Citations ajoutées le 09 novembre 2008

  
Georges Picard

  1. [...] ces passagers barbouillés de fatigue et de routine [...]
    (Le Philosophe facétieux, p.11, José Corti, 2008)
     
  2. L'être humain de façon générale, n'est-il pas une sorte de charlatan vivant d'apparences et de mendicité émotionnelle ?
    (Le Philosophe facétieux, p.14, José Corti, 2008)
     
  3. Déjà, gamin, je m'entendais dire : « on ne lit pas en classe » , « on ne lit pas pendant le gym » , « on ne lit pas à table » , « on ne lit pas au lit » ; heureusement, il restait les WC.
    (Le Philosophe facétieux, p.22, José Corti, 2008)
     
  4. [...] une sorte de Moyen Âge, les années soixante.
    (Le Philosophe facétieux, p.26, José Corti, 2008)
     
  5. Pour ma part, je refusais d'accorder le titre de philosophe aux fonctionnaires psittacistes qui prétendaient nous enseigner à penser, alors qu'ils nous apprenaient surtout à répéter.
    (Le Philosophe facétieux, p.32, José Corti, 2008)
     
  6. Un projet a pour seule positivité de maintenir l'esprit sous tension en évitant le relâchement déprimant consécutif à tout accomplissement.
    (Le Philosophe facétieux, p.39, José Corti, 2008)
     
  7. Qu'est-ce qu'un philosophe professionnel ? Un commentateur de textes. Un rat de bibliothèque. Un remueur de poussière. Un professeur.
    (Le Philosophe facétieux, p.56, José Corti, 2008)
     
  8. Parler long, c'était mener une guerre d'usure contre la résistance des idées difficiles. Mais dire court, c'était les saisir par surprise.
    (Le Philosophe facétieux, p.60, José Corti, 2008)
     
  9. [...] il en faut beaucoup, et d'audace et d'inconscience, pour prétendre apporter au monde un système d'explication.
    (Le Philosophe facétieux, p.61, José Corti, 2008)
     
  10. « Il y a de certaines choses que l'on entend jamais quand on ne les entend pas d'abord. » Je suis reconnaissant à Madame de Sévigné de me fournir sous sa forme le plus condensée une idée qui m'a toujours tenu à coeur et qui, malgré l'apparence, n'a rien d'un paradoxe.
    (Le Philosophe facétieux, p.82, José Corti, 2008)
     
  11. Mieux vaut rire de ceux qui pensent encore que la philosophie est le plus souvent la recherche de la vérité. Non, le plus souvent, la philosophie est l'affirmation d'une volonté de puissance dans l'ordre intellectuel.
    (Le Philosophe facétieux, p.82, José Corti, 2008)
     
  12. [...] les poètes, race féline et noctiluque qui phosphore dans l'obscurité générale.
    (Le Philosophe facétieux, p.84, José Corti, 2008)
     
  13. [...] une insignifiance toute universitaire.
    (Le Philosophe facétieux, p.90, José Corti, 2008)
     
  14. Je conçois la philosophie plutôt comme une pelote d'aiguilles que comme un matelas rembourré de vieux bouquins.
    (Le Philosophe facétieux, p.108, José Corti, 2008)
     

Augusta Amiel-Lapeyre

  1. Chez les forts, le silence est le refuge de ceux qui savent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  2. De même que les archéologues reconstituent un monument avec quelques pierres, notre esprit peut revivre une époque avec un seul débris de souvenir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  3. Un sourire qui invariablement ne traduit rien cache de la bêtise ou de l'astuce.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  4. Les yeux de la mère retardent : quand l'enfant est déjà grand, longtemps encore elle cherche de la main les boucles soyeuses qui faisaient son orgueil.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  5. Est-ce le silence ou le sourire qui sait mieux garder son mystère ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  6. Nos objets anciens et familiers que tant de chers morts ont frôlés sont-ils encore matière ?... À nos yeux des esprits les environnent.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  7. Les « nouvellement lustrés » de l'étalage social se placent d'eux-mêmes bien en vue au bord de la devanture.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.54, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  8. Parce qu'on dira : « C'est un grand coeur » croyez-vous que l'accès de ce coeur soit plus facile ?
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  9. Le lait c'est le sang chaste et inviolable que la maternité fait jaillir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  10. Malgré les apparences contraires, la femme, moins que l'homme, fait participer la chimère à son rêve.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  11. La province crée le talent : Paris la renommée.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  12. En tricotant ses vêtements, la femme songe aux jours qui vont suivre et tisse ainsi la trame des heures futures.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  13. Puisque l'hérédité a une part si grande dans nos qualités, sachons nous défendre de l'orgueil.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.55, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  14. Dans le domaine de la sensibilité, l'indifférence est une paralysie du coeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  15. Un coeur fragmenté a perdu toute sa valeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  16. Dans le partage des objets d'un être disparu, c'est aux plus beaux que s'attache la « sensibilité » des héritiers.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  17. L'enfance est impatiente. C'est logique : elle n'attend de la vie que des joies.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  18. Le saint qui vit sur terre est une créature qui n'est déjà plus la créature.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  19. C'est à la jeunesse que la mode demande les conseils de l'expérience.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  20. Ce sont les cartons des éditeurs - ces limbes de la littérature - qui parfois retiennent les chefs-d'oeuvre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.56, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  21. L'homme qui la cultive et la possède se dit éternellement déçu par les infidélités de son amie : la terre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  22. Dieu a donné à l'homme la souffrance pour se purifier dans la vie et l'amour pour la supporter.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  23. Chaque génération est le réactif de la précédente.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  24. La main qui ne presse plus avec joie une main amie laisse tomber l'amitié qu'elle contenait.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  25. Être riche est un art. Ceux qui ne le sont plus, sont à peu près les seuls à le comprendre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  26. Un esprit tourmenté n'apprécie que les joies auxquelles il sait ne pouvoir atteindre.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  27. L'être physique n'est pas immortel ; mais ses paroles peuvent le devenir, si elles partent de l'âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  28. L'orgueil est la folie d'une beauté.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.57, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  29. L'absence de civilisation et son excès sont également éloignés de la pudeur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  30. La main calculatrice et la main prodigue servent souvent le même corps.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  31. Des lettres nous arrivent dont l'enveloppe - nous le sentons - contient des choses exquises. Telles des boîtes de bonbons.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  32. L'adverbe ?... C'est le fond toujours gris d'une causerie épistolaire dépourvue d'intérêt.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  33. Dans ses heures d'insomnie, la nuit est à l'intellectuel ce qu'est à l'arbre la terre obscure dans laquelle il plonge ses racines, et va chercher, avec le suc-aliment, la fraîcheur des eaux profondes.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  34. Par la civilisation, nos chemins riants sont semés de poussière et arrosés de sang.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  35. Quand nous la demandons à Dieu ou à nos semblables, la pitié est la dernière et la plus haute limite de nos supplications.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.58, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  36. Devant la montée de la médiocrité le génie s'assied et attend les siècles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  37. Actuellement la vraie distinction est bien voisine d'un anachronisme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  38. Nous vivons perpétuellement avec un être qui nous enthousiasme ou nous décourage, qui nous ravit ou nous irrite : Nous-même.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  39. Les yeux qui ne savent pas voir l'être moral chez autrui n'enregistrent que peu d'images.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  40. L'égoïste est vite lassé par la vue des mêmes maux chez autrui, et préfère des misères nouvelles et inattendues.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  41. Les qualités sont un don de la nature perfectionné par l'éducation. Les vertus relevant de la beauté de l'âme sont développées par la Religion.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.59, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  42. Nos bonnes résolutions sont mues par des rouages défectueux.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  43. Dans le voisinage des torrents bruissent de petites cascades que leurs eaux ont fait surgir.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  44. Bien que les années soient courtes, elles nous mettent vite à une longue distance de notre passé même le plus voisin.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  45. Paris est aussi le refuge discret des familles déchues ou amoindries par le malheur.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  46. Les grands écrivains à la recherche des vérités éternelles sont des ouvriers se livrant à des travaux de sondage pour découvrir la source d'eau vive.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  47. La bourse récemment gonflée ressemble bien à la grenouille devant le boeuf.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.60, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  48. Si le goût de l'indépendance a germé chez l'enfant de nos jours, c'est qu'il lui manque la tendresse sans faiblesse des parents de jadis.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  49. Dans nos causeries intimes, voiler notre voix c'est dévoiler notre âme.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  50. Pénélope ! si tu brodais tu ne pleurais pas. Les larmes brûlent les yeux, rouillent les aiguilles.
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     
  51. Gardez-vous, lecteur, le souvenir de vos belles randonnées en montagne, dans un véhicule paisible ?... Aux abords d'une station thermale, de petits enfants vous lançaient des poignées de fleurs sauvages cueillies le long des sentiers. - Ma cueillette et mon geste sont les leurs. Et si, dans votre montée morale, vous découvrez à ma gerbe un parfum du pays, de ce pays supraterrestre auquel nous aspirons, mon voeu le plus cher sera réalité...
    (Pensées sauvages - 2e série, p.61, Desclée de Brouwer, 1930)
     

Jean-Benjamin de Laborde

  1. Le sage parle peu de ce qu'il sait, et jamais de ce qu'il ignore.
    (Pensées et maximes, p.1, Lamy, 1802)
     
  2. L'amour est le roi des jeunes gens, et le tyran des vieillards.
    (Pensées et maximes, p.1, Lamy, 1802)
     
  3. Vouloir qu'on soit amoureux avec mesure, c'est vouloir qu'on soit fou avec raison.
    (Pensées et maximes, p.1, Lamy, 1802)
     
  4. Témoigner aux autres qu'ils nous offensent, c'est presque toujours les offenser.
    (Pensées et maximes, p.1, Lamy, 1802)
     
  5. On aime à blâmer les vices que l'on n'a point, parce que c'est une manière tacite de se louer.
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  6. Oh ! combien la vie serait courte, si l'espérance ne lui donnait de l'étendue !
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  7. Nous pardonnons souvent à ceux qui nous ennuient, mais jamais à ceux que nous ennuyons.
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  8. Nous promettons selon nos espérances, et nous tenons selon nos craintes.
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  9. L'esprit sans bonté n'est propre qu'à faire du mal ; la bonté sans esprit ne peut jamais nuire.
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  10. Deux choses manquent ordinairement à la fortune ; de l'avoir bien acquise, et d'en user sagement.
    (Pensées et maximes, p.2, Lamy, 1802)
     
  11. C'est à tort qu'on prétend que la fortune change les moeurs, elle ne fait que les découvrir.
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  12. Quand l'esprit pourrait s'acheter, le débit n'en serait pas grand. Qui est-ce qui ne s'en croit pas suffisamment ?
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  13. On est dans la solitude, n'importe en quel endroit, dès que l'on ne vit plus avec ce que l'on aime.
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  14. La modestie est une vertu qui tient lieu de mérite à ceux qui la possèdent, mais qui ternit et efface celui des personnes à qui elle manque.
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  15. Du vice au crime, l'occasion est le degré.
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  16. Ôtez du monde l'amour propre et l'intérêt, vous en ôterez l'apparence de bien des vertus, et presque tous les vices.
    (Pensées et maximes, p.3, Lamy, 1802)
     
  17. Beaucoup de gens vivent sans penser à une autre vie ; très peu meurent sans la craindre.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  18. Il est plus aisé de faire prendre une opinion nouvelle, que de détruire une opinion reçue.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  19. Le plaisir est comme une fleur dont l'odeur est délicate, et qu'il faut sentir légèrement si on veut lui trouver toujours le même parfum.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  20. Voulez-vous faire une insulte à l'équité de quelqu'un sans qu'il s'en offense ? flattez-le.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  21. Le dégoût ôte ce que la fortune donne.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  22. Quand nos amis sont associés à notre gloire, la modestie ne nous est plus permise.
    (Pensées et maximes, p.4, Lamy, 1802)
     
