Citations ajoutées le 1er mai 2004

  
Jean Rostand

  1. Le « vivre » naturel apparaît désormais comme un cas particulier d'entre les « vivre » possibles, tout comme la géométrie euclidienne parmi d'autres géométries.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.18, Livre de Poche n°3634)
     
  2. Attendre d'en savoir assez pour agir en toute lumière, c'est se condamner à l'inaction.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.22, Livre de Poche n°3634)
     
  3. À force de gagner tant de puissance sur les corps, sur les germes, sur les cerveaux, ne va-t-on pas finir par ôter à l'existence un peu de sa gravité ?
    État d'apesanteur morale. Craignons la nausée de l'omnipotence. La science annule ce qu'elle sait reproduire. Peut-être ne sommes-nous riches que de nos impuissances provisoires.

    (Inquiétudes d'un biologiste, p.28, Livre de Poche n°3634)
     
  4. Toute possession dépossède : on perd le respect.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.29, Livre de Poche n°3634)
     
  5. Nous allons apprendre à changer l'homme avant de savoir ce que c'est que l'homme.
    N'étant d'accord sur rien de ce qu'on doit faire ou penser, comment le serions-nous sur ce qu'on doit faire de nous-même ?

    (Inquiétudes d'un biologiste, p.33, Livre de Poche n°3634)
     
  6. Un cadavre n'est qu'un incurable provisoire.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.37, Livre de Poche n°3634)
     
  7. À qui vient de révéler une grande vérité, ne demandons pas d'apercevoir ce qui la limite.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.41, Livre de Poche n°3634)
     
  8. Tant qu'un problème n'est pas entièrement résolu, le chercheur qui s'y attache a le droit de s'en exagérer la beauté.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.43, Livre de Poche n°3634)
     
  9. Recherche scientifique : la seule forme de poésie qui soit rétribuée par l'État.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.44, Livre de Poche n°3634)
     
  10. Il n'y a rien de plausible dans le pensable.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.51, Livre de Poche n°3634)
     
  11. La science trouve plus facilement des remèdes que des réponses.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.58, Livre de Poche n°3634)
     
  12. Les conditions présentes de l'enseignement laissent peu de chances à qui n'est doué ni pour la mathématique ni pour la rhétorique. Les chiffres, ou les mots. Le tableau noir, ou la page blanche. Tout le reste - c'est-à-dire le réel, le concret, le sensible, le vivant -compte-t-il donc pour si peu ?
    N'aurait-on pas le droit de n'être que naturaliste ?

    (Inquiétudes d'un biologiste, p.58, Livre de Poche n°3634)
     
  13. Tant qu'on n'a pas résolu le problème du cancer, il n'y a pas assez de biologistes par le monde.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.60, Livre de Poche n°3634)
     
  14. Le naturaliste se demande parfois s'il veut savoir la nature parce qu'il l'aime, ou s'il ne l'aime que parce qu'il veut la savoir.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.60, Livre de Poche n°3634)
     
  15. Un chercheur doit avoir conscience du peu de ce qu'il a trouvé ; mais il a droit d'estimer que ce peu est immense.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.65, Livre de Poche n°3634)
     
  16. Le biologiste passe, la grenouille reste.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.66, Livre de Poche n°3634)
     
  17. La logique n'a pas souvent conduit à découvrir ce qui est ; quelquefois, elle s'est employée à le démontrer impossible.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.67, Livre de Poche n°3634)
     
  18. La science expliquera tout ; et nous n'en serons pas plus éclairés. Elle fera de nous des dieux ahuris.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.67, Livre de Poche n°3634)
     
  19. Pour frayer un sentier nouveau, il faut être capable de s'égarer.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.69, Livre de Poche n°3634)
     
  20. Ce qui est grave, ce n'est pas que tant de gens croient à l'astrologie, c'est qu'ils jugent de choses sérieuses avec des têtes qui croient à l'astrologie.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.70, Livre de Poche n°3634)
     
  21. Je n'ai jamais pensé qu'un homme fût moins intelligent parce qu'il croit à des sottises, mais non plus je n'ai jamais trouvé la sottise moins sotte parce qu'elle est crue par des hommes intelligents.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.71, Livre de Poche n°3634)
     
  22. Une hypothèse, comme une calomnie, est d'autant plus dangereuse qu'elle est plus plausible.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.71, Livre de Poche n°3634)
     
  23. C'est toujours un gain, en pédagogie, que d'élargir le champ de l'ignorable.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.88, Livre de Poche n°3634)
     
