'hui, le seul modernisme digne de ce nom est le modernisme anti-moderne.
    (Le rideau, p.72, Gallimard/nrf, 2005)
     
  8. Car il ne faut pas l'oublier : les arts ne sont pas tous pareils : c'est par une porte différente que chacun d'eux accède au monde. Parmi ces portes, l'une d'elles est réservée en exclusivité au roman.
    (Le rideau, p.77, Gallimard/nrf, 2005)
     
  9. Qui ne s'est demandé un jour : et si j'étais né ailleurs, dans un autre pays, dans un autre temps, quelle aurait été ma vie ? Cette question contient en elle l'une des illusions humaines les plus profondes, l'illusion qui nous fiat considérer la situation de notre vie comme un simple décor, une circonstance contingente et échangeable par laquelle passe notre « moi », indépendant et constant.
    (Le rideau, p.79, Gallimard/nrf, 2005)
     
  10. [...] le romancier naît sur les ruines de son monde lyrique.
    (Le rideau, p.107, Gallimard/nrf, 2005)
     
  11. Telle une femme qui se maquille avant de se dépêcher vers son premier rendez-vous, le monde, quand il accourt vers nous au moment de notre naissance, est déjà maquillé, masqué, préinterprété. Et les conformistes ne seront pas seuls à en être dupes; les êtres rebelles, avides de s'opposer à tout et à tous, ne se rendent pas compte à quel point eux-mêmes sont obéissants; ils ne se révolteront que contre ce qui est interprété (préinterprété) comme digne de révolte.
    (Le rideau, p.110, Gallimard/nrf, 2005)
     
  12. C'est la malédiction du romancier : son honnêteté est attachée à l'infâme poteau de sa mégalomanie.
    (Le rideau, p.112, Gallimard/nrf, 2005)
     
  13. [...] l'oeuvre est ce que le romancier approuvera à l'heur du bilan. Car la vie est courte, la lecture est longue et la littérature est en train de se suicider par une prolifération insensée. En commençant par lui-même, chaque romancier devrait éliminer tout ce qui est secondaire, prôner pour lui et pour les autres la morale de l'essentiel !
    (Le rideau, p.115, Gallimard/nrf, 2005)
     
  14. La morale de l'essentiel a cédé la place à la morale de l'archive. (L'idéal de l'archive : la douce égalité qui règne dans une immense fosse commune.)
    (Le rideau, p.115, Gallimard/nrf, 2005)
     
  15. Il y a des gens dont j'admire l'intelligence, estime l'honnêteté mais avec lesquels je me sens mal à l'aise : je censure mes propos pour ne pas être mal compris, pour ne pas paraître cynique, pour ne pas les blesser pr un mot trop léger. Ils ne vivent pas en paix avec le comique. Je ne le leur reproche pas : leur agélastie1 est profondément enfouie en eux et ils n'y peuvent rien. Mais moi non plus je n'y peux rien et, sans les détester, je les évite de loin.
    (1) [NDLR] Agélaste : Néologisme que Rabelais a créé à partir du grec pour désigner ceux qui ne savent pas rire. (p. 127)

    (Le rideau, p.127, Gallimard/nrf, 2005)
     
  16. L'humour n'est pas une étincelle qui jaillit brièvement lors du dénouevement comique d'une situation ou d'un récit pour nous faire rire. Sa lumière discrète s'étend sur tout le vaste paysage de la vie.
    (Le rideau, p.130, Gallimard/nrf, 2005)
     
  17. L'enfer (l'enfer sur terre) n'est pas tragique ; l'enfer, c'est l'horreur sans aucune trace de tragique.
    (Le rideau, p.137, Gallimard/nrf, 2005)
     
  18. [...] il faut se rappeler une autre règle générale : tandis que la réalité n'a aucune honte à se répéter, la pensée, face à la répétition de la réalité, finit toujours par se taire.
    (Le rideau, p.144, Gallimard/nrf, 2005)
     
  19. La bêtise n'abaisse nullement la grandeur d'un héros tragique. Inséparable de la « nature humaine », elle est avec l'homme constamment et partout : dans la pénombre des chambres à coucher comme sur les estrades illuminées de l'Histoire.
    (Le rideau, p.153, Gallimard/nrf, 2005)
     