  23. La modestie fait des vols à l'esprit, mais le coeur le dédommage de ses pertes.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  24. On est vengé dès qu'on est maître de l'être.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  25. Le corps fait en l'absence de l'esprit, ce que les valets font en l'absence de leur maître.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  26. On loue souvent des personnes dans le dessein d'en offenser d'autres.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  27. On ne méprise ordinairement sa réputation, que quand on l'a perdue.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  28. Il y a des gens qui croient sans examen ce qu'on leur dit d'autrui, pourvu que ce ne soit pas un éloge.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  29. Si vous voulez savoir ce qu'on dit de vous en votre absence, écoutez ce qu'on dit des autres en votre présence.
    (Pensées et maximes, p.5, Lamy, 1802)
     
  30. Le souverain bonheur consiste à posséder ce que l'on aime, et à aimer ce qu'on possède.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  31. Les hommes deviendraient aisément vertueux, s'ils donnaient autant de soin à l'être qu'ils en prennent à le paraître.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  32. Certaines femmes portent la vanité au point d'aimer mieux qu'on dise du mal d'elles, que de n'en point parler.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  33. L'argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  34. On ne s'ennuie jamais autant, qu'avec les personnes à qui on ne peut pas le dire.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  35. Le mépris que les jeunes gens ont pour la vieillesse n'est qu'une insulte qu'ils se font d'avance.
    (Pensées et maximes, p.6, Lamy, 1802)
     
  36. Le crime fait des esclaves, la vertu n'a que des sujets.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  37. Une femme qui sait mal est moins supportable qu'une qui ne sait rien.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  38. La vieillesse est un tyran qui défend sous peine de la vie les plaisirs de la jeunesse.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  39. L'état monarchique est le meilleur parce qu'il ressemble le mieux à l'ordre que Dieu s'est prescrit en créant l'univers, dont l'harmonie dépend du rapport de toutes les parties à un centre.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  40. Notre ignorance nous ferait pitié si notre vanité ne nous en dérobait la connaissance.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  41. Il faut voir nos amis dans la prospérité lorsqu'ils nous en prient, mais voler vers eux avant qu'ils nous appellent dès qu'ils sont dans l'adversité.
    (Pensées et maximes, p.7, Lamy, 1802)
     
  42. Les grandes passions qui s'affaiblissent sont semblables à des songes dont l'idée s'efface à mesure qu'on se réveille.
    (Pensées et maximes, p.8, Lamy, 1802)
     
  43. On croit toujours avoir raison lorsque l'on est heureux.
    (Pensées et maximes, p.8, Lamy, 1802)
     
  44. Tel a assez de force pour supporter une disgrâce, qui en manque pour supporter la prospérité.
    (Pensées et maximes, p.8, Lamy, 1802)
     
  45. Les poètes auraient mieux fait de placer le fleuve Léthé dans le palais de la Fortune que dans celui de Pluton ; car, aussitôt qu'on y est entré, on oublie tout, naissance, parents, amis, et surtout les services.
    (Pensées et maximes, p.8, Lamy, 1802)
     
  46. Les confidences sont quelquefois des artifices dont on se sert pour sonder les replis du coeur.
    (Pensées et maximes, p.8, Lamy, 1802)
     
  47. Le vice ne fait pas ressembler le vulgaire aux grands hommes, mais les grands hommes au vulgaire.
    (Pensées et maximes, p.9, Lamy, 1802)
     
  48. La plupart des auteurs sont comme la plupart des filles de théâtre ; ils ont autant d'intérêt à n'être connus que par leurs ouvrages que celles-ci à n'être vues que sur la scène.
    (Pensées et maximes, p.9, Lamy, 1802)
     
  49. Un sot sera plutôt admis dans une société de gens d'esprit, qu'un homme d'esprit dans une société de sots.
    (Pensées et maximes, p.9, Lamy, 1802)
     
  50. Pourquoi rougir d'avouer qu'on s'est trompé ? n'est-ce pas déclarer qu'on est plus sage aujourd'hui qu'on ne l'était hier ?
    (Pensées et maximes, p.9, Lamy, 1802)
     
  51. Se mettre en colère, c'est punir sur soi les fautes d'autrui.
    (Pensées et maximes, p.9, Lamy, 1802)
     
  52. On combat l'amour par la fuite, et la colère par le silence.
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  53. L'envie s'attache à la réputation des hommes vertueux comme les oiseaux et les vers s'attachent aux meilleurs fruits.
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  54. Quel est le prix de la valeur ? une vie un peu plus longue dans l'histoire et un peu plus courte sur la terre.
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  55. Le flambeau de la critique s'allume plus souvent pour détruire que pour éclairer.
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  56. Qu'est-ce que l'esprit de parti ? un serment de fidélité à la persécution de tout ce qui le contredit.
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  57. L'amitié reçoit les confidences de l'amour ; l'amour reçoit-il les conseils de l'amitié ?
    (Pensées et maximes, p.10, Lamy, 1802)
     
  58. Qu'est-ce que l'ennui ? l'inclination douloureuse d'une âme qui a eu des plaisirs et qui a des besoins.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  59. Il faut rassurer par nos égards ceux à qui l'adversité fait craindre nos mépris.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  60. L'envie est la preuve de notre faiblesse ; l'émulation est la preuve de notre force. L'une est le désespoir de l'impuissance, l'autre est l'essor du talent.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  61. Deux lois gouvernent le monde ; la loi du plus fort et celle du plus fin.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  62. En ne faisant rien, on apprend à mal faire.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  63. Deux choses peuvent causer beaucoup de peine ; un ami chagrin, et un ennemi joyeux.
    (Pensées et maximes, p.11, Lamy, 1802)
     
  64. Nous nous tenons sur nos gardes dès que quelqu'un nous a trompés une fois ; cependant nous nous trompons tous les jours, et jamais nous ne nous défions de nous-mêmes.
    (Pensées et maximes, p.12, Lamy, 1802)
     
  65. Le coeur de l'insensé est dans sa bouche, et la langue du sage est dans son coeur.
    (Pensées et maximes, p.12, Lamy, 1802)
     
  66. La vraie philosophie consiste à chercher toujours le bien, et à attendre toujours le mal.
    (Pensées et maximes, p.12, Lamy, 1802)
     
  67. On n'est jamais si ridicule par les défauts que l'on a que par les qualités que l'on affecte d'avoir.
    (Pensées et maximes, p.12, Lamy, 1802)
     
  68. La plupart des hommes se figurent qu'on les prive des louanges que l'on donne aux autres, et qu'on ajoute quelque chose à leurs perfections quand on découvre les défauts d'autrui.
    (Pensées et maximes, p.12, Lamy, 1802)
     
  69. L'amour propre est la source de tous les égarements du coeur, et la prévention, l'origine de tous les égarements de l'esprit.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  70. On n'est pas digne de commander si on n'est meilleur que ceux à qui on commande.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  71. On peut être prudent sans finesse mais on ne peut être fin sans prudence.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  72. La libéralité donne, mais la prodigalité perd.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  73. Le véritable philosophe est celui qui sait se réjouir sans dissipation, s'attrister sans abattement, désirer sans inquiétude, acquérir sans injustice, posséder sans orgueil, et perdre sans douleur.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  74. Il faut avoir dans le bonheur la modestie d'un homme malheureux, et dans le malheur l'assurance d'un homme heureux.
    (Pensées et maximes, p.13, Lamy, 1802)
     
  75. Les autres veulent bien oublier ce que nous avons été quand nous avons le soin de ne le pas oublier nous-mêmes.
    (Pensées et maximes, p.14, Lamy, 1802)
     
  76. Les hommes ne vivraient pas longtemps en société s'ils n'étaient la dupe les uns des autres.
    (Pensées et maximes, p.14, Lamy, 1802)
     
  77. On fait bien de se fier aux hommes, mais on fait encore mieux de s'en défier.
    (Pensées et maximes, p.14, Lamy, 1802)
     
  78. Un bienfait est assez payé par la supériorité qu'il nous donne sur celui qui le reçoit.
    (Pensées et maximes, p.14, Lamy, 1802)
     
  79. Se venger de quelqu'un, c'est vouloir le forcer à se repentir du tort qu'il nous a fait ; quel moyen plus efficace que de lui pardonner ?
    (Pensées et maximes, p.14, Lamy, 1802)
     
  80. Le mariage est un pays qui n'est guère bon que pour les étrangers.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  81. Le mérite a besoin du voile de la modestie pour conserver son éclat.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  82. Si nous nous voyions des mêmes yeux dont les autres nous voient, nous serions plus modestes.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  83. La raison éclaire, mais elle ne conduit pas.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  84. Combien d'actions seraient moins vantées, si l'on en connaissait les motifs.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  85. Peu de gens savent écouter, ce qui fait que peu de gens savent bien répondre.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  86. Il est des yeux avec qui on entre d'abord en conversation.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  87. Les faux amis sont comme les faux braves, ils abandonnent toujours dans le besoin.
    (Pensées et maximes, p.15, Lamy, 1802)
     
  88. Deux infortunés se plaignent et se consolent ; deux heureux se haïssent et se méprisent.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  89. Celui qui se plonge dans le superflu, pleure un jour le nécessaire.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  90. La colère commence dans la folie, elle finit dans le repentir.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  91. L'homme d'esprit donne des préceptes, le sage donne des exemples.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  92. Il ne faut beaucoup lire que quand on sait beaucoup oublier.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  93. La postérité paie aux grands hommes l'intérêt de la gloire que leur ont refusée leurs contemporains.
    (Pensées et maximes, p.16, Lamy, 1802)
     
  94. L'homme dans la postérité méconnaît tout le monde, et dans l'adversité n'est connu de personne.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  95. Il faut être un peu trop bon, pour l'être assez.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  96. Le mariage est le lien le plus général, le plus étendu de la société ; et c'est cependant celui qui unit le plus rarement un homme à une femme.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  97. Le comble de l'infortune, c'est d'avoir été heureux.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  98. La plupart des femmes ressemblent aux énigmes, qui cessent de plaire dès qu'elles sont devinées.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  99. Il n'y a de vraiment malheureux, que ceux qui envient le bonheur des autres.
    (Pensées et maximes, p.17, Lamy, 1802)
     
  100. La médisance est un vice que les femmes ont donné aux hommes ; en échange elles ont reçu la flatterie : le joli commerce.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  101. L'art de cacher l'humiliation est un triomphe ; mais cet art ne peut être acquis par l'habitude d'être humilié.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  102. La sympathie est une confidence tacite.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  103. Un infidèle n'est coupable que quand il est regretté.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  104. Les jolies femmes sont si excédées de ne s'entendre dire que de jolies phrases, qu'avant peu on pourra risquer de leur parler raison.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  105. On n'est point à plaindre dans l'infortune, quand on peut s'envelopper des charmes de l'amitié et des consolations de la vertu.
    (Pensées et maximes, p.18, Lamy, 1802)
     
  106. Les rois se donnent le nom de frères ; ne peut-on pas les appeler les frères ennemis ?
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  107. La loi est le fourneau où le puissant forge les fers du faible
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  108. Le fanatisme est, à la religion, ce que la jalousie est à l'amour.
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  109. On apprend à parler en écoutant, comme à commander en obéissant.
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  110. Un homme d'esprit dit une chose sans y penser ; un sot la dit sans la penser.
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  111. Un homme d'esprit n'est jamais plus mal à son aise qu'avec un autre homme d'esprit, qu'il n'aime pas.
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  112. L'homme à talents se trouve souvent déplacé ; l'homme de bien est toujours à sa place.
    (Pensées et maximes, p.19, Lamy, 1802)
     
  113. Quel honnête homme en place n'a pas été blâmé ? quel scélérat n'a pas été loué ?
    (Pensées et maximes, p.20, Lamy, 1802)
     
  114. Pour cesser de craindre, il faut cesser d'espérer.
    (Pensées et maximes, p.20, Lamy, 1802)
     
  115. Quelque jeune que l'on soit, on arrive bien vite à la vieillesse, quand on y va par la voie des plaisirs. Les excès font plus de vieillards que les années.
    (Pensées et maximes, p.20, Lamy, 1802)
     
  116. Souvent l'esprit ne produit sa fleur, que quand le corps a perdu la sienne. C'est un dédommagement que la nature accorde à l'âge mûr.
    (Pensées et maximes, p.20, Lamy, 1802)
     