  24. Le cerveau humain : cette machine à concevoir ce qu'il jugera impossible.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.94, Livre de Poche n°3634)
     
  25. La matière est, avant tout, ce qui pouvait produire de la pensée.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.98, Livre de Poche n°3634)
     
  26. Moins on croit en Dieu, plus on comprend que d'autres y croient.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.100, Livre de Poche n°3634)
     
  27. Le mensonge grave est celui qu'on fait dans les domaines où l'on a droit d'être cru.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.103, Livre de Poche n°3634)
     
  28. Tant qu'il y aura des dictatures, je n'aurai pas le coeur à critiquer une démocratie.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.103, Livre de Poche n°3634)
     
  29. Le fanatisme, toujours serviteur du faux.
    Même au service du vrai, il serait haïssable.

    (Inquiétudes d'un biologiste, p.104, Livre de Poche n°3634)
     
  30. On n'en veut jamais tant à l'adversaire que lorsqu'il se trouve en possession de faire ce qu'on eût aimé de faire soi-même.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.104, Livre de Poche n°3634)
     
  31. On ne dirait jamais la vérité si l'on songeait à tous les trompeurs qui y trouvent leur compte.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.115, Livre de Poche n°3634)
     
  32. Combattre d'autant plus rudement l'erreur qu'on est plus résolu de tolérer qu'elle s'exprime.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.117, Livre de Poche n°3634)
     
  33. Avoir l'esprit ouvert n'est pas l'avoir béant à toutes les sottises.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.119, Livre de Poche n°3634)
     
  34. Danger d'être bref.
    Ce sont les phrases les plus courtes qui seront le plus citées.

    (Inquiétudes d'un biologiste, p.125, Livre de Poche n°3634)
     
  35. Ce qui, d'ordinaire nous pousse à mentir, c'est le trop de zèle pour une vérité.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.134, Livre de Poche n°3634)
     
  36. On gagne plus à avoir aimé qu'à avoir compris.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.138, Livre de Poche n°3634)
     
  37. La nature me repayse.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.141, Livre de Poche n°3634)
     
  38. Certains bienfaiteurs pensent si constamment à leurs bienfaits qu'ils ne laissent passer aucune occasion de montrer qu'ils n'y pensent plus.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.144, Livre de Poche n°3634)
     
  39. Ne pas dénombrer ses raisons de vivre : le bonheur n'est pas cartésien.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.147, Livre de Poche n°3634)
     
  40. Vraie ou fausse vocation ? Cela se sait après coup : la vraie, c'est celle qui réussit, comme la vraie angine de poitrine est celle dont on meurt.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.150, Livre de Poche n°3634)
     
  41. Un vieillard qui ne s'intéresse plus à rien, c'est que rien, jamais, ne l'intéressa.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.152, Livre de Poche n°3634)
     
  42. Qui a tout gagné, il n'a encore rien ; qui a tout perdu, il a encore tout.
    (Inquiétudes d'un biologiste, p.153, Livre de Poche n°3634)
     

  
Bertrand Russell

  1. [...] philosopher, c'est spéculer sur des sujets où une connaissance exacte n'est pas possible.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.7, idées/nrf n°17)
     
  2. Imaginer le monde, en reculer les bornes par l'hypothèse, voilà donc un usage possible de la philosophie.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.9, idées/nrf n°17)
     
  3. La véritable affaire du philosophe, ce n'est pas de changer le monde, c'est de le comprendre.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.13, idées/nrf n°17)
     
  4. Si vous êtes certain, vous vous trompez certainement, parce que rien n'est digne de certitude ; et on devrait toujours laisser place à quelque doute au sein de ce qu'on croit ; et on devrait être capable d'agir avec énergie, malgré ce doute.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.17, idées/nrf n°17)
     
  5. Les hommes découvrent que pour la difficile entreprise de comprendre le monde - ce qui devrait être le but implicite de tout philosophe - il faut de la longueur de temps, et un esprit sans dogmatisme.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.20, idées/nrf n°17)
     
  6. Cette idée qu'on ne peut changer la nature humaine, quelle sottise !
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.49, idées/nrf n°17)
     
  7. Il me semble que seuls des hommes cruels ont pu inventer l'enfer. Avec des sentiments humains, on n'aurait pas pris plaisir à imaginer des gens condamnés à souffrir éternellement, sans aucune chance de rémission, pour avoir agi sur terre contre la morale de leur tribu. Pareille façon de voir ne pouvait être celle de gens honnêtes.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.74, idées/nrf n°17)
     
