Citations ajoutées le 26 juillet 2002

André Maurois

  1. On n'aime pas une femme pour ce qu'elle dit ; on aime ce qu'elle dit parce qu'on l'aime.
    (De la conversation, p.7, Hachette, 1964)
     
  2. Il faut à deux époux beaucoup d'indulgence pour se supporter en public. Chacun trouve l'autre affecté, inexact. Anecdotes et sentiments semblent déformés par le désir de plaire ou par la crainte de choquer. Un personnage public apparaît, tout différent de l'être intime et du personnage domestique. Une affection impatiente s'irrite de ce décalage et en demande compte. Un amour vrai constate, lui aussi, que les images ne coïncident pas, mais comprend, sourit et n'en aime que mieux.
    (De la conversation, p.8, Hachette, 1964)
     
  3. Il y a des femmes qui, nées vives et charmantes, sont éteintes en quelques mois par un mari. Leurs idées sont traitées par lui avec tant de mépris et de hauteur qu'elles en viennent à douter d'elles-mêmes ; les voilà timides, ombrageuses, avec des airs de chien triste et battu. Il faudra bien du tact à leur premier amant pour leur rendre la confiance.
    (De la conversation, p.9, Hachette, 1964)
     
  4. La mémoire la plus étonnante est celle d'une femme amoureuse.
    (De la conversation, p.12, Hachette, 1964)
     
  5. Un homme préfère chez sa maîtresse des pensées médiocres qui sont d'elles à des pensées profondes qui peuvent venir d'un autre.
    (De la conversation, p.12, Hachette, 1964)
     
  6. L'être le plus insignifiant peut être aimé s'il sait organiser l'incertitude.
    (De la conversation, p.13, Hachette, 1964)
     
  7. À la naissance de l'amour, les amants parlent de l'avenir. À son déclin, ils parlent du passé.
    (De la conversation, p.14, Hachette, 1964)
     
  8. Un conseil est toujours une confession.
    (De la conversation, p.18, Hachette, 1964)
     
  9. Ovide a tort. C'est dans le malheur que tu compteras de nombreux amis. Être le confident du bonheur exige des vertus plus rares.
    (De la conversation, p.20, Hachette, 1964)
     
  10. Certaines femmes ne demandent à une amie de tenir une confidence secrète que pour mieux répandre une nouvelle.
    (De la conversation, p.22, Hachette, 1964)
     
  11. La voix qu'un homme prend pour lire révèle non ce qu'il est, mais ce qu'il veut être. C'est la voix du personnage qu'il imagine quand il pense à lui.
    (De la conversation, p.24, Hachette, 1964)
     
  12. Tout homme sait que les autres se trompent en le jugeant, mais non qu'il se trompe en jugeant les autres.
    (De la conversation, p.25, Hachette, 1964)
     
  13. Il faudrait s'imposer cette règle : Ne jamais répéter un propos malveillant sans en avoir vérifié le contenu. Il est vrai qu'on ne dirait plus rien.
    (De la conversation, p.27, Hachette, 1964)
     
  14. Une femme souhaite qu'on ne parle pas de ses amours, mais que tout le monde sache qu'elle est aimée.
    (De la conversation, p.29, Hachette, 1964)
     
  15. Les hommes aiment tant à entendre parler d'eux qu'une discussion sur leurs défauts les enchante.
    (De la conversation, p.32, Hachette, 1964)
     
  16. Si un homme disait tout ce qu'il pense, on ne le croirait pas. On aurait raison. Quel est l'homme qui pense tout ce qu'il pense ?
    (De la conversation, p.35, Hachette, 1964)
     
  17. L'aspect dangereux de la sincérité, c'est qu'elle finit par créer son objet. Si tu dis :« Je suis malheureux, jaloux », tu te sens autorisé à l'être, et, paré du prestige de la franchise, le vice devient glorieux.
    (De la conversation, p.38, Hachette, 1964)
     
  18. Nous aimons la franchise de ceux qui nous aiment. La franchise des autres s'appelle insolence.
    (De la conversation, p.39, Hachette, 1964)
     
  19. Nous ne pouvons parler franchement de nos défauts qu'à ceux qui reconnaissent nos qualités.
    (De la conversation, p.40, Hachette, 1964)
     