  117. Un vieillard qui se trouve bien avec les autres et encore mieux avec lui-même, est semblable à un temple antique qui a résisté aux injures du temps et dont on admire encore les précieux restes.
    (Pensées et maximes, p.20, Lamy, 1802)
     
  118. Le feu qui ne peut brûler le bois, le noircit ; voilà l'image du médisant.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  119. Vouloir, ce n'est pas être libre ; c'est au plus être libre de faire ce qu'on veut, mais non de vouloir.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  120. On a donné aux choses le nom de bonnes lorsqu'on les désire, de mauvaises lorsqu'on les craint.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  121. L'imagination est une sensation qui s'apaise et s'évanouit par l'absence de son objet et par le présence d'un autre.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  122. L'expérience est la mémoire de beaucoup de choses.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  123. Le discours ou le raisonnement sur un événement imprévu, forme la prévoyance.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  124. La vérité consiste dans une juste application des mots. De-là, nécessité de les définir.
    (Pensées et maximes, p.21, Lamy, 1802)
     
  125. Il n'y a point d'homme vertueux qui n'ait quelque vice, ni de méchant quelque vertu.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  126. La tempérance est le milieu entre la privation et l'excès de la volupté.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  127. La mémoire est un moule où les objets changent de forme très aisément.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  128. L'insensé est l'homme qui se croit sage.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  129. On s'enrichit en appauvrissant ses désirs.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  130. Une femme sans pudeur est un mets fade et sans sel.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  131. Le monde n'est éternel pour personne : laisse-le passer, et t'attache à celui qui l'a fait.
    (Pensées et maximes, p.22, Lamy, 1802)
     
  132. L'avare est un arbre stérile.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  133. Le secret est ton esclave si tu le gardes, tu deviens le sien s'il t'échappe.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  134. L'homme instruit qui ne fait rien, est une nue qui passe et n'arrose point.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  135. Le plus méchant des hommes est l'homme qui sait qu'il est méchant.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  136. L'ignorant est orphelin.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  137. La vie de l'ignorant ne pèse pas une heure de l'homme qui sait.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  138. Celui qui nous entretient des défauts d'autrui, entretient autrui des nôtres.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  139. Dieu nous garde de ceux auxquels nous nous fions ! nous nous garderons bien de ceux dont nous nous défions.
    (Pensées et maximes, p.23, Lamy, 1802)
     
  140. Un fonds de modestie rapporte un grand intérêt.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  141. La vie est une espèce de sommeil dont on ne se réveille qu'à la mort.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  142. Quand on donne, il faut que la main soit ouverte, mais non percée ; qu'il en sorte quelque chose, mais qu'il n'en tombe rien.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  143. La libéralité donne, la prodigalité perd.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  144. Les jeunes gens disent ce qu'ils font, les vieillards ce qu'ils ont fait, les sots ce qu'ils ont envie de faire, et les avantageux ce qu'ils ne font pas.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  145. On ne doit pas publier l'injure qu'on ne veut pas venger.
    (Pensées et maximes, p.24, Lamy, 1802)
     
  146. Un vieux soldat fait pitié, un vieil amant fait rire.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  147. On éprouve l'or et l'argent avec une pierre de touche, mais c'est par le moyen de l'or et de l'argent que l'on éprouve les hommes.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  148. Faites du bien à vos amis et à vos ennemis ; vous conserverez les uns, et peut-être vous gagnerez les autres.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  149. Pour juger sainement d'un conseil, il faudrait pouvoir comprendre tous les différents intérêts de celui qui le donne.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  150. On n'oblige aujourd'hui que ceux qui sont à même de payer comptant.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  151. Jamais une âme bien amoureuse n'est juste ; elle trouve son bonheur trop petit, et son malheur trop grand.
    (Pensées et maximes, p.25, Lamy, 1802)
     
  152. On corrige plutôt les vices que les faiblesses.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  153. Notre ignorance nous ferait pitié, si notre vanité ne nous en ôtait la connaissance.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  154. La cour est un pays où les joies sont visibles, mais fausses ; et où les chagrins sont cachés, mais réels.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  155. En vivant suivant la nature, on n'est jamais pauvre ; en vivant selon l'opinion, on n'est jamais riche.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  156. L'espérance rend prodigue, la crainte rend avare.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  157. C'est en pensant, qu'on apprend à penser.
    (Pensées et maximes, p.26, Lamy, 1802)
     
  158. En lisant les anciens, on est presque sûr de savoir ce qu'ont écrit les modernes.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  159. Tout est au-dessus de l'homme vicieux, tout est au-dessous de l'homme vertueux.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  160. Exiger de la reconnaissance, c'est en exempter.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  161. Que de biens dont nous ignorons le prix, parce que nous n'en avons jamais été privés !
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  162. Le peuple ne croirait point du tout en Dieu, si on ne lui permettait d'y croire mal.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  163. La grande poltronnerie suspend chez quelques hommes les effets de la grande méchanceté.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     
  164. La sagesse distingue le bien, la vertu le pratique.
    (Pensées et maximes, p.27, Lamy, 1802)
     

Lucien Arréat

  1. Primum vivere, ou primum philosophari ? Je répondrais volontiers que vivre et philosopher sont même chose.
    (Réflexions et maximes, p.1, Félix Alcan, 1911)
     
  2. Le désir et l'aversion règlent la balance de la vie.
    (Réflexions et maximes, p.1, Félix Alcan, 1911)
     
  3. La meilleure raison de préférer est toujours « que l'on préfère ».
    (Réflexions et maximes, p.1, Félix Alcan, 1911)
     
  4. Le moral peut former une sympathie, et le physique la détruire. Mais le cas contraire est plus fréquent, ou plus remarqué.
    (Réflexions et maximes, p.1, Félix Alcan, 1911)
     
  5. J'en entendu une femme sur l'âge, distinguée et parfaitement saine, dire d'un visiteur : « J'ai de l'estime pour lui, mais je ne voudrais pas le recevoir familièrement, son corps me déplaît. »
    (Réflexions et maximes, p.2, Félix Alcan, 1911)
     
  6. Il faut avoir vu beaucoup d'hommes pour juger qu'ils sont les mêmes ; il faut en étudier quelques-uns pour les trouver différents.
    (Réflexions et maximes, p.2, Félix Alcan, 1911)
     
  7. Les passions sont des états où chaque individu entre avec son propre caractère ; il les fait siennes, et elles sont lui.
    (Réflexions et maximes, p.2, Félix Alcan, 1911)
     
  8. Combien d'hommes se composent un sujet de vanité du génie d'atrui !
    (Réflexions et maximes, p.3, Félix Alcan, 1911)
     
  9. Les épines disaient à la rose « Sans toi, nous serions fleur ou feuille, car la même sève nous nourrit. Mais tu la dépenses pour te faire belles. »
    - « Ingrates, repartit la rose, si je n'avais couleur et parfum, les poètes n'eussent pas chanté vos dards en si jolis vers. »

    (Réflexions et maximes, p.3, Félix Alcan, 1911)
     
  10. Plus son art est futile, plus l'artiste en tire vanité.
    (Réflexions et maximes, p.3, Félix Alcan, 1911)
     
  11. Le vaniteux a soif de louanges ; l'orgueilleux, de domination : il n'affecte d'être modeste qu'en rabaissant à la fois les autres hommes.
    (Réflexions et maximes, p.3, Félix Alcan, 1911)
     
  12. Le choc de deux orgueils est parfois tragique ; la dispute de deux vanités n'est que ridicule.
    (Réflexions et maximes, p.3, Félix Alcan, 1911)
     
  13. Il se mêle souvent à la vanité une sorte de naïveté qui la rend inoffensive ; à l'orgueil, une réserve qui l'adoucit ou une fierté qui le relève.
    (Réflexions et maximes, p.4, Félix Alcan, 1911)
     
  14. La timidité dont s'accompagne si souvent un juste orgueil, c'est toujours la crainte, au fond, de ne pas paraître à la hauteur de l'estime qu'on fait de soi-même.
    (Réflexions et maximes, p.4, Félix Alcan, 1911)
     
  15. Le contentement de soi produit ce miracle, qu'on ne s'avoue pas les défauts mêmes qu'on se connaît.
    (Réflexions et maximes, p.4, Félix Alcan, 1911)
     
  16. Voyez ces femmes qui balancent la tête, dans la rue, d'un mouvement satisfait. Elles n'ont oublié que de s'attacher au cou une sonnette.
    (Réflexions et maximes, p.4, Félix Alcan, 1911)
     
  17. Quand l'homme se compare à l'animal, il le calomnie, ou il se vante.
    (Réflexions et maximes, p.4, Félix Alcan, 1911)
     
  18. « Connaissez-vous, demandait à l'abeille le papillon indiscret, le nom de ce poète plein de lui-même dont certains vantent l'esprit ? - Non, répondit l'abeille en retirant d'une fleur sa langue fine, mais les commères ses voisines bourdonnent quand il passe, et c'est peut-être cela qui le rend si glorieux. »
    (Réflexions et maximes, p.5, Félix Alcan, 1911)
     
  19. La jalousie, en son fond, c'est la crainte d'une diminution du moi : elle reste, quelle qu'en soit la matière, une expression directe, primitive, universelle, de l'instinct de la conservation.
    (Réflexions et maximes, p.5, Félix Alcan, 1911)
     
  20. Le jaloux que sa passion prend tout entier croit sentir sans cesse l'ombre de quelqu'un passer sur lui, et l'obsession pénible qu'il en a peut grandir jusqu'à la fureur ou à la haine.
    (Réflexions et maximes, p.5, Félix Alcan, 1911)
     
  21. Nos haines révèlent peut-être le moi profond mieux que nos amours.
    (Réflexions et maximes, p.5, Félix Alcan, 1911)
     
  22. Une passion, en elle-même, n'est pas plus une folie qu'un appétit robuste n'est une indigestion ; elle y peut servir, et c'est tout ce qu'il faut dire.
    (Réflexions et maximes, p.6, Félix Alcan, 1911)
     
  23. « Ce que je ne comprends pas n'existe pas », a écrit Mme de Staël. C'est son mot de raison, ou un mot d'orgueil, selon les gens.
    (Réflexions et maximes, p.6, Félix Alcan, 1911)
     
  24. Si l'on ne prend plus tant, avec l'âge, certaines choses au sérieux, une des raisons en est peut-être qu'on s'attribue moins d'importance à soi-même.
    (Réflexions et maximes, p.6, Félix Alcan, 1911)
     
  25. Pauvres auteurs qui rêvent du plaisir qu'ils auront à voir leur gloire, une fois en terre ! Ils jouent « à être morts », comme les enfants.
    (Réflexions et maximes, p.6, Félix Alcan, 1911)
     
  26. Les convictions si fermes de bien des gens n'ont d'autre fondement que le vain souci de rester dans leur erreur.
    (Réflexions et maximes, p.6, Félix Alcan, 1911)
     
  27. « Connais-toi toi-même » disent les sages. Le conseil en est perfide, car, à se connaître mieux, chacun ne s'estimerait plus guère.
    (Réflexions et maximes, p.7, Félix Alcan, 1911)
     
  28. L'esprit et la bêtise sont de proches voisins, mais des voisins qui ne se fréquentent pas.
    (Réflexions et maximes, p.7, Félix Alcan, 1911)
     
  29. Il est un genre de sottise où les hommes se rencontrent de bien loin : celle des sots qui pensent avoir du mérite, et des gens d'esprit qui n'estiment que leur esprit.
    (Réflexions et maximes, p.7, Félix Alcan, 1911)
     
  30. Rester naïf, c'est plus qu'on ne croit, un signe de force.
    (Réflexions et maximes, p.7, Félix Alcan, 1911)
     
  31. On ne jette pas en l'air une bêtise, qu'un badaud ne la rattrape.
    (Réflexions et maximes, p.7, Félix Alcan, 1911)
     
