Citations ajoutées le 23 décembre 2001

Christian Bobin

  1. Ce qui est douloureux, c'est qu'il est impossible d'expliquer quelque chose à quelqu'un qui ne l'a pas déjà compris. On peut seulement parler à quelqu'un qui en a le pressentiment et qui souffre de ne pas avoir de lumières là-dessus.
    (La lumière du monde, p.28, Gallimard nrf, 2001)
     
  2. C'est attristant d'ignorer le nom de ce qu'on aime. C'est un rien de mélancolie pure.
    (La lumière du monde, p.31, Gallimard nrf, 2001)
     
  3. Marcher dans la nature, c'est comme se trouver dans une immense bibliothèque où chaque livre ne contiendrait que des phrases essentielles.
    (La lumière du monde, p.33, Gallimard nrf, 2001)
     
  4. Le courage n'est pas de peindre cette vie comme un enfer puisqu'elle en est si souvent un : c'est de la voir telle et de maintenir malgré tout l'espoir du paradis.
    (La lumière du monde, p.40, Gallimard nrf, 2001)
     
  5. [...] l'intelligence cherche toujours quelque chose à aimer, le but étant de devenir soi-même comme le ciel étoilé. La vie est une fête de sa propre disparition : la neige, c'est comme des milliers de mots d'amour qu'on reçoit et qui vont fondre, les roses sont comme des petites paroles brûlantes qui vont s'éteindre, et celui qui arrive à les déchiffrer doit être d'une précision hallucinante s'il veut être cru, s'il veut parvenir à faire voir à d'autres ce qu'il a vu.
    (La lumière du monde, p.43, Gallimard nrf, 2001)
     
  6. Un vrai livre, c'est toujours quelqu'un qui entre dans notre solitude.
    (La lumière du monde, p.44, Gallimard nrf, 2001)
     
  7. Aimer quelqu'un, c'est le lire. C'est savoir lire toutes les phrases qui sont dans le coeur de l'autre, et en lisant le délivrer.
    (La lumière du monde, p.55, Gallimard nrf, 2001)
     
  8. Quand la vérité éclaire partout, c'est l'amour.
    (La lumière du monde, p.56, Gallimard nrf, 2001)
     
  9. [...] ce mélange de vouloir instruire et mépriser à la fois qui est si fréquent chez les intellectuels : on parle à quelqu'un qui est à un mètre de soi et on est envoyé à des années-lumières.
    (La lumière du monde, p.63, Gallimard nrf, 2001)
     
  10. Vouloir expliquer le monde, c'est comme vouloir faire entrer des roses dans un vase à coups de marteau. [...] Ce que j'attends d'une conversation, c'est de l'air.
    (La lumière du monde, p.76, Gallimard nrf, 2001)
     
  11. La vérité nous rend cette candeur première, la beauté de celui qui entre dans une église pour prier sans être vu, ou de celui qui ouvre un livre dans un jardin public : le visage devient alors comme une petite chapelle. C'est beau : on dirait un départ sur place.
    (La lumière du monde, p.95, Gallimard nrf, 2001)
     
  12. Quelle que soit la férocité des hommes, le sourire apparaît chaque fois que quelqu'un est mis au monde. Un sourire peut être angélique ou faux, mais un vrai sourire, c'est le sourire de quelqu'un qui a tout trouvé : il n'y a plus ni calcul ni séduction.
    (La lumière du monde, p.107, Gallimard nrf, 2001)
     
  13. Il y a un critère de la vérité, c'est qu'elle vous change : ça bouleverse comme un amour, la vérité.
    (La lumière du monde, p.135, Gallimard nrf, 2001)
     
  14. Voir un vrai visage, c'est voir quelqu'un qui a vu quelque chose de plus grand que lui.
    (La lumière du monde, p.140, Gallimard nrf, 2001)
     
  15. Penser, c'est regarder au fond d'un puits et y laisser filer un seau relié à une chaîne, et avoir le plaisir de le ramener plein à ras bord d'une eau noire où se reflètent toutes les étoiles.
    (La lumière du monde, p.141, Gallimard nrf, 2001)
     
  16. [...] ce qui me paraît être le plus proche d'un livre, jusque dans sa forme même, c'est une tombe. Sous la couverture du livre comme sous la pierre tombale, il y a une âme qui attend une résurrection.
    (La lumière du monde, p.161, Gallimard nrf, 2001)
     
  17. Deux choses nous éclairent, qui sont toutes les deux imprévisibles : un amour et une mort. C'est par ces événements seuls qu'on peut devenir intelligents, parce qu'ils nous rendent ignorants. Ces moments, où il n'y a plus de social, plus de vie ordinaire, sont peut-être les seuls où on apprend vraiment, parce qu'ils amènent une question qui excède toutes les réponses.
    (La lumière du monde, p.162, Gallimard nrf, 2001)