  20. Il y a un art de contredire qui est la plus adroite des flatteries.
    (De la conversation, p.41, Hachette, 1964)
     
  21. Il y a des contradicteurs-nés qui cherchent toujours l'erreur dans ce qui vient d'être dit. Attitude insupportable. La conversation est un édifice auquel on travaille en commun. Les interlocuteurs doivent placer leurs phrases en pensant à l'effet d'ensemble, comme les maçons leurs pierres. Les esprits à système doivent être écartés, sauf s'ils atteignent au paradoxe.
    (De la conversation, p.61, Hachette, 1964)
     
  22. La conversation exige qu'on y soit présent tout entier ; la plupart des hommes sont absents d'eux-mêmes.
    (De la conversation, p.61, Hachette, 1964)
     
  23. Un homme bien élevé tient ses croyances en dehors de sa conversation.
    (De la conversation, p.66, Hachette, 1964)
     
  24. Dans une discussion, le difficile, ce n'est pas de défendre son opinion, c'est de la connaître.
    (De la conversation, p.73, Hachette, 1964)
     
  25. Les lieux communs du spécialiste ont un charme que n'ont pas les autres ; nous l'écoutons avec patience énoncer des vérités premières qui ne trouveraient pas grâce un instant si elles étaient dites par nous.
    (De la conversation, p.74, Hachette, 1964)
     
  26. Commencer par exposer solidement le point de vue de l'adversaire, c'est lui enlever déjà beaucoup de forces.
    (De la conversation, p.75, Hachette, 1964)
     
  27. L'expérience ne procure aucun plaisir, si ce n'est celui de la transmettre.
    (De la conversation, p.75, Hachette, 1964)
     
  28. Je me sais si facile à convaincre que nul raisonnement ne me convainc plus.
    (De la conversation, p.76, Hachette, 1964)
     
  29. L'autorité est faite tantôt d'une certaine lenteur de débit, tantôt d'une force tranquille, toujours de la certitude d'être écouté. Les paroles se détachent du causeur et tombent de tout leur poids. L'homme sans autorité a toujours l'air de retenir les siennes et de les reprendre ; il a honte de ses phrases avant de les achever.
    (De la conversation, p.77, Hachette, 1964)
     
  30. Il ne suffit pas d'avoir de l'esprit. Il faut encore en avoir assez pour éviter d'en avoir trop.
    (De la conversation, p.79, Hachette, 1964)
     
  31. Avoir de l'esprit contre soi-même, procédé sûr de séduction.
    (De la conversation, p.81, Hachette, 1964)
     
  32. La grossièreté est l'esprit des sots et la contradiction leur finesse.
    (De la conversation, p.85, Hachette, 1964)
     
  33. Il est difficile de créer des idées et facile de créer des mots ; d'où le succès des philosophes.
    (De la conversation, p.83, Hachette, 1964)
     
  34. Souvent une même pensée secrète et dangereuse traverse en même temps l'esprit de deux personnes qui s'entretiennent. Chacune des deux sait que l'autre y pense ; pourtant on n'en parle pas, et l'importune idée se retire doucement, comme ces musiques qui se rapprochent, s'éloignent, s'éteignent, sans qu'on ait vu les musiciens. Il y a des silences parlés.
    (De la conversation, p.87, Hachette, 1964)
     

Juan Manuel De Prada

  1. [...] grandir, c'est s'abîmer.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.22, Points, P 946)
     
  2. Quand on parle d'un ami défunt, on parle de sa propre mort, de cette part de nous-même que l'autre emporte en s'en allant et qui disparaît avec lui. Ce n'est pas l'ami que nous pleurons, mais tout ce que cet ami, en mourant, nous arrache. Les morts vivent de notre mort.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.80, Points, P 946)
     
  3. [...] la tendresse (cet élan qui consiste à vouloir investir les cellules d'un autre corps que le nôtre) [...]
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.89, Points, P 946)
     
  4. [...] le désir ne souffre jamais ou presque d'explication ;
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.92, Points, P 946)
     
  5. Un secret que l'on garde est comme un péché que l'on ne confesse point : il germe, se corrompt en nous, et ne peut se nourrir que d'autres secrets.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.95, Points, P 946)
     