  32. L'âne a les oreilles longues, mais ce sont les siennes.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  33. « Dieu ne fait pas tous les pauvres », dit un proverbe. - Oui, mais il fait tous les imbéciles.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  34. Le plaisir des yeux est cruel toute la vie.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  35. L'âge attendrit les méchants, comme il fait des viandes dures, mais sans les rendre meilleurs.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  36. Nous sommes les jouets de nous-mêmes, parfois aussi nos propres comédiens ; et cela si naturellement, que nous ne le voyons pas.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  37. En général, les femmes affectent de bien connaître les hommes, les hommes de mal connaître les femmes. Il semble que ce soit un refuge que se ménage l'amour-propre de chacun des sexes : pour les femmes, une revanche de leur faiblesse ; pour les hommes, un adoucissement à leurs infortunes.
    (Réflexions et maximes, p.8, Félix Alcan, 1911)
     
  38. Si mêlés sont nos sentiments, nos besoins, nos appétits, que des états respectables peuvent paraître choquants et des états douloureux presque comiques.
    (Réflexions et maximes, p.9, Félix Alcan, 1911)
     
  39. Telle veuve qui n'aimait pas son mari songe à se remarier dans l'année ; telle autre qui aimait le sien, dans la quinzaine.
    (Réflexions et maximes, p.9, Félix Alcan, 1911)
     
  40. Souvent, parmi nos motifs d'action, il en est un plus puissant que tous les autres : c'est celui qu'on ne dit pas.
    (Réflexions et maximes, p.9, Félix Alcan, 1911)
     
  41. À l'ordinaire, bon sens passe bon coeur.
    (Réflexions et maximes, p.9, Félix Alcan, 1911)
     
  42. Compte sur la pitié qui vient de la raison ; celle qui vient du sentiment est plus variable.
    (Réflexions et maximes, p.10, Félix Alcan, 1911)
     
  43. Pitié banale, celle que fait naître la vue d'une plaie saignante. Pitié plus rare, celle qui s'emploie à garder autrui d'une souffrance.
    (Réflexions et maximes, p.10, Félix Alcan, 1911)
     
  44. La bonté active confine à la domination ; la bonté passive, à l'indifférence.
    (Réflexions et maximes, p.10, Félix Alcan, 1911)
     
  45. Une personne tendre a toujours du coeur, et en fait dépense pour les autres ; une personne aimable semble en avoir, et peut en manquer ; une personne bonne n'en manque jamais, mais elle ne le montre pas toujours.
    (Réflexions et maximes, p.10, Félix Alcan, 1911)
     
  46. Les belles âmes, en ce pauvre monde, ne sont pas toujours les mieux logées. Mais la beauté qui est dans le coeur met sur le visage une lumière, qui brille plus vive aussitôt qu'on la cherche avec sympathie.
    (Réflexions et maximes, p.10, Félix Alcan, 1911)
     
  47. Un enfant qui allait pieds nus voulut écraser le chaume, et se blessa. « Oh! s'écria-t-il avec colère, la méchante paille ! » Et cependant il mordait dans le pain que ce champ de blé avait donné.
    (Réflexions et maximes, p.11, Félix Alcan, 1911)
     
  48. Plus d'une fois la secrète indifférence prend le vêtement d'un chaud discours.
    (Réflexions et maximes, p.11, Félix Alcan, 1911)
     
  49. Un de mes camarades d'enfance, aimable causeur, m'exprimait un jour son plaisir d'être avec moi. « C'est que je t'écoute volontiers », lui répondis-je. Je n'y voyais pas de malice, tant c'était vrai !
    (Réflexions et maximes, p.11, Félix Alcan, 1911)
     
  50. Dès qu'on s'arrête un moment à regarder courir les autres, le monde vous offre un spectacle misérable. On découvre peu de beaux joueurs dans cette cohue, et les lourdauds y soulèvent tant de poussière qu'on en reste suffoqué.
    (Réflexions et maximes, p.11, Félix Alcan, 1911)
     
  51. On m'a confié que le roi Louis XVIII, sortant de visiter le cadavre du duc de Berry, demanda bonnement à l'un de ses familiers : « Comment trouvez-vous le temps ? - Je le trouve... comme ça, dit le courtisan. -  Comment, reprit aigrement le roi, comme ça ! mais il fait un froid de tous les diables ! »
    (Réflexions et maximes, p.12, Félix Alcan, 1911)
     
  52. Oui, non : la façon de dire ces deux mots exprime tout un caractère.
    (Réflexions et maximes, p.12, Félix Alcan, 1911)
     
  53. M. Charles Mismer (1832-1904) m'a répété bien des fois avec sa grande expérience de la vie : « Le mot le plus difficiel à dire en toute langue, c'est non ».
    (Réflexions et maximes, p.12, Félix Alcan, 1911)
     
  54. L'homme qui est un caractère peut n'avoir pas toutes les habiletés, mais il ne fait point de ces chutes honteuses par où finissent tant d'autres dont on nous vantait l'intelligence.
    (Réflexions et maximes, p.13, Félix Alcan, 1911)
     
  55. Il est difficile de rester parfaitement honnête homme à qui ne sait pas souvent se contenter de sa propre estime.
    (Réflexions et maximes, p.13, Félix Alcan, 1911)
     
  56. Notre vie est traversée par la fortune, mais elle est gouvernée par notre industrie et par notre caractère.
    (Réflexions et maximes, p.13, Félix Alcan, 1911)
     
  57. Pour qui a bien placé son orgueil, mieux vaut rompre que plier.
    (Réflexions et maximes, p.13, Félix Alcan, 1911)
     
  58. Malheureux celui qui, tombant de haut, ne se brise pas du coup contre l'écueil !
    (Réflexions et maximes, p.13, Félix Alcan, 1911)
     
  59. Notre conduite devant la mort ne dépend pas tant de nos croyances que de notre caractère.
    (Réflexions et maximes, p.14, Félix Alcan, 1911)
     
  60. Rien n'est tragique avec les petites âmes. La tragédie ne vient pas de l'événement, mais du héros.
    (Réflexions et maximes, p.14, Félix Alcan, 1911)
     
  61. Magnanine : un mot qui n'a plus guère de sens ni d'emploi dans notre société.
    (Réflexions et maximes, p.14, Félix Alcan, 1911)
     
  62. Nous avons créé les intellectuels. Il est clair qu'ils ne sont pas des intelligents.
    (Réflexions et maximes, p.14, Félix Alcan, 1911)
     
  63. Si l'on notait avec attention les mots qui entrent dans une langue, et ceux qui en sortent, on aurait un assez juste moyen de comparaison entre les temps.
    (Réflexions et maximes, p.14, Félix Alcan, 1911)
     
  64. Vivre et laisser vivre : que ce soit là votre règle, avec les tempéraments nécessaires.
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  65. À ne vouloir être que soi, on finit pas être moins que soi.
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  66. Il ne faut pas trop regarder dans les coins avec les personnes que l'on fréquente : il s'y trouve toujours un peu de poussière.
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  67. Commence par estimer les hommes à qui tu parles. Il sera toujours temps de les mépriser.
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  68. N'exigez pas trop de vertus des gens qui vous servent. Si on ne leur restait supérieur, quel droit aurait-on de leur commander ?
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  69. L'indulgence véritable aux fautes d'autrui est un heureux profit de la sévérité envers soi-même.
    (Réflexions et maximes, p.15, Félix Alcan, 1911)
     
  70. Ne faisons pas état du bien ou du mal qu'on dit d'un homme, que nous ne l'ayons nous-même pratiqué.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  71. Sachons gré à certaines gens de nous estimer assez pour être ingrats.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  72. L'impatience des vifs vient de leur mobilité ; l'impatience des lents, de leur paresse.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  73. Le courage est une monnaie d'argent, le sang-froid une monnaie d'or.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  74. On ne dispute guère pour s'entendre, on s'accorde pour disputer.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  75. La colère est une faiblesse qui humilie, quand elle n'est pas une erreur que l'on regrette.
    (Réflexions et maximes, p.16, Félix Alcan, 1911)
     
  76. Demander à la vie ce qu'elle ne peut nous donner ; oublier que demain arrive toujours : deux façons de préparer son malheur.
    (Réflexions et maximes, p.17, Félix Alcan, 1911)
     
  77. Bien téméraire l'homme qui se repose sur sa constante fortune ! Napoléon lui-même, malgré son génie, était le joueur qui finit toujours par perdre contre la banque tenue par le destin.
    (Réflexions et maximes, p.17, Félix Alcan, 1911)
     
  78. L'action a une vertu en elle-même : elle fortifie nos bonnes tendances, ou aggrave nos mauvaises.
    (Réflexions et maximes, p.17, Félix Alcan, 1911)
     
  79. Ce qui est un défaut dans la pensée peut aussi être une qualité dans l'action.
    (Réflexions et maximes, p.17, Félix Alcan, 1911)
     
  80. Ce que la langue dépense, l'action ou la réflexion le perd.
    (Réflexions et maximes, p.1, Félix Alcan, 1911)
     
  81. Répéter des lieux communs parce qu'ils vous semblent justes, c'est la marque d'un esprit vulgaire, qui peut d'ailleurs être un esprit droit. Afficher une opinion nouvelle parce qu'on la trouve rare, c'est le signe d'un esprit mal fait et sans plus d'originalité que l'autre. Mieux vaut une pièce usée qu'une pièce fausse.
    (Réflexions et maximes, p.18, Félix Alcan, 1911)
     
  82. Trop de sagesse empêche parfois de faire de grandes choses.
    (Réflexions et maximes, p.18, Félix Alcan, 1911)
     
  83. Ce que bien des gens nomment leur expérience n'est que la lassitude de l'action.
    (Réflexions et maximes, p.18, Félix Alcan, 1911)
     
  84. L'homme est beau quand il travaille ; il est presque toujours laid quand il s'amuse.
    (Réflexions et maximes, p.18, Félix Alcan, 1911)
     
  85. Rien ne crie l'ennui de l'homme comme ses plaisirs.
    (Réflexions et maximes, p.18, Félix Alcan, 1911)
     
  86. Qui de nous n'a rencontré quelque débauché dont on pouvait dire : « Il est si laid qu'on ne compte plus ses bonnes fortunes ! »
    (Réflexions et maximes, p.19, Félix Alcan, 1911)
     
  87. On ne change pas le coeur de l'homme en changeant la coupe de ses habits. Cependant l'habit contribue à faire le moine.
    (Réflexions et maximes, p.19, Félix Alcan, 1911)
     
  88. Si misérable furent certains hommes, que notre oubli leur est plus miséricordieux que notre mémoire.
    (Réflexions et maximes, p.19, Félix Alcan, 1911)
     
  89. Défions-nous des renégats et de toutes gens qui tournent à leur contraire. Si jamais les moutons devenaient loups, ils feraient un carnage épouvantable.
    (Réflexions et maximes, p.19, Félix Alcan, 1911)
     
  90. Les hommes de tous pays s'entretiennent encore, après des siècles, des batailleurs qui remuèrent le monde. N'est-ce donc rien que d'avoir désennuyé l'espère humaine ?
    (Réflexions et maximes, p.19, Félix Alcan, 1911)
     
  91. Je ne blâme pas qu'on ait le souci de laisser un bon renom. Mais que peuvent bien faire à de grands morts les histoires que content sur eux de petits hommes vivants ?
    (Réflexions et maximes, p.20, Félix Alcan, 1911)
     
  92. Rien de plus frappant que les contrastes dans le caractère ; mais ils sont parfois plus apparents que réels ; ils signifient, à l'ordinaire, un conflit de l'intelligence avec le tempérament, ou de l'éducation avec les instincts, des désirs et du vouloir avec le pouvoir.
    (Réflexions et maximes, p.20, Félix Alcan, 1911)
     
  93. Tel qui est avare se montre prodigue par ostentation ou par orgueil : sa prodigalité ne sert que lui-même et exclut générosité. Ainsi le caractère vrai se masque souvent sous des figures diverses, et quelque trait plus profond y apparaît comme coefficient de tous les autres.
    (Réflexions et maximes, p.20, Félix Alcan, 1911)
     
  94. Vices ou défaut, l'habitude du mensonge emporte une diminution de soi. Et l'on voit pourtant des hommes qui s'abaissent à mentir constamment par vanité.
    (Réflexions et maximes, p.21, Félix Alcan, 1911)
     