  8. Si un acte ne fait de mal à personne il n'y a pas de raison pour qu'on le condamne.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.76, idées/nrf n°17)
     
  9. [La propagande] est mauvaise quand elle mêle la mauvaise opinion et la bonne. Mais elle n'est pas mauvaise en soi. Ou alors il faudrait dire que toute l'éducation est mauvaise, puisque l'éducation est une manière de propagande.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.92, idées/nrf n°17)
     
  10. [Il y a quatre ingrédients du bonheur] que je juge importants. Le premier, c'est peut-être la santé. Le deuxième, les moyens voulus pour être à l'abri du besoin. Le troisième, d'heureux rapports avec les autres. Le quatrième, la réussite dans le travail.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.98, idées/nrf n°17)
     
  11. Une chose est à déconseiller si l'on veut être heureux : se tracasser. De ce côté-là, j'ai fait des progrès en vieillissant, et j'en suis beaucoup plus heureux. Pour éviter de me tourmenter, je me suis fait un système bien pratique. Je dis : « Voyons, qu'est-ce qui pourrait vraiment arriver de pire ? » Et ensuite je pense : «Après tout, ce ne serait pas si grave - dans cent ans ; et même je crois que ça n'aurait aucune importance. » Quand vous vous astreignez à penser ainsi, vous finissez par vous tracasser beaucoup moins. Si nous nous faisons du souci, c'est que nous n'aimons pas regarder en face les possibilités désagréables.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.104, idées/nrf n°17)
     
  12. [...] il est très important, quand on veut être heureux, de s'intéresser à autre chose que soi-même.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.110, idées/nrf n°17)
     
  13. [...] plus mes cheveux sont blancs, et plus les gens croient ce que je leur dis.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.111, idées/nrf n°17)
     
  14. Un poète, un peintre, un architecte qui satisfont leurs contemporains ne sont généralement pas de grands novateurs ; les grands novateurs déplaisent souvent à leurs contemporains.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.131, idées/nrf n°17)
     
  15. Depuis les temps les plus reculés, nous voyons, chaque fois que l'humanité fait un grand pas en avant, qu'elle le doit à des individus ; et presque toujours, ces individus rencontrent une opposition farouche de la société.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.136, idées/nrf n°17)
     
  16. On n'est jamais sûr de rien, mais il y a tout de même un principe qui peut être utile. C'est de n'agir que d'après ce que nous croyons être la vérité. On peut se tromper, on peut faire un geste malheureux : à ce moment-là, il faut s'arrêter.
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.152, idées/nrf n°17)
     
  17. À la fin des fins, il faut s'apercevoir que le bonheur d'un homme, dans ce monde moderne où tout se tient de si près, n'existe que s'il s'accommode du bonheur de son voisin, même si c'est un voisin détesté...
    (Ma conception du monde, trad. Louis Evrard, p.179, idées/nrf n°17)
     

  
Henning Mankell

  1. Être seul, c'est vivre avec une absence.
    (Le Fils du vent, trad. Agneta Ségol et Pascale Brick-Aïda, p.176, Seuil, 2004)
     

  
Pascal Bruckner

  1. [...] l'abstraction même du bonheur explique sa séduction et l'angoisse qu'il génère. Non seulement nous nous méfions des paradis préfabriqués mais nous ne sommes jamais sûrs d'être vraiment heureux. Se le demander, c'est déjà ne plus l'être.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.16, Livre de Poche n°15230)
     
  2. Notre temps raconte d'ailleurs une étrange fable : celle d'une société tout entière vouée à l'hédonisme et à qui tout devient irritation, supplice. Le malheur n'est pas seulement le malheur : il est, pire encore, l'échec du bonheur.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.17, Livre de Poche n°15230)
     
  3. Reçu ou recalé : le Paradis a toute la structure de l'institution scolaire.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.25, Livre de Poche n°15230)
     
  4. Toute la notion moderne du bonheur repose sur une phrase célèbre de Voltaire tirée de son poème Le Mondain (1736) : « Le Paradis terrestre est où je suis », formule matricielle, génératrice que l'on ne cessera ensuite de pasticher ou de répéter comme pour s'assurer de sa vérité.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.43, Livre de Poche n°15230)
     
  5. [...] les sociétés démocratiques se caractérisent par une allergie croissante à la souffrance. Que celle-ci perdure ou se multiplie nous scandalise d'autant plus que nous n'avons plus le recours de Dieu pour nous en consoler.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.50, Livre de Poche n°15230)
     