  20. [...] je me transforme en bureaucrate de ma propre vie (remplissant des questionnaires, envoyant des réclamations, rangeant des documents dans mes propres archives).
    (Le rideau, p.159, Gallimard/nrf, 2005)
     
  21. L'erreur bureaucratique devient la seule poésie (poésie noire) de notre époque.
    (Le rideau, p.161, Gallimard/nrf, 2005)
     
  22. [...] nul ne comprendra l'autre sans comprendre tout d'abord son âge.
    (Le rideau, p.165, Gallimard/nrf, 2005)
     
  23. Car la liberté d'un jeune et la liberté d'un vieux sont des continents qui ne se rencontrent pas.
    (Le rideau, p.166, Gallimard/nrf, 2005)
     
  24. [...] l'homme est séparé du passé (même du passé vieux de quelques secondes) par deux forces qui se mettent immédiatement à l'oeuvre et coopèrent : la force de l'oubli (qui efface) et la force de la mémoire (qui transforme).
    (Le rideau, p.174, Gallimard/nrf, 2005)
     
  25. [...] le scandale existentiel de l'insignifiance.
    (Le rideau, p.195, Gallimard/nrf, 2005)
     
  26. Car l'histoire de l'art est périssable. Le babillage de l'art est éternel.
    (Le rideau, p.196 (Excipit), Gallimard/nrf, 2005)
     

  
Arto Paasilinna

  1. Un officier [de l'armée] est comme un artiste de génie à qui l'on interdirait d'exposer.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.22, Folio n°4216)
     
  2. Quand la faillite entre par la porte, l'amour vole par la fenêtre.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.81, Folio n°4216)
     
  3. Le monde est ainsi fait, certains portent les péchés des autres.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.161, Folio n°4216)
     
  4. Les soldats sont comme les chiens, ils montent d'instinct la garde même quand ce n'est pas nécessaire.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.174, Folio n°4216)
     
  5. Les suicidaires conclurent d'une seule voix que si le plus grave dans la vie c'était bien la mort, ce n'était quand même pas si grave.
    (Petits suicides entre amis, trad. Anne Colin du Terrail , p.275, Folio n°4216)
     

Helene Hanff

  1. J'adore les livres d'occasion qui s'ouvrent d'eux-mêmes à la page que leur précédent propriétaire lisait le plus souvent. Le jour où le Hazlitt est arrivé, il s'est ouvert à « Je déteste les livres nouveaux » et je me suis exclamée « Salut, camarade ! » à l'adresse de son précédent propriétaire, quel qu'il soit.
    (84, Charing Cross Road, trad. Marie-Anne de Kisch , p.19, Livre de Poche n°15575)
     
  2. [...] j'en suis réduite à écrire des notes interminables dans les marges des livres qui ne sont même pas à moi mais à la Bibliothèque. Un jour ou l'autre ils s'apercevront que c'est moi qui ai fait le coup et ils me retireront ma carte.
    (84, Charing Cross Road, trad. Marie-Anne de Kisch , p.23, Livre de Poche n°15575)
     
  3. J'adore les dédicaces sur les pages de garde et les notes dans les marges, j'aime ce sentiment de camaraderie qu'on éprouve à tourner, à lire les passages sur lesquels quelqu'un, disparu depuis longtemps, attire mon attention.
    (84, Charing Cross Road, trad. Marie-Anne de Kisch , p.51, Livre de Poche n°15575)
     
  4. Avez-vous le Voyage en Amérique de Tocqueville ? Quelqu'un m'a emprunté le mien et ne me l'a jamais rendu. Mais pourquoi donc des gens qui n'auraient jamais l'idée de voler quelque chose d'autre trouvent-ils tout naturel de voler des livres ?
    (84, Charing Cross Road, trad. Marie-Anne de Kisch , p.99, Livre de Poche n°15575)
     
  5. [...] il faut lire [John] Donne à haute voix, c'est comme une fugue de Bach.
    (84, Charing Cross Road, trad. Marie-Anne de Kisch , p.122, Livre de Poche n°15575)