  95. L'égoïsme est notre fond, si l'on veut. Mais il y a bien des nuances. J'ai connu l'égoïste indulgent, l'égoïste indifférent et l'égoïste féroce. Je sais même des gens tellement assurés d'être altruistes, qu'ils ne se donnent plus la peine de l'être.
    (Réflexions et maximes, p.21, Félix Alcan, 1911)
     
  96. Grâce à la mémoire, je me sens autre, sans cesser d'être moi-même.
    (Réflexions et maximes, p.22, Félix Alcan, 1911)
     
  97. Ils s'abordent, ils se nomment, et ne se retrouvent point. Les deux enfances ont joué ensemble, mais leur moi d'aujourd'hui n'y était pas.
    (Réflexions et maximes, p.22, Félix Alcan, 1911)
     
  98. « Tous les hommes sont mortels », affirme le syllogisme classique. Nul ne le conteste, mais chacun, pour soi-même, n'y croit pas.
    (Réflexions et maximes, p.22, Félix Alcan, 1911)
     
  99. La grande illusion est celle qu'on a, dans la jeunesse, de vivre toujours.
    (Réflexions et maximes, p.23, Félix Alcan, 1911)
     
  100. La jeunesse se plaît aux changements, qui égaient sa vie ; la vieillesse les redoute, parce qu'ils la menacent.
    (Réflexions et maximes, p.23, Félix Alcan, 1911)
     
  101. Les vieillards, nous dit-on, sont des enfants. Mais ils sont des enfants qui vont mourir. Cela change tout.
    (Réflexions et maximes, p.23, Félix Alcan, 1911)
     
  102. Ce qui importe dans la ferveur de l'adolescence, ce n'est pas le sujet de l'émotion, mais l'émotion elle-même.
    (Réflexions et maximes, p.23, Félix Alcan, 1911)
     
  103. Ce que les jeunes gens aiment vraiment dans la société présente, ce n'est pas cette société, mais leur jeunesse. Ils n'en regretteront plus tard que ce qu'ils y auront laissé d'eux-mêmes.
    (Réflexions et maximes, p.23, Félix Alcan, 1911)
     
  104. Les jours ne nous attendent point ; ils sont déjà passés avant que nous les ayons remplis.
    (Réflexions et maximes, p.24, Félix Alcan, 1911)
     
  105. On ne jalonne pas la vie avec ses joies, mais avec ses deuils.
    (Réflexions et maximes, p.24, Félix Alcan, 1911)
     
  106. C'est une grande tristesse de perdre un ami, de quitter un lieu pour n'y jamais revenir. Nous ne sommes rien que par nos rapports avec les autres êtres et avec les choses ; leur ruine nous laisse comme mutilés et appauvris de ce qui était nous-mêmes.
    (Réflexions et maximes, p.24, Félix Alcan, 1911)
     
  107. Nos pensées pénibles sont comme les mouches : on les chasse, mais elles reviennent.
    (Réflexions et maximes, p.24, Félix Alcan, 1911)
     
  108. La pire misère est qu'on se console de la mort de ceux qu'on a aimés.
    (Réflexions et maximes, p.24, Félix Alcan, 1911)
     
  109. Nous souffrons de ne pas aimer, et tous nos attachements finissent dans la douleur.
    (Réflexions et maximes, p.25, Félix Alcan, 1911)
     
  110. Bien fous sont les pessimistes de crier après le moulin à vent pour l'empêcher de tourner ! Le même vent qui les fait crier continue à faire aller le moulin, et c'est là le train raisonnable de ce monde.
    (Réflexions et maximes, p.25, Félix Alcan, 1911)
     
  111. L'optimisme et le pessimisme sont une même expression des choses : on l'affecte du signe plus ou du signe moins, selon son tempérament.
    (Réflexions et maximes, p.25, Félix Alcan, 1911)
     
  112. Les rêves dorés de notre enfance fuient sous la main qui veut les saisir. Qui pourra attraper ces oiseaux rares et leur mettre sur la queue le grain de sel ?
    (Réflexions et maximes, p.25, Félix Alcan, 1911)
     
  113. La caresse d'un être aimé, le contact d'une chose douce endorment notre douleur mieux que tous les raisonnements du monde.
    (Réflexions et maximes, p.25, Félix Alcan, 1911)
     
  114. La poésie est encore ce qu'on a trouvé de plus pratique, l'essentiel en ce monde n'étant pas d'avoir du pain, mais de se plaire à la vie.
    (Réflexions et maximes, p.26, Félix Alcan, 1911)
     
  115. C'était la ville et son bruit ; c'est maintenant une allée ombreuse de chênes et de pins, le soleil qui joue les troènes, des stellaires luisant parmi les herbes, un merle qui siffle sur la branche ; et voilà que mes sentiments ont pris un nouveau cours. Quelle tristesse à la fois et quel repos dans ce rajeunissement de la nature !
    (Réflexions et maximes, p.26, Félix Alcan, 1911)
     
  116. Pour l'homme qui a quelque chose de grand dans le caractère, la vie telle que la rêvent les petits ambitieux d'honneurs ou de richesses ne vaudrait pas la peine d'être vécue.
    (Réflexions et maximes, p.26, Félix Alcan, 1911)
     
  117. Les naïfs soufflent dans le vent pour le pousser ; les habiles, pour qu'il les pousse.
    (Réflexions et maximes, p.27, Félix Alcan, 1911)
     
  118. Il est curieux de voir combien d'hommes se déconsidèrent pour parvenir à une position considérée.
    (Réflexions et maximes, p.27, Félix Alcan, 1911)
     
  119. À force de compliquer notre vie, nous ne savons plus jouir de la vie.
    (Réflexions et maximes, p.27, Félix Alcan, 1911)
     
  120. Que de peines pour un hochet !... Enrubannez-vous : mort le tigre ou l'âne, il ne vaut plus que sa peau.
    (Réflexions et maximes, p.27, Félix Alcan, 1911)
     
  121. La chasse aux palmes et aux rubans, dans notre mêlée sociale, provoque peut-être certains services gratuits, mais elle favorise singulièrement l'abaissement des caractères.
    (Réflexions et maximes, p.27, Félix Alcan, 1911)
     
  122. Je vois des gens qui font cent démarches pour obtenir un ruban rouge ou porter l'habit académique. Quand l'heure dernière a sonné, tout revient au même.
    (Réflexions et maximes, p.28, Félix Alcan, 1911)
     
  123. Si je me mêle à la vie, j'en exagère l'importance ; et si je m'en éloigne, l'insignifiance.
    (Réflexions et maximes, p.28, Félix Alcan, 1911)
     
  124. Comment un généreux désir nous emporte-t-il si haut, quand la cruelle observation nous tire si bas !
    (Réflexions et maximes, p.28, Félix Alcan, 1911)
     
  125. Les moeurs ne sont jamais aussi artificielles qu'on le dit. Il a été dans notre nature de produire notre culture.
    (Réflexions et maximes, p.28, Félix Alcan, 1911)
     
  126. Nous vivons dans des conventions de toute sorte ; et, sans ces conventions, il n'y aurait pas de société possible. À revenir à la nature, on reculerait jusqu'à l'existence des cavernes.
    (Réflexions et maximes, p.28, Félix Alcan, 1911)
     
  127. J'ai rencontré dans la forêt une harde de biches. Le mâle est venu se placer en avant, la tête droite sous son bois majestueux, ses femelles rangées derrière lui : c'est le vivant tableau du rapport des sexes, dans la nature et dans la société. Nous avons licence d'y corriger, mais non pas d'y contredire.
    (Réflexions et maximes, p.29, Félix Alcan, 1911)
     
  128. À l'égard des relations sexuelles, l'homme s'est élevé un peu au-dessus du chien ; mais il ne cesse d'accuser les préjugés qui l'empêchent de redescendre au-dessous.
    (Réflexions et maximes, p.29, Félix Alcan, 1911)
     
  129. La mouche murmure dans l'air tiède, la fourmi court sur une brindille, le ver rampe sous le gazon ; tout ce petit monde, autour de nous, s'agite, s'accouple et travaille pour remplir la grande fonction où s'emploie toute créature, et qui est de perpétuer la vie.
    (Réflexions et maximes, p.29, Félix Alcan, 1911)
     
  130. Si la nature n'eût fait d'elle une nourrice, la femme ne serait pas toute la femme.
    (Réflexions et maximes, p.30, Félix Alcan, 1911)
     
  131. Une fleur de dahlia se vantait d'être stérile. « En suis-je moins belle, repartit la fleur du grenadier, pour la beauté de mon fruit ? »
    (Réflexions et maximes, p.30, Félix Alcan, 1911)
     
  132. Sans les délicats, l'espèce humaine ne porterait pas sa fleur ; avec les seuls délicats, elle décherrait bientôt.
    (Réflexions et maximes, p.30, Félix Alcan, 1911)
     
  133. À quel niveau inférieur ne retomberaient pas nos civilisations, une fois dépouillées de ce qu'on nomme avec dédain les « vertus inutiles » !
    (Réflexions et maximes, p.30, Félix Alcan, 1911)
     
  134. Charmantes fleurs de l'illusion, à qui trancherait le fil léger qui vous lie à notre terre il ne resterait bientôt plus, dans le voyage de la vie, qu'une obscurité morne et la lourde fatigue du chemin.
    (Réflexions et maximes, p.30, Félix Alcan, 1911)
     
  135. La vie du coeur tient entre ces deux moments, - attendre, se souvenir.
    (Réflexions et maximes, p.31, Félix Alcan, 1911)
     
  136. La mélancolie des jeunes gens n'est que l'appétit du bonheur ; celle des vieillards en est le regret.
    (Réflexions et maximes, p.31, Félix Alcan, 1911)
     
  137. Chère et noble figure qui disparaissez dans le passé, vous possédiez ces qualités éminentes qui furent la fleur de notre haute culture, la distinction, le sens de l'art, le jugement sain et la divine bonté. La vieillesse même, en déformant votre corps délicat, ne sut pas vous les ravir. De votre personne émanait ce charme qui ne se définit point, cette grâce discrète, supérieure aux dons bruyants de la renommée, qui laisse je ne sais quoi de meilleur à ce qui l'approche, qui agit comme une force bienfaisante dans l'âme de ceux qu'elle traverse ou qu'elle a touchés seulement à son passage en ce monde. Vous nous quittez dans la paix, ayant reçu la faveur dernière de rester aimable jusqu'à cette heure d'angoisse où s'éteint la vie, et tristement je regarde, en cette continuelle destruction et transformation des choses humaines, s'en aller avec vous un des beaux exemples d'une éducation qui finit et d'une société qui meurt.
    (Réflexions et maximes, p.31, Félix Alcan, 1911)
     
  138. Ne disputons par sur la valeur relative des grands hommes. Les variétés du génie sont le génie.
    (Réflexions et maximes, p.33, Félix Alcan, 1911)
     
  139. On cite des hommes considérables qui furent des « dégénérés ». Plus commune est encore l'espèce des fous qui pensent avoir du génie.
    (Réflexions et maximes, p.33, Félix Alcan, 1911)
     
  140. Les grands hommes commencent à vivre quand ils meurent.
    (Réflexions et maximes, p.33, Félix Alcan, 1911)
     
  141. L'excès de louange, c'est une brèche à la gloire.
    (Réflexions et maximes, p.33, Félix Alcan, 1911)
     
  142. Ni tous les vivants ne méritent leur renommée, ni tous les morts leur oubli.
    (Réflexions et maximes, p.34, Félix Alcan, 1911)
     
  143. De l'or dans les poches, du paillon dans la tête, voilà le bilan de maint auteur à la mode.
    (Réflexions et maximes, p.34, Félix Alcan, 1911)
     
  144. Parmi nos hommes « célèbres » combien il s'en trouve qui n'ont jamais pensé à rien ! Combien d'autres qui s'agitent sans avancer ! Ils sont des machines qui brûlent beaucoup de charbon, mais la roue ne tourne pas.
    (Réflexions et maximes, p.34, Félix Alcan, 1911)
     
  145. Quel encombrement de petites gloires faites par de petits esprits !
    (Réflexions et maximes, p.34, Félix Alcan, 1911)
     