  6. [...] contrairement à l'adage célèbre, le bonheur peut avoir une histoire. Elle se résume à la manière dont chaque époque, chaque société dessine sa vision du désirable et départage le plaisant de l'intolérable. Le bonheur relève de la jouissance immédiate autant que de l'espérance en un projet capable de révéler de nouvelles sources de joie, de nouvelles perfections.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.52, Livre de Poche n°15230)
     
  7. Alors qu'à l'époque médiévale, chaque vivant était un mort en sursis, aujourd'hui, grâce à la science, chacun est promis à devenir un immortel en puissance ; mais que de peines, de sacrifices pour gagner quelques années et accéder au « paradis » des centenaires. Peut-être devrons-nous un jour, contre le nouveau dogme de l'immortalité, réclamer le droit de mourir, tout simplement, comme nos ancêtres.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.78, Livre de Poche n°15230)
     
  8. [Le dalaï-lama] était venu annoncer l'Orient, nous en avons fait un histrion à notre image. Au supermarché de la foi, il s'est hissé à la toute première place, évacuant pape, pasteurs, rabbins, patriarches, imams, décidément trop rébarbatifs. Sans préjuger de l'avenir, je ne suis pas certain que le bouddhisme et le peuple tibétain aient beaucoup gagné à cette promotion.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.82, Livre de Poche n°15230)
     
  9. Mais nous constituons probablement les premières sociétés dans l'histoire à rendre les gens malheureux de ne pas être heureux.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.86, Livre de Poche n°15230)
     
  10. C'est cela la découverte moderne : que la vie n'est pas aussi répétitive qu'on le dit, que du neuf peut être inventé mais aussi qu'elle se répète atrocement.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.90, Livre de Poche n°15230)
     
  11. À la question : comment vivre selon Dieu, qui fut durant plus d'un millénaire celle de l'humanité occidentale, s'en substitue peu à peu une autre qui retrouve les préoccupations des Anciens : comment vivre tout court ?
    (L'Euphorie perpétuelle, p.92, Livre de Poche n°15230)
     
  12. Qu'est-ce qu'une habitude ? Une certaine technique d'économie d'énergie. [...]
    Il y a même une volupté de la répétition dont la ruse ultime consiste à s'effacer, à passer inaperçue au moment où elle règne sans partage. En elle, le temps disparaît à force de revenir à l'identique. Obsédé d'originalité, l'Occident cultive une vision trop négative du répétitif. Il est des cultures où le retour d'un même thème, comme dans la musique arabe ou indienne, l'immobilité d'une note indéfiniment tenue finit par creuser d'imperceptibles différences. Ces mélodies d'apparence follement monotones sont travaillées d'infimes variations. Elle font concurrence au silence et nous hypnotisent par cette façon singulière de progresser en restant sur place.

    (L'Euphorie perpétuelle, p.94, Livre de Poche n°15230)
     
  13. [...] c'est peut-être ça la destinée de la démocratie : l'extension à tous des souffrances des élites moins leurs privilèges.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.96, Livre de Poche n°15230)
     
  14. Si le remords selon Baudelaire c'est l'impuissance à défaire, la banalité à l'inverse c'est l'impuissance à faire, à inaugurer du neuf, à ouvrir une brèche dans la pâte des instants tous semblables.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.99, Livre de Poche n°15230)
     
  15. [...] cet état moderne par excellence, la fatigue.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.100, Livre de Poche n°15230)
     
  16. Et le contraste est saisissant entre la morosité de notre vie et l'allure trépidante des images et des médias : le train rapide du monde accentue le train-train de mon existence. Tout bruit d'exploits et de drames et ma vie est si plate. C'est un étrange paradoxe qui veut que la banalité vienne à nous sous les traits du désordre et que l'asthénie s'impose sous le masque de la vitesse et du tourbillon.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.101, Livre de Poche n°15230)
     
  17. L'enfer de nos contemporains s'appelle la platitude. Le paradis qu'ils recherchent la plénitude. Il y a ceux qui ont vécu et ceux qui ont duré.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.104, Livre de Poche n°15230)
     
  18. Il est donc deux manières d'insuffler du romanesque dans la vie quand il ne nous arrive rien : par l'écoute de son psychisme ou la narration de ses misères physiologiques.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.122, Livre de Poche n°15230)
     
