Citations ajoutées le 25 juin 2001

Bernard Arcand

  1. Comme si la parole ne suffisait plus aux hommes de peu de foi, il faut désormais le voir en photo pour le croire. On était certain, autrefois, parce que c'était écrit « noir sur blanc » dans un journal, on dit maintenant : « Je l'ai vu à la télévision. »
    (La photo, p.38, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  2. Car une photo a toujours pour effet de fixer le temps sur une pellicule, où certains craignent de faire l'impitoyable découverte du temps perdu.
    (La photo, p.40, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  3. Dans nos sociétés avancées, les vedettes qui distribuent leur photo se montrent généreuses et font plaisir aux admirateurs en leur offrant une partie d'elles-mêmes. Les vedettes et leurs admirateurs conçoivent la photo comme une forme sophistiquée de don. Une conception qu'ils partagent avec les primitifs. La puissance de la photographie et de la pensée sauvage n'a jamais été démentie.
    (La photo, p.42, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  4. Photographier une personne, c'est affirmer qu'elle nous intéresse.
    (La photo, p.49, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  5. En parlant des amoureux :
    Leur plus grand désir serait de voir le temps se figer, et c'est pourquoi ils n'ont rien de plus pressé que d'agripper leur appareil photo et de photographier leur bonheur. C'est la seule façon fiable de faire durer la passion.

    (La photo, p.53, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  6. [...] l'éditorial [d'un journal] explique tout de suite ce qu'il faudrait penser.
    (La photo, p.59, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  7. Devant votre porte, un gazon trop long sera interprété comme un signe de négligence, l'indice d'une surcharge de travail, d'une maladie passagère ou d'un deuil familial. Pis encore, une preuve de paresse. La pelouse est un véritable champ du signe.
    (La pelouse, p.65, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  8. Les promeneurs qui respectent la pelouse sont des êtres dominés. Ils refusent d'admettre que la pensée humaine demeure tout aussi sauvage que les herbes de la préhistoire.
    (La pelouse, p.74, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  9. « Donnez à un homme un poisson et vous le nourrirez pour un jour. Enseignez-lui à pêcher et vous le nourrirez pour la vie. »
    Et après ? Enseignez-lui à faire pêcher les autres à sa place et vous le rendrez prospère. Montrez-lui comment s'enrichir et vous verrez que, tôt ou tard, il prodiguera ses conseils au tiers-monde, se croyant philosophe.

    (Le poisson, p.93, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  10. [...] le milieu scolaire demeure l'endroit privilégié où l'enfant construit sa personnalité propre et son identité sociale. C'est le plus souvent à l'école que l'enfant se cherche en faisant l'expérience de ses relations avec les autres : est-il le dernier à être choisi au sein de l'équipe de ballon-chasseur ? a-t-il du succès lors de l'élection du représentant de classe ? est-ce que les autres rient quand il leur fait une grimace ? se moque-t-on de lui à la récréation ? Voilà autant de questions essentielles dont les réponses enseigneront peu à peu à l'enfant qui il est. Est-il populaire, aimable, admiré ? Modérément marginal, différent ou handicapé ? Un peu trop gros, un peu trop laid, boutonneux ou niaiseux ? Rien de tout cela n'est simple ni facile pour personne. L'écolier affronte l'apprentissage de la vie en société. Cela aussi, on le sait très bien.
    (L'enseignement, p.115, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  11. Tout le savoir du monde paraît bien secondaire quand l'éducation est reconnue pour ce qu'elle est : une expérience de séduction à l'extérieur de la famille. En d'autres termes, si l'on voulait être franc, il faudrait considérer l'école comme l'une des conséquences de l'interdit de l'inceste. On doit y trouver ce que la maison n'a pas le droit d'offrir.
    (L'enseignement, p.119, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  12. Mais on sait, la mode vieillit mal et les snobs ont souvent été les gardiens fanatiques de bons goûts qui n'avaient aucun avenir.
    (Le scotch tape, p.128, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  13. La télévision promet la transparence, la télévision est populaire et nous restons collés à nos appareils, nous ne pouvons plus nous en séparer. La télévision est un scotch tape.
    (Le scotch tape, p.134, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  14. De nos jours, les cadeaux se sont multipliés et ont beaucoup grossi : le jouet le moindrement sérieux exige désormais au moins six megs de mémoire vive, soit l'équivalent du contenu de la bibliothèque d'Alexandrie.
    (Le scotch tape, p.140, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  15. Que l'on fasse l'amour ou du bricolage, le calme et le silence améliorent la réflexion et la qualité de l'expérience. Il faut sérieusement haïr quelqu'un pour le tuer en silence, il faut aimer profondément pour faire l'amour sans mot dire ni dire un mot. Il faut être bien sûr de soi et de ses convictions pour agir dans le calme, loin de la spontanéité apparente du vacarme.
    (Les bibliothécaires, p.159, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  16. L'humanité n'a jamais profité des conseils d'experts en orientation professionnelle.
    (La divination, p.177, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  17. [...] il faut d'abord être convaincu que l'argent importe beaucoup pour arriver à croire que perdre son temps constitue un appauvrissement.
    (Le gaspillage, p.205, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  18. On arrive ainsi à mettre le doigt sur l'une des grandes distinctions fondamentales entre l'humain et l'animal. Plus important que l'intelligence, la parole, le rire et la conscience, c'est le fait que l'être humain se pense bon. Et l'on dira plus tard que c'était justement ce qui le rendait si dangereux.
    (Le gaspillage, p.218, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     