  146. L'admiration est une émotion autant qu'un jugement.
    (Réflexions et maximes, p.34, Félix Alcan, 1911)
     
  147. Admirer, c'est créer soi-même la beauté dans les choses par un mensonge inconscient, à peu près semblable au mensonge du poète dans la création volontaire de son oeuvre.
    (Réflexions et maximes, p.35, Félix Alcan, 1911)
     
  148. Si le souvenir n'imaginait pas, il ne vivrait pas. - Je prête quelque chose de moi-même aux scènes qui sont passées, aux figures évanouies, aux voix qui ne parlent plus.
    (Réflexions et maximes, p.35, Félix Alcan, 1911)
     
  149. L'imagination poétique, dans l'artiste, est comme la fiction d'une vie seconde, infiniment variée, qui prend existence et forme selon l'occasion ou le moment.
    (Réflexions et maximes, p.35, Félix Alcan, 1911)
     
  150. Le défaut de mesure donne parfois l'impression de la puissance ; il marque plus souvent une faiblesse.
    (Réflexions et maximes, p.35, Félix Alcan, 1911)
     
  151. L'art, quel qu'il soit, transfigure le sentiment qu'il exprime ; et c'est par là que les divers arts restent voisins l'un de l'autre, tandis qu'ils semblent si différents, par leurs moyens d'expression, par leur langage.
    (Réflexions et maximes, p.36, Félix Alcan, 1911)
     
  152. L'émotion la plus aiguë, la plus violente est comme allégée et purifiée en passant par la vision de l'artiste : elle affecte un caractère d'idéal, d'éloignement, qui en relève la dignité et ne la laisse pas être douloureuse.
    (Réflexions et maximes, p.36, Félix Alcan, 1911)
     
  153. L'artiste a sa façon d'être ému, qui peut n'être pas la vôtre. Il a fourni l'aliment, donné le choc dont les âmes vibreront ; le reste n'est pas son affaire.
    (Réflexions et maximes, p.36, Félix Alcan, 1911)
     
  154. Tout ce que j'écris me semble pauvre et sans couleur auprès de ce que je pense ; les mots font voir le squelette de l'idée, ils ne traduisent pas l'émotion qui est sa chair et sa vie.
    (Réflexions et maximes, p.36, Félix Alcan, 1911)
     
  155. L'intuition, c'est la vision anticipée d'une vérité : hypothèse pour le savant, rêverie pour le poète.
    (Réflexions et maximes, p.37, Félix Alcan, 1911)
     
  156. Le savant passe de l'émotion à la connaissance ; le poète fait le contraire. Mais l'homme n'est pas complet, s'il n'est l'un et l'autre.
    (Réflexions et maximes, p.37, Félix Alcan, 1911)
     
  157. Léonard de Vinci reste plus grand pour avoir été un homme de science. Les Kepler et les Pascal nous saisissent par un cri venu de leur âme de poète.
    (Réflexions et maximes, p.37, Félix Alcan, 1911)
     
  158. Quiconque veut créer, en art, doit oublier beaucoup et redevenir naïf.
    (Réflexions et maximes, p.37, Félix Alcan, 1911)
     
  159. Certaines gens veulent enseigner à faire des chefs-d'oeuvre. Il ne faut qu'avoir du génie ; avec cet ingrédient, tous les procédés sont bons.
    (Réflexions et maximes, p.37, Félix Alcan, 1911)
     
  160. Beaucoup de talent, mais littérature de gens mal élevés, telle est l'impression que me laissent bien des oeuvres d'aujourd'hui.
    (Réflexions et maximes, p.38, Félix Alcan, 1911)
     
  161. « J'admire, disait un critique désabusé, que puisse venir aux jeunes gens qui fréquentent nos théâtres l'idée de se marier. - On ne les décourage point, reprit un confrère, on les prépare. »
    (Réflexions et maximes, p.38, Félix Alcan, 1911)
     
  162. « En quelle langue, me demandait un lettré chinois, est donc écrit ce roman qui a porté, me dit-on, son auteur à l'Académie ? - Mais, Monsieur, en langue française, je suppose. - C'est étrange, je ne l'ai pas reconnue. »
    (Réflexions et maximes, p.38, Félix Alcan, 1911)
     
  163. « Que vouliez-vous qu'il fasse contre trois ? - Qu'il meure !... » Voilà comment on accommoderait Corneille.
    (Réflexions et maximes, p.38, Félix Alcan, 1911)
     
  164. Irrémédiable vulgarité : de ce juste mot un écrivain délicat1 a flétri un romancier trop vanté, dont le nom ne viendra plus sous ma plume.
    1. Maurice Barrès

    (Réflexions et maximes, p.38, Félix Alcan, 1911)
     
  165. Tels poètes acclamés sur nos théâtres et portés par l'art du comédien ne sont, à bien voir, que des « barbares ».
    (Réflexions et maximes, p.39, Félix Alcan, 1911)
     

André-Ernest-Modeste Grétry

  1. Il semble, en général, que les maximes du courtisan La Rochefoucault sont les fruits d'une étude réfléchie de toutes les finesses du mensonge.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.114, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  2. Mentir, de quelque manière que ce soit, c'est prêter son argent à un banqueroutier. Le mensonge nous donne un instant de répit que nous payons par de longues souffrances.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.114, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  3. Quand on est convenu que l'argent monnayé représentait tout ce que l'on peut désirer, on a trouvé le moyen de mettre des terres, des provinces, des royaumes, dans un sac.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.114, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  4. Quand les mots, selon leur juste valeur, seront rangés par séries comme les unités ou les nombres, il n'y aura plus d'obscurité dans nos idées.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.114, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  5. En mourant, les dernières paroles de l'homme sensé doivent être celles-ci : Je me suis embarqué, j'ai navigué, je suis arrivé : monde, je te fais mes adieux ; éternité, je te salue.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.114, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  6. L'avarice annonce la vieillesse, comme la libéralité annonce le temps des amours. Pour s'en aller, le vieil avare fait son paquet ; pour s'installer, le jeune homme dépense son avoir. Un jeune avare est un vieillard précoce, comme souvent le vieux libéral est encore un vert galant.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  7. Il vaut mieux savoir bien que savoir beaucoup ; il vaut mieux ne savoir rien que de savoir mal.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  8. Savoir beaucoup sans bien savoir, c'est comme une grande bibliothèque en désordre qui attend les soins intelligents du bibliographe.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  9. Les passions sont à la nature humaine ce que les vents sont à la navigation. Sans passions, l'homme est nul ; mal dirigées, il en est tourmenté ; bien gouvernées, il vogue à pleines voiles vers son bonheur.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  10. La ruse des jolies femmes est d'offrir de mille manières, et toujours avec grâce, ce qu'elles ne donnent presque jamais, si on le désire trop vivement. La contre-ruse des beaux garçons est d'avoir l'air de désirer peu ce qu'ils désirent infiniment.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  11. Il n'est pas de jolie femme, en son particulier, qui ne rit de pitié en apprêtant tout ce qui va nous tourner la tête. Dans ce sens, qu'est-ce que l'homme ? un joujou de femme. Qu'est-ce que la femme ? tout pour l'homme.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.115, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  12. L'amour est une vraie religion dans laquelle les femmes sont superstitieuses ; les hommes robustes des théistes ; les vieillards, des athées.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.116, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  13. La première fois que des enfants oublièrent le respect qu'ils avaient toujours eu pour leur père, fut probablement le jour où Noé s'enivra.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.116, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  14. « ;Pour me venger de mes ennemis, disait Beaumarchais, je veux vivre jusqu'à ce qu'ils soient tous morts. »
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.117, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  15. Lorsque les hommes se rencontrent, il leur serait plus profitable de se saluer en disant bonne mort que bon jour. Qu'est-ce qu'un jour, une parcelle de notre existence ; mais une bonne mort suppose une belle vie qui l'a précédée.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.117, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  16. La perfection n'est pas dans le domaine de l'homme ; c'est ce que disent si bien ces deux vers dont j'ignore l'auteur[1] :

    Croire que l'on sait tout est une erreur profonde ;
    C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde.


    [1] Grétry cite certainement de mémoire, car la citation est erronée. Le distique est d'Antoine-Marie Lemierre (1733-1793). Il ouvre son poème L'utilité des découvertes faites dans les arts et dans les sciences sous le règne de Louis XIV et s'énonce ainsi :
    « Croire tout découvert est une erreur profonde;
    C'est prendre l'horizon pour les bornes du monde. »
    Vous le trouverez à la page 93 du tome II des Oeuvres choisies de Lemierre, Paris, 1811. Merci Google ! (GGJ)

    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.117, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  17. Quels sont les premiers menteurs entre les hommes de toutes les nations ? Ceux qui, dans leur langage, se servent le plus de diminutifs et de superlatifs.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.117, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     
  18. En naissant nous pleurons, en vivant nous nous plaignons, en mourant nous souffrons ; qu'est-ce donc que la vie ? « C'est bâtir la mort », a dit Montaigne.
    (De la vérité in L'artiste, Beaux-arts et belles-lettres, 4e série, T.2, p.117, Aux Bureaux de l'Artiste, 1844)
     

Paul Masson

  1. Je n'écris que par aphorismes. J'ai remarqué, en effet qu'on lisait rarement un article d'un bout à l'autre, une pensée toujours.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.1, Léon Vanier, 1896)
     
  2. Tout ce qui verse à l'homme quelque consolation ici-bas, qui lui parle d'infini, de justice ou d'amour, porte comme les anges, un vêtement flottant : la femme, le magistrat, le prêtre.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.1, Léon Vanier, 1896)
     
  3. Il est des gens qui ne dépouillent jamais leur orgueil. Leurs fautes, s'ils les passent en revue, c'est à cheval.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.1, Léon Vanier, 1896)
     
  4. « Ne m'oubliez pas, » soupire le coeur. « Ne t'oublie pas, » hurle la raison.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.2, Léon Vanier, 1896)
     
  5. Quand une femme a l'air généralement sérieux, il y a des chances pour que les perles de son écrin buccal ne soient pas d'un orient irréprochable.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.2, Léon Vanier, 1896)
     
  6. Les malins qui, sous couleur d'instituer des expériences psychologiques, passent leur vie à courtiser les belles dames, me font un peu l'effet de gens qui voleraient des rondins de bois dans une forêt sous prétexte d'étudier la botanique.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.2, Léon Vanier, 1896)
     
  7. Certains médecins, en vous tâtant le pouls, ont une façon de vous prendre par la main qui semble tout de suite vous guider vers un monde meilleur.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.2, Léon Vanier, 1896)
     
  8. Quand on a une volonté de fer, il faut prendre bien garde de la laisser rouiller par des larmes de femme.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.3, Léon Vanier, 1896)
     
  9. On s'étonne parfois que les gens qui n'écoutent jamais ce qu'on leur raconte puissent encore avoir des amis. C'est peut-être ce qui explique de leur part qu'ils en aient tant.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.3, Léon Vanier, 1896)
     
  10. Souvent, pendant que le prêtre est en chaire, ânonnant son prône, un oiseau du ciel prend son vol sous les hautes voûtes. Laissez-la voltiger, cette bestiole, elle prêche aussi à sa manière.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.3, Léon Vanier, 1896)
     
  11. L'être le plus aimable de la création est la femme ; le plus respectable, la mère, à la condition qu'elle cesse d'être une femme.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.3, Léon Vanier, 1896)
     
  12. Quand on veut parler de son premier amour, il est rare qu'on ne songe pas aussitôt à deux ou trois.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.4, Léon Vanier, 1896)
     
  13. Le plus dangereux métal est l'acier. Il fournit la matière des glaives, des plumes à écrire, et des tournures.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.4, Léon Vanier, 1896)
     
  14. Certains êtres nés pour obéir et appelés par le hasard à débattre les grands intérêts coloniaux du pays en face d'une diplomatie chatouilleuse, nous font trembler comme la vue d'un domestique mal dégrossi, manipulant une fragile porcelaine de Chine.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.4, Léon Vanier, 1896)
     
  15. Il y a trois sortes d'établissements au fronton desquels on aurait bien fait de retarder l'inscription des mots ;« Liberté, Égalité, Fraternité », à savoir : les prisons, la Monnaie et les arsenaux.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.4, Léon Vanier, 1896)
     