  19. Moment euphorique où une infection se retire, vous restitue vos forces et l'usage de votre corps : c'est le propre de l'épuisement que de rendre merveilleux le bien-être ordinaire et si désirables les premiers jours d'une convalescence. On en revient tout auréolé de la gloire des conquérants et les maladies sont les batailles du citoyen moderne qu'il évoque et rapporte comme jadis le soldat ses campagnes. Et certains s'inventent des plaies terribles comme d'autres des péchés en confession pour se singulariser.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.125, Livre de Poche n°15230)
     
  20. Se faire peur pour apprivoiser la peur, telle est la volupté du roman noir, du film d'épouvante.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.126, Livre de Poche n°15230)
     
  21. [...] sérénité ou inquiétude, autarcie ou ivresse, nous échappons rarement à ce dilemme.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.134, Livre de Poche n°15230)
     
  22. On n'abolit pas le quotidien, on le détourne parfois, on le densifie. La vraie vie n'est pas absente, elle est intermittente, un éclair dans la grisaille dont on garde ensuite la nostalgie émue. Ou plutôt il n'y a pas de « vraie vie » au sens d'une vérité et d'une seule mais beaucoup de vies intéressantes possibles et c'est cela la bonne nouvelle.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.142, Livre de Poche n°15230)
     
  23. C'est à l'intérieur de la contrainte horaire, cette nouvelle table des Lois, que fleurissent désormais les pathologies. Il y a ceux qui sont toujours en avance ou toujours en retard : deux façons de déjouer la règle, par une exactitude qui frise l'insolence, par une désinvolture proche de la muflerie (surtout dans cette situation où chaque minute compte pour un siècle : le rendez-vous amoureux). Il y a ces faux décontractés qui vivent l'oeil fixé sur leur montre et semblent requis en permanence par des tâches impératives. Sans oublier ces retraités qui sont debout aux aurores, errent ensuite désoeuvrés, rivés aux réflexes d'une vie de labeur ; ou la pose du surmenage chez certains oisifs qui ne peuvent vous accorder un quart d'heure sans éplucher frénétiquement leur agenda.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.145, Livre de Poche n°15230)
     
  24. Sans l'ennui, sans cette somnolence du temps où les choses perdent leur saveur, qui ouvrirait jamais un livre, quitterait sa ville natale ? L'on a tout à redouter d'une société du divertissement continu qui saturerait jour et nuit nos moindres envies.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.149, Livre de Poche n°15230)
     
  25. Rien de plus triste que l'avenir quand il ressemble à ce que nous avions imaginé.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.174, Livre de Poche n°15230)
     
  26. [...] Aristote, ce philosophe de la mitoyenneté humaine [...]
    (L'Euphorie perpétuelle, p.178, Livre de Poche n°15230)
     
  27. La force du marginal, c'est son exotisme qui fait de lui un être à la fois dangereux et attirant : par sa manière de transgresser les règles, il échappe à l'uniformité ambiante.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.198, Livre de Poche n°15230)
     
  28. Il y a plus de noblesse d'âme à se réjouir de la gaieté d'autrui qu'à s'affliger de son malheur.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.239, Livre de Poche n°15230)
     
  29. Il n'est pas vrai que vivre c'est se préparer à la mort et à la ruine : c'est épuiser toutes les possibilités que nous offre le séjour terrestre en dépit des vicissitudes et de la conclusion inéluctable, c'est agir comme si l'on était immortels.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.247, Livre de Poche n°15230)
     
  30. [...] le « secret » d'une bonne vie, c'est de se moquer du bonheur.
    (L'Euphorie perpétuelle, p.270, Livre de Poche n°15230)
     

Enrique Vila-Matas

  1. [...] cette forme de discrétion perverse et raffinée qui consiste à feindre d'ignorer un secret devant la personne qui nous l'a précieusement confié.
    (Étrange façon de vivre, trad. André Gabastou, p.73, 10|18 n°3539)
     
  2. [...] nous avons tous un brin de lâcheté qui est, curieusement, parfois responsable des grands choix que nous faisons dans notre vie.
    (Étrange façon de vivre, trad. André Gabastou, p.116, 10|18 n°3539)
     
  3. La durée de nos passions dépend aussi peu de nous que la durée de notre vie.
    (Étrange façon de vivre, trad. André Gabastou, p.154, 10|18 n°3539)
     

Sean O'Casey

  1. Pensez un peu plus à ce que vous donnez, et un peu moins à ce que vous recevez.
    (Il est temps de partir, in Théâtre V, p.185, L'Arche, 1963)
     
  2. [...] le kilt, pour n'importe quel homme, est un vêtement plein de surprises...
    (Il est temps de partir, in Théâtre V, p.186, L'Arche, 1963)