  6. [...] le passé alimente les querelles, nous leste de comptes à régler et nous rend esclaves de son legs.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.107, Points, P 946)
     
  7. [...] la loquacité étoffe le mensonge.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.135, Points, P 946)
     
  8. [...] la perspicacité dans le jugement [d'une oeuvre d'art] est le refuge et l'alibi de ceux qui [...] préfèrent ne pas s'exposer aux intempéries du talent, parce que le talent est indompté et exige une intrépidité exceptionnelle, l'art étant la religion du sentiment.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.137, Points, P 946)
     
  9. [...] celui qui prête l'oreille à la médisance est aussi coupable que celui qui la répand, il n'y a pas d'infamie qui tienne sans une oreille complaisante.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.155, Points, P 946)
     
  10. [...] rien n'avilit autant que la désillusion.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.160, Points, P 946)
     
  11. [...] le mimétisme [...] variante imitative de la médiocrité [...].
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.160, Points, P 946)
     
  12. L'art véritable reflète ou interprète la vie, mais l'art dégénéré la trahit et l'emprisonne, l'embaume et la momifie.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.167 et p.247, Points, P 946)
     
  13. [...] le mystère dépasse toujours l'élucidation : le mystère nous rapproche du surnaturel, alors que l'élucidation relève simplement de la logique.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.181, Points, P 946)
     
  14. [...] la logique ne sert pas plus la vie que l'intelligence ne sert l'art [...].
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.198, Points, P 946)
     
  15. [...] la vérité prospère de préférence dans le laconisme et [...] la loquacité est une parure qui nous protège et déguise le mensonge, quand elle n'est pas une drogue qui nous permet d'encaisser nos prémonitions.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.212, Points, P 946)
     
  16. Les mots sont des armes de jet et des armes d'hast, ils ont l'air innocents quand on les dit, aussitôt lancés, ils s'aiguisent comme des dards et vont cribler de traits l'interlocuteur.
    (La tempête, trad. Gabriel Laculli, p.215, Points, P 946)
     

Epicure

  1. [...] nous devons méditer sur les causes qui peuvent produire le bonheur puisque, lorsqu'il est à nous, nous avons tout, et que, quand il nous manque, nous faisons tout pour l'avoir.
    (Lettre à Ménécée, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.11, Librio n°363)
     
  2. Ainsi celui de tous les maux qui nous donne le plus d'horreur, la mort, n'est rien pour nous, puisque, tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas, et que, quand la mort existe, nous ne sommes plus. Donc, la mort n'existe ni pour les vivants ni pour les morts, puisqu'elle n'a rien à faire avec les premiers, et que les seconds ne sont plus.
    (Lettre à Ménécée, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.12, Librio n°363)
     
  3. Rappelle-toi que l'avenir n'est ni à nous ni pourtant tout à fait hors de nos prises, de telle sorte que nous ne devons ni compter sur lui comme s'il devait sûrement arriver, ni nous interdire toute espérance, comme s'il était sûr qu'il dût ne pas être.
    (Lettre à Ménécée, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.13, Librio n°363)
     
  4. Quand on est frappé des craintes qu'inspirent les fables du vulgaire, on ne peut s'en délivrer que par l'étude de la nature : sans cette étude, point de plaisirs purs.
    (Maximes, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.72, Librio n°363)
     
  5. Comme la tranquillité qu'on peut se procurer par le moyen des autres hommes ne va pas jusqu'à un certain point, il y a un art de s'en procurer une parfaite à soi-même : c'est de simplifier ses besoins, de se dégager de beaucoup de choses, et de se contenter de peu.
    (Maximes, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.73, Librio n°363)
     
  6. La perfection de l'âme quant au plaisir est l'extinction de toute opinion capable de lui inspirer de la crainte.
    (Maximes, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.76, Librio n°363)
     
  7. De tous les biens que la sagesse procure à l'homme pour le rendre heureux, il n'en est point de plus grand que l'amitié. C'est en elle que l'homme, borné comme il l'est par sa nature, trouve la sûreté et son appui.
    (Maximes, trad. Octave Hamelin et Jean Salem, p.83, Librio n°363)
     

Robert Louis Stevenson

  1. Je suis moi, vous êtes vous, et les autres sont les étrangers.
    (Cité par A. Maurois in De la conversation, p.14, Hachette, 1964)