  16. Ce n'est qu'en participant à l'obscurité des choses que nous parviendrons dans une certaine mesure à en vaincre le mystère. Tissons nos rêveries dans le voile qui nous dérobe Maya, si nous voulons entrevoir ses beautés cachées.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.5, Léon Vanier, 1896)
     
  17. J'ai toujours espoir qu'au jugement dernier on nous accordera le jury.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.5, Léon Vanier, 1896)
     
  18. L'âme est à l'égard des sens comme une noble captive entre les mains des paysans grossiers, condamnée à ne se réjouir que quand ces rustres ont réussi à la mêler à leurs jeux et à la faire entrer dans la danse.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.5, Léon Vanier, 1896)
     
  19. Nos rois avaient leur fou en titre. Le peuple souverain, ayant plusieurs têtes à distraire, devait forcément multiplier l'emploi.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.5, Léon Vanier, 1896)
     
  20. Les impressions de l'enfance sont ineffaçables. Pour marquer sur le sol l'ultime empreinte qui nous fera trébucher à la tombe, notre pied se posera comme au jour de printemps où l'on guida pour la première fois sa démarche tâtonnante. Quand je serai admis dans le choeur des Trônes et des Séraphins, je sens que ma plus hâtive évocation sera celle du petit nez retroussé qui le premier fit battre mon pauvre coeur.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.6, Léon Vanier, 1896)
     
  21. Souvent deux amants se désaltèrent à la même coupe de voluptés ; mais l'un trinque avec du petit bleu, l'autre avec du Syracuse.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.6, Léon Vanier, 1896)
     
  22. Allons ! encore quelques siècles, et on nous appellera le moyen âge. Il faut avouer que nous ne l'aurons pas volé.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.6, Léon Vanier, 1896)
     
  23. Pendant longtemps on a cru qu'il fallait uniquement tenir compte en politique de ceux qui possèdent le monde en surface : les cultivateurs ; mais de plus en plus on prend l'avis de ceux qui tentent de l'accaparer en hauteur : les cultivés. Patience. Bientôt les légitimes amodiateurs de l'azur auront enfin vaincu les paladins du cadastre.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.6, Léon Vanier, 1896)
     
  24. C'est assez d'une très petite dose d'idéal pour ennoblir une longue existence. Recueillez tout l'or des nimbes dont vous avez cerclé le front d'innombrables idoles, et un minuscule flacon suffira à le contenir.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.7, Léon Vanier, 1896)
     
  25. Certaines gens ne résistent pas au plaisir de river son clou à leur meilleur ami, même si la pointe a pénétré en plein coeur.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.7, Léon Vanier, 1896)
     
  26. L'occasion, dit-on, fait les larrons ; elle fait peut-être aussi les Christs.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.7, Léon Vanier, 1896)
     
  27. On a beau avoir la même origine, la destinée nous répartit inégalement ses faveurs. Tel boyau de mouton deviendra la frêle et plaintive chanterelle qui sous l'archet d'un virtuose nous arrachera des larmes, tel autre sera la prosaïque enveloppe, bondée de chair épaisse, d'un saucisson crevant de suffisance.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.7, Léon Vanier, 1896)
     
  28. Ceux que l'amour trahit n'ont qu'à noyer leur chagrin dans l'ivresse. N'est-ce pas Bacchus qui, à Naxos, consola Ariane délaissée ?
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.8, Léon Vanier, 1896)
     
  29. Il est sage de canaliser ses vices, mais il ne faut pas trop s'attarder dans les biefs.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.8, Léon Vanier, 1896)
     
  30. Dans les réceptions du grand monde, les femmes découvrent leur cou, ce noble support du visage, et la courbe divine des épaules, ce fuyant appui de nos fronts. Dans les bals publics, c'est par les extrémités basses qu'elles tendent à se décolleter. Tout le contraste entre deux formes irréductibles d'idéal ne se résume-t-il pas en ce simple trait ?
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.8, Léon Vanier, 1896)
     
  31. Quand je songe que sur cet immense Océan, où l'on peut naviguer durant des semaines sans rencontrer la moindre voile, d'innombrables navires suivent inflexiblement la route qui doit les faire s'éventrer l'un l'autre, je me demande comment on peut encore douter de la Providence.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.9, Léon Vanier, 1896)
     
  32. Se faire dire la bonne aventure ! L'épithète seule aurait dû suffire pour jauger l'impartialité de ce procédé d'investigation.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.9, Léon Vanier, 1896)
     
  33. La religion se fera de plus en plus commode. On finira par monter au ciel en ascenseur.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.9, Léon Vanier, 1896)
     
  34. Quand on veut parvenir, c'est, comme Achille, du côté du talon, mais un peu plus haut, qu'il faudrait être invulnérable.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.9, Léon Vanier, 1896)
     
  35. Ce n'est jamais sans une certaine terreur que je me mets au lit. N'est-ce pas du sommeil d'Adam que Dieu profita pour le gratifier d'une compagne ?
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.10, Léon Vanier, 1896)
     
  36. Les mendiants d'amour sont les plus nerveux de tous. Quand on ne remplit pas la main qu'ils tendent, ils ferment aussitôt le poing.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.10, Léon Vanier, 1896)
     
  37. Tous nos prétoires sont soigneusement lambrissés de chêne. Est-ce pour nous faire regretter davantage celui de Vincennes ?
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.10, Léon Vanier, 1896)
     
  38. Nos savants feront mieux qu'arrêter le soleil : ils le remplaceront.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.10, Léon Vanier, 1896)
     
  39. La femme ne veut, dit-on, qu'une chose : être préférée. Elle doit donc nous permettre de comparer.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.10, Léon Vanier, 1896)
     
  40. Le livre de la nature est un de ces incunables où l'on négligeait de mettre la ponctuation, et dont le titre est à la fin.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.11, Léon Vanier, 1896)
     
  41. On ne m'ôtera pas de la tête qu'il y a eu interversion dans l'ordre des livres saints et que tout ce qui est dit de la création d'un être raisonnable formé à l'image de Dieu doit être rangé parmi les prophéties.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.11, Léon Vanier, 1896)
     
  42. Les gens du monde au coeur sec et à l'abord mielleux m'induisent souvent à penser que nous ne sommes pas aussi loin qu'on veut bien le dire de l'époque de la pierre polie.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.11, Léon Vanier, 1896)
     
  43. Dans la conquête physique d'une femme, contrairement aux lois sur la chute des graves, on va incomparablement plus vite de bas en haut que de haut en bas.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.11, Léon Vanier, 1896)
     
  44. Est-ce bien la peine d'avoir été un grand patriote, un guerrier indomptable comme Jean Hunyade, pour n'être connu, quatre siècles après sa mort, que par une eau purgative ?...
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.12, Léon Vanier, 1896)
     
  45. Où règne l'antique erreur la lumière pénètre difficilement. Les vitraux gothiques interceptent les rayons du soleil, comme chez les vieillards la cornée devient opaque.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.12, Léon Vanier, 1896)
     
  46. Le sort de l'amour, cette passion tragique, dépend d'un tout petit pli du visage : il naît d'un sourire, niche dans une fossette, et meurt d'une ride.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.12, Léon Vanier, 1896)
     
  47. Quand les astronomes nous parlent d'étoiles qui s'éteignent, je crois toujours entendre le Père Éternel murmurer de sa grosse voix : « Allons, bon ! encore un globe de cassé ! »
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.12, Léon Vanier, 1896)
     
  48. Ou la théorie de Darwin n'est qu'un leurre, ou l'homme du siècle prochain naîtra un cigare à la bouche et un bulletin de vote à la main, tout prêt à s'empester et à s'asservir.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.13, Léon Vanier, 1896)
     
  49. Toutes les langues dont Babel fut jadis assourdie jacasseraient-elles à la fois, elles formeraient une cacophonie plus intelligible que celle qui emplit journellement les Pas-Perdus de notre for intérieur.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.13, Léon Vanier, 1896)
     
  50. Il ne faut pas juger de l'arbre par l'écorce. Les Auvergnats portent volontiers des vêtements de velours.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.13, Léon Vanier, 1896)
     
  51. La révélation brusque d'une bassesse physique suffit parfois à étouffer une passion naissante. Tous les commencements d'incendie du coeur peuvent être éteints à la façon humiliante dont usa Gulliver.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.13, Léon Vanier, 1896)
     
  52. Ô hommes politiques, ne grattez pas le mur pour en chasser l'ombre, vous le dégraderiez en vain ; mais augmentez la lumière, l'ombre se dissipera d'elle-même. Ne jetez pas au creuset les faux bijoux, qui contiennent toujours quelques parcelles de pur métal, mais donnez à chacun une pierre de touche avec la manière d'en user.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.14, Léon Vanier, 1896)
     
  53. Le plus joli cadeau que rêve l'enfant est une montre qui lui indique les heures ; quelques années plus tard, ce sera une poupée à ressorts, qui les lui fasse oublier.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.14, Léon Vanier, 1896)
     
  54. Le christianisme a retiré l'âme humaine de roture en lui octroyant pour lettres de noblesse l'Évangile et la croix pour blason.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.14, Léon Vanier, 1896)
     
  55. Nous pardonnons plus facilement à la femme les artifices de son coeur que les perfidies de son corsage.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.14, Léon Vanier, 1896)
     
  56. Quand la mode des processions extérieures reviendra, c'est autour de la Bourse que devra se faire la principale, car c'est là que les récoltes sont toujours le plus compromises.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.15, Léon Vanier, 1896)
     
  57. En fait d'amour, beaucoup de gens sont comme les hannetons, ils comptent leurs écus avant de s'envoler.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.15, Léon Vanier, 1896)
     
  58. Le tonneau est toujours un emblème de folie, soit qu'on l'enfourche comme Bacchus, soit qu'on l'habite, comme Diogène.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.15, Léon Vanier, 1896)
     
  59. La plupart des hommes attendent qu'ils soient vieux pour se replier sur eux-mêmes.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.15, Léon Vanier, 1896)
     
  60. Les déclamations des impies contre le matériel du culte tombent à faux. L'Église n'est pas dans les dalles du sanctuaire, mais dans les fronts qui s'y meurtrissent ; ni dans les vapeurs de l'encens qui flottent au-dessus de l'autel, mais dans la prière qui jaillit plus haut qu'elles et va percer les voûtes ; ni dans la pâle et insipide manne enfin qui descend sur les lèvres du fidèle, mais dans le coeur qu'elle réconforte.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.15, Léon Vanier, 1896)
     
  61. Par la parole l'homme est supérieur à l'animal ; par le silence, à lui-même.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.16, Léon Vanier, 1896)
     
  62. Quand une belle personne a les yeux inégaux, ses amis disent qu'elle en a un plus grand, ses ennemis, un plus petit que l'autre. Toute la différence entre la bonté et la malveillance est là.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.16, Léon Vanier, 1896)
     
  63. Les gens versatiles imitent tout, sauf l'honnêteté ; de même le caméléon prend, dit-on, toutes les couleurs excepté la blanche.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.16, Léon Vanier, 1896)
     
  64. Sur le manuscrit de l'amour l'homme surcharge, la femme biffe.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  65. La critique doit faire l'office des mouchettes, non d'éteignoir.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  66. Peu de gens savent cacher leurs défauts, comme César sa calvitie, avec des lauriers.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  67. Certaines insultes portent en elles leur réconfort. Les chiens n'aboient que contre les roues qui tournent.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  68. Tout coeur qui bat trop fort s'expose à des représailles.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  69. Les pavés des barricades sont dangereux aux gouvernements, mais pas plus que ceux de l'ours.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.17, Léon Vanier, 1896)
     
  70. Les taches de la lune sont sans doute les cicatrices des nombreux trous qu'on lui a faits.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.18, Léon Vanier, 1896)
     
  71. Quand un homme est décoré, on devrait nommer son père pour le moins officier d'académie.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.18, Léon Vanier, 1896)
     
  72. Les gens bien doués sont condamnés d'avance à brûler plus longtemps que les autres dans le Purgatoire, étant plus riches en phosphore.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.18, Léon Vanier, 1896)
     
  73. N'est-il pas pénible de penser que certains écrivains consacrent de longues veilles à des ouvrages soporifiques et procurent à des inconnus un bienfait dont ils se privent eux-mêmes ?
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.18, Léon Vanier, 1896)
     
  74. Les yeux sont tellement le miroir immédiat de l'âme que nous en voulons toujours à ceux qui louchent : nous croyons malgré nous qu'il y a un peu de leur faute. Il semble qu'une absolue rectitude d'âme devrait être assez énergique pour redresser l'axe de la vision physique.
    (Les Pensées d'un Yoghi , p.18, Léon Vanier, 1896)
     

Denys Caton

  1. Si c'est un pur esprit que le souverain Être,
    Ainsi que dans ses vers le poète l'écrit,
    Que ton soin principal soit de le reconnaître ;
    L'adorant de cœur et d'esprit.