Serge Bouchard

  1. La frontière qui sépare le pipi que l'on fait du pipi que l'on retient définit les premiers coups de canon de la culture.
    (Le pipi, p., in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  2. L'appareil photo sait le négatif des choses. Il tire son sens de la mortalité.
    (La photo, p.43, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  3. Se retrouver au mur de la chambre de quelqu'un est encore plus difficile que de simplement y passer une nuit. Passer n'est rien. Être épinglé, c'est autre chose.
    (La photo, p.46, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  4. Les photographes professionnels sont des artistes qui mitraillent la réalité dans l'espoir de frapper un trésor.
    (La photo, p.48, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  5. Oui, le merle est au gazon ce que le mouette est à la mer.
    (La pelouse, p.67, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  6. Le brin d'herbe se voit nier le droit d'être brindille. Comme ce beau brin de fille à qui l'on interdit d'être une vraie femme, ce brin de fille que l'on condamne à la minceur. Pourquoi faut-il que les canons arbitraires de la beauté en soient venus à ne reposer que sur l'impossibilité de grandir ?
    (La pelouse, p.72, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  7. Tout ce qui vit est le reflet de nos idées. La nature exprime nos déceptions, nos peines mais elle exprime aussi notre beauté. Nous faisons un, mais sommes si divers.
    (Le poisson, p.90, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  8. Aimer apprendre, aimer montrer à apprendre, tout cela n'est pas rien dans une société où le savoir est pourtant censé nous tenir à coeur. Mais apprendre à aimer et aimer faire apprendre ne sont plus des expressions courantes dans le lexique moderne. Je dirais même que nous touchons là des sujets tabous.
    (L'enseignement, p.105, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  9. Si vous croyez que l'éducation ne sert à rien, essayez l'ignorance.
    (L'enseignement, p.108, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  10. Nous savons tous ce qu'est un bon professeur, même si nous ne savons pas vraiment comment il s'y prend pour transmettre avec tant d'efficacité le savoir qu'il possède. En ces matières, la compétence se constate plus qu'elle ne s'analyse.
    Dans un autre monde, on parlerait de vocation.

    (L'enseignement, p.110, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  11. [...] quand l'importance du moment rencontre l'insignifiance du temps qui passe, le court-circuit de la condition humaine se montre au plus grand jour.
    (Le scotch tape, p.142, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  12. Le grand philosophe Shankara disait :« C'est immobile que tu voyages le plus, c'est dans la solitude que tu trouveras l'autre, il faut t'asseoir au lieu qui te convient. Inutile de tout lire, il faut d'abord apprendre à lire. »
    (Les bibliothécaires, p.150, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  13. C'est une grande peine pour un livre que d'être abandonné en plein milieu puis d'être bêtement oublié. Cela s'appelle un rendez-vous d'amour raté, un rejet, à la limite une trahison. À cause des yeux, des mains et des doigts, à cause de la délicatesse, de l'attention et des émotions, il est convenable de dire que notre relation au livre est une relation amoureuse.
    (Les bibliothécaires, p.154, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  14. Détruire une bibliothèque, c'est tenter de réduire l'histoire au silence.
    (Les bibliothécaires, p.168, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  15. Le sondeur est le champion de la supercherie. Il crée le monde qu'il sonde. Et le sondage renforce le monde qu'il crée.
    (La divination, p.183, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  16. La divination a de l'avenir.
    (La divination, p.186, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  17. Les camions de bois sont les corbillards des arbres.
    (Le gaspillage, p.217, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     
  18. Nous naissons avec une vie en réserve, une vie que le temps nous fera dépenser. Inventaire et vie sont deux mots qui vont d'ailleurs très bien ensemble. Chacun son lot. Nous vivons jusqu'à l'épuisement des stocks.
    (Le gaspillage, p.224, in Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, Boréal, 2001)
     

Andreï Kourkov

  1. Si tu ne peux pas lire les nouvelles [d'un quotidien] le coeur léger, ne les lis pas du tout.
    (Le pingouin, trad. Nathalie Amargier, p.102, Points/Seuil n°P842)
     
  2. Il suffit parfois d'être épaté par quelqu'un pour lui faire totalement confiance.
    (Le pingouin, trad. Nathalie Amargier, p.168, Points/Seuil n°P842)
     
  3. Tonton Vitia ! s'écria Sonia, émerveillée, un beau matin où elle regardait dehors par la porte-fenêtre du balcon. Les glaçons pleurent !
    (Le pingouin, trad. Nathalie Amargier, p., Points/Seuil n°P842)
     
  4. L'existence est une route, et si on prend la tangente, elle est plus longue. Et là, le processus compte plus que le résultat, puisque l'aboutissement est toujours le même : la mort.
    (Le pingouin, trad. Nathalie Amargier, p.230, Points/Seuil n°P842)