    (Distiques, Livre 1, I , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.1, Paris, Fuchs, 1802)
     
  2. Veille autant que tu peux ; et, fuyant la mollesse,
    Des douceurs du repos n'use que sobrement ;
    Car le trop long sommeil engendre la paresse,
    Qui sert au vice d'aliment.

    (Distiques, Livre 1, II , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.2, Paris, Fuchs, 1802)
     
  3. La première vertu de l'homme raisonnable
    Est de mettre à sa langue un frein judicieux.
    Il n'est rien de plus estimable :
    L'homme qui sait se taire est presque égal aux Dieux.

    (Distiques, Livre 1, II , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.2, Paris, Fuchs, 1802)
     
  4. D'esprit toujours égal, jamais ne t'abandonne
    À dire ou faire rien qui soit contraire à toi :
    Un homme ne saurait s'entendre avec personne
    Qui n'est pas d'accord avec soi.

    (Distiques, Livre 1, IV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.3, Paris, Fuchs, 1802)
     
  5. Si tu veux observer la conduite des hommes
    Déréglés, soumis à leurs sens,
    Avant de les blâmer, pense à ce que nous sommes ;
    Pense qu'il n'en est point qui vivent innocents.

    (Distiques, Livre 1, V, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.3, Paris, Fuchs, 1802)
     
  6. Aux objets les plus chers, lorsqu'ils peuvent te nuire,
    Renonce avec facilité.
    L'amour même des biens, pour ne pas nous séduire,
    Doit céder à son tour à notre utilité.

    (Distiques, Livre 1, VI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  7. Cède, lorsqu'il convient d'user de complaisance :
    Sache aussi te montrer ferme en tes sentiments.
    C'est un effet de la prudence
    De changer quand il faut s'accoutumer au temps,

    (Distiques, Livre 1, VII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  8. Ne sois pas trop crédule à tout ce que déclame
    Contre tes serviteurs une épouse en courroux.
    On déplaît souvent à la femme
    Pour avoir le malheur de trop plaire à l'époux.

    (Distiques, Livre 1, VIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.4, Paris, Fuchs, 1802)
     
  9. Tu crois devoir donner quelque avis salutaire,
    Qu'un indocile ami ne veut pas recevoir.
    Ne te rebute point ; et d'un amour sincère
    Montre-lui toujours son devoir.

    (Distiques, Livre 1, IX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.5, Paris, Fuchs, 1802)
     
  10. Avec un grand parleur n'entre point en matière :
    Pour l'emporter sur lui tu perdrais ton repos.
    Tous ont pour la parole un talent ordinaire,
    Mais peu pour parler à propos.

    (Distiques, Livre 1, X, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.5, Paris, Fuchs, 1802)
     
  11. Aime-toi le premier, ton amitié féconde
    Peut se prêter ensuite en faveur d'un égal ;
    Mais pour faire du bien, fais tel choix de ton monde,
    Qu'il ne t'en arrive aucun mal.

    (Distiques, Livre 1, XI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.6, Paris, Fuchs, 1802)
     
  12. Ne prends point part aux bruits que sème le vulgaire,
    De crainte de passer pour en être l'auteur.
    On ne risque rien à se taire,
    Et souvent pour parler on cause son malheur.

    (Distiques, Livre 1, XII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.6, Paris, Fuchs, 1802)
     
  13. Ce qu'on t'aura promis d'un air de certitude,
    Ne vas pas le promettre avant de l'obtenir.
    Combien dans leur parole ont peu d'exactitude
    Beaucoup savent promettre, et peu savent tenir.

    (Distiques, Livre 1, XIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  14. Lorsqu'on parle à ton avantage,
    Sache alors te juger toi-même à la rigueur :
    Au sentiment d'autrui n'en crois pas davantage,
    Qu'au témoignage de ton cœur.

    (Distiques, Livre 1, XIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  15. Ne dissimule point le bien qu'on t'a su faire ;
    En public nommes-en l'auteur :
    Celui que tu feras, sois habile à le taire ;
    Fais sentir le bienfait, cache le bienfaiteur.

    (Distiques, Livre 1, XV, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.7, Paris, Fuchs, 1802)
     
  16. Lorsque ton souvenir rappelle en ta vieillesse
    Des faits que tu veux raconter,
    Pense à ce que tu fis dans ta jeunesse,
    Et du bien et du mal tâche de profiter.

    (Distiques, Livre 1, XVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.8, Paris, Fuchs, 1802)
     
  17. Ne t'inquiète point lorsque tu verras dire
    Quelque chose en secret à l'oreille d'autrui :
    Celui dont la conduite offre le plus à rire,
    Croit toujours qu'on parle de lui.

    (Distiques, Livre 1, XVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.8, Paris, Fuchs, 1802)
     
  18. Quand pour toi la fortune est la plus libérale,
    Redoute en ses faveurs quelque revers fatal :
    Elle change souvent, et sa course inégale
    Commençant bien, peut finir mal.

    (Distiques, Livre 1, XVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.9, Paris, Fuchs, 1802)
     
  19. La vie étant fragile et peu sûre à tout âge,
    Quelque bonne santé dont tu puisses jouir,
    Ne compte point sur l'héritage
    Qu'à la mort d'un parent tu pourrais obtenir.

    (Distiques, Livre 1, XIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.9, Paris, Fuchs, 1802)
     
  20. Le présent qu'un ami t'offre en son indigence,
    Quelque petit qu'il soit, reçois-le avec bonté ;
    Et pour premier effet de ta reconnaissance,
    Vante sa libéralité.

    (Distiques, Livre 1, XX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  21. Pense sans t'effrayer à cette dernière heure
    Où tu dois terminer ton cours.
    Trembler incessamment de crainte qu'on ne meure,
    C'est renoncer à vivre, et mourir tous les jours.

    (Distiques, Livre 1, XXI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  22. Tu vois que la nature au jour de ta naissance
    T'a mis au monde pauvre et dans la nudité :
    Souffre donc sans impatience
    Les rigueurs de la pauvreté.

    (Distiques, Livre 1, XXII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.10, Paris, Fuchs, 1802)
     
  23. Si tes bienfaits et tes services
    N'ont pu te procurer un ami comme il faut,
    Ne t'en prends point au Ciel, l'accusant d'injustices,
    Et ne blâme que ton défaut.

    (Distiques, Livre 1, XXIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.11, Paris, Fuchs, 1802)
     
  24. Contre la pauvreté le plus sûr des remèdes
    Est d'user sobrement du bien qu'on t'a laissé :
    Pour garder ce que tu possèdes,
    Pense à tous les besoins dont l'homme est menacé.

    (Distiques, Livre 1, XXIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.11, Paris, Fuchs, 1802)
     
  25. Oblige promptement dès que tu peux le faire,
    Sans promettre deux fois un bienfait trop vanté ;
    On passe pour vain d'ordinaire
    En faisant trop valoir sa générosité.

    (Distiques, Livre 1, XXV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.12, Paris, Fuchs, 1802)
     
  26. Lorsque quelqu'un te jure une amitié fidèle,
    Portant la haine dans le cœur,
    Ne le rebute point ; montre-lui même zélé :
    L'artifice est permis pour tromper le trompeur.

    (Distiques, Livre 1, XXVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.12, Paris, Fuchs, 1802)
     
  27. Fuis ces discours flatteurs qui tendent à séduire ;
    On ne flatte que pour duper.
    Aux doux sons de la flûte un oiseleur attire
    L'oiseau que dans le piège il tâche d'attraper.

    (Distiques, Livre 1, XXVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.13, Paris, Fuchs, 1802)
     
  28. Ayant nombre d'enfants avec peu de richesse,
    Fais leur apprendre un art qui puisse les nourrir,
    Afin qu'au moins par leur adresse
    Ils évitent la faim qu'ils auraient à souffrir.

    (Distiques, Livre 1, XXVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.13, Paris, Fuchs, 1802)
     
  29. Tiens pour vil chose chère, et prise comme rare
    Ce qui par le vulgaire est le moins recherché :
    Par l'un, tu fuis le nom d'avare ;
    Par l'autre, des faux biens ton cœur est détaché,

    (Distiques, Livre 1, XXIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  30. Fuis le mal dont souvent tu blâmes la pratique ;
    Fais le bien dont tu veux être le défenseur.
    Quelle honte pour toi, docteur, dans ta critique,
    Si le vice était ton censeur !

    (Distiques, Livre 1, XXX, trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  31. Ne demande jamais que ce que la justice
    Ou bien l'honnêteté peuvent autoriser :
    Le sage ne doit point demander par caprice
    Tout ce que la raison a droit de refuser.

    (Distiques, Livre 1, XXXI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.14, Paris, Fuchs, 1802)
     
  32. Des choses que tu sais, parle avec assurance :
    Quand tu doutes, sois retenu.
    On juge en sûreté quand on a connaissance ;
    On décide au hasard sur un fait inconnu.

    (Distiques, Livre 1, XXXII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.15, Paris, Fuchs, 1802)
     
  33. Voyant qu'au cours de cette vie
    De fâcheux accidents se mêlent tour à tour,
    Pour compenser les maux dont le ciel l’a remplie,
    Estime un très grand bien le don de chaque jour.

    (Distiques, Livre 1, XXXIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.15, Paris, Fuchs, 1802)
     
  34. Pouvant sur tes amis remporter l'avantage,
    Mets ton honneur à leur céder :
    Un peu de complaisance ainsi mis en usage
    Te soumettra les cœurs que tu veux posséder.

    (Distiques, Livre 1, XXXIV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.16, Paris, Fuchs, 1802)
     
  35. Ne refuse jamais de donner peu de chose.
    A ceux dont tu prétends beaucoup plus obtenir,
    Un don fait à propos dispose,
    Et fournit à deux cœurs les moyens de s'unir.

    (Distiques, Livre 1, XXXV , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.16, Paris, Fuchs, 1802)
     
  36. Prends soin que du procès la fureur ne t'entraîne
    À diviser un tout dont tu fais la moitié :
    La colère engendre la haine,
    Et par l'esprit de paix on nourrit l'amitié.

    (Distiques, Livre 1, XXXVI , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  37. Ton domestique a-t-il mérité quelque blâme,
    Modère le courroux qui t'aigrit contre lui :
    Ce n'est qu'en possédant ton âme,
    Que tu peux compatir aux faiblesses d'autrui.

    (Distiques, Livre 1, XXXVII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  38. Si tu peux vaincre autrui, cède par complaisance :
    Rien n'est plus glorieux que de vaincre en cédant
    Car, entre les vertus, c'est à la patience
    Qu'on doit donner le premier rang,

    (Distiques, Livre 1, XXXVIII , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.17, Paris, Fuchs, 1802)
     
  39. As-tu des biens en abondance,
    Garde-les pour le temps où cessent les travaux :
    Où le travail finit, la pauvreté commence,
    Et devient le plus grand des maux.

    (Distiques, Livre 1, XXXIX , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.18, Paris, Fuchs, 1802)
     
  40. Tu fais goûter les fruits d'une largesse extrême
    À tous ceux que tu mets au rang de tes amis :
    Sois encore meilleur à toi-même
    Dans l'état d'opulence où le destin t'a mis.

    (Distiques, Livre 1, XL , trad. Antoine Marie Henri Boulard , p.18, Paris, Fuchs